Note de l'auteur. Bonjour à tous ! Je crois que je bats des records de lenteur de postage de nouveaux chapitres, mais il vaut mieux tard que jamais, non ? (Pour tout vous dire, j'ai encore beaucoup de mal à concilier le monde du travail et l'écriture, mais j'espère que ça s'arrangera...) En tout cas, je sais que cette Partie 2 du réveillon de Harry et Drago aura mis du temps à arriver, mais j'espère qu'elle vous plaira !
Pour rappel du contexte, Harry et Drago passent le réveillon au Terrier en temps qu'"amis", mais Drago n'est pas vu d'un très bon oeil par une partie des Weasley. Harry s'énerve de la situation et finit par embrasser Drago, sur un coup de tête.
Bonne lecture !
CHAPITRE 15. Un réveillon au Terrier
Partie 2
Les lèvres de Harry avaient un parfum de champignons, de marrons glacés et de jus de citrouille. Drago ne réagit pas immédiatement, pris de court. Les doigts de Harry s'accrochaient à son col, son corps se pressait contre le sien, et aucun membre de la famille Weasley n'en perdait une miette.
Une vagues d'émotions confuses s'éveilla brusquement dans son corps. Il avait envie de répondre à ce baiser, d'empoigner plus fermement Harry, juste pour le plaisir de faire chier toutes ces belettes qui avaient passé la soirée à jacasser, à le critiquer, à le juger. C'était un sentiment malsain, pernicieux, il en avait conscience – et il était foutrement tentant de s'y enfoncer. Mais une part de lui-même se sentait dépassée par les évènements et terriblement, horriblement humiliée. Tout cela n'était qu'une mise en scène, un spectacle dans lequel il jouait encore une fois le rôle du méchant. Par ce seul baiser aux relents alcoolisés, la soirée était gâchée, et les Weasley n'en tiendraient rigueur qu'à une seule personne : lui. Encore et toujours lui qui, par sa seule existence, bouleversait tous leurs plans. Harry y avait-il songé ? Probablement pas. Dans l'état dans lequel il se trouvait, il s'était laissé emporté par ses émotions sans réfléchir à leurs conséquences. Typique de l'ancien Gryffondor.
Drago rompit leur baiser et se trouva face au regard passionné, brillant, de Harry. Un silence pesant les enveloppait, seulement troublé par le tintement des couverts de Luna qui continuait de savourer sa bûche glacée comme si de rien n'était.
– C'est bon, tu as fini ? siffla-t-il entre ses lèvres.
Les yeux de Harry s'écarquillèrent, trahissant sa surprise face à la colère froide qui battait dans les veines de Drago.
– Pourquoi as-tu fait ça ? ajouta-t-il, maîtrisant difficilement les tremblements de sa voix.
– Je voulais qu'ils sachent… je ne supportais plus leurs regards, leurs réflexions…
– Parce que tu crois qu'ils vont s'arrêter en si bon chemin ?
Harry ouvrit la bouche pour protester, mais ne trouva rien à redire. Drago se tourna vers la tablée, à laquelle leur conciliabule n'avait pas échappé. Si ni Ron ni Hermione n'étaient surpris par la tournure des évènements – bien qu'ils aient tous les deux abondamment soupiré face à leur mélodrame –, ce n'était pas le cas du reste des convives ; il était surprenant que leurs yeux n'aient pas encore jailli de leurs orbites. Molly et Arthur Weasley, en particulier, semblaient en état de choc. La mère de Ron posa une cuillère tremblante sur son assiette et bredouilla, l'air d'avoir reçu un sortilège de plein fouet :
– Qu'est-ce… qu'est-ce que tu lui as fait ?
Elle fixait Drago, le regard éperdu d'effroi. Harry esquissa un geste protecteur, posant la main sur l'épaule de Drago et le poussant légèrement derrière lui, comme s'il pouvait faire écran entre la désapprobation glaciale des Weasley et l'ancien Mangemort.
