Toute ressemblance avec le procédé de réponses à serait fortuit et involontaire et ne saurait engager la responsabilité de l'auteur.

Donc pour les trois fidèles

James prend une volée de bois vert chez Z et G - planeur intégral, mère maquerelle, agité des hormones, obsédé et voyeur…

Par Merlin, Evans dis-nous ce que tu lui trouves ! (j'espère qu'il est doué au lit pour donner autant de leçons à tout le monde…). Well, autant vous dire que ma description et mise en scène de James a des petits relents de vengeance perso …et peu glorieuse, mais j'assume !

F elle ne s'intéresse qu'à Sirius, mais pas à Madame Black - bien noté, on va voir si ce chapitre te laisse toujours froide looool ! Et pour ce qui est de l'auto-centrage, être attiré par sa mère et vouloir prendre la place de son père, à qui on ressemble si fort, dans le style auto-blacko-centrage, ça me semble pourtant pas mal…

Quant à G, elle essaie de vous faire croire qu'elle adore Phèdre, mais en fait c'est une obsédée d'Hippolyte ! niark niark ! (mais merci à elle pour les corrections et les améliorations)

Rencontre du troisième type

Le lendemain, Sirius traîna le plus possible au lit, se fourrant la tête sous l'oreiller afin d'échapper à l'habituel charivari matinal. Il commençait à en avoir marre de cette promiscuité obligée à cinq. Il en aurait volontiers viré deux ou trois.

Il arriva dans le réfectoire juste au moment où l'escadrille des chouettes postale faisait son habituelle arrivée, dans un cataclysme de battements d'aile et de coups de bec. Comme d'habitude, les chouettes qui délivraient les courriers commerciaux étaient les plus agressives.

Il récupéra au vol son exemplaire mensuel de la Nouvelle Revue de Quidditch, envoyant ballader en face de lui le connard de volatile qui amenait la Chronique de Jersey à Thibert.

« Tu me donneras le cours de la vache magique à Saint Hélier ! »

Thibert lui répondit, avec un flegme fortement copié sur celui de Lunard.

« Sur pied ou abattu ?

– Là où on se fait le plus de tunes, my dear. »

Thibert répondit sérieusement

– Alors, c'est la crème ! » Sur ce, le jeune homme propulsa puisamment sa chouette au dessus de la mêlée.

Sirius sentit une main se poser en douceur sur son épaule, il tourna la tête : c'était Evans. Bien sûr, elle voulait savoir s'il avait reçu une réponse de Grimmaud Square. Il se composa une mine de circonstance : sombre et légèrement désespérée

« Hello, Sirius… ça va ? Tu … tu as eu le temps d'écrire à ton père ? »

Il s'entendit pousser un soupir à fendre une corne de licorne. Une lueur dure passa dans le regard d'Evans, éclairant ses yeux au passage. La première fois qu'il voyait cela… enfin non, plutôt la première fois qu'il la regardait un peu attentivement. Il se dit qu'il était peut-être allé un peu trop loin.

« En fait, non, je ne lui ai pas écrit, j'ai bien réfléchi, et plus j'y pense, plus je me dis qu'il n'acceptera pas – il considérera que c'est à Poudlard de se débrouiller pour avoir les bouquins qu'il faut… et que Dumbledore se fourvoie à faire appel à la charité publique… »

D'ailleurs, peut-être qu'il n'était pas loin de la vérité en lui débitant tout cela, il connaissait suffisamment les positions de son père sur le thème Chacun doit assurer les missions qu'il a acceptées en son âme et conscience pour s'imaginer qu'il pourrait fort bien recevoir une réponse de ce genre s'il s'aventurait à poser la question en direct. Evans reprit d'un ton passionné

« Mais tu pourrais lui expliquer que, vu la spécialisation que tu as choisie, et d'autres avec toi, il faut absolument que tu étudies cet ouvrage… j'imagine que cela, ton père pourrait le comprendre, c'est dans ton intérêt, dans celui de son fils !

