Quatrième partie
Rodney avait l'impression que sa tête allait exploser. Non, il avait l'impression qu'elle avait explosé et les conséquences étaient superrrrrr déplaisantes. Il ouvrit les yeux. Brouillard, formes indistinctes et floues. Humpf. Autant les refermer. De toute manière, Carson allait bientôt arriver et il aurait encore plus mal au crâne à écouter le médecin écossais avec sa voix aigue et son accent épouvantable. Il poussa un petit soupir et allait se rendormir lorsqu'un frisson le parcouru.
Et si Carson ne venait pas ? Si … Et de toute manière, pourquoi avait-il si mal à la tête ? Hummm, quelle était la dernière chose dont il se souvenait. Il avait travaillé toute la journée avec Zelenka et ensuite … ensuite. Etait-il allé se coucher ? Non, il ne se rappelait pas avoir regagné ses quartiers avant que sa radio … Oh mon Dieu ! Ca y'est il se souvenait !
Il ouvrit à nouveau les yeux et tenta de se mettre en position assise, ses jambes et ses bras volant un peu dans tous les sens. S'échapper, s'enfuir, vitevitevite … C'était tout ce que son cerveau embrouillé pouvait produire : un signal désespéré, l'urgence de la fuite.
Rodney entendit juste un long grognement et quelque chose s'abattit sur lui etle plaqua au sol sans grande considération pour son état. Il se débattit un moment puis cessa de bouger, la lutte pour respirer étant devenue la seule chose importante. Rodney avait l'impression que ses poumons allaient exploser et respirer était une tâche quasi impossible, le poids sur lui était trop important, il sentit que dans quelques secondes il allait tout simplement tourner de l'œil. Et soudain, le poids se retira et il put à nouveau respirer, de longues goulées d'air marin.
Air marin ?
Rodney se concentra sur les bruits autour de lui. Ils étaient en plein air, sur l'un des docks de la Cité. Le vent balayait la place et les vagues en s'écrasant contre la digue produisaient des gerbes d'eau. Rodney pouvaient sentir les embruns sur son visage. Et il pouvait le sentir, lui, à ses côtés.
Il n'osait pas ouvrir les yeux. Mais il le fallait non ? Qu'aurait fait le Major Sheppard. Le grand et héroïque Major Sheppard. Déjà, il ne se retrouverait certainement pas dans cette position. Il ne se serait pas laissé enlever par un wraith et si ç'avait été le cas, il l'aurait déjà certainement réduit en miettes. Seulement, il n'était que Rodney McKay, et il avait peur, il avait froid et sa tête le faisait souffrir.
Il décida quand même d'ouvrir les yeux.
La créature était là, à moins d'un mètre de lui, fixant les vagues. Rodney se mit sur le côté péniblement. Le wraith ne bougea pas. Rodney mit ses mains sous lui, puis, lentement, parvint à sa mettre en position assise. Il regarda autour de lui. Ils étaient seuls. Doucement, il tenta de s'éloigner du wraith, utilisant ses pieds et ses mains pour reculer, les fesses toujours par terre. Il avait l'impression de ramper. Non, il rampait, ce n'était pas une impression. Certainement encore quelque chose que Sheppard n'aurait jamais fait.
Bon sang ! Il fallait qu'il arrête de penser comme ça au Major. Ca ne le mènerait à rien, sauf à le déprimer davantage.
Il s'arrêta brusquement. Le wraith avait tourné les yeux vers lui. La créature se leva. Mon Dieu, pourquoi fallait-il que ces choses soient si grandes ! Il devait mesurer pratiquement un mètre quatre vingt dix et se tenait juste au dessus de Rodney. Ce dernier essuya l'eau qui se trouvait sur son visage, les embruns étaient devenus une petite pluie fine.
Le wraith se baissa et Rodney cru sa dernière heure arrivée, il attendait la douleur désormais connue, celle qu'il avait ressentie dans la cellule lorsqu'il avait volontairement saisit la main du wraith pour se la plaquer contre la poitrine. Une douleur intense qui irradiait tout le corps comme si chacun des nerfs étaient subitement en feu. Mais rien ne se produisit.