– Qu'est-ce que tu as fait à ce pauvre garçon ? répéta Molly.
– Rien, répondit Drago, ce qui était la stricte vérité.
– Madame Weasley… Molly, il n'a rien fait… commença Harry, mais elle ne l'écoutait pas.
– Tu vois bien que tu es désorienté, mon pauvre chéri ! C'est un sortilège de confusion, c'est cela ? Tu l'as ensorcelé pendant le repas ?
A la grande surprise de Drago, Ron coupa sa mère :
– Arrête, Maman. Malefoy n'a rien fait de mal.
– Tu vois bien que Harry n'est pas dans son état normal !
– Ouais, comme la moitié de la table qui a touché à ton punch. Mais Drago ne l'a pas forcé à l'embrasser. Il l'a fait de son plein gré. Ils l'ont déjà fait avant.
Molly Weasley battit des cils, incrédule. Les oreilles de Ron étaient devenues écarlates, mais il semblait puiser du courage dans son assiette parsemée de miettes de gâteaux. A ses côtés, Hermione le contemplait avec tendresse, plus fière que jamais.
– Ils sont ensemble, tout autant qu'Hermione et moi, Bill et Fleur, Percy et Audrey… continua Ron sans cesser de rougir.
– Comment est-ce possible ? murmura Molly. C'était un Mangemort !
Un murmure affirmatif parcourut la moitié de la table, et la colère pulsa de plus belle dans les veines de Drago. Il se sentait pris au piège, cerné par tous ces visages hostiles. L'aide de Ron et d'Hermione – ainsi que l'indifférence polie affichée par Fleur et Audrey – ne suffisaient pas à apaiser les battements furieux de son coeur. Il se sentait comme un monstre, marqué au fer rouge sur le front. C'en était trop.
A côté de lui, Harry essayait de le défendre, mais les mots s'emmêlaient sur sa langue :
– Ce n'est pas… ce n'est plus un Mangemort… il ne l'a jamais été de son plein gré, essayait-il de protester, sans parvenir à convaincre Molly, qui s'était mise à secouer la tête en répétant qu'il avait beaucoup trop bu pour savoir ce qu'il disait.
Drago se sentit soudainement honteux, une honte d'autant plus désagréable, d'autant plus étouffante qu'elle était méritée. S'il avait agi autrement, naguère… s'il n'avait pas abondé dans le sens des opinions de ses parents, toisant tous ceux qui étaient différents de lui avec tout son mépris et son dégoût…
Il devait fuir. Il ne pouvait plus rester là, sous le feu de ces regards. Il repoussa Harry, avisa une porte qui menait aux jardins du Terrier et s'enfuit, sans un regard derrière lui.
OOO
L'air était frais, l'horizon saupoudré de flocons de neige. L'herbe gelée crissait sous ses chaussures. Drago s'avança, s'enfonça sous les frondaisons d'un arbre dont les branches nues, cagneuses, ressemblaient à des doigts qui cherchaient à griffer le ciel noir. Le silence lui faisait du bien. La neige étouffait les sons, il avait l'impression d'être propulsé dans un univers de coton. Il se laissa tomber au pied de l'arbre et enfonça son visage entre ses mains.
Au moins, songea-t-il dans son malheur, le repas avait été délicieux. Catastrophique, mais délicieux dans sa simplicité. Au Manoir Malefoy, les réveillons étaient bien plus raffinés, débordant de mets importés des quatre coins du monde. Les plats qui s'étaient succédé à la table des Weasley étaient plus bruts, plus authentiques. Réconfortants.
