Quand il se faufila par le portail resté ouvert à deux battants, il les emmerdait toujours autant.
Il jeta un coup d'œil dans la Grande Salle … tout le cirque était en train et Mac Go amenait justement le choipeau. Il pensa à ce que Bertha lui avait raconté, il la chercha des yeux, elle était assise avec les Serdaigles, à côté de Heyst, justement. Ils parlaient avec animation, snobant ostensiblement la cérémonie qui se préparait, et les rangs des petits nouveaux, tremblant de peur et d'excitation.
Old Dumb commençait ses explications, bon, il n'allait tout de même pas se les refaire une septième fois… Il coula un regard du côté de la table des Gryffondors, il y vit Bacqueville, penché en arrière, chaise basculée sur deux pieds, en train de parler à sa sœur Mahaut : ils devaient attendre le verdict pour Helier, le petit dernier de la famille qui intégrait Poudlard ce soir.
James paradait aux côtés d'Evans, qui, elle, avait les yeux fixés sur le galurin, encore plus cabossé que l'année dernière. Il sentit tout d'un coup que quelqu'un l'avait repéré et le regardait. C'était Rogue et en plus il poussait du coude sa voisine et, bien sûr, ladite voisine était Narcissa et, à côté de Narcissa, il y avait Lucius. Il avait mal au sternum rien que de le voir.
Il prit une longue inspiration, et lança quelques gloussements dans la grande salle, en espérant que Bertha comprendrait que c'était un hommage qu'il lui rendait. La poule devait bien être imitée, car la grande salle était subitement devenue silencieuse, comme s'ils s'attendaient tous à voir surgir une Langshan Croad.Puis la voix de Old Dumb s'éleva et, avant de s'enfuir à toutes jambes, il entendit distinctement que le directeur remerciait « cette inattendue et obligeante gallinacée pour avoir ramené le silence dans ces lieux ».
Il cavala vers la tour des Gryffondors, et s'aperçut alors qu'il ne connaissait pas le nouveau mot de passe. Merde, merde et merde, pas moyen d'échapper à leur foutue organisation. Il allait falloir attendre gentiment que le troupeau se ramène, préfet en tête, pour obtenir le sésame. Et la grosse en rose qui rigolait à moitié. Il lui jeta un regard furieux, qu'elle ne compte pas sur lui pour essayer de lui faire du charme. Elle haussa les épaules et lui tourna le dos dans un tourbillon de soierie églantine. Rigolo, d'ailleurs, l'arrière de la robe était bien plus foncé que le devant… ça devait être la lumière … ou la transpiration.
Il décida de découcher. Après tout, Lunard n'était pas là, c'était la pleine lune, pourquoi ne pas faire comme d'habitude ?
Il planqua sa malle dans un placard situé un peu plus loin, et redescendit l'escalier. Le brouhaha dans la grande salle avait repris. Il franchit la porte du château, marcha sans hâte jusqu'au Saule Cogneur, sous la clarté de la pleine lune. Un frisson d'excitation lui parcourut l'échine, comme à chaque fois. S'il avait ouvert la bouche, il se serait entendu japper de plaisir. Il passa à travers les racines, après avoir calmé les branches. Quant il se trouva à l'abri, dans le souterrain, il s'arrêta, se concentra… le chien noir apparut. Sirius et ses ennuis avaient disparu, ne restait que Patmol.
