Résumé
« Au bout de plusieurs minutes de course, il commença à avoir mal aux jambes. Chaque foulée devenait plus pénible que la précédente chaque nouvel impact de ses semelles usées sur le sol dur remontait le long de ses jambes sous la forme de vibrations douloureuses. Son souffle se faisait de plus en plus court. Il n'allait plus tenir très longtemps. Il devait trouver un moyen de semer ses poursuivants, et vite. »
Chapitre 3 – Capturé
« Hé, rends-moi ça ! » cria la fille – une ferrailleuse vue sa tenue – à l'adresse de Cal. Mais trop tard, il s'était déjà évanoui dans la foule dense et compacte.
Comme à son habitude, il se réfugia dans une ruelle – sa ruelle désormais – pour compter les crédits impériaux obtenus dans sa main. Trois crédits. Il soupira de déception. Il n'allait pas aller bien loin avec ça.
Ces trois derniers mois avaient pourtant été pour lui l'occasion de s'améliorer. Il était devenu de plus en plus discret et de plus en plus rapide, et la plupart de ses victimes ne se rendaient même pas compte du vol – en tous cas pas avant qu'il n'ait disparu de la circulation.
Règle n°1 : ne te fais pas remarquer.
La première des règles qu'il s'était imposé à lui-même depuis qu'il avait atterri sur Bracca.
S'il avait commencé par quelques vols uniquement sur de riches passants, il avait revu ses critères à la baisse depuis l'avènement de l'Empire – les riches avaient pour la plupart quitté Bracca, et il ne restait que les défavorisés, les ferrailleurs, les laissés pour compte comme lui. Par conséquent, n'importe qui était maintenant susceptible de devenir sa cible, même le plus pauvre – c'était une simple question de survie. Et même si Cal continuait à espérer que des Jedi le retrouveraient bientôt – la nuit, dans ses rêves les plus fous, il s'imaginait reprendre Coruscant et vaincre l'Empereur avec une armée de Jedi ayant survécu à la Purge comme lui – il devait reconnaître que ses idéaux en avaient pris un sacré coup. Il lui arrivait encore parfois de penser à son maître et à son ancienne vie de Padawan, mais ces pensées se faisaient de plus en plus rares. Elles étaient progressivement remplacées par d'autres soucis – se protéger de la pluie, trouver à manger, échapper aux patrouilles impériales, se cacher, ne surtout surtout pas recourir à la Force… Voilà ce qu'était désormais son misérable quotidien.
« Le voilà, c'est lui ! » s'exclama avec fureur une voix féminine.
Cal releva la tête. La ferrailleuse ! Elle l'avait retrouvé ! Et elle avait ramené avec elle deux stormtroopers.
La peur le submergea comme une vague brutale, et il sentit sa gorge se serrer. Ils ne devaient surtout pas l'attraper ! S'ils découvraient qui il était vraiment, il était foutu – il avait eu vent de ce que l'Empire réservait aux rares Jedi ayant survécu à la Purge.
Il n'attendit même pas qu'ils aient eu le temps de s'approcher pour lui demander son identité et il détala en vitesse vers le fond de la ruelle. Il connaissait bien les rues du District 21 maintenant. Mais il savait que semer deux adultes entraînés – des troopers qui plus est – sans l'aide de la Force allait être compliqué.
Il courait le plus vite possible pour tenter de semer ses poursuivants, faisant bien attention à ne pas glisser sur le sol détrempé – il avait encore plu cette nuit. Mais il avait beau courir vite, à chaque nouvelle rue les deux soldats se rapprochaient un peu plus de lui et sa panique continuait de s'accroître. Il ne devait surtout pas perdre le contrôle.
Ne fais pas appel à la Force. Ne fais pas appel à la Force. Ne fais pas appel à la Force, se murmurait-il à lui-même tandis qu'il courait aussi vite qu'il le pouvait dans le dédale tortueux des ruelles de terre battue.