Son coeur se serra à la pensée du Manoir et de ses parents. Où étaient-ils, à cette heure-ci ? Calfeutrés dans leur cellule, enroulés dans des couvertures trop fines pour leurs corps pâles, aristocratiques, fragilisés par des mois d'humiliation ? Il serra les poings. Aussi cinglée qu'elle soit, Lovegood avait raison : il ne pouvait pas leur dénier une visite, une seule, en cette période chargée de présents, de tendresse et de pardons… Malgré tout le ressentiment qu'il éprouvait…
Un craquement l'arracha à ses pensées. Il releva le visage et vit Ginny et Luna à quelques pas de lui. La première avait l'air excédée, tandis que la seconde observait le jardin du Terrier d'un air absent en triturant rêveusement la ceinture pailletée de sa robe.
– Ah, tu es là ! lui lança la belette lorsque leurs regards se croisèrent. C'est une manie, chez Harry et toi, de vous croire dans une pièce de théâtre ?
– Pardon ?
– Tout ce cinéma, ce baiser public, et toi qui t'en vas en claquant la porte derrière toi… vous avez répété la scène, avant de venir ?
– … Franchement, Weasley. Va te faire foutre.
– Tu as de la neige dans les cheveux, Drago, fit observer Luna en lui souriant gentiment.
Par réflexe, Drago passa la main sur sa tête. Face à lui, Ginny continua, imperturbable :
– Au moins, vous avez réussi votre coup : Maman ne va pas s'en remettre avant plusieurs semaines.
– Ce n'est pas moi qui vais la plaindre, grommela Drago en contemplant ses doigts mouillés de neige.
– Non, bien sûr, soupira la jeune fille en levant les yeux au ciel. Papa et George essaient de la calmer en la gavant de lait de poule. Je crois que Percy s'est étouffé avec la décoration de sa bûche. Charlie et Bill ont ouvert les paris pour savoir depuis quand Harry et toi êtes ensemble, et Fleur, Audrey et Angelina lui posent des questions sur toi.
– Ça aurait pu se passer plus mal, fit remarquer Luna.
– Vous n'y êtes pas allés de main morte, insista Ginny. Même moi, j'ai failli avaler mon verre de travers. Je me doutais qu'il se tramait quelque chose entre vous, mais je ne pensais pas que vous étiez allés aussi loin.
– Ce n'était pas vraiment quelque chose de prévu, répondit Drago en haussant les épaules.
– J'ai trouvé ça adorable, dit Luna, et Ginny esquissa un sourire en se tournant vers elle :
– C'est vrai que leur baiser était mignon. Complètement stupide, mais mignon.
– Qu'est-ce que vous êtes venues faire ici ? Me convaincre de retourner dans la salle à manger ? les interrompit Drago en les gratifiant d'un regard méfiant.
Ginny secoua la tête, faisant voltiger ses longs cheveux cuivrés autour de son visage.
– Non, Luna m'a convaincue de venir te voir pour te remercier.
– Me remercier de quoi ? D'avoir mis un peu d'ambiance à votre Noël ?
– Non, répondit Ginny en fronçant les sourcils, avant de prendre une grande inspiration : J'ai appréhendé cette soirée toute la semaine. J'ai tourné et retourné mille fois les choses dans ma tête, j'ai imaginé le pire : que ma mère m'en voudrait, qu'elle me renierait, qu'elle ne m'écouterait pas… je croyais que le pire arriverait. Et finalement, grâce à votre manège, à Harry et toi, je crois qu'elle ne va pas s'en formaliser plus de deux minutes. Elle est trop choquée que son Harry chéri ait jeté son dévolu sur toi pour avoir l'énergie de jouer les rabats-joies à propos de Luna et moi.
Les deux filles échangèrent un regard et la blonde passa un bras autour de la taille de la rousse, avec une tendresse qui n'échappa pas à Drago. Il ne sut que dire, que faire ni comment réagir lorsqu'elles s'embrassèrent. Il fit mine de regarder une montre invisible, et ne releva la tête que lorsqu'elles s'écartèrent l'une de l'autre. Leurs mains se rejoignirent et Ginny lui adressa un rictus moqueur.