Il renifla, il y avait des odeurs anciennes, du début de l'été, d'avant encore, odeurs fortes et musquées, urine aussi, les marques d'un territoire. Il leva la patte et pissa un coup, puis, truffe au sol, il remonta le boyau terreux. Il cherchait une autre trace, fraîche et amicale, mais elle n'y était pas. Il s'arrêta et gémit doucement. Aucun signal ne lui revint. Il parvint à la cabane, une nouvelle bouffée d'odeurs – bois moisi, champignons. Mais pas d'odeur vivante, pas celle qu'il cherchait. Il gémit à nouveau, un appel pacifique, tendre. Il entreprit de faire le tour de la pièce, furetant dans tous les coins et recoins… mais rien. Il aboya, un vague écho lui répondit et se tut bien vite. Patmol se coucha en rond et se laissa gagner par le sommeil des chiens. Il dormait et ailleurs, loin d'ici, le loup absent hurlait.…
Il se réveilla en sursaut, une petite bête avait longé son flanc en courant. Il en sentait la trace toute neuve, il se releva d'un bond souple et se mit à sa poursuite, sans pouvoir aller jusqu'au bout de la piste qui continuait au-delà d'un minuscule trou dans un mur. Il gratta un peu autour, fit voler mes mottes de terre de chaque côté de lui.
Puis, Sirius se manifesta et Patmol abandonna sa chasse, et retourna vers l'entrée du souterrain. Là, il céda sa place à Sirius, qui, pour la première fois, peut-être, regretta que le chien ne soit pas à ses côtés, offrant sa tête noire à ses caresses. Mais voilà, le mec Black était à nouveau seul avec ses vagues à l'âme à gérer.
Il vérifia l'heure à sa montre, un cadeau de ses parents, il y avait deux ans, mais c'est Shaula qui l'avait choisie ; et elle avait su habilement dissuader Nigel de faire graver leur stupide devise au verso du boîtier. De plus, alors qu'il était de tradition dans la famille Black d'offrir des montres luxueuses faites pour durer toute une vie et même au-delà, des montres engagées dans une sorte de jeu de saute-dragon inter-générations, elle avait délaissé les modèles les plus coûteux pour une montre plus amusante, plus éphémère, en lui disant même « Quand tu en auras assez, tu la laisseras dans un coin, ou tu la jetteras, quelle importance. De toute façon, c'est toujours le temps qui gagne ! ».
Nigel avait haussé un sourcil orgueilleux et avait tordu son aristocratique bouche, et l'année suivante, Regulus avait eu le droit à une montre massive, gravée, et entre ses aiguilles têtues et somptueuses, elle proclamait qu'elle ne s'occupait que du temps des Black. Regulus, petit salaud. Y avait-il des limites à la détestation que l'on pouvait avoir d'un frère ? Il envoya, au jugé, un poing bourrée de soudaine adrénaline dans la direction du dortoir des cinquièmes années des Serpentards.
Il était un peu plus de quatre heures du matin. Est-ce que les autres l'auraient cherché ? Est-ce que le préfet aurait donné l'alerte ? Bon, de toute façon, il n'en avait rien à secouer. Mac Go ferait les bonds habituels et au pire, il serait collé dès le premier jour … il aurait presque pu en rigoler de satisfaction. Sombrement. Voluptueusement.
Il entra par une porte dérobée, à usage exclusif des maraudeurs ; du moins pensait-il que Jim n'avait pas encore vendu tous leurs précieux secrets à Evans l'ennemie.
Il grimpa quatre à quatre un escalier oublié qui se trouvait quelques mètres plus loin, et suivant l'habituel parcours compliqué (Peter était incapable de s'y retrouver tout seul,il n'avait jamais compris qu'il fallait tourner APRES la quatrième torchère et non pas AVANT ) il arriva devant l'entrée de la tanière gryffondoresque.
Fermée, gardée par la grognasse en rose qui ronflait doucement, le nez enfoui dans son triple menton. Retour à la case départ, Sirius !
Tu pensais quoi, que James ou Peter t'attendraient, sourire, pyjama, gobelet de whisky de feu et mot de passe ? Merde, il aurait dû rester dans le souterrain et ne revenir qu'à l'heure du petit déjeuner, il serait allé voir Gogo et Old Dumb et il leur aurait dit qu'il était resté avec Monsieur Lupin, qui était dans ses mauvais jours du mois… et ils l'auraient regardé avec des yeux humides et reconnaissants et pleurnichards.