– Il y a une quantité de choses que Nigel Black place avant l'intérêt individuel de son fils. »

Il y avait du défi dans sa voix, pour un peu, il se serait rangé dans le camp de Nigel, dans celui des Black toujours purs, toujours durs, laissant Evans à ses pleurnicheries de petite élève modèle. Est-ce que sa vie serait vraiment changée s'il apprenait à maîtriser deux ou trois putains de formules magiques en plus ! Mais bon, il avait besoin d'elle – donc l'héroïsme serait pour plus tard… ou pour jamais.

« Ecoooute, Lily, je vais réfléchir à quelque chose. Et je te tiens au courant… et peut-être que j'aurais besoin de ton aide. »

Elle poussa un petit soupir de soulagement et après un minuscule temps d'hésitation, elle reprit sa cape et s'en alla.

Bien, bien, les choses se précisaient… il pourrait lui faire part de son projet dès ce soir. Ils avaient à nouveau deux heures de cours de Charmes aujourd'hui, avec un peu de chance Jetta en remettrait une couche sur le sujet et la petite Evans ne résisterait pas à l'appel du sacrifice pour la science. Et lui ferait d'une pierre deux coups.

Le soir, il réussit à l'intercepter discrètement à la sortie du réfectoire et elle répondit tout de suite à sa sollicitation – elle le suivit dans un recoin isolé. Remus et Peter avaient prévu de travailler de conserve, James et Thibert étaient partis faire un petit tour de balai, histoire de retrouver la forme avant la reprise officielle. Patmol l'avait d'ailleurs bassiné tout au long du dîner pour qu'il se joigne à eux et au reste de l'équipe, mais il avait plus ou moins réussi à lui faire croire que son balai était HS, une fausse manœuvre pendant l'été. Il avait vu que Lunard le regardait en ébauchant un sourire, les yeux interrogateurs et moqueurs aussi. Sans doute la première fois qu'il assistait à ce spectacle – Sirius Black snobant une séance d'entraînement.

« Alors, tu as trouvé un moyen ?

– Dépend de toi, Evans !

Elle tressaillit, faisant un pas en arrière.

– De moi, tu veux… tu veux que ce soit moi qui écrive à ton père ?

– Ecrire, toujours écrire… il y a d'autres moyens d'agir. Non, tu vois, je vais aller chercher moi-même ce putain de bouquin, et je vais me passer de toute permission. Mais je vais y aller caché, et pour cela, j'ai besoin de la cape de James.

– Ah, c'est donc cela. Mais qu'est-ce que j'ai à voir là-dedans ?

– Mais tout, ma chère, c'est toi qui va me la filer, cette cape !

– Pourquoi donc ? pourquoi tu ne demandes pas à Ji… James directement ? »

Il s'obligea à se troubler, pas difficile d'ailleurs, il suffisait de penser à la véritable finalité de tout ce cirque qu'il était en train de lui monter.

« Euh, à vrai dire, vu ce que ça a donné la dernière fois que je l'ai empruntée, j'ai quand même une grosse incertitude sur sa bonne volonté, à Jim ! Enfin, tu dois bien t'en douter, James a du t'en parler, non ? »

Elle détourna les yeux. Trop vite, trop vite Evans, on t'a jamais appris qu'il fallait mieux faire envie que pitié ? Il eut pitié d'elle pourtant, tout d'un coup.

« En fait la dernière fois qu'il me l'a prêtée, c'était pour aller mettre du boxon chez les Serpentards, je me suis fait prendre par le concierge et … bon… il a fallu imaginer tout un truc pour récupérer la cape. Donc, tu comprends que James ne reprendra jamais le risque…

- Pas si tu lui expliques… ce serait aussi pour moi…et puis chez toi, ce n'est tout de même pas comme chez les Serpentards, ce n'est pas une zone ennemie, tout de même. »

Peut-être ennemi n'était-il pas le mot, mais une zone dangereuse, de toute évidence. Un danger au devant duquel il avait toujours eu besoin de se précipiter.

« Ecoute, si tu veux qu'on puisse boucler tout le programme, et assurer aux exams, il faut que Jetta récupère SMI et il n'y a pas trente-six moyens ! Donc, je voudrais que tu empruntes la cape pour moi… et tu comprends qu'il faut mieux que James ne soit pas au courant. »

Elle s'apprêtait à dire quelque chose, mais il lui fit signe de la fermer et avança d'un pas vers elle.