– Bonne chance avec Maman, dit-elle d'un ton léger. On se retrouve à l'intérieur.
– A plus tard, Drago, lui dit Luna en lui adressant un petit signe de la main.
Les amoureuses furent bientôt englouties par la nuit. Drago appuya son dos contre le tronc de l'arbre sous lequel il se trouvait. Alors comme ça, la belette et la toquée étaient ensemble… il ne pouvait pas dire que cette nouvelle l'intéressait particulièrement, mais il y avait quelque chose de réconfortant dans cette image. Au moins, malgré les drames qui se faisaient et se défaisaient en permanence autour de lui, il restait une place pour un peu d'espoir.
Il eut à peine le temps de pousser un soupir avant que deux autres silhouettes ne s'avancent vers lui ; la première avait les joues rosies par le vent, tandis que les boucles de la seconde étaient rabattues sur ses épaules recouvertes d'un fin voile de coton rose pâle.
– Vous vous êtes mis d'accord pour défiler tour à tour devant moi ? s'enquit Drago lorsque Weasley et Granger se furent arrêtés à quelques pas de son arbre.
– Quelqu'un d'autre est venu te voir ? s'étonna Granger en jetant un regard autour d'elle.
– Weasley-fille et Lovegood. Apparemment, Harry et moi avons arrangé leurs petites affaires. Comme quoi, cette soirée ne sera pas perdue pour tout le monde.
Les yeux de Granger s'arrondirent de surprise. Ceux de Weasley s'arrondirent de perplexité.
Granger fut la première à retrouver l'usage de sa langue :
– On voulait voir comment tu allais. Tu es parti assez vite de la pièce.
– Il faut croire que je commençais à être fatigué d'être scruté comme si j'allais sauter à la gorge de leur « Harry chéri » à n'importe quel instant.
– Ils vont s'en remettre, répondit Ron en haussant les épaules. Ils ont connu pire. Maman commence déjà à reprendre des couleurs.
– Harry est allé lui parler, ajouta Hermione. Maintenant que le choc est passé, il essaie de lui faire comprendre que votre histoire est sérieuse.
– Et que tu ne lui as pas jeté de sort.
– Ni empoisonné.
– Ni menacé de s'en prendre à sa famille.
– On pense que ce serait une bonne chose que tu reviennes, conclut Hermione. Maintenant que tu fais partie de la famille, autant qu'ils s'habituent à toi.
– Que je fais partie de la famille ? répéta Drago.
Ces mots étaient étranges. Incongrus. Porteurs d'un espoir, d'une histoire qui lui semblaient totalement décalés avec la réalité. Pourtant, Hermione insista :
– Je sais que votre histoire est très récente, mais tu ne peux pas être avec Harry en laissant de côté sa famille.
– Tu sais, la famille de rouquins pouilleux que tu adorais critiquer, quand tu étais jeune et con, renchérit Ron avec un sourire moqueur.
– Ron ! pouffa Hermione en lui administrant une tape légère sur épaule.
En les voyant s'esclaffer, Drago sentit un étrange sentiment remplacer la colère, la déception, l'humiliation qu'il avaient éprouvées tout au long de la soirée. Il n'était peut-être pas seul… certes, la moitié de la famille Weasley le détestait, mais pourquoi s'échiner à vouloir leur plaire ? Pourquoi accorder de l'importance à leurs préjugés, fondés ou pas ? L'autre moitié de la famille était prête à l'accueillir ; c'était sur elle qu'il devait se concentrer. Hermione, Ron, Ginny, Luna… il y avait aussi tous ceux qui ne lui avaient témoigné aucune aversion, comme Fleur et Audrey, et ce petit garçon qui avait posé de grands yeux curieux sur lui, ce petit-cousin qu'il ne connaissait pas…
– Très bien, soupira Drago. Je rentre avec vous. Mais si ta mère essaie de me jeter un sort, Weasley, t'as intérêt à me rembourser le séjour à Sainte-Mangouste.