Il se déteste tout d'un coup, car c'est bel et bien ce qu'il aurait dû faire. Tout comme il aurait dû inviter Lunard avec lui en Lituanie, il est même sûr qu'il se serait bien entendu avec son grand-père. Et les nuits de pleine lune, il l'aurait emmené se cacher dans les berges du lac, au milieu de la roselière frémissante.
Mais il n'en avait rien fait, et il n'allait pas rester là comme un con, les bras ballants devant la grosse endormie, à attendre le jour et que les plus matinaux de ses condisciples (dans condisciples, il y a … disciples comme le disait Cornedrue) ne s'extraient de leur plumard, tenaillés par la faim et ne lui filent ce putain de bordel de mot de passe de ses deux !
Il était fatigué, Patmol avait pourtant dormi, et lui avait dû dormir aussi, mais son cerveau était sans doute plus exigeant que celui d'un chien et donc, la ration de sommeil, devait être plus conséquente.
Il marcha jusqu'au placard où il avait dissimulé sa malle, il en retira la couverture magique donnée par son grand-père – quand on s'y enroulait, on y était aussi confortablement installé que dans un lit, même sur le plus dur et le plus glacé des sols, et puis Shaula avait la même…
Une nuit, en Islande, ils avaient dormis à la belle étoile, enfin, Regulus avait fait sa mijaurée, il avait préféré rester à l'intérieur ; lui, Sirius, avait secrètement espéré que Nigel ferait de même, mais non, Nigel était venu, d'ailleurs c'est lui qui en avait eu l' idée, ils s'étaient donc installés tous les trois dans le jardin du cottage qu'ils avaient loué, avec vue sur le volcan Hekla, lui, Sirius, prudemment, à quelques mètres de ses parents – elle et lui, enroulés, réunis, unis, dans la couverture de Shaula.
Au petit matin, il s'était réveillé avant eux, il s'était levé silencieusement, il s'était approché furtivement, et c'est surtout Nigel qu'il avait regardé : il voulait voir à quoi il ressemblait quand il ne jouait plus au prestigieux Black, à Black le prodigieux balèze, le pilier de la communauté magique. Il était tourné vers sa femme, mais elle lui tournait le dos. Elle était couchée sur le côté, et son corps latéral dessinait, sous la couverture grise, une ligne aussi vertigineuse qu'une crête de haute montagne. Et le souffle de Sirius s'affolait dans l'air que ce vertige lui dérobait.
Ses yeux étaient revenus vers Nigel. L'air vif de la nuit avait teinté ses joues, et ses mâchoires avaient abandonné leur habituel crispement viril. Il ressemblait à un jeune homme que Sirius connaissait bien… Shaula savait-elle que son mari ressemblait à son premier né quand il dormait ?
Il était vulnérable, allongé aux pieds de son fils aîné aussi grand que lui. Sirius aurait pu bondir sur lui, le frapper, l'étrangler, l'étouffer sous la couverture. Etre le plus fort des deux, prendre sa place.
Il était retourné se coucher, l'idée lui avait suffi, il s'en était longuement rassasié. Jusqu'à s'en écoeurer.
Il les surveillait de loin… il les avait vus s'éveiller, Nigel s'était rapproché de Shaula, il avait jeté ses bras sur elle, comme des tentacules, et l'avait ramenée vers lui. Elle s'était laissée faire, mais sans se retourner. Sirius n'avait pas pu les regarder davantage, il avait refermé les yeux et il s'était rendormi.
C'est la voix de Nigel qui l'avait réveillé, une voix cordiale, presque chaleureuse, et pourtant, au milieu, une pointe d'agressivité, comme une lame dissimulée dans un fourreau.
– Ohoh Sirius, bien dormi ? Allez debout !
