Eh bien, vous m'avez proposé de longues et fantastiques reviews, qu'ess que vous voulez que je vous réponde ?

Bon, j'essaie, mais globalement.

Je prends l'analyse de Sirius pris au piège entre enfance et âge adulte, mais la rivalité avec son père c'est aussi contre les Black et leur soutien à la magie noire, disons qu'un motif s'ajoute l'autre et que les deux se renforcent.

Plus de Régulus… à voir, mais je ne crois pas. James as le figurant de cette fic ? Ben oui, je l'aime pas celui-là, et Lily c'est presque pareil, quand à leur rejeton…

En fait, Lily et James sont des personnages horripilants, parfaits, sans défaut, toujours du bon côté. Enfin, si, une connerie ils en ont faite une le choix de leur gardien du secret ! Et peut-être que Rowling les a rendu parfaits juste pour donner la satisfaction à ses lecteurs (et à mon avis à elle aussi !) de les voir, finalement, punis de tant de perfection, d'intelligence, de beauté, d'humour… on en passe et sans doute de meilleur. Bref, le concept de Schadenfreude de nos amis allemands.

Les trois autres maraudeurs sont beaucoup plus intéressants… beaucoup moins monolithiques, eux, ont toute ma sympathie… Nigel et Shaula aussi, mais vous n'en doutiez pas ?

Hermione en dompteuse de livres noirs et magiques… je doute, trop girlie, trop tendre pour y arriver. Lupin Lunard a d'autres atouts qu'elle, le premier étant d'être lui aussi, nollens volens, une créature du mal. Remus, le frère souhaité ? Oui, sans doute, donc en fait il y aura plus de Remus que de Régulus..

En tout cas, hyper content de voir que vous avez apprécié la scène à trois…le double sens du sein, notamment… il m'a fallu du temps pour trouver comment j'allais en sortir… plus de temps que Sirius n'en aura besoin pour s'en remettre.

Merci à Madame G. pour ses conseils et les quelques passages où, par magie, le clavier passe de chez moi à chez elle et se débloque …

&-&-&-&-&-&-&-&

Il faut ramener l'élève Black

Il était maintenant dans la rue principal de Pré au Lard, pas très loin des Trois Balais, la cape le découvrant à moitié.

Il la roula violemment en boule et la fourra dans une de ses poches.

Il n'avait plus aucune idée de l'heure qu'il pouvait être, il lui semblait que son voyage de retour avait duré des heures et des heures, qu'il aurait passées à crapahuter dans un tunnel sombre et humide.

Il inspecta la rue, essayant de se ressaisir de la tranquille logique de la vie quotidienne.

Les vitrines proprettes des Trois Balais étaient éclairées et le chaudron de l'enseigne bouillonnait tranquillement, donc l'établissement était encore ouvert, donc il était moins de onze heures.

Dommage, ç'aurait fait des heures en plus entre maintenant et la scène à Grimmault Square, des heures comme un matelas protecteur entre lui et…

Des heures et des heures, foutremerlin, c'est bien la première fois de sa vie qu'il aurait voulu que le temps s'accélère et le fasse vieillir subitement et que les images et les impressions qui se formaient et déformaient dans son crâne en lui envoyant de grands coups moqueurs dans tout le corps aillent tranquillement se perdre dans le foutoir des souvenirs devenus inutiles.

Merde, il fallait qu'il aille s'alcooliser de toute urgence, une bonne biture salvatrice qui lui ferait perdre pied. Mais pas Les trois Balais, il risquait d'y retrouver une tapée d'étudiants en goguette, les dernières années qui bénéficiaient d'une autorisation permanente de sortie. Il se mit donc en marche vers La Tête de Sanglier…l'endroit était suffisamment louche pour que les élèves de l'établissement bon chic bon genre qu'était Poudlard ne se risquent à y traîner leurs robes.

Car c'était du genre crapoteux, aussi, les tables étaient couvertes d'une couche gluante de composition indéterminée et les verres ne semblaient jamais repasser par la case lavage.

Ils y étaient allés une fois, ils, les maraudeurs, l'année dernière et James avait dit que le whisky de feu avait un goût de potion tournée. Mais il était fort, il contenait beaucoup plus d'alcool que la loi magique ne l'autorisait… au bout d'un demi verre, aucun des quatre ne semblait plus avoir conservé la moindre miette de conscience.