– On verra, Malefoy.
OOO
Dès qu'ils posèrent un pied à l'intérieur du Terrier, Drago nota un changement drastique de configuration de la table. A gauche étaient rassemblées les irréductibles belettes, dont l'hostilité se nichait sur chacun de leurs traits : Percy, Arthur, George et Angelina. Au centre de la table, le camp neutre se partageait les restes de la bûche glacée en plaisantant, indifférent aux affres de leurs compagnons : Audrey, Fleur, Bill et Charlie. Et à la droite de la table, à côté de Ginny et Luna qui, désormais assises l'une contre l'autre, se tenaient la main en se dévorant des yeux, se trouvait une Molly Weasley échevelée qui finissait un verre de punch de la taille d'une marmite.
– Drago, tu es là…
Le jeune homme redressa le nez et vit Harry approcher de lui, l'air hésitant. Il devait avoir bu une potion, car il semblait plus alerte qu'auparavant et si ses yeux brillaient encore, l'alcool y était étranger. Rivés sur ceux de Drago, ils étaient emplis de regrets et d'excuses muettes.
– Je suis désolé pour tout à l'heure, murmura-t-il. J'ai été stupide et irréfléchi.
Un mince sourire chatouilla les lèvres de Drago.
– Je commence à avoir l'habitude. Je suppose que c'est le lot de ceux qui décident d'être proches de toi.
Harry esquissa à son tour un sourire.
– En tout cas, tu rentres à temps pour la distribution des cadeaux.
– Je n'ai rien acheté à personne.
– Heureusement pour toi, Hermione a prévu le coup.
Effectivement, la jeune femme fit choir de son minuscule sac à main une impressionnante pile de cadeaux, enrubannés de papier brillant. Les enfants se rassemblèrent autour du sapin clignotant en trépignant d'impatience, la bouche pleine de rires et de chocolat fondu. Drago éprouva un curieux sentiment en les voyant attendre avidement la distribution des cadeaux, un mélange d'agacement, de jalousie et de tristesse. Tous ces petits visages reflétaient un tel espoir, une telle innocence… Même les irréductibles belettes eurent un sourire et allèrent serrer leur progéniture dans leur bas en chassant les larmes d'émotion qui perlaient à leurs yeux.
En voyant les enfants s'accrocher à leurs parents, Drago détourna les yeux et croisa le regard inquiet de Harry.
– Ça va ?
Drago haussa les épaules.
– Tu sais, je n'ai jamais connu ça, lui murmura Harry en passant un bras autour de lui, rapprochant doucement leurs corps l'un de l'autre, ignorant les regards scandalisés de Percy Weasley. Pour mes six ans, les Dursley m'ont offert une boîte de pâté pour chiens.
– Tu aurais vraiment dû transformer tes Moldus en ragondins quand tu en avais l'occasion, marmonna Drago.
– Peut-être, admit Harry.
– Je n'ai jamais eu ce genre de problème. Mes parents m'offraient tout ce que je voulais.
– Et tu leur demandais quoi ? Des poupées vaudous en forme de Moldus à torturer ?
– Ha ha, très drôle. Je m'intéressais plutôt aux balais volants et aux accessoires de Quidditch, figure-toi.
– Ça ne m'étonne pas. Je suppose que tes parents t'offraient un balai dernier cri à chaque Noël ? Avec un casque intégré, pour que leur fils n'abîme pas son précieux crâne en le fracassant contre un arbre ?
– Tu supposes bien.
Un bref silence succéda à leurs paroles, ponctué des cris de joie des enfants qui découvraient les présents que les Weasley – et, surtout, Hermione – leur avaient réservé.
– Ils te manquent ? demanda subitement Harry.
La question le prit de court. Harry attendit patiemment sa réponse, son bras toujours autour de lui, comme un encouragement muet à se confier sur les pensées qui obscurcissaient son coeur.
