Résumé
« Ses paroles firent à Cal le même effet qu'un coup de poing dans l'estomac. Terrassé par une horreur qui lui liquéfiait les entrailles et le dépouillait de toutes ses forces, il écarquilla les yeux et étouffa un cri quand il comprit ce qui l'attendait. »
Notes : /!\ Avertissement : ce chapitre comporte une scène de tentative de viol (sans description explicite).
Chapitre 4 – Maltraité
Cal se réveilla en sursaut. Inconsciemment, son esprit l'avait averti du danger. Mais il n'eut pas le temps de lever les yeux pour découvrir ce qui avait accéléré son cœur et fait frissonner sa peau : deux grosses mains le saisirent brusquement par les bras pour le tirer de son lit et le jeter par terre. Son menton heurta douloureusement le sol tandis qu'il reprenait ses esprits. Instinctivement, il leva un bras pour se protéger quand ses yeux rencontrèrent le regard méprisant de son agresseur. C'était Vurtchaa.
« Habille-toi, lui ordonna-t-il sèchement. Le patron veut te voir dans son bureau immédiatement. »
Quand Darzay demandait à voir quelqu'un immédiatement, mieux valait ne pas traîner.
Cal se releva prestement et passa ses vieux habits. Ils étaient tellement sales et usés que plus personne ne pouvait reconnaître ce qui avait été autrefois une tenue de Padawan. Ces loques étaient tout ce qui lui restait aujourd'hui de sa vie d'avant, même s'il n'y avait pas pensé une seule fois depuis des mois.
Il n'attendait plus de recevoir un signal du Conseil – ils étaient sûrement tous morts depuis longtemps. Il ne se demandait plus ce que Jaro Tapal penserait de lui – du mal, forcément, vu combien son apprenti était tombé bas. Les rêves auxquels il s'était raccroché les premières semaines s'étaient évanouis en même temps que sa naïveté – ne restaient désormais plus que les cauchemars. L'espoir l'avait quitté, ne laissant maintenant que le vide. Il n'avait plus qu'une envie, se coucher et ne plus jamais se relever.
Et pourtant, au fond de lui, il gardait la foi. La foi en la Force. C'était tout ce qui restait quand tout espoir s'était enfui.
Sans un mot, la tête baissée, il obéit docilement à Vurtchaa lorsque celui-ci lui fit signe de passer devant. Cal essaya bravement de ne pas montrer son inquiétude. Que pouvait bien lui vouloir Darzay à cette heure-ci ? La dernière fois qu'il l'avait fait venir en plein milieu de la nuit, Cal s'était pris la râclée de sa vie – juste parce que Darzay était ivre et qu'il avait besoin d'un punching-ball pour passer sa mauvaise humeur. Mais mieux valait ça que de tomber aux mains des Impériaux, non ? Même si Darzay le maltraitait, même s'il ne lui donnait presque rien à manger – la faim était devenue sa nouvelle compagne – même s'il le frappait régulièrement, au moins Cal était protégé de l'Empire. Mieux valait une protection douloureuse que pas de protection du tout.
Cal remonta le large couloir au sol orné de riches tapis qui menait au bureau de Darzay, Vurtchaa sur ses talons. Arrivé devant l'immense porte en bois, il frappa timidement à la porte, attendant l'ordre d'entrer.
Ne fais pas attention aux dents…
Lorsque l'autorisation d'entrer arriva, Cal poussa la porte, et laissant Vurtchaa dehors, il pénétra seul et en tremblant dans l'antre du diable.
Car le bureau de Darzay avait en effet la couleur de l'enfer. Les murs étaient d'une couleur pourpre, les fenêtres étaient cachées par d'épais rideaux rouges et le sol était recouvert d'une moquette écarlate. Sur le mur du fond étaient accrochées des étagères sur lesquelles se succédait toute une série de lourdes coupes dorées et de statuettes en bronze – les trophées gagnés par Darzay du temps de sa jeunesse, quand il était un pilote de podracer reconnu. Sur les autres murs étaient accrochés plusieurs immenses tableaux – tous de très mauvais goût – représentant Darzay dans différentes postures et tenues. Dans un angle de la salle, une caisse métallique portait une inscription en Huttese que Cal ne parvint pas à déchiffrer. Au centre de la pièce trônait un immense bureau de métal noir derrière lequel se trouvait un grand fauteuil de la même couleur et dans lequel se tenait assis, fier et menaçant, le cauchemar vivant de Cal – Darzay.
Cal baissa une nouvelle fois la tête en signe de soumission, fixant en frissonnant la moquette. Il savait très bien pourquoi elle était rouge. C'était la meilleure couleur qui soit pour cacher les tâches de sang. Cal l'avait compris le jour – le seul heureusement – où Darzay l'avait utilisé comme cobaye pour tester son nouveau fouet. Il avait ainsi pu constater qu'il était suffisamment fin pour ne pas laisser de cicatrices visibles – un avantage non négligeable quand il s'agissait de punir des esclaves dont le corps était le principal outil de travail et qui devaient rester dans le meilleur état possible pour satisfaire leurs clients.
