Sixième partie

John était en train de s'équiper, il ferma sa veste, vérifia que son 9 mn était bien calé dans son holster, le tout avec des gestes brusques, le tout dans un terrible silence. Autour de lui, ses subordonnés l'observaient à la dérobée. Il s'en fichait complètement. Il n'avait qu'une idée en tête.

Retrouver Rodney.

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Gauche, droite, gau … che, droi … Rodney tomba à genoux. Non ! Il devait marcher parce que sinon … Il tenta de se relever. Rien à faire, ses jambes ne voulaient pas lui obéir et il sentait à peine ses bras, ou le reste de son corps en fait. C'était comme s'il était complètement engourdi. Il se sentit glisser par terre, comme au ralenti.

Et une paire de bras le rattrapa avant qu'il ne touche le sol. Qui ... ? Un nom s'imposa immédiatement dans son esprit.

« Jo… John ? »

Les bras se refermèrent sur lui et le soulevèrent délicatement comme s'il était la chose la plus fragile qui soit. Il fut enveloppé dans quelque chose, un vêtement, une couverture, peu importait, il avait si froid … Et puis, il fut à nouveau en mouvement. Porté. Comme un bébé. L'idée que John le portait dans ses bras comme un enfant était étrange et rassurante à la fois.

Son esprit était complètement embrumé, confus. Il savait qu'il avait quelque chose à faire, ou à dire … oui, à dire, c'était ça, il fallait … il avait quelque chose d'important à dire à John. Important, avant qu'il oublie.

« John … je … je t'aime. »

Voilà, il l'avait dit. Facile. Plus de problème maintenant. Même s'il oubliait … non, il n'oublierait pas puisqu'il venait de lui dire et …

Rodney s'assoupit, bercé par le rythme des pas de John.

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Steve regardait l'humain dans ses bras. Il était pris entre deux impulsions aussi violentes l'une que l'autre : se nourrir de lui, sentir sa vie lui échapper, sentir cette sensation exquise de puissance, ou lui arracher ses vêtements, et … et … cette seconde impression était plus confuse, comme s'il lui manquait des informations pour en saisir complètement le sens. Il caressa le visage pâle qui reposait sur sa poitrine, la caresse était différente de … de quoi ?

Steve grogna. Il pencha sa tête en arrière et laissa l'eau couler sur son visage. L'humain poussa un gémissement, non, un murmure. Steve s'approcha de lui … et « John » ? Qui était John ?

Il se releva et regarda autour de lui. Il fallait qu'il trouve un endroit où mettre le semi atlante en sécurité et … Steve stoppa net sa progression, comme frappé en pleine face. La sécurité d'un humain ? Il pensait à la sécurité d'un être qui n'était rien d'autre que de la nourriture ?

Il sentit la confusion l'envahir une fois de plus. Un sentiment inconnu, étrange, dérangeant qui semblait lui infuser de la chaleur, qui le motivait pour avancer, qui …

ASSEZ !

Il était un wraith ! Un guerrier ! Il … le semi-atlante poussa un autre gémissement.

Steve le regarda une fois encore. Et son instinct pris le dessus …

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John activa son communicateur.

« Zelenka ? »

/Oui, Major. Ils sont dans la partie est de la Cité, près de ce qui ressemble à des docks. Ils semblent se diriger vers une des petites tours qui se trouvent à proximité. Nous n'avons pas exploré cette partie de la Cité, mais les plans montrent deux entrées, je vous envoie ça. Major, dès que vous serez assez proches, vous pourrez les suivre avec votre détecteur de vie./

« Bien. Lewis, Stackhouse, vous êtes avec moi, Bates, Markham, vous couvrez la seconde entrée. »

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Ils arrivèrent près de la fameuse tour. La pluie se déchaînait dehors mais ils n'avaient pas le choix, il leur fallait passer par les docks pour rejoindre celle-ci. Il s'agissait d'une petite tour d'une dizaine de mètres de haut, ressemblant à une cheminée de cargo.

Comme celle du Titanic pensa John. Il secoua la tête, pas le moment de penser à des trucs comme ça. Il fit signe à Bates de contourner la structure, Markham le suivit. John jeta un coup d'œil à son détecteur. Le petit boîtier blanc en forme de gameboy montrait deux sept petits signaux : 6 blancs, 1 rose. Un signal rose et un signal blanc, l'un contre l'autre. Il leva les yeux vers la tour.