Ils s'étaient tous retrouvés, ils ne savaient trop comment, dans la ruelle sombre et tortueuse qui desservait l'arrière de l'estaminet, affalés les uns sur les autres, avec la sensation d'avoir un dragon assis sur la tête, griffes plantées dans le cuir chevelu. Du moins est-ce ainsi que Sirius avait pu décrire sa gueule de bois, quelques jours après. Lunard avait parlé d'une avalanche de pierres sous son crâne, Queudver avait réussi à sa faire admettre à l'infirmerie, constituant ce que Poppy avait glapi être un véritable cas d'école. Quant à James, il avait parlé d'un simple inconfort passager.

Ils s'étaient également aperçus que le patron avait largement calculé l'addition, en fait sur la base exact de ce que contenaient leurs porte-monnaie respectifs, qu'ils avaient retrouvé vides de toute noise et de toute mornille.

Quand Sirius poussa la porte de la Tête de Sanglier, il avait l'étrange impression d'être déjà complètement ivre – s'il se saoulait au souvenir d'une cuite, dans quel état le mettrait donc l'évocation de ce qui venait de se passer dans sa chambre, tout à l'heure ?

Il referma la porte rageusement derrière lui, faisant se retourner tous les clients attablés ou accoudés au comptoir. Il lança un « Bonsoir la compagnie » et alla s'installer à une table inoccupée, dans un recoin sombre et dûment poussiéreux. Il dut tout de même chasser un dragon-chat jaune de la chaise et débarrasser la table d'un énorme scorpicafard qui s'y était collé la moitié des pattes. Le réconfort procuré par ces petits arrangements domestiques victorieux persista encore quelques minutes, pendant lesquelles la plupart des clients lui jetèrent des coups d'oeil, intrigués, ou carrément soupçonneux.

Bien, bien, il avait vieilli de quelques minutes, mais bien sûr, bordel , ce n'était pas assez… et ses neurones encore à jeun se replongèrent dans leur infernale manie contrariante de vouloir eux, rajeunir et lui faire remonter le temps.

Sept heures du soir, 12 square Grimmault, demeure de la prestigieuse famille Black, abritant, comme toujours depuis la nuit des temps, le fils aîné de l'actuelle génération, Nigel le balèze et sa splendide épouse, Shaula, Shaula au doux nom d'étoile. Et devinez quoi, leur fils, fils aîné là encore, vous noterez bien, est venu, comme c'est touchant, leur rendre visite, délaissant son école, ses cours et ses petits copains. Sans doute était-il en mal d'affection ? En mal d'affection. Touchant, on vous disait. Touchant. Je l'ai touchée, je lui ai touché le sein. Ce que je n'avait jamais fait à aucune fille, c'est à elle que je l'ai fait, c'est la première femme sur laquelle je pose la main. Une femme qui a 20 ans de plus que moi, qui avait 20 quand je suis né. Quelle horreur, quelle abominable horreur. Ce troquet dégueulasse et immonde n'est rien à côté de l'horreur qui est en moi. Mais comme l'horreur est douce, hein Sirius, douce et émouvante. Et comme tu aurais envie d'aller au bout, et de laisser couler dedans. Parce que c'est ce qu'elle veut pour toi aussi, hein, pourquoi te le cacher ? Et puis tu es griffondor, n'oublie pas, tu agis et ensuite tu réfléchis. Donc tu couches avec ta mère, et après, il sera bien temps de savoir si ça pose un problème. Si ça pose vraiment un problème.

« Qu'ess-ce que vous voulez boire ? »

La voix grognonne et vulgaire fit sursauter Sirius, qui se rendit compte qu'il avait les yeux fermés. Plus que cela d'ailleurs, les paupières serrées, resserrées fort si fort sur ses yeux. Les paupières figées dans une douloureuse crispation, crispation interdiction, défense de voir, défense de pleurer, défense de se laisser voir ; mais sur leur écran intime, combien d'images avaient défilé depuis tout à l'heure, une surtout, qui avait tout teinté en rouge, rouge comme l'imminence d'un danger, rouge comme une action sanglante, rouge sang de blasphème.