Il avait grogné en se retournant, puis s'était tu, épiant, cherchant à deviner si Nigel était seul ou si elle était toujours là. Non, elle devait être partie. Il se redressa, en se frottant les yeux. Il osa enfin regarder dans la direction d'où la voix était venue. Il les vit tout les deux, une vision brutale, un coup, et aussi comme une caresse qu'ils auraient été deux à lui offrir. Ils étaient assis, les genoux remontés, formant le même angle, les cheveux de Nigel ébouriffés, ceux de Shaula emmêlés, dissimulant à moitié son visage, ne lui laissant pas voir, à lui son fils, dans quelle direction allaient ses yeux, à elle, sa mère.
Nigel était torse nu, sans frémissement dans l'air glacial du matin, il enserrait les épaules de Shaula, enveloppées précieusement par la couverture. Il lui souriait, victorieux, magnifique, juvénile, le menton noirci de barbe nocturne. Peut-être était-il entièrement nu, et elle aussi ? Et pendant que lui avait été incapable de veiller, eux …
- Alors, bien dormi ?
La voix n'était même pas impatiente, ce n'était pas un défi, comme souvent, juste une simple question, simplement soucieuse d'une réponse. Pour que Nigle soit aussi certain de sa force, pour qu'il soit aussi paisiblement triomphant, il devait avoir …
Il répondit – Oui, bien dormi. Et vous ?
et tout en parlant il se montrait à eux, à lui, mais lui n'était pas à moitié, ou totalement nu, il était en caleçon et tee-shirt, car pour qui se serait-il dévêtu ?
Comme un vaincu imbécile, il se demandait si Nigel aimait encore Shaula ; la question déjà posée à laquelle il ne savait pas répondre. Et peut-être aucun d'eux trois ne le savait et peut-être que c'était autour de cette interrogation-là qu'ils allaient s'affronter. Et Shaula restait impassible, doublement cachée, cheveux et couverture : était-elle nue sous sa duplice et complice cachette ?
L'image le fit bondir sur ses pieds, rejetant brutalement la couverture, qui s'était enroulée autour d'une de ses jambes et qu'il dut traîner sur quelques mètres. Il était ridicule, maître de rien – il avait failli s'étaler de tout son long.
- Ooh Sirius, bien dormi ?
Nigel, par Merlin, il l'avait retrouvé et il allait se venger sur celui qui désirait la même femme que lui. Il banda ses muscles, se préparant à l'assaut, il avait laissé passer une première chance, cette fois-ci il irait jusqu'au bout !
- Eh, qu'est-ce qui te prend ? T'essaie de m'étrangler ou quoi ? Mais bon sang, ouvre les yeux ! Je ne suis pas Rogue !
Non, pas Rogue, mais qui se souciait de ce négligeable con ! pas Nigel, non plus. Bacqueville, Thibert. Un autre griffon doré, avec Lunard, le deuxième calme de la chambrée, pour équilibrer le trop-plein côté Black & Potter.
- Mais qu'est-ce que tu fous là, on se demandait où tu étais, je t'ai aperçu à la gare et puis après…y a bien eu la poule tout à l'heure, mais …
- Et toi, tu viens pisser sur les paliers maintenant ?
– Tu y fais bien du camping !
– Ouais, c'est à cause des mecs qui ronflent dans ma piaule !
– Alors là, c'es pas moi, mon père m'a appris le sort qui va bien : quietronflette !
– Alors, t'allais où ?
- Et bien, mon cher, j'allais peut-être à ta recherche ?
– Ah ouais ?
– Ah ouais, comme Remus n'était pas là pour veiller sur toi …
- Non, il est malade.
Il avait répondu trop vite, trop fort, trop faux : Thibert avait levé un sourcil, puis l'autre, et comme seul Thibert savait le faire – on aurait dit que les deux sourcils allaient se faire la malle dans ses cheveux, des cheveux plantés drus comme du poil de griffon moldu.
– Bon, laisse tomber. Donc tu me cherchais… Tu sais que je suis flatté, même si à franchement parler, je dois bien t'avouer, qu'en général, elles sont plus mignonnes, plus fines à certains endroits et plus … voluptueuses à d'autres …
Il vit ses mains pâles décrire dans l'air obscur la silhouette d'une pin-up, le parfait clown, et comment pouvait-il encore essayer de faire croire qu'il y croyait encore ?