« Je sais que James ne la range plus dans notre dortoir, il lui a trouvé une autre cachette et je sais que tu es au courant. »

Elle se troubla à nouveau, et dut décider de se donner du temps - elle se passa les doigts sur le front, puis elle remit ses cheveux en place, derrière ses oreilles. Il attendait, le regard pesant sur elle, sachant que cela ne pouvait que la gêner – être observée de si près, justement par lui.

« Alors, qu'est-ce que tu en dis ? Il lui saisit le bras, et l'obligea à faire un pas en arrière.

– C'est Ok, je vais te l'apporter… pas ce soir, ce ne sera pas possible, mais demain, demain midi je l'aurais. On a cours de Charmes à deux heures, je te la passerai. Par contre, tu me la rendras le soir même, onze heures au plus tard. »

Elle le regardait bien en face, de ses étranges yeux verts, un peu trop rapprochés.

« Je m'engage, et toi tu fais pareil. Demain onze heures. Tu as compris ?

- Hé, cool, ou tu veux que je te signe un parchemin ?

– Non, mais je mettrai en place un sort de desinvisibilio, prise d' effet à 11 heures 01.

– Tu sais faire ? »

Il s'aperçut un quart de seconde trop tard qu'elle plaisantait.

« Non, ça ne marche pas sur les capes… allez je file. Je vais faire un tour du côté du terrain de quidditch .. et n'oublie pas de faire réparer ton balais. Ciao, Sirius. »

Bon, qu'elle se foute de lui, tant que ça lui chantait, demain, il aurait la cape. Demain.

Evans tint sa promesse, mais il n' avait pas douté une seule seconde qu'elle le ferait. Au début du cours de Charmes, elle lui fit signe de s'installer à côté d'elle, sur la place qu'elle lui avait réservée, en disposant sur le banc un petit volume passablement endommagé, intitulé Récits moldus de capes et d'épées .

Sirius lui adressa un signe interrogateur.

« Oh, ça … tu n'as qu'à le pousser au bout du banc. »

Il s'exécuta, un peu à contrecœur, ça ressemblait presque à un ordre. Il étendit la main et eut la surprise de constater qu'elle s'enfonçait dans une matière molle, moelleuse même. Evans réprima un rire et lui chuchota

« Ça te convient comme camouflage ? J'ai pensé que ce serait ce qui se remarquerait le moins… c'est bien le genre de littérature que tu pratiques, non ?

– Comment tu le sais ?

– Mais Sirius, je le sais parce que je vois ce qui tu bouquines, figure-toi ! Il faut bien que le fait de vivre les uns sur les autres présente certains avantages….

Il rangea la cape transfigurée en livre dans sa sacoche, tandis qu'elle lui précisait encore

– Le sort tiendra, en gros, jusqu'à la fin du cours. »

oooooooooo

Il s'arrangea pour dîner le plus tôt possible. A sept heures trente, il avait terminé, et quitta la grande salle qui commençait tout juste à se remplir.

Il remonta chercher la cape, et se rendit dans la salle des professeurs, empruntant un passage ouvert par les Maraudeurs, il y avait trois ans. Il était à peu près certain que Old Dumb soi-même l'utilisait. L'année dernière, Cornedrue l'avait vu sortir de son bureau (plus exactement Cornedrue sortait du bureau du directeur en même temps que ce dernier vu qu'il y avait été convoqué pour recevoir une nouvelle giclée de discipline poudlarienne) et à peine deux minutes plus tard, Lunard, présent en salle des professeurs pour une obscure raison, constatait l'arrivée de AD. Ils avaient passé la soirée à se chronométrer dans les couloirs et n'étaient jamais arrivés à faire quoi que ce soit en moins de quatre minutes et des chaudronnettes.

Les Maraudeurs en avaient donc conclu que Dumbledore, ou se livrait à des transplanations intra-muros, 'dans le style faites ce que je dis, mais surtout pas ce que je fais' avait commenté laconiquement Lunard, ou connaissait le passage, ou courait plus vite et bondissait plus loin que des élèves de seize ans, débordant d'adrénaline et d'hormones. (Il va sans dire que l'utilisation que Old Dumb faisait des hormones mâles qui lui restaient était un sujet de spéculation intense chez les Maraudeurs).