Il eut infiniment de mal à localiser le sorcier qui se tenait pourtant juste en face de lui, une grosse panse barrée d'une large ceinture de cuir noirci à laquelle était suspendue une guirlande de torchons plus dégeulasses les uns que les autres. Justement, l'homme se saisissait de l'un et entreprenait de le passer sur la table, créant de douteuses traînées.

« M'avez tout l'air d'avoir besoin d'un bon remontant, mon jeune ami. »

Il affichait un sourire goguenard, et méchant aussi, se dit Sirius. Méchant et dénué de toute pitié. J'ai un salaud en face de moi, et je suis aussi un salaud, plus raffiné, 18 ans de bonnes manières derrière moi, mais un salaud quand même. Et peut-être que ce gros porc devant moi est finalement plus propre que moi. Il se contente de détester ceux qui ne sont pas comme lui.

Il se lança tout d'un coup, la tentation était venue se poser sur le bout de sa langue, aussi légère qu'un papillon de plein été, perdu, aveuglé sans lumière dans la cavité sombre de sa bouche, implorant sa liberté à grands coups d'ailes, paniqués et dérisoires. Il fallait qu'il la libère, il fallait qu'il prenne ce risque, il ne pouvait pas rester sans rien faire, à simplement penser. L'action, aussi insignifiante soit-elle, chasserait les pensées. Griffondor, toujours.

« J'aime une femme qui s'appelle Shaula. »

Le sorcier aubegiste renifla avec mépris.

« – Qu'ess que tu veux que ça me foute ! »

Il raccrocha son torchon noirâtre.

« J'espère que tu m'as pas fait nettoyer cette table pour rien et que tu vas te décider à me commander quèque chose, à la longue. J'suis pas né avec une baguette en ébène dans la main, moi, comme vous tous, vous les petits branleurs de c'te foutue école, moi, quand j'me lève le matin, c'est pour travailler, figure-toi et pas pour me la couler douce. Alors, tu te décides à m'dire ce que tu veux boire ? »

Il s'était penché au dessus de la table, Sirius pouvait voir son gros nez rougi, et des lèvres épaisses qui s'ouvraient sur des dents surprenantes de blancheur, au milieu de toute la crasse ambiante.

« Servez moi une double ration de votre whisky de feu. »

L'homme le contempla pendant encore quelques secondes et se décida enfin à tourner les talons.

Sirius poussa un cri de surprise : il venait de sentir quelque chose monter rapidement le long de sa jambe. Les autres clients le regardèrent, en riant d'un air mauvais. Il ramena sa jambe sur le côté, et découvrit le scorpicafard, ou peut-être s'agissait-il d'un autre. Il sortit sa baguette et le neutralisa d'un atomicatus , qu'il eut néanmoins du mal à ajuster, la première décharge manqua son but et laissa une marque brunâtre sur son jeans. Il acheva la besogne en écrasant le répugnant animal sous son talon ; le scorpicafard s'aplatit avec un petit craquement sec en dégageant son infecte odeur.

Un des sorciers qui était installé au comptoir et avait dû suivre toute la scène avec attention lui jeta

« Alors, mon gars, on dirait que t'aimes pas la compagnie de par chez nous ! Si t'es si délicat, t'aurais p'tre dû aller te commander une tisane et des bonbons chez la mère Honeydukes ! »

Sirius lui envoya un grand sourire. L'autre se détourna en haussant les épaules.

Au bout de quelques instants, l'aubergiste revint avec un verre rempli à ras bord, entouré de grandes flammes vertes et jaunes. Il le posa brutalement sur la table, le choc fit surgir des flammes rouges.

« Tu paies d'avance, un demi-gallion. Si jamais t'en voulais un autre, ça serait une tierce de galion. »

Sirius ricana, et tâta le contenu de sa poche afin d'en extraire la somme demandée. Il pose la pièce aussi brusquement que l'aubergiste l'avait fait avec son verre.

« C'est cher, j'espère qu'il est bon.

– C'est le tarif pour les gentlemages qui ont les moyens. Ici, on a le sens de la justice sociale. »

Il prit le temps de vérifier la qualité de la pièce en la passant sur une petite paragone qu'il portait, elle aussi, accrochée à sa ceinture d'ogre.

