Résumé
« Déséquilibré, il bascula en arrière et tomba dans le vide – la chute faisait plusieurs mètres de haut.
Dans un réflexe idiot, il tendit ses bras devant lui pour tenter d'amortir le choc. Il s'écrasa brutalement au sol dans un craquement d'os et de cartilage tandis que la douleur irradiait de son bras gauche jusqu'à son épaule. »
Notes : Ce chapitre est en grande partie une reprise et une amélioration du chapitre 5 de ma fic « Avant le Mantis ». Si vous voulez aller y jeter un œil, attention car vous risquez de vous spoiler le chapitre suivant.
Chapitre 8 – Blessé
Lorsque Cal se réveilla ce matin-là, il était d'humeur maussade. Il avait encore rêvé – un rêve plaisant, un rêve de son passé de Padawan. Cette fois le réveil n'avait pas été une expérience terrifiante. Simplement une expérience très douloureuse.
Règle n°2 : accepte le passé.
Accepter le passé ? Cela faisait bien longtemps que Cal l'avait accepté – ou plutôt qu'il tentait désespérément de l'oublier. Plus le temps passait, et moins il avait envie de se rappeler de ce passé qu'il savait désormais avec certitude être révolu. Il n'y avait plus de Jedi. Il n'était lui-même plus un Jedi – l'avait-il même déjà été un jour ? Il ne sentait plus la Force comme il pouvait la sentir avant. Pris par son quotidien de labeur, il l'oubliait la plupart du temps. Les rares fois où il pensait à elle, il n'éprouvait qu'une sensation de flou. Elle lui semblait lointaine et indistincte, aussi lointaine et indistincte que les étoiles qui brillaient dans le ciel nocturne. Quand il se concentrait pour la sentir, elle se faisait impalpable et éthérée, aussi impalpable et éthérée qu'une brise légère.
Cela faisait de toutes façons une éternité qu'il n'avait pas utilisé la Force. La dernière fois, dans le bureau de Darzay, cela s'était mal terminé – pas pour lui heureusement – et il s'était alors promis de ne plus jamais jamais y recourir.
Un frisson lui parcourut l'échine au souvenir de Darzay. Il avait réussi à ne pas repenser à lui ces deux derniers jours – un record compte tenu du nombre de cauchemars qu'il avait fait à son sujet depuis sa fuite du Septième Ciel, il y avait huit mois de cela. Il espérait vraiment qu'il finirait par oublier tout ça, même s'il savait au fond de lui que ce serait difficile d'y arriver. Ne plus repenser à Darzay – c'était une autre promesse que Cal s'était faite à lui-même.
L'adolescent s'assit sur le rebord de son lit, jetant un regard morose sur son appartement – ou plutôt sa chambre. Elle était certes petite, mais au moins il s'y sentait en sécurité – seul, sans personne pour venir l'attaquer en plein milieu de la nuit. C'était désormais son cocon, son seul refuge.
Les rayons du soleil matinal inondaient la pièce. Les murs de béton étaient d'un gris sobre, sans aucune décoration à part une horloge sur le mur de droite et une patère accrochée près de la porte d'entrée. Le lit était collé contre le mur du fond, sous l'unique fenêtre qui éclairait la pièce. Cal aimait bien regarder les étoiles, la nuit, enfoui sous sa couverture, avant de s'endormir – quand le ciel n'était pas couvert de nuages gris, ce qui arrivait malheureusement souvent sur Bracca. C'était une vue qui le réconfortait – une des rares choses qui le réconfortait.
A côté de son lit, une petite armoire métallique, grise elle aussi, contenait les rares biens qu'il possédait. Contre le mur de gauche, une micro-cuisine lui permettait juste de réchauffer les plats tous prêts qu'il achetait le soir en rentrant du travail. Les seuls autres meubles étaient une table et deux chaises qui trônaient au milieu de la pièce. Tout le reste – la salle de bain notamment – était partagé avec les locataires des autres chambres du troisième étage et dernier du petit immeuble dans lequel il vivait.
Ce n'était pas le grand luxe, mais c'était tout ce que son maigre salaire lui permettait d'obtenir.
Il se leva pour faire son lit puis il se dirigea vers la kitchenette et ouvrit le frigo, inspectant son contenu avec circonspection. Il fit la moue en constatant qu'il était presque vide – il allait devoir penser à faire quelques courses. Il en sortit une bouteille de lait bleu et un vieux muffin protéiné.
Il traîna ensuite les pieds jusqu'à la table avant de se laisser tomber sur une chaise et de mordre dans le muffin. Il était sec et rance. Beurk. Oui, il allait vraiment devoir faire les courses. Il ouvrit la bouteille de lait avant de boire directement au goulot pour essayer de faire passer le goût moisi du muffin. Puis il termina son petit-déjeuner frugal sans même avoir conscience de manger. Le mieux qu'il pouvait dire de ce repas, c'est qu'il avait assouvi sa faim.