Il ouvrit la porte prudemment, à cette heure, tous les professeurs devaient être au réfectoire (les règles de Poudlard voulaient que le mardi soir, après deux jours de cours et en perspective des trois autres qui restaient à assurer avant l'oasis du week-end, l'équipe professorale ait le droit à une ration de vin, une semaine bourgogne, une semaine bordeaux, mais comme les quantités ervies étaient chichement comptées, il n'y avait jamais de retardataires…).

Effectivement, la salle était désertée, et de nombreux parchemins traînaient sur les tables. L'idée d'aller y jeter un coup d'œil passa rapidement par la tête de Sirius, mais elle y disparut immédiatement, engloutie au milieu d'un maëlstrom d'anxiété et d'impatience.

Il jeta la poudre de cheminette d'une main fébrile, et se retrouva dans la cheminée de la chambre de son grand-oncle Thaliom, inutilisée depuis longtemps. En fait depuis que Regulus et lui n'y jouaient plus à l'Hallucinant et Halluciné Fantôme de Grimmaud Square, donc cela devait bien faire une dizaine d'années.

Il sortit de la cheminée, et se revêtit soigneusement de la cape, vérifiant dans un miroir terni qu'il était effectivement devenu invisible. Il se demanda simplement si, lui ayant disparu, ce n'était pas les battements de son cœur qui allaient le trahir. Rapides, fébriles, révélateurs.

Il ouvrit lentement la porte, et tendit l'oreille. Il entendit un vague bruit de conversation provenant du cabinet de travail de son père, situé à mi chemin entre l'ancienne chambre de Thaliom et la cage d'escalier. Etait-il avec Shaula ? Il sentait ses jambes trembler sous lui ; le mouvement se transmettait à la cape qui remuait brutalement sur lui. Il dut se contraindre au calme, chasser l'image de Shaula maintenant si proche, et ensuite la tentation de repartir sur le champ. Enfin, se murmurant à lui-même un « Griffondor, pour le meilleur et merde au pire » comme une incantation ironique, mais qui cherchait son souffle, il se glissa dans le corridor et s'approcha de la porte du bureau de Nigel, serrant sa baguette sous la cape.

Il colla son oreille contre l'épaisse porte de bois sombre, il y avait bien deux voix, mais deux voix d'homme ; l'une s'élevait, nette et précise, dans la pièce, celle de Nigel, parlant de Gringott's et de transactions financières, l'autre était assourdie et provenait sans doute de la cheminée. Il lui sembla reconnaître la voix de son oncle. Leur conversation était animée, cordiale et même plus que cela – fraternelle. La haine qui existait entre Regulus et lui n'avait jamais empoisonné les rapports entre Nigel et son frère. Sans doute aussi pour cela que Nigel était tellement furieux de l'attitude de ses fils.

Tout d'un coup, il les entendit rire, et ensuite, ils se firent leurs adieux et Sirius écouta les flammes ronfler dans la cheminée - son oncle venait de partir. Il gagna rapidement le palier et descendit au rez de chaussée, où se trouvait la splendide bibliothèque Black, comptant près de 20 000 ouvrages, magiques ou moldus. Les Black possédaient également deux incunables, pour lesquels les moldus, s'ils en avaient connu l'existence, auraient été prêts à payer des fortunes. Le plus ancien livre de cette bibliothèque était un manuscrit magique en langue yéotish qui s'intitulait Les deux chiens d'Yama. Et le plus récent avait peut-être été acheté par son père le jour même chez Fleury et Bot ou chez Hatchard's !

Il se positionna au milieu de la vaste pièce, près du pupitre de consultation. Comme toujours, il leva les yeux vers les plus hauts rayonnages, à cinq mètres du sol, et en raison de la pénombre ambiante, il était quasi impossible d'y distinguer quoi que ce soit. Il fit glisser sa cape de façon à dégager ses bras, leva sa baguette et murmura Accio liber Parselune. Trois ouvrages quittèrent leurs étagères et atterrirent en douceur sur la table adjacente au pupitre. Sorts communs, Charmes pratiques et, enfin, il reconnut Sortilèges mortels et immortels, précieusement relié de chagrin d'un vert presque noir. Couleur de Serpentard, à laquelle Nigel était toujours resté fidèle.