Rodney ouvrit les yeux.
Le wraith, Steve, se trouvait à quelques centimètres de lui, la main levée pour frapper. Une main figée en l'air. Rodney cligna des yeux pour chasser l'eau qui s'y trouvait et qui rendait sa vision floue.
Steve baissa la main. Son visage était à quelques centimètres de celui de Rodney. Ce dernier se surprit à penser que l'haleine du wraith était inodore. Il aurait pensé qu'avec une telle dentition l'haleine de ces choses devait tuer les mouches à un kilomètre. Son cerveau était complètement ramolli : il allait mourir dans d'atroces souffrances et à quoi est-ce qu'il pensait, hein ? A une curiosité bucco dentaire, ou stomacale. Il était en train de perdre la tête …
Le wraith se releva. Rodney était paralysé. Il n'osait pas bouger de peur qu'il ne revienne pour reconsidérer son choix. Il n'avait peut-être pas faim. Oh Mon Dieu ! Il avait du se nourrir des gardes et … Rodney eu un haut le cœur. C'était pour ça qu'ils étaient seuls sur ce dock. Steve avait du tuer tous les autres.
L'estomac de Rodney se rebella à cette idée et cette fois, il ne parvint pas à le retenir. Il eut juste le temps de se mettre sur le côté et vomit le peu qu'il avait mangé aujourd'hui. Il vomit jusqu'à ce qu'il ne lui reste plus que de la bile.
« Vous êtes faibles, juste bon à nous amuser par vos efforts pathétiques pour vous enfuir, juste bon à nous nourrir. »
Steve le regardait, ses yeux jaunes fixés sur le vomi devant lui, un air clairement dégoûté sur le visage.
« Comment avez-vous fait ? »
La question prit Rodney au dépourvu.
« Comment …, » Il se passa la langue sur les lèvres pour récupérer un peu d'eau, sa bouche était si sèche, « … quoi ? Je ne suis pas sûr de … »
Il fut coupé par la main qui s'abattit sur lui, enserrant son cou et le plaquant une fois encore au sol. Steve poussa un autre grognement.
« COMMENT AVEZ-VOUS FAIT ! »
Rodney secoua la tête, la main serra encore un peu puis soudain avec un cri de rage, Steve le relâcha.
Rodney resta allongé sur le sol, respirant comme un poisson tiré hors de l'eau, cette fois, il ne se releva pas, et laissa la pluie, désormais battante, tomber sur son visage.
xoxoxoxoxoxoxoxox
John était furieux. Non, furieux n'était pas assez fort pour décrire son état, enragé ? Okay, enragé, s'il avait été un chien, il aurait sans nul doute montré les crocs, mais il était juste le Major John Sheppard et il se contentait de serrer les dents. Si fort qu'il s'étonnait que sa mâchoire résiste à la pression qu'il lui faisait subir.
Ils étaient dans la cellule. Vide. Plus de wraith juste des cadavres.
Trois gardes avaient été tués par le wraith. Leur état de momies desséchées ne laissait aucun doute sur la manière dont ils étaient morts. Les trois autres n'étaient pas en meilleur état. Beckett et son staff travaillaient sur le Sergent Trévor. Il n'était pas sûr du tout qu'il survive.
John avait envie de frapper quelque chose, de préférence quelque chose dotée d'une chevelure de crin blanc et d'un sourire digne de Tim Curry (4). Ouais, mais pas disponible pour le moment.
« C'est curieux quand même. »
John se tourna vers le Sergent Bates qui avait parlé.
« Qu'est-ce qui est curieux Sergent ? »
Sa voix était sèche et il n'en revenait pas d'être capable de parler sans hurler. Parce que c'était vraiment ce qu'il voulait faire, hurler.