Sirius attendit qu'il eut regagné son comptoir avant d'approcher le verre flamboyant de ses lèvres. Il s'autorisa encore une pensée rouge, d'un rouge de voluptueuse tentation. Les flammes autour du verre dansèrent de plus belle, rouges à nouveau, elles aussi. Il les avala d'un seul trait, une gorgée longue et luxuriante. Sa bouche était maintenant aussi brûlante que son esprit. Ensuite, il sentit ses vertèbres céder, une à une, et il entendit le bruit de sa tête venir heurter la table gluante.

&-&-&-&-&-&-&

Longtemps après, il se sentit agrippé, bousculé, fouillé, il lui sembla qu'il hurlait « Nigel, Nigel » alors que c'était Shaula qu'il voulait dire. Il tomba dans un endroit humide, froid, une surface dure sur laquelle les os de son crâne se mirent à crier grâce.

Puis, tout se calma, plus ou moins. Disons qu'il n'était plus que trempé, qu'il avait atrocement froid, et qu'il avait une terrifiante envie de vomir coincé dans la gorge.

Et puis, il entendit des coups de pilons à potion, qui tapaient sur un rythme bizarre, rapide et plus lent en même temps. En fait, c'était un pilon qui marchait vers lui. Ou deux pilons, chacun sur son rythme.

Les pilons se mirent à parler.

« Regarde, là-bas, je crois que c'est lui.

– Merde, il a dû retourner dans ce foutu troquet, alors ! je croyais qu'une tentative lui aurait suffi. Bordel, par moment, il mériterait qu'on le laisse se démerder tout seul.

– Chut, Remus, ne lui crie pas dessus, il a l'air vraiment mal en point. »

La voix était pleine d'inquiétude, elle était connue de Sirius, mais pas dans ce registre. D'habitude la voix était toujours doucement moqueuse. La voix avait un nom germanique, des nattes et aimait bien s'émailler de mots italiens, qui venaient bousculer et ensoleiller l'anglais. Donc Lunard et Bertha. Un gars et une fille normaux. Le même âge et pas le même sang.

Il essaya d'ouvrir les yeux, c'était comme si l'endroit débordait d'une lumière blanche et dure de désert qui essayait de lui dégommer le cerveau. Il les referma bien vite. Pourtant, au même moment, il les entendait qui disaient « Lumos » et aussi « Il fait noir comme dans une étable à dragons anophtalmes dans cette rue. »

Des mains lui effleurèrent le front, puis les joues et un doigt alla se poser sur son poignet. Ça ne pouvait pas être Lunard, c'était Bertha.

« T'aurais pas une clope, cara mia ? »

Il avait du tirer sur ses lèvres pour les décoller, elles s'étaient ouvertes avec un drôle de bruit de parchemin froissé.

« Une clope, et puis quoi encore, mon beau ? Manquerait plus que ça ! Avec le pouls que tu as ! »

Bertha parlait plus lentement que d'habitude, et sa voix tremblait. Peut-être parce que justement elle parlait moins vite, et que d'habitude, le tremblement était là, mais dissimulé derrière son débit rapide. Shaula aussi ce soir, parlait d'une voix rapide, tremblante, trop pleine encore de ce qui venait de se passer. Combien lui faudrait-il prononcer de paroles banales pour faire s'évaporer l'arôme de cette délicieuse voix tremblante dans son prélude de larmes ?

« Remus, qu'est-ce qu'on fait pour le ramener à Poudlard ? On transplane jusqu'à la dernière limite et ensuite… on voit s'il peut marcher ? Ou on le fait léviter ?

– Pas trop envie qu'on nous remarque en train de nous balader dans un tel équipage…

- Remarque, il y a la cape…

- Ouais, c'est même pour ça qu'on est venu ! Mais fichtremerlin, qu'est-ce qu'il lui a pris de retourner se pinter dans ce troquet ! Moi, une fois ça m'a suffit ! »

Sirius, qui se découvrait capable de suivre toute la conversation et trouvait ça infiniment distrayant et aussi infiniment reposant de laisser les autres décider à sa place, faillit lui expliquer pourquoi, à lui, une fois ne pouvait pas suffire – ce avec quoi il devait vivre, maintenant, prenait bien plus de place qu'un loup quelques heures par mois.

« Et pour ce qui est de la cape, je pense qu'il ne faut mieux pas la sortir, et puis on n'arriverait jamais à la faire tenir correctement sur un mec allongé. Tu.. tu crois qu'il est en état de transplaner ?

– Tout seul, non, accompagné, ça devrait aller ?