Il était temps … temps de faire face à la vérité.

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Steve déposa le semi-atlante dans un des coins de la pièce. Un refuge. Il avait trouvé un refuge. Au sec. Pour … Il secoua la tête.

Une immense baie vitrée laissait filtrer la lumière de la lune. Steve se leva. Il jeta un regard à la chose à ses pieds. L'humain était inconscient, secoué de frissons. Il délirait, murmurant des phrases sans réelle signification. Du moins pour le wraith. Steve s'éloigna et se planta devant la baie, face à l'océan. Il renifla l'air autour de lui.

Bientôt … bientôt, l'atlante viendrait réclamer ce qui était à lui.

Bientôt, il allait enfin comprendre.

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John se déplaçait prudemment mais avec assurance. L'assurance de celui qui a participé à des missions de sauvetage derrière les lignes ennemies. L'assurance de celui qui sait ce qu'un faux pas peut coûter. La vie.

Oh, pas la sienne, non, celle de Rodney. Encore qu'il le savait à présent, si Rodney mourrait, il ne resterait pas grand-chose du Major John Sheppard. Si Rodney mourrait …

Cela n'arriverait pas. Inconcevable. Inacceptable.

Les conseils de ses instructeurs lui revenaient tous à l'esprit, des conseils sur la manière de se déplacer sans faire de bruit, sur la façon dont on pouvait laisser croire à l'ennemi que le nombre faisait la force, que la lumière était un signe de sécurité.

John était seul. Il avait fait le choix de laisser Lewis et Stackhouse derrière lui. Plus facile. Plus efficace. Il se déplaçait seul dans les couloirs et escaliers menant à la tour. Seul avec un puissant allié.

L'amour.

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Rodney avait mal partout. Où plutôt, il avait mal à certains endroits alors que les autres semblaient tout simplement ne pas exister. C'est ainsi qu'il savait qu'il avait encore une tête. Pas parce qu'il pouvait encore réfléchir, mais parce qu'elle menaçait d'exploser. Quelque chose qui n'existerait pas ne ferait pas ça, n'est-ce pas ? En revanche, il ne pensait pas avoir encore un corps. En tout cas, plus de bras ou de jambes. Nope. Il ne pouvait rien bouger ou sentir. Il étouffa un petit gloussement, s'imaginant comme dans ce film de Tim Burton : juste une tête dans un bocal, pas de corps (7). Enfin, sauf si elle explosait.

Il essaya d'ouvrir les yeux. Sans résultat. Ses paupières restaient collées. Humpf. Pas drôle. Peut-être que John pourrait l'aider … John ? Il était là, non ?

« John ? »

Okay, il pensait avoir dit John mais c'était plutôt sorti comme « Jnnnnnn ? ». Nul. Il avait une tête, mais il ne pouvait rien lui faire faire, ni ouvrir les yeux, ni parler ni … rien. Frustrant. Surtout si John était avec lui. Il allait penser qu'il était un idiot. Alors qu'il lui avait dit … il lui avait dit … quelque chose … avant ... avant que sa tête ne frise l'explosion et que quelqu'un ne lui ait volé son corps. Quelque chose d'important.

Que se passerait-il si … s'il ne pouvait pas le redire ? Si John n'avait pas entendu. Sheppard était bien connu pour faire semblant d'écouter. Surtout lors des briefings. Et des débriefings.

Quelque chose se posa sur son front. Quelque de froid, de doux. Hummmmmmm. Merci John, merci, c'est juste ce qu'il fallait, juste …

Rodney sombra une nouvelle fois dans l'inconscience.

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Steve essora le linge avec lequel il épongeait le front de l'humain. Il pleuvait encore dehors et il lui avait suffit d'ouvrir la baie pour récolter un peu d'eau. Le visage de l'humain était rouge et brillant et sous ses paupières, ses yeux roulaient sans cesse.

Et Steve ne savait pas quoi faire.

Il était un wraith, un guerrier.

Et il ne savait plus rien, sauf qu'il voulait que cet humain vive.

A suivre …

(7) « Mars attack », le film anti- « independance day » par définition !