Un tir de blaster siffla près de son oreille droite, le manquant de peu. Visiblement, les deux stormtroopers se moquaient de l'attraper vivant – raison de plus pour leur échapper.
Au bout de plusieurs minutes de course, il commença à avoir mal aux jambes. Chaque foulée devenait plus pénible que la précédente chaque nouvel impact de ses semelles usées sur le sol dur remontait le long de ses jambes sous la forme de vibrations douloureuses. Son souffle se faisait de plus en plus court. Il n'allait plus tenir très longtemps. Il devait trouver un moyen de semer ses poursuivants, et vite.
Il dérapa sur le sol glissant avant de tourner rapidement dans une petite ruelle sombre. Là ! Une caisse ! Cal sauta dedans et tira le couvercle au-dessus de lui – il fallait reconnaître que sa petite taille était un avantage pour se dissimuler. Il retint son souffle, essayant de faire le moins de bruit possible. Il entendit les deux troopers se rapprocher et passer devant la ruelle sans s'arrêter.
Tendu, à l'affût du moindre bruit, il attendit encore quelques minutes pour s'assurer qu'ils ne reviendraient pas, puis il sortit de sa cachette en époussetant ses vêtements. Il était enfin hors de danger, et il s'autorisa à lâcher un soupir de soulagement – il avait réussi à les semer.
Il décida de rentrer pour retrouver l'abri réconfortant de sa ruelle. Il n'aurait pas de quoi s'acheter à manger aujourd'hui. Tant pis. Mieux valait faire profil bas pour le reste de la journée.
Mais à peine avait-il mis un pied hors de la ruelle qu'une grosse main couverte d'écailles l'attrapa par le col et le souleva au-dessus du sol. Par réflexe, il donna des coups de pieds pour tenter de se libérer, mais ses jambes étaient trop courtes et le bout de ses bottes ne rencontra que le vide.
« Voyons voir ce qu'on a là, dit une voix réjouie, quoique sifflante. On dirait bien un petit rat de décharge qui se cache. »
Cal cessa immédiatement de se débattre quand il vit que son attaquant était un grand Trandoshan aux écailles jaunes – il ne faisait clairement pas le poids face à lui.
« Je me demande ce que ces têtes de seaux te voulaient. En tous cas, je n'ai jamais vu quelqu'un courir aussi vite ! C'était comme si tu avais l'Empereur à tes trousses ! » Fier de sa blague, il gloussa joyeusement avant de remarquer la main de Cal encore serrée sur son butin – il ne l'avait pas lâché de toute la course-poursuite. « Hé, qu'est-ce que tu as là petit rat de décharge ? »
Malgré sa résistance, le Trandoshan n'eut aucun mal à ouvrir la main de Cal pour récupérer les crédits qu'elle contenait.
« - Ah ! Un petit voleur. Je vais te ramener au patron. On verra bien ce qu'il va faire de toi.
- Le patron ? bégaya Cal en écarquillant les yeux.
- Darzay, répondit le Trandoshan. Ces rues lui appartiennent, et il a un droit de regard sur tout ce qui s'y passe. Mais tu le sais sûrement déjà, hein, petit rat de décharge. »
Darzay.
Il ne se passait pas une journée sans que Cal n'entende parler de lui. Il savait pour avoir écouté discrètement certaines conversations que c'était le propriétaire de plusieurs bars et bordels du secteur, et qu'il avait la mainmise sur presque tout le District 21 – même si c'était dans l'illégalité la plus complète. Il obligeait notamment les commerçants à lui verser une taxe en échange de sa protection. L'Empire le laissait agir en toute impunité. Il fallait dire que ça arrangeait bien les Stormtroopers que quelqu'un fasse le sale boulot à leur place, et s'il fallait en échange fermer les yeux sur quelques actes frauduleux, et bien soit.