Mais ça faisait rire Thibert qui lui flanqua une bourrade dans les côtes, un peu gêné le rire, d'ailleurs, un peu hésitant. Par Merlin, allait-il lui avouer qu'il penchait du côté des amitiés viriles ? Pourtant, l'année dernière, Thibert suivait des pistes exclusivement féminines. Avec la même bizarre ardeur placide qu'il mettait à remplir sa fonction de batteur dans l'équipe des Gryffondors.
- Chouette ta couverture, ça a l'air super confortable.
Thibert s'est baissé en un geste qui n'avait rien d'efféminé et était en train de tâter la moelleuse étoffe.
– Bon, la couleur est pas géniale ! Où est-ce que tu as eu ce truc ?
– Ça vient de l'armée moldue russe, leur deuxième guerre mondiale, ça faisait partie de leur barda, mon grand-père en a récupéré … hm sur des soldats morts, morts de froid … et puis il les a magifiées. Et tu vois, grâce à lui, c'est aussi confortable qu'un lit.
– La vache, il a jamais songé à faire ça en grand et à les vendre ?
Sirius éclata de rire, typique de Bacqueville une telle remarque, presque scandalisée devant un tel gâchis de compétence monnayable.
– Non, mon grand-père est plutôt du genre utopiste à tendance rêveuse.
– Et Regulus en a une ?
– J'suis pas sûr qu'il la méritait, mais oui, il a la sienne aussi, le salaud-frérot. Salofréro. Mais pas Nigel. Valdas Sontchaff ne lui avait jamais proposé. Et puis Nigel ne partageait-il pas celle de son épouse ?
Thibert se releva, Sirius lui décida de rester emmitouflé dans la couverture grise.
– Bon, au cas où tu en aurais besoin, le mot de passe est Battenloeil .
– Battenloeil ? Ahah, excellent, mais pas très chevaleresque, pas très gryffondor ! Pourquoi pas Va te faire foutre ?
Mais ça lui convenait bien, finalement. Il vit Thibert partir dans un de ses gros rires qui sentait la vache et la crème de Jersey à vingt lieux à la ronde.
– Justement, Rusard s'est embrêlé les pinceaux, c'était le mot de passe des Serpentards !
– Tu veux dire qu'ils ont le nôtre ?
– Sauf si Rusard a vraiment tout foiré et qu'il leur a refilé celui de Serdaigle ou de Poufsouffle ! Alors, qu'est-ce que tu fais, tu restes ici ou tu rentres ?
Tu rentres… quelle drôle d'expression, comme s'il était dehors, comme si le dortoir était sa maison, sa vraie place.
– J'sais pas, ici, là-bas, peut-être que tout ça n'a aucune importance. Aucune putain d'importance.
– J'y crois pas ! Toi, tu sais pas ce que tu veux faire ? t'es sûr que tu vas bien ?
Bon sang, il avait réussi à déstabiliser le grand Thibert, et même à l'angoisser : il le voyait dans les yeux marrons clairs, qui s'agitaient, à la recherche d'un cognard qu'ils ne retrouveraient jamais.
Si Bacqueville en était déjà là après cinq minutes de causette avec lui, qu'est-ce que ce serait donc face à face avec le si pénétrant Lunard…
- Bon, je te suis, et c'est moi qui dis le mot de passe.
Allez Sirius, courage, pirouette, pirouette, chien savant, ce qu'ils attendent de toi. Même Gogo doit t'attendre au tournant, des projets de détention plein la tête.
Il sortit la malle de sa cachette, la fit léviter (cette fois-ci, il fit sobre, elle était sagement derrière eux), et traînant sa couverture, il marcha derrière Thibert qui lui fit place devant leur garde-chiourme.
– Battenloeil !