– Un peu, admit Drago à contrecoeur.
– Tu iras les voir ?
Il baissa les yeux.
– Peut-être.
– Je viendrai avec toi, si tu veux.
Un sourire moqueur étira douloureusement ses lèvres.
– Tu as envie qu'ils aient une crise cardiaque ?
– Je suis sûr que j'arriverais à les convaincre que je suis quelqu'un de bien pour toi, riposta Harry avec un sourire moqueur.
– Pfff, continue comme ça et tes chevilles ne passeront même pas les portes d'Azkaban.
Leur conciliabule fut interrompu par une Hermione qui avait retrouvé sa bonne humeur, et qui les traîna presque de force jusqu'à la table où patientaient les autres adultes. A sa grande surprise, Drago vit que plusieurs paquets cadeaux avait été déposé à côté de son assiette. Il capta le regard échangé entre Ron et Hermione et comprit qu'ils étaient de leur fait – si cela n'avait tenu qu'à elle, Molly Weasley lui aurait probablement offert une tasse de venin d'acromentule.
Il fut d'autant plus surpris de voir qu'ils avaient visé plutôt juste, en lui offrant des livres consacrés au Quidditch. Ginny et Luna lui avaient également acheté un paquet de confiseries, et Fleur insista pour qu'il accepte la chemise qu'elle avait initialement prise pour Bill, arguant que celui-ci en avait déjà une dizaine et que « oh là là, tu ne peux pas sortir habillé comme ça, tout ce noir est vraiment beaucoup trop déprimant, et ça ne va pas du tout avec tes cheveux ». Lorsqu'il ouvrit le paquet contenant le machin moldu (un téléphone portable, d'après la notice) que lui avait acheté Harry, il regretta vaguement de ne rien avoir prévu pour lui.
– Je n'ai besoin de rien, lui assura ce dernier, devinant son malaise.
– Une brosse à cheveux, peut-être ? suggéra Audrey, et même George consentit à sourire.
La suite de la soirée fut moins agitée que le repas. Molly Weasley mit de la musique lyrique – les années n'avaient pas estompé sa passion pour Célestina Moldubec –, mais Charlie la remplaça rapidement pour choisir des morceaux plus dansants. Harry et Drago s'installèrent dans le canapé et Harry entreprit d'expliquer à Drago comment se servir de son nouveau téléphone.
Percy vint d'asseoir sur le fauteuil qui leur faisait face, l'air renfrogné et les lunettes de travers. Drago lui jeta un regard méfiant, auquel il répondit d'une moue hautaine.
– Tu n'étais pas aussi distant avec mon père, autrefois, Weasley, lui dit remarquer Drago en tapotant sur les touches du téléphone.
Il sentit Harry se figer à côté de lui et jeter un regard à Percy. Ce dernier se renfonça dans son siège, l'air soudainement embarrassé.
– Dans mes souvenirs, tu étais même le premier à lui tourner autour pour avoir son approbation. Tu savais qu'il avait du poids auprès du Ministre de la magie, et tu voulais t'en servir comme tremplin pour t'élever dans la hiérarchie. Je me trompe ?
La voix de Drago était glaciale. Il prenait soin de détacher chacune de ses syllabes, sans pour autant accorder à Percy le moindre regard. Il n'en avait pas besoin pour deviner qu'il se ratatinait de plus en plus sur lui-même, les lunettes manquant de dégringoler de son long nez.
– Je ne savais pas qu'il était Mangemort, protesta Percy d'une voix mal assurée.
– Tu savais qu'il était opposé aux intérêts de ta famille. Tu savais que ses décisions allait discréditer ton père, ta mère, tes frères, ta soeur.
– Je… je… bredouilla Percy, pris de court.
– J'ai des défauts, Weasley, je ne le nie pas. Mais moi, au moins, j'ai toujours agi dans l'intérêt de ma famille.