Il prit le livre et inspecta la tranche. Ses souvenirs ne l'avaient pas trompé : sous les lettres d'or du titre, il vit le trigramme BLD, indiquant que Nigel avait procédé à la duplication de l'ouvrage. Le second exemplaire, dit de travail, relié plus simplement en robuste toile de chanvre, devait se trouver dans le bureau de son père : il y avait donc peu de chance que Nigel s'aperçoive de la disparition de cette version là.

Il appliqua un sort de réduction et fourra le livre miniaturisé dans la poche arrière de son jeans. Il se souvint avec un peu de gêne du jour où, l'année dernière, profitant de ce que ses parents étaient en voyage il ne savait plus où, il avait amené Remus au square Grimmaud afin qu'il puisse se repaître des trésors de la bibliothèque de la prestigieuse famille Black.

Il lui avait proposé un peu par hasard, et aussi par bravade, ou vantardise, mais il avait vite compris que pour Lunard s'était un plaisir absolu, et cruel aussi… voir son ami en possession de tant de merveilles dont il se foutait absolument.

Le flegmatique Lunard s'était soudain transformé en enfant ravi, excité, allant, bondissant d'un rayonnage à l'autre, sortant trop de livres à la fois pour avoir vraiment le temps de les regarder, avide et finalement désespéré de voir qu'il aurait si peu de temps à passer dans cette grotte aux trésors … quand bien même Patmol l'aurait autorisé à y passer des semaines. Au bout d'une heure de frénésie, il s'était calmé, avait dédaigné cette vertigineuse abondance et, retrouvant toute sa rigueur, il s'était focalisé sur le thème de la magie noire mise à l'index de l'Auguste Conseil Sorcier de 1776. Il avait demandé à Sirius s'il pouvait consulter les ouvrages les plus magiques de tous, les livres chimères, ceux qui ne contenaient pas simplement des mots sur du parchemin ou du vélin, mais possédaient leur propre existence, leur propre force magique.

Sirius avait marqué un léger temps d'hésitation, puis il lui avait répondu oui, curieux de voir jusqu'où allait la maîtrise de Lunard dans ce domaine. Et tant pis si l'expérience devait déboucher sur des ennuis avec son père. Il s'était préparé à se boucher les oreilles, c'est fou comme ces foutus bouquins adoraient vomir leurs abominations ! Mais Lunard ne l'avait pas déçu – il avait sorti deux antiques grimoires, Ultima Goetiea d'Horatio Ralesculu et Ars Sinistra d'Hippolyte Cherow et avait su déjouer leurs attaques, étouffer leurs cris terrifiants, les soumettre à sa volonté de lecteur et trouver dans leurs entrailles ce qu'il voulait d'eux.

Sirius avait constaté avec surprise et même, il faut bien le dire, un peu de frousse, combien le visage de Lunard s'était modifié – les yeux élargis et étrangement brillants… exultants, la bouche à la fois mobile et dure, entrouverte, laissant par moment voir ses dents. Et une sorte de lueur qui émanait de sa peau claire. Sirius s'était demandé à quoi ressemblait Nigel quand il consultait les mêmes livres.

Puis, il était allé s'allonger sur le sofa situé dans le bow-window, d'où, les yeux mi-clos, il avait continué à regarder Lunard. A intervalles réguliers, par besoin de se détacher de ce spectacle qui l'oppressait, il s'était obligé à lancer en direction de son ami des références de titres, sachant qu'ils ne pourraient pas ne pas l'intéresser – des ouvrages rares que Poudlard ne possédait pas. Lunard soupirait, et notait la référence, tout en restant concentré sur sa lecture chimérique. Au bout d'une bonne heure, il avait refermé les deux bouquins et les avait locomotionné sur leurs étagères respectives. Sirius s'était levé, ébroué et lui avait dit « Fin de séance, mon cher ».