Darzay se leva et s'approcha lentement de Cal, le fixant d'un regard impassible et froid comme l'acier. Lorsqu'il s'arrêta devant lui, Cal prit bien garde à ne pas lever les yeux plus haut que les genoux de Darzay. Celui-ci claqua sèchement sa langue contre son palais pour montrer son mécontentement.
« Tsk, tsk, tsk. Cal. Cal, Cal, Cal, répéta-t-il en secouant la tête d'un air navré. Que vais-je bien pouvoir faire de toi ? »
Comme un dangereux prédateur, il commença à tourner autour du garçon sans cesser de le fixer.
« Je… Je ne comprends pas Maître, bégaya Cal d'un air contrit. Qu'ai-je fait de mal ? »
Darzay ignora la question et continua.
« - Dis-moi. Depuis combien de temps travailles-tu pour moi Cal ? Onze mois ?
- Treize, répondit Cal dans un murmure craintif.
- Treize mois, répéta Darzay en hochant la tête. Treize putains de mois pendant lesquels l'argent que tu m'as rapporté a à peine suffit à couvrir ce que tu me coûtes en nourriture.
- Je suis désolé Maître, s'excusa Cal d'une voix entrecoupée par l'inquiétude et les sanglots qui commençaient à monter dans sa gorge. Mais avec l'Empire, c'est devenu difficile de trouver des personnes suffisamment riches à voler et—
- Je ne sais pas ce qui me désole le plus, Cal, le coupa Darzay d'un ton tranchant en s'arrêtant de nouveau devant lui. Que tu ne me rapportes quasiment rien, ou que tu te caches derrière de fausses excuses. »
Cal sentit le regard froid et plein de colère de Darzay posé sur lui. Darzay leva brusquement sa main. Par réflexe, Cal rentra sa tête dans ses épaules, se préparant au coup à venir. Mais au lieu de le frapper, Darzay le saisit par la mâchoire et l'obligea à lever le menton pour le regarder.
« Mais ne t'inquiète pas, Cal, dit Darzay en observant son visage sous tous les angles. J'ai d'autres projets pour toi. » Il resserra sa prise, enfonçant douloureusement ses doigts dans la mâchoire de Cal jusqu'à ce que ses yeux se remplissent de larmes. « Tu n'es pas vilain et tu es jeune. J'ai des clients qui aiment ça. Ta bouche me rapportera plus en une semaine que tout ce que tu m'as rapporté en treize mois, » lâcha soudainement Darzay.
Ses paroles firent à Cal le même effet qu'un coup de poing dans l'estomac. Terrassé par une horreur qui lui liquéfiait les entrailles et le dépouillait de toutes ses forces, il écarquilla les yeux et étouffa un cri quand il comprit ce qui l'attendait.
Puis la panique prit le dessus, et sans réfléchir il décrocha un coup de genou dans l'entrejambe de Darzay. Il supposa qu'il avait visé juste car Darzay le lâcha brusquement pour porter ses mains au bas de son ventre.
Sans attendre, Cal en profita pour se retourner et courir vers la porte. Il abaissa frénétiquement la poignée, mais son espoir de fuite s'évanouit quand il se rendit compte qu'elle était fermée à clé.
Il n'eut même pas le temps de se retourner pour tenter de se défendre. Une main l'attrapa par les cheveux et le tira en arrière, l'envoyant violemment au sol. Il eut juste le temps de protéger sa tête de ses deux bras avant qu'une pluie de coups de pieds ne s'abatte sur son dos, sa poitrine, ses bras et ses jambes. La râclée dura plusieurs longues minutes. Cal pleurait, suppliant Darzay d'arrêter. Mais il savait qu'il avait franchi la ligne rouge en osant frapper son maître.
Lorsque les coups s'arrêtèrent enfin, Cal resta prostré à l'endroit où il était tombé, pleurant et tremblant, les bras toujours au-dessus de la tête, comme s'il essayait de rentrer sous le sol. Il regarda, hébété, le sang qui gouttait de son nez probablement cassé et de sa lèvre fendue. Les gouttes écarlates pleuvaient sur la moquette avant d'être absorbées par celle-ci, se fondant dans sa couleur rouge jusqu'à devenir parfaitement invisibles.
« Voilà comment tu me remercies pour t'avoir recueilli, dit Darzay avec tristesse, l'air percé jusqu'au cœur. Mais que pouvais-je attendre d'autre d'un rat de décharge ? »
D'un geste péremptoire, il fit signe à Cal de se lever.
« Debout ! »
Mais Cal ne bougea pas.
« J'ai dit debout ! aboya Darzay en saisissant Cal par le col pour le remettre sur ses pieds.
Il poussa brutalement le garçon contre son bureau. Le rebord lui rentra douloureusement dans le ventre, lui coupant la respiration. Darzay saisit le poignet droit de Cal et lui infligea une douloureuse torsion vers l'arrière pour le maintenir immobile. De son autre main, il lui plaqua violemment la joue contre la surface métallique noire. Cal pouvait sentir l'acier froid lui râper la joue et le souffle chaud et puant l'alcool de Darzay contre son oreille.