Elle n'en ouvrit qu'un, continuant sans doute à dormir de l'autre, un gros cyclope rose et vaporeux.
– Hm jeune Black, première entrée de l'année, quel plaisir de vous revoir parmi nous, mais … mais à des heures plus qu'indues… (il entendait Thibert se marrer en parlant d'heures hindoues….) limite infraction, sans doute que Monsieur Rusard serait désolé, positivement désolé, d'apprendre tout ceci, mon jeune ami.
– Ecoutez, Milady, merci pour vos intéressants commentaires, mais, comme vous le faisiez astucieusement remarquer, il est fort tard et… pourriez-vous nous laisser accéder à nos appartements, à mon bon ami Bacqueville, et moi-même, votre honoré serviteur… Milady.
Deux Miladys coup sur coup, si avec ça, il ne se la foutait pas dans la poche pour au moins deux semaines… Elle lâcha un aristocratique gloussement et lui envoya un petit sourire minaudier, presque leste, en ignorant superbement Bacqueville (elle le trouvait un tantinet trop rustique, trop massif, elle avait un faible avéré pour les jeunes gens élancés, tout en étant bien musclés… Black, bien que trop fantasque, était très proche de l'idéal, mais l'Idéal s'appelait Nelson Cadogan, il était en cinquième année – elle avait donc encore trois années complètes pour, giron palpitant, le voir passer plusieurs fois par jour et embellir à chaque passage. La Dame en Rose, bien que peinte au XVII ième siècle, était un portrait incorrigiblement romantique).
La salle commune parut sombre et hostile à Sirius, mais Thibert pressa l'allure en direction de l'escalier du dortoir, visiblement pressé d'aller se glisser sous la couette. Pourtant, à mi-chemin, il se retourna, l'air d'avoir oublié quelque chose
– Ah, au fait, Helier a intégré Gyrffondor.
Et comme il n'y avait pas besoin d'en dire plus, il se remit en marche. Sirius lui laissa deux minutes (Helier nouveau petit griffon de la famillle Bacqueville, quoi de plus normal ! bon chien chasse de race mais à ce compte, lui était un mauvais chien… ) et manoeuvra sa malle en suspension dans l'étroit colimaçon de pierre froide, une opération toujours délicate.
C'est pour cela d'ailleurs que les elfes domestiques s'en chargeaient, abruti ! se dit-il en encornant un coin de sa cantine dans ce foutu granit écossais. Avec quelques jurons, et après avoir failli laisser tomber sa baguette , il réussit à la dégager et la faire atterrir au pied de son lit, avec juste un petit craquement.
Les rideaux de son baldaquin étaient ouverts, mais ceux de Lunard étaient clos. Bizarre. Il s'en approcha, et jeta un prudent coup d'œil à l'intérieur. Le lit était blanc et inhabité. Les loups n'ont pas besoin de lit. Les loups n'ont pas de mère.
Il retourna vers son propre baldaquin, qui se trouvait dans le coin opposé aux deux fenêtres, à côté de celui de Lunard, après lequel se trouvait le plumard du petit rat et la porte de la salle de bains. De l'autre côté de la pièce carrée, on avait Thibert côté fenêtre et Potter côté mur.
Il ouvrit sa malle, fournagea un bon moment à l'intérieur, les lévitations successives avaient flanqué un joli boxon à l'intérieur, il faut dire que le terrain n'était pas très net au départ et que, pressé par le temps, il avait procédé à un remplissage très peu ordonné.Il finit par dégoter un pyjama, coincé / repassé par deux gros bouquins et le sac plastique moldu blanc et orange qui lui servait de trousse de toilette.
Il se brossa sommairement les dents, s'aspergea le visage à plusieurs reprises, eau froide, eau froide, froide, froide, comme l'eau en Islande qui faisait frissonner Shaula, mais dont Nigel sortait impavide.
Le sac blanc et orange tomba sur le sol dans un épouvantable fracas.