Ensuite, il était allé leur piquer deux havanitos dans le cabinet de travail de Nigel et ils les avaient fumé en silence – c'est d'ailleurs surtout de ce moment là dont Sirius se souvenait avec le plus d'intensité – comme une pause sereine, reposante, sans avant et sans après, sans enjeu – une expérience extra-temporelle. Quelque chose qui ne pouvait pas se produire avec Regulus ou Nigel. Quelques jours après, Lunard lui avait demandé s'ils pourraient renouveler ce genre d'expéditions et Sirius avait répondu oui. Il l'avait même parfois laissé s'y rendre sans lui.

Il quitta la bibliothèque et se rendit prudemment dans le petit salon, puis dans la salle à manger, puis dans la grande pièce de réception. Nulle trace de Shaula, ni même de sa présence. Il monta au premier étage – il n'y avait personne dans la chambre de sa mère… il hésita, puis renonça finalement à vérifier dans la chambre de son père. Poussé par une soudaine impulsion, il grimpa jusqu'au palier du second étage, et vit tout de suite que la

porte de sa chambre était entr'ouverte. Il s'approcha en frémissant - il entendait quelqu'un se mouvoir lentement dans la pièce. Il se contraignit à penser à Kreattur, c'était sans doute lui qui faisait du rangement, d'ailleurs n'entendait-il pas le léger grincement de la porte de sa garde-robe ?

Il décida que ce serait excitant d'espionner cette fieffée fripouille et glissa sa tête dans l'ouverture de la porte.

C'était Shaula, toute de rouge vêtue, pull ajusté et grande jupe ample, lui tournant le dos. Il se dit qu'il était encore temps de partir, immédiatement, avant de chercher à comprendre ce qu'elle faisait chez lui. Après tout, il avait le livre qu'il devait ramener à Poudlard.

Mais, de la même façon, il était tout autant possible – et facile oh, si facile – de faire un pas en avant, puis un autre. Il suffisait de se laisser glisser vers elle. Après tout, n'était-ce pas pour elle qu'il était venu ? pour essayer de savoir si, en son absence, elle pensait à lui aussi fortement que lui à elle.

Il fit un pas et les autres qu'il fallait pour se rapprocher d'elle. Il était maintenant à moins d'un mètre, il se tenait à sa gauche, et la contemplait de profil. Visage et corps de femme profilés pour ses invisibles yeux d'homme.

Il ressentit un violent coup au cœur en se rendant compte que c'était la première fois qu'il pensait à lui comme à un homme. Jusqu'à présent, il avait été un élève, un maraudeur et un Master, un jeune homme, pas encore un homme.

Elle semblait chercher quelque chose dans la garde-robe de son fils, il voyait son regard passer sur les piles de chemises, de tee- shirts et de pulls. Il était soudain jaloux de ses propres vêtements, il aurait voulu qu'elle le regardât, lui ! Puis, elle approcha ses mains, il les vit trembler, hésiter, se reprendre, se lancer finalement, attraper un pull, le tirer, l'extraire de la pile qui se disloqua – à travers une sorte de brouillard coloré, il vit tous les chandails tomber mollement et silencieusement aux pieds de Shaula. Il les délaissa, ils étaient disqualifiés, puisque c'était un autre qu'elle tenait contre elle, et celui-là, il le voyait nettement, et le visage et les lèvres qu'elle pressait contre la laine sombre.

Il eut envie de se débarrasser de la cape, de la jeter à ses pieds, avec tout le reste, de lui arracher ce qu'elle tenait si précieusement et de reprendre leur dialogue secret où ils l'avaient laissé : j'ai eu … envie de vous prendre dans mes bras.

Et tu sais Shaula que j'en ai toujours la même envie urgente et délirante – mettre mes bras autour de toi et voir ce que tu en fais et comprendre ce que tu attends de moi. Car il faut bien que tu attendes quelque chose, toi aussi, sans cela pourquoi ferais-tu ce que tu es en train de faire ? Laisse moi prendre la place de ce vêtement et fais sur moi les gestes que tu répètes sur lui. Je suis peut-être venu pour révéler notre vérité.