« Et bien, il les a tous tués. Sauf le Docteur McKay, pourquoi ? »
John regardait la cage. Il se rappelait de la dernière fois qu'il s'était tenu là. Il se souvenait de McKay, blême, entre les mains du wraith. Il se souvenait de la proposition du wraith. Un échange. Et il avait dit oui bien sûr, sans hésiter. Pour sauver un coéquipier. Non, pour sauver … Il secoua la tête.
Il se rappelait surtout de ce qui s'était passé après. Il avait commencé à avancer vers la cage, prêt à prendre la place de McKay et ce dernier … Il ferma les yeux, les images défilaient dans sa tête, aussi claires et fidèles que ce jour là. Ce dernier avait eu ce geste incroyable, ce geste qui aurait pu le tuer. Ce geste que Sheppard ne lui pardonnerait jamais.
Il avait été si furieux après McKay pour avoir fait ça. Cet idiot avait failli y passer ! Et alors, comment aurait fait Atlantis, hein ? Lui qui était toujours à dire que sans lui, la Cité s'écroulerait comme un château de cartes, que sans lui, ils n'avaient aucune chance de retrouver un EPPZ, et encore moins d'en faire fonctionner un. Rodney McKay était irremplaçable. Alors pourquoi avait-il fait ça ?
John entra dans la cage déserte. A l'extérieur, Zelenka était penché sur le panneau de contrôle. Enfin sur ce qui en restait. Il avait tout bonnement explosé. Bates se trouvait près de lui et hochait la tête de temps à autre, acquiescant à ce que lui disait le scientifique.
Sacrifice. C'était le maître mot ici. C'était à John se sacrifier pour les autres. C'était son job, son sacerdoce. C'était ce qu'il était. Pas McKay.
Mais bien sûr, John savait qu'il se mentait à lui-même. Oh, pas sur ses capacités à se sacrifier, mais sur les raisons qui ce jour là l'avait conduit à se proposer comme nourriture à un wraith affamé.
Il ne l'avait pas fait parce que c'était son job, ou pour Atlantis. Il l'avait fait pour Rodney. Il ne voulait pas que Rodney meure. Il n'était pas question du Docteur McKay, astrophysicien de génie. Non, juste de Rodney, enquiquineur, arrogant, se plaignant pour un oui ou pour un an, Rodney, si vrai dans tous ce qu'il faisait, sans masque, sans hypocrisie. Pas comme lui.
Il avait compris ce qu'avait fait Rodney. La même chose que lui : il s'était sacrifié pour John Sheppard. Le regard qu'ils avaient échangé juste avant que la main crochue ne s'abatte sur la poitrine du scientifique avait été une révélation.
John sortit de la cage et posa son front sur les barreaux devant lui.
Seulement, ce n'était pas possible. Ce … cet amour, ou quoique ce fut, était impossible. On ne peut pas combattre ce qu'ils combattaient et se trouver émotionnellement impliqués avec un de ses coéquipiers.
John poussa un petit ricanement.
Surtout si le coéquipier en question est un homme. Disons que cela ne fait que compliquer les choses.
Alors John avait ce qu'il fallait pour que cela s'arrête là. Il avait banni Rodney McKay de sa vie purement et simplement. Plus de soirées ensemble à regarder un match, plus de déjeuner en tête à tête, plus d'heures entières passées dans le laboratoire, plus rien.
John était un hypocrite. Ceux de la pire espèce. Ceux qui se cachent derrière de grandes et belles motivations : il faisait ça pour le bien de tous, il faisait ça pour protéger McKay, il faisait ça pour Atlantis.
Foutaise !
Il faisait ça pour lui, parce que la vérité, c'était qu'il avait peur.
Peur. Comme aujourd'hui devant cette porte ouverte.
Peur de perdre Rodney.
A suivre …
(4) Pour Téli : ce remarquable acteur jour le rôle de Grippe-sou, le méchant de l'adaptation TV de IT par Stephen king (CA en français). Il joue aussi le méchant (genre diablotin rouge, pieds de bouc et cornes sur la tête) du film Legend de Ridley scott. Il a effectivement un sourire étonnant !