Une fois terminé, il se leva et rangea la bouteille de lait au frigo, avant de regarder l'horloge accrochée au mur.
« Karabast ! » grommela-t-il en voyant l'heure. Il était en retard. Il n'aurait pas le temps de passer à la salle de bain. Tant pis. De toutes façons, dans moins d'une heure il serait recouvert de graisse noire et de sueur.
Il se hâta d'ouvrir son armoire et en sortit rapidement des vêtements propres – tous identiques et fournis par la Guilde. Au moins, il ne perdait pas de temps tous les matins à choisir comment il allait s'habiller. Il retira son pyjama et enfila rapidement ses habits de travail. Puis il mit ses bottes, boucla sa ceinture, vérifia rapidement qu'il n'y manque aucun outil, saisit son poncho bleu et orange accroché au porte-manteau, et tourna rapidement le verrou de la porte pour l'ouvrir. Il courut dans le couloir pour tenter de rattraper son retard, bifurqua en direction des escaliers et dévala les marches deux par deux tout en enfilant son poncho, avant de sortir dans la rue.
Le ciel était maintenant gris. Il pleuvait encore – comme presque tous les jours – mais les rues du District 32 étaient déjà noires de monde. Cal prit la direction de la gare d'un pas rapide, espérant que la journée de travail qui l'attendait au chantier de démantèlement ne serait pas trop mauvaise.
Et merde.
Cal savait qu'il n'aurait pas dû accepter cette mission. Mais le contremaître de la Guilde lui avait promis une belle prime pour ce travail, et il n'avait pas pu refuser. Et puis, il fallait bien que quelqu'un aille récupérer ce droïde découpeur de coque qui s'était perdu quelque part là-haut, dans l'épave de Venator sur lequel son équipe travaillait depuis maintenant trois semaines. En plus, il était le dernier gréeur arrivé dans l'équipe. C'était donc à lui de s'y coller. Et il n'avait pas envie que Tappers se moque de lui et le traite encore de bébé – même s'il disait toujours que c'était pour rire. Il allait leur montrer à tous de quoi il était capable.
Cal grimpa avec agilité le long de la paroi, espérant trouver rapidement ce fichu droïde égaré. Si c'était un ferrailleur qui avait disparu, la Guilde n'aurait même pas pris la peine d'envoyer quelqu'un le chercher. Cependant, ces droïdes découpeurs valaient cher – plus cher que la vie d'un simple gréeur comme lui. Et en ce moment la Guilde cherchait par tous les moyens à économiser le moindre crédit – il suffisait de voir la paie de misère qu'il touchait chaque mois pour avoir risqué sa vie sur ces vieux vaisseaux en ruine.
Oui, c'est vrai, il aurait pu refuser. Mais il avait besoin de ce travail. Il repensa à Sarali'nda qui avait perdu trois doigts la semaine dernière, et son emploi par la même occasion. Non, vraiment, Cal avait trop besoin de ce travail. Il savait que ce n'est pas le meilleur emploi qu'il pouvait trouver sur Bracca, mais ce n'était pas le pire non plus, loin de là – il en savait quelque chose.
Stop ! Il s'était promis de ne pas repenser à Darzay.
Ah ! Le voilà ! Il venait de repérer le droïde. Cet idiot avait coincé sa lame dans un morceau de coque bien trop épais pour lui. Cal s'approcha précautionneusement sur la mince corniche avant de sauter sur une minuscule plateforme – il devait bien prendre garde à ne pas tomber – juste derrière le droïde.
« Du calme, ça va aller », murmura doucement Cal pour essayer d'apaiser le droïde qui, visiblement paniqué, tentait désespérément de se dégager du duracier. Il saisit délicatement le droïde entre ses mains et tira de toutes ses forces pour l'aider à se libérer.
D'un coup, la lame glissa hors de la coque, et le droïde fit un brusque mouvement vers l'arrière. Cal eut juste le temps de reculer d'un pas, évitant de peu le droïde, mais il sentit la lame de ce dernier effleurer son visage.
Déséquilibré, il bascula en arrière et tomba dans le vide – la chute faisait plusieurs mètres de haut.
Dans un réflexe idiot, il tendit ses bras devant lui pour tenter d'amortir le choc. Il s'écrasa brutalement au sol dans un craquement d'os et de cartilage tandis que la douleur irradiait de son bras gauche jusqu'à son épaule.
La chute chassa tout l'air de sa poitrine. Il voulut respirer mais n'y parvint pas, et pendant plusieurs terrifiantes longues secondes il ne réussit pas à remplir ses poumons. Il sentit la main de la Mort se resserrer autour de son cou. Frappé de panique, il hoqueta, haleta, et enfin ses poumons se remplirent. La Mort relâcha son emprise.