Le Trandoshan reposa Cal par terre et le poussa fermement devant lui, le guidant dans le labyrinthe des rues boueuses. Ils arrivèrent bientôt en vue d'un grand bâtiment – un des plus beaux du District 21, ce qui n'était pas très difficile compte tenu de la pauvreté du quartier – qui donnait sur la rue principale. Cal regarda la façade du Septième Ciel, un établissement de luxe réservé aux plus aisés qui venaient chercher là du réconfort, que ce soit dans le jeu, dans l'alcool ou dans les bras d'une femme – ou d'un homme – avant d'entrer dans la salle principale, passant de la rue ensoleillée à la pénombre du bar.
La majorité des clients assis dans la salle étaient des contremaîtres de la Guilde des ferrailleurs. Des néons roses et jaunes, représentant pour la plupart des danseuses Twi'leks, étaient accrochés aux murs, éclairant la salle d'une lumière tamisée qui rendait les lieux encore plus glauques. Cal et le Trandoshan traversèrent la salle, des dizaines d'yeux tournés vers eux les scrutant avec curiosité, avant d'arriver dans un couloir.
Tandis qu'ils remontaient le couloir, ils croisèrent plusieurs femmes et quelques hommes très peu vêtus – pour la plupart des humains et des Twi'leks. Soudain une femme – une Twi'lek à la peau bleue – se mit en travers du chemin de Cal, lui barrant volontairement le passage.
« Ben alors gamin, tu t'es perdu ? »
Cal rougit et baissa brusquement la tête, n'osant pas lever les yeux sur sa tenue très… osée.
« - Dégage Ciela. Je l'emmène voir le patron, grogna le Trandoshan en découvrant les dents.
- Oh Vurtchaa, je ne t'avais pas vu », mentit effrontément la Twi'lek avec un regard provocateur. Elle baissa de nouveau les yeux vers Cal, un air désolé peint sur son visage.
« - Pauvre petit chou, Darzay va le manger tout cru.
- Où est le patron ? demanda sèchement le Trandoshan.
- Au numéro quatre », répondit la Twi'lek avant de se pousser contre le mur pour les laisser passer.
Un frisson parcourut l'échine de Cal tandis que Vurtchaa le poussait encore une fois devant lui. Le manger tout cru. Qu'avait-elle voulu dire ?
Ils atteignirent enfin une porte sur laquelle était inscrit le numéro quatre. Vurtchaa frappa à la porte et attendit poliment qu'une voix lui permette d'entrer. Cal déglutit avec difficulté. Qu'est-ce qui l'attendait derrière cette porte ?
Quand l'autorisation d'entrer arriva enfin, Vurtchaa poussa la porte, et Cal pénétra dans une chambre à la lumière tamisée. La peinture bleue qui recouvrait les murs s'écaillait à plusieurs endroits. Un immense lit recouvert de draps en velours rouge occupait la majeure partie de la pièce. Une humaine blonde trop maquillée se tenait debout à côté du lit, silencieuse. Assis sur le lit, un homme – un humain lui aussi – torse nu à la musculature plutôt impressionnante les regarda entrer. Les yeux baissés, les joues de Cal se colorèrent de rose lorsqu'il comprit la scène qui venait probablement de se dérouler dans la chambre juste avant leur arrivée.
Le Trandoshan s'approcha de l'homme et se pencha pour lui murmurer quelque chose à l'oreille. L'humain – Cal supposa que c'était le fameux Darzay – fixa intensément le garçon tout en remettant sa chemise. Sans rien dire, il l'examina de l'œil expert du prêteur sur gages qui évalue la valeur d'une marchandise qu'on lui propose.
Puis il prit enfin la parole. Sa voix était grave et mélodieuse, presque douce.
« Vurtchaa m'a expliqué que tu avais été surpris à voler. Est-ce la vérité ? »
La gorge nouée par la peur, Cal n'osa pas répondre.
« - Est-ce la vérité ? répéta une nouvelle fois Darzay.
- Tu ferais mieux de lui répondre, petit rat de décharge », lui conseilla Vurtchaa.