Un long silence succéda à ses paroles, seulement troublé par les rires des enfants qui continuaient de s'amuser sous le sapin, indifférents aux drames de leurs parents.
– Papa, papa regarde ma poupée ! glapit soudainement une fillette rousse en se jetant au coup de son Percy, qui sursauta violemment. Elle est trop belle, hein ?
– J-je… oui, ma chérie, oui, elle est magnifique, murmura-t-il en refermant les bras autour de l'enfant.
Il détacha ses yeux de Drago. Lorsqu'ils se posèrent sur la petite fille, ils se voilèrent de tristesse et un mince sourire zébra le bas de son visage.
Il ne fit plus aucune remarque à Drago jusqu'à la fin de la soirée.
Les heures s'égrenèrent dans une tranquillité bienvenue, après l'agitation du repas. Si Drago refusa obstinément de danser – malgré l'insistance féroce de Ginny –, Harry accepta d'accorder quelques pas maladroits à Luna. Drago l'observa sans rien dire, sirotant du bout des lèvres un verre de jus de citrouille. Les festivités n'avaient rien à voir avec celles dont il avait l'habitude au Manoir – avec leur lot de mets distingués apportés par des elfes de maison et d'invités de marque à brosser dans le sens du poil – mais elles avaient quelque chose d'indéniablement rassurant. Il comprenait mieux d'où Harry tenait son optimisme et cette simplicité qu'il avait passé tant d'années à mépriser.
A l'approche de minuit, Hermione fit tintinnabuler sa fourchette contre la coupe de Ron et se leva, les joues rose vif.
– Ahem… j'espère que cette fois-ci, ce sera la bonne, balbutia-t-elle sous les regards intrigués des invités. Ron et moi souhaitions vous annoncer que… je suis enceinte !
L'espace d'un battement de coeur, le temps fut suspendu. Hermione contemplait les Weasley, Luna, Harry et Drago avec de grands yeux où la joie se disputait à l'appréhension. A ses côtés, Ron avait niché sa main contre sa taille et la serrait contre lui, comme pour la protéger de la tempête qui n'allait pas tarder à s'abattre sur eux.
Elle ne mit longtemps avant d'éclater. Des cris de joies, des applaudissements, des rires saluèrent Hermione qui vira au rouge vif sous ses boucles brunes. Tout à coup, ce fut comme si toute l'hostilité adressée à Drago avait éclaté au profit de la bonne nouvelle. Plus personne n'accordait d'attention à Harry et lui, à leur grand soulagement. Des larmes brillèrent dans les yeux de Ron, mais elles furent rapidement éclipsées par celles de sa mère, dont la poitrine était agitée de sanglots bruyants. Elle riait pourtant, et elle étreignit le couple avec une tendresse qui rappela à Drago sa propre mère. Pendant une fraction de seconde, le visage de porcelaine de Narcissa Malefoy se superposa à celui de Molly Weasley. Il détourna les yeux, la gorge soudainement serrée.
Harry avait rejoint les embrassades ; il serrait ses amis contre lui et malgré son sourire sincère, Drago décela une pointe de tristesse dans ses yeux. Les enfants d'autrefois avaient bel et bien grandis, sans plus aucun retour en arrière possible. Après avoir remercié les Weasley et Luna, Hermione se tourna avers lui et lui adressa un sourire noyé de larmes.
– J'espère que tu auras meilleur goût que tes parents en matière de prénom, Granger, lui assena-t-il – ce qui la fit éclater de rire.
– Ça ne pourra pas être pire que les tiens, Malefoy, fit observer Ron.
– On pensait l'appeler Rose, ajouta Hermione en effleurant son ventre.
– Et si c'est un garçon ?
– Ce sera une fille, répondit-elle, sûre d'elle.
Drago n'eut rien à ajouter. Harry revint se placer à côté de lui, sa main cherchant la sienne dans l'ombre du salon.