La panique reflua progressivement, remplacée par la souffrance. Terrassé par la douleur, il se recroquevilla par terre en se tenant l'épaule et il commença à sangloter – il avait tellement mal ! Il resta un long moment allongé au sol sans bouger, à pleurer à chaudes larmes. Il avait l'impression que son bras tout entier était en feu, comme si ses os, ses muscles et sa peau brûlaient.
La douleur finit cependant par diminuer, et il retrouva ses esprits. Il lutta pour se redresser et parvint avec difficulté à s'asseoir par terre. Il regarda son épaule encore endolorie. Elle faisait un angle bizarre – elle était probablement déboîtée.
Il sentit aussi le sang qui dégoulinait abondamment sur son menton et son poncho de service. Il passa sa main droite sur son visage, l'effleurant du bout des doigts, et sentit une large entaille qui lui barrait le nez – la lame de ce fichu droïde ne l'avait pas manqué. Un peu plus et il y passait.
Il prit un instant pour rassembler ses pensées et réfléchir. Il devait trouver de l'aide. Peut-être y avait-il un autre ferrailleur pas loin qui pourrait l'aider ?
« Y-Y'a quelqu'un ? » hurla-t-il de toute la force de ses poumons.
Sa voix rebondit sur les parois métalliques avant de mourir, comme aspirée par un horrible silence. Aucune réponse. Cal était bel et bien seul.
Il savait que la Guilde n'enverrait personne le chercher. Il n'en valait pas la peine. Et Prauf n'était pas sur le chantier aujourd'hui – c'était son jour de repos. C'était aussi le seul de l'équipe qui aurait pu remarquer la disparition de Cal. Non, c'était clair, il devait se débrouiller tout seul.
Avec son épaule démise, il savait que ce n'était même pas la peine de chercher à remonter. Sa seule solution consistait donc à se frayer un chemin dans l'épave jusqu'à trouver une sortie. En cet instant, il remercia les longues heures passées à explorer les moindres recoins du Venator sur lequel il servait durant la Guerre des Clones.
Il tenta de se relever. Mais à peine fut il debout que la douleur lui transperça le bras. C'était comme si on lui enfonçait la lame brûlante d'un couteau acéré dans l'épaule, plusieurs fois de suite. Sa vision se brouilla et il perdit l'équilibre – il se sentait mal. Il se rattrapa de sa main valide en s'appuyant contre la coque du vaisseau et vomit tout son petit-déjeuner par terre. Adieu lait bleu et muffin protéiné. Une fois son estomac vidé de son contenu, il s'essuya la bouche d'un revers de la main et réfléchit de nouveau. Il devait trouver un moyen d'atténuer la douleur s'il voulait pouvoir se déplacer.
Il eut alors une idée : il pourrait utiliser son harnais de travail pour se faire une attelle de fortune – avec le bras maintenu, il aurait sûrement moins mal.
Il déclipsa la boucle de son harnais qui glissa au sol. Il se pencha pour tenter de le ramasser mais sa tête tourna à nouveau, lui donnant l'impression que les murs autour de lui se déformaient. Il ferma les yeux et respira lentement pour chasser le brouillard de son cerveau. Puis il s'assit par terre. Il prit le harnais et, serrant son bras blessé contre sa poitrine, il le passa sous son poncho, l'enroula autour de son torse et serra fort. Il tenta maladroitement de fermer la boucle d'une seule main et dû s'y reprendre à deux fois avant d'y arriver enfin.
Il essaya une nouvelle fois de se relever et cette fois il y arriva sans manquer de s'évanouir. La douleur était encore là, mais moins forte. Il soupira de soulagement. Il allait pouvoir marcher.
Il observa les environs jusqu'à trouver un passage dans la paroi, et il s'y faufila. Heureusement qu'il n'était pas grand pour son âge. Il progressa comme il le pouvait dans les entrailles du vaisseau malgré son bras en attelle. La coque grinçait sous les assauts du vent. On aurait presque dit que le vaisseau gémissait de douleur face à l'armée de ferrailleurs qui le mettait lentement en pièces, morceau après morceau. Cal renifla. Une parfaite allégorie de sa vie.
Soudain, il entendit un autre bruit – comme des grattements et des couinements – avant d'apercevoir des dizaines d'yeux briller d'une sinistre lueur jaune dans l'obscurité autour de lui. Des rats de décharge – ils avaient sûrement été attirés ici par l'odeur du sang qui continuait de couler de sa blessure au visage. Il avait entendu des tas d'histoires de ferrailleurs disparus retrouvés morts, dévorés par les rats affamés. Cal ne savait pas si ces histoires étaient vraies – Tappers avait tendance à exagérer, et Cal se demandait parfois si la moitié des histoires qu'il racontait étaient vraies. Il ne put cependant pas s'empêcher de frissonner. Histoires ou pas, il n'avait pas envie de découvrir si Tappers avait menti. Il devait vite sortir d'ici avant de finir dévoré par les rats – ou pire.