Déglutissant avec effort, Cal voulut répondre mais les mots restaient coincés dans sa gorge. Il se contenta de hocher la tête d'un air contrit.
« - Comment t'appelles-tu ? demanda Darzay.
- Cal », répondit Cal d'une toute petite voix.
Arrête ! Ne dit rien ! se cria-t-il intérieurement. Mais trop tard. Il avait donné son vrai nom, sans réfléchir. Pourquoi avait-il pris ce risque idiot ? Il aurait sûrement mieux fait de mentir, mais il ne pouvait maintenant plus revenir en arrière.
« Eh bien, Cal, reprit Darzay. Est-ce que tu sais ce qui arrive à ceux qui volent d'honnêtes citoyens sans ma permission ? »
Cal hocha de nouveau la tête tout en fixant le bout de ses bottes. Il tremblait de peur – les histoires qu'il avait entendues sur Darzay et ses hommes étaient toutes plus horribles les unes que les autres.
« - Tu as de la chance, Cal, continua Darzay. Je suis de bonne humeur aujourd'hui. Alors je vais te proposer un marché. A partir de maintenant tu bosses pour moi. Je te logerai et je te nourrirai, mais en échange tu me donneras la totalité des revenus de ton… activité. Bien sûr, si quelqu'un t'attrape, je nierai tout lien avec toi.
- Et si je refuse ? » demanda timidement Cal.
Darzay haussa les sourcils, apparemment surpris par la bravoure du garçon – Cal en déduisit que les gens devaient généralement accepter son offre sans discuter.
« - J'ai cru comprendre que tu n'avais pas envie de te faire attraper par les stormtroopers. Je ne sais pas ce que tu caches, gamin, et je m'en contrefous. Mais si tu refuses ou si tu me désobéis une seule fois, tu peux être certain que les soldats de l'Empire viendront t'embarquer dans l'heure. Et ils ne seront pas aussi gentils que moi, si tu vois ce que je veux dire. Alors, quelle est ta réponse ?
- Je… J'accepte votre offre », répondit Cal en tremblant.
Il savait qu'il était coincé et qu'il ne pouvait pas refuser. Et puis, tout bien réfléchi, mieux valait travailler pour Darzay que de se retrouver aux mains de l'Empire, non ? Au moins il serait protégé. Il aurait un toit sur sa tête et de la nourriture dans son ventre. Il savait qu'il avait déjà eu de la chance de s'en sortir seul pendant trois mois, et qu'il n'aurait probablement pas tenu trois mois de plus. Il devait prendre ce qu'on lui donnait, même si la main qui le donnait pouvait aussi bien le nourrir que le frapper.
« Très bien, le félicita chaudement Darzay en passant son bras autour de la taille de la femme à ses côtés pour l'attirer près de lui. Vurtchaa, continua-t-il en se tournant vers le Trandoshan. Trouve-lui un lit quelque part. »
Darzay regarda de nouveau Cal.
« Tu commences demain. J'espère que tu seras à la hauteur de mes attentes. »
Face à la menace à peine voilée, Cal baissa la tête et les épaules. En cet instant il se sentait seul – amèrement, désespérément seul. Des larmes piquèrent ses yeux et il manqua de s'effondrer sur le sol. Les mots de Darzay étaient comme imprimés au fer rouge dans son cœur.
Il ne put s'empêcher de penser à une histoire qu'on lui racontait quand il était encore novice. Celle du nexu qui assure à l'idiot petit rat d'écorce qu'il connait un endroit merveilleux où passer l'hiver.
« Ici, dit le nexu en montrant sa gueule grande ouverte. Tu y seras au chaud et en sécurité. Entre, c'est tout. Et ne fais pas attention aux dents. »
Cal leva les yeux vers le sourire intimidant de Darzay, vers le regard inquiétant du Trandoshan, vers la porte qui s'était refermée derrière lui.
Ne fais pas attention aux dents…