« La leçon n'est pas finie », déclara Darzay en collant son nez contre la joue de Cal. Il lâcha son bras et commença à lui peloter les fesses. « Tu dois t'entraîner pour tes futurs clients. Et ça ne sert à rien de couiner, petit rat. Personne ici ne fera attention à tes cris. »
Il relâcha soudainement son étreinte. Cal en profita pour se redresser et reprendre son souffle. Quand Darzay rouvrit la bouche, ses paroles furent l'incarnation des pires craintes de Cal.
« A genoux. Je vais commencer par ta bouche, et ensuite je m'occuperai du reste. »
Paralysé par la peur montant de ces profondeurs obscures de l'esprit où naissent les cauchemars, Cal se figea, et sa vision se brouilla. Il ne voyait plus ce qui se passait devant lui. Il entendit Darzay déboucler sa ceinture, mais c'était comme si la scène qui se déroulait devant ses yeux se passait à des années-lumière de lui. Il était là et pas là en même temps. Il entendait Darzay lui parler, mais il ne comprenait pas ce qu'il lui disait. Il n'avait pas conscience de ce qui se passait. Il entendait juste les battements affolés de son cœur et le sang qui pulsait dans ses oreilles. Il ferma les yeux un instant, comme si cela allait lui permettre de se réveiller du cauchemar dans lequel il était plongé – mais ce n'était pas un cauchemar, c'était la réalité.
Et soudain, sans savoir comment, il la sentit – la Force.
C'est la dernière chose qu'il sentit avant de sombrer dans les ténèbres.
Lorsqu'il ouvrit les yeux, le premier réflexe de Cal fut de se relever et de vérifier qu'il était toujours en vie. Il tâtonna son corps, rassuré par cette sensation physique bien réelle. Oui, il était bien vivant, même s'il avait mal partout suite à la râclée qu'il venait de prendre. Darzay n'y était pas allé de main morte.
D'ailleurs, en parlant de Darzay, où était-il passé ?
Soudain, Cal se rappela des derniers instants, juste avant qu'il ne perde connaissance. Le bureau, Darzay débouclant sa ceinture pour l'obliger à— Cal déglutit. Il ne se rappelait plus la suite. Darzay avait-il obtenu ce qu'il voulait ? Cal supposa que non – il avait encore tous ses vêtements sur lui, preuve que Darzay ne l'avait pas touché.
Tandis que l'inquiétude revenait, il chercha Darzay du regard. C'est à ce moment-là qu'il remarqua un "léger" détail.
Le lourd bureau de métal était tombé au sol.
De même que les tableaux accrochés aux murs et les étagères du fond. C'était comme si une personne dotée d'une force surhumaine s'était déchaînée dans la pièce. Cal remarqua alors une forme noire allongée sous les étagères tombées au sol. Il s'approcha précautionneusement, comme s'il s'agissait d'un redoutable serpent.
C'était Darzay. Il ne bougeait pas. Cal humecta ses lèvres sèches du bout de sa langue. Est-ce que Darzay était évanoui ? Cal se rapprocha un peu plus.
Ses yeux s'écarquillèrent brusquement lorsqu'il comprit à quel horrible tableau il faisait face. Une lourde statuette en bronze maculée de taches de sang ressortait du crâne défoncé de Darzay – son visage était méconnaissable – et Cal pouvait voir autour quelques morceaux visqueux de cervelle qui avaient giclé sous l'impact.
Il recula précipitamment. Le sol se dérobait sous ses pas. Il sentit la nausée monter brutalement dans sa gorge, et il se pencha en avant pour vomir, même si rien ne sortit de son estomac vide – un des rares avantages de n'avoir que deux maigres repas par jour.
Tandis qu'il était agité par des haut-le-cœur, la mémoire lui revint. Il se revit, paniqué, face à Darzay, les mains tendues devant lui. Il revit Darzay – et les meubles – voler dans les airs, poussé par la Force, et heurter violemment les étagères derrière lui. Il revit les trophées s'écrouler sur lui. Il revit la statuette lui enfoncer le crâne, le tuant sur le coup.
C'était un accident, pensa Cal paniqué. Je ne voulais pas…
Mais c'était trop tard. Cal était un meurtrier. Il savait très bien ce qui arriverait quand, au matin, Vurtchaa passerait la porte et constaterait que son patron était mort. Cal était seul avec lui, enfermé à clé. Il saurait que c'était forcément lui le coupable.
Tremblant comme une feuille, Cal s'adossa à un mur et se laissa glisser au sol, se frappant la tête de ses deux poings.
Ne fais pas appel à la Force.
Pourquoi ? Pourquoi avait-il perdu le contrôle ? Pourquoi avait-il utilisé la Force ? En voyant la scène Vurtchaa comprendrait ce qu'il était – un Jedi – et il le livrerait sans attendre à l'Empire. Cal voyait clairement, horriblement, ce qui allait se passer, mais il n'avait aucun moyen de revenir en arrière. Il savait qu'il était foutu. Il savait qu'il—
Les genoux ramenés contre sa poitrine, il enfouit son visage entre ses bras et fondit en larmes.
Seul un miracle pourrait le sauver.
Un miracle, ou la Force.