Il étendit le bras, et attoucha son sein droit. Elle se tendit et poussa un bref gémissement. Puis, elle laissa brusquement tomber le pull et sortit en courant de la chambre.

Il se figea sur place, épiant le claquement de ses pas dans le corridor, puis dans la cage d'escalier. Il lui fallu de longues minutes pour émerger ; il regardait sa main essayant de comprendre comment elle pouvait lui sembler à la fois si lourde et si légère. Puis, il fut enfin capable de se demander ce qu'elle avait pensé au moment précis où elle ressentait son attouchement : s'était-elle dite qu'elle avait affabulé ce contact, une pression devenue réelle à force d'être imaginée, désirée ? Puis, il fut capable de bouger à nouveau – il allait se mettre à sa recherche, il fallait qu'il la voie à nouveau, il l'avait trop peu vue.

Il quitta sa chambre, descendit un étage et inspecta le couloir du premier étage. La porte du bureau de Nigel était ouverte, projetant un drôle de rectangle, clair et distordu, révélant les motifs noirs et verts du tapis. Comme une sorte de mirage dangereux ou de passage vers un endroit interdit. Soudain le rectangle se troubla et s'anima, une ombre aux contours imprécis s'aplatit au sol, puis se retira et tout redevint lumineux.

La sensation bizarre remonta en lui, paralysant presque son bras. Son bras devenu rigide et froid, alors que le sein de Shaula était souple et chaleureux, évident pour le creux de sa main. Le bras ballant comme un imbécile sous la cape protectrice, il se rapprocha à grands pas heurtés.

Elle était là, rouge toujours, et rouge son sein droit, allant et venant devant le bureau où Nigel était assis, parlant avec précipitation. Plus rapidement que l'habituel rythme rapide de sa voix. Sirius entra et alla se placer derrière son père. Ainsi, il la verrait comme Nigel la voyait. Mais lui n'aurait pas besoin de l'écouter – les mots étaient destinés à Nigel, des mots idiots et vides, juste pour oublier des gestes.

« Mais enfin, où veux-tu en venir Shaula ? Aurais-tu quelque chose à me demander ? »

Il se contracta brusquement, alerté par le tutoiement entre eux – il les avait toujours entendu se vouvoyer. Et maintenant Nigel abandonnait plume et parchemin, se calait dans son fauteuil et levait les yeux vers sa femme. Lui aussi en alerte ? Shaula continuait à aller et venir devant lui, serrant ses bras autour d'elle comme si elle avait froid.

« Tu as froid ?

– Non… enfin si, un peu. »

Nigel attrapa sa baguette et réactiva le feu. Il la conserva en main, et se mit à la tapoter sur son bureau, une extrémité, puis l'autre, et entre les deux tocs, la baguette basculait entre son index et son majeur.

Sirius se déplaça latéralement, irrépressiblement, c'est son père qu'il voulait regarder maintenant, il le sentait mal à l'aise, sur la défensive et il voulait le voir comme cela. Nigel portait son habituelle robe d'intérieur, velours noir et lumineuses broderies d'argent. La voir à nouveau ramena cruellement le souvenir.

Lui avait six ans, Regulus quatre.

Ils étaient malades tous les deux – varicelle. On les avait mis à dormir dans la même chambre, pour faciliter les soins qu'il fallait leur donner. Au milieu de la nuit, il s'était retrouvé avec un Regulus réveillé, trempé de sueur, se cramponnant à lui, pleurant contre lui, lui disant « Va chercher Maman ». Il se souvenait de la sensation des mains bouillantes de son frère agrippées à lui, il se souvenait avoir machinalement murmuré « Doux Merlin, faites que mon petit frère ne meure pas ».

Puis, il s'était levé, en bougonnant. A peine avait-il mis un pied sur le sol, que tout se mit à tourner autour de lui. Il avait du s'asseoir sur son lit, afin que le malaise disparaisse. Regulus pleurait toujours, il était allé frapper à la porte de la chambre de leur mère. Elle avait ouvert, inquiète, et elle s'était précipitée vers la chambre d'enfant. Lui l'avait suivi, dans le vif ondulement d'une robe noire brodée d'argent. Le lendemain, Regulus et Sirius s'étaient demandé pourquoi leur mère était venue à eux vêtue de la robe de leur père.

La baguette continuait à frapper le bureau, comme un métronome scandant le temps qui passait entre eux. Et il vit comme les pas de Shaula se calaient sur ce rythme. Puis elle se jeta brusquement dans le fauteuil qui faisait face au bureau, et la baguette de Nigel cessa son manège.

« Pourquoi es-tu venue ? Juste pour me voir ?

– Et pourquoi pas ? »

La voix était emplie de colère et de souffrance ; Nigel, comme atteint de plein fouet, ferma les yeux. Shaula ne tint pas compte de son geste et continua, mais sans doute son intonation était plus douce – et Sirius s'en découvrit soulagé, comme si la voix lui parlait aussi

« Pourquoi penser que nous n'avons plus besoin l'un de l'autre, Nigel ? »

Ce fut tout d'abord une violente souffrance, comme une explosion lui percutant la cervelle, elle disait à Nigel qu'elle avait besoin de lui ! et puis ensuite, dans les débris de son cerveau éparpillé, jaillit, avec force, une autre idée – elle ne demandait qu'à Nigel de la protéger, de faire écran entre elle et lui. C'est elle et lui qui étaient importants, au centre. C'est juste pour cela qu'elle s'était réfugiée chez Nigel. Il sentait qu'il ne pouvait pas en être autrement, c'était la certitude du temps enfant qui revenait en lui – l'absolue infaillibilité de l'amour de Shaula pour lui.

Il se mit en marche vers elle, laissant Nigel de côté. Maintenant il était devant elle, elle et lui face-à-face. Et les paroles que Shaula prononceraient le toucheraient en premier. Et si elle s'avançait vers son mari, c'est le corps de Sirius qu'elle toucherait en premier. Nigel ouvrit les yeux

« Il est si incroyable que tu me dises cela, cela entre toutes les choses, Shaula. Tu dois mentir… ne pense pas que je puisse croire que tu sois venue me voir si spontanément. Quelque chose te hante, et ce n'est certes pas le souci que tu as de notre relation. Alors arrête ! »

Il ne voyait pas Nigel, qui venait de crier froidement, il ne voyait que le visage soudain figé et durci de Shaula. Il se disait que Nigel devait être tout proche de lui, il pouvait même assez bien se l'imaginer, levé, les bras rigides, en appui sur son bureau, la dominant. Ils étaient trois dans cette pièce et il semblait maintenant qu'aucun d'eux ne savait plus quoi faire, Nigel parce qu'il venait de découvrir sans vouloir aller plus loin dans la compréhension, Shaula parce qu'elle ne pouvait rien faire contre ce refus, et lui, Sirius, parce qu'il était cette zone de trouble entre eux. Tout comme il était là présent entre eux, sans pourtant faire obstacle à leurs regards. Car Shaula était en train de regarder Nigel, et ses yeux étaient tristes et découragés, vidés, sans âme. Il se retourna doucement vers son père, il ne vit qu'un visage dissimulé derrière des mains.

Derrière lui, Shaula se levait, il se dégagea rapidement sur le côté, afin de la laisser passer. Elle franchit la porte et disparut dans le couloir obscur. Il continuait à regarder son père, il vit les coudes de Nigel disparaître sous le bureau, le visage dissimulé de Nigel s'incliner lentement, en même temps que ses vertèbres cédaient, les unes après les autres. Il regarda le phénomène jusqu'au bout, jusqu'au léger choc des jointures sur le bois. Il était transi et brûlant – il découvrait en lui la tentation de soulever la tête immobile de Nigel, la saisir par ses cheveux noirs, et de regarder le visage sans défense de cet homme. Mais il n'en fit rien. La cape glissa de ses épaules.

Il sortit du bureau en courant, sans avoir pris le temps de la réinstaller. Et tapi dans un coin de son crâne, l'espoir que Shaula était à l'attendre derrière la porte. Mais il n'y avait strictement personne sur le palier, que lui, dont le reflet sombre et brutal surgit dans un miroir et disparut aussitôt, en même temps qu'il fuyait en transplanant.