– Et qui accompagne Monsieur, toi ou moi ? »

Ils les entendit rire, un peu. Ils étaient inquiets aussi. Et l'inquiétude les rendait bêtes. Et touchants aussi. Ils le distrayaient de son intime horreur.

« Il va falloir le soutenir, et fermement, d'après ce que je vois, je vais l'emmener avec moi. On se retrouve sur la rive est du lac, tu vois, il y a un bouquet d'arbres isolés, avec un très grand pin. Tu pars après moi, mais c'est possible que tu arrives avant nous, j'ai dans l'idée que cet énergumène va sacrément me pomper de l'énergie magique ! .. Et puis, ça va être intime aussi, va falloir que je le prenne à bras-le-corps ! »

Bertha soupira.

« Bon, on ferait mieux de ne pas trop traîner… »

Il les vit vaguement se pencher sur lui, une sorte de monstre à deux têtes et à quatre bras. Une gigantesque pince. L'envie de vomir revint se nicher au creux de son œsophage. Ça y était, la pince l'avait saisi et sa tête alla dodeliner sur une épaule. Carrée l'épaule, des os et des muscles. Ce serait plus facile s'il était gay, finalement, ça l'aurait protégé de Shaula. Sa tête et l'épaule oreiller se désintégrèrent doucement dans le flux d'énergie magique qui les emmenaient vers Poudlard.

&-&-&-&-&-&-&

Lors de la scène suivante, il avait réintégré son dortoir et son lit. Il posa une main sur son torse, il était habillé. Il fit glisser sa main jusqu'à sa poche, il y avait sa baguette, mais ni son porte-monnaie, ni la cape. Bordel, ces salauds de La tête de Sanglier s'étaient encore bien servis ! Il entreprit de s'asseoir, et une fois qu'il eut à peu près assuré sa position, il éjecta ses jambes hors du lit. Elles vinrent se prendre dans les rideaux, aux trois quarts tirés, et leur propriétaire s'affala par terre, le nez en avant, se précipitant à la rencontre du parquet.

La porte s'ouvrait au même moment, laissant passer Thibert et Lunard.

« Par l'épée d'Arthur, qu'est-ce se passe ? »

La bête à quatre bras était à nouveau près de lui.

« Sirius, oh, Sirius, qu'est-ce qui s'est passé ?

– Il a du vouloir se lever…euh… une envie urgente, peut-être ? Et où est Peter d'abord ! On lui avait pourtant bien dit qu'il fallait le surveiller. »

Sirius réussit enfin à dégager son nez et à poser sa joue sur le sol. Il avait la vague impression que ses jambes étaient toujours accrochées aux rideaux. Par contre, celle de Lunard et de Thibert étaient bien là, à quelques centimètres de son œil droit.

Thibert se mit à brailler

« Peter, Peter ! qu'est-ce que tu fous !

Remus l'interrompit.

– Occupons-nous plutôt de Master Black… on va le refourguer dans son lit et lui faire avaler sa potion… »

Il l'agrippèrent à nouveau, il réussit à bougonner « Décidément, ça devient une habitude ! », mais aucun des deux ne daigna lui répondre. Ils l'assirent à moitié, la tête surélevée par son oreiller.

« Allez, bois ça, ça devrait te remettre la tête à l'endroit.

– C'est quoi ?

- Une bonne potion anti-biture, piquée à Poppy, tu vois, c'est la recette spéciale AD, autant de dire que ça doit être efficace. »

C'était Thibert qui délivrait les explications, alors que Lunard approchait un gobelet de ses lèvres. Juste avant que le contact ne se face, il lui murmura, mais sans le regarder

« C'est pas seulement une muflée, tu sais. »

Il sentit que Lunard hésitait à aller plus loin dans cette voie, il l'avait vu tressaillir – le gobelet s'était même éloigné de sa bouche. Ce n'est que lorsqu'il fut en train de le vider, par petites gorgées prudentes (c'était immonde, comme toujours avec Poppy, sa maxime favorit n'était-elle pas « Il ne faut pas confondre médicamentation et bonbons » ? ) que Lunard lui dit doucement

« Je crois que je m'en doutais. Quand tu seras remis, si tu veux qu'on en parle… »

Il le vit faire une sorte de geste de la main, qui pouvait signifier tout et son contraire. Sirius en profita pour lui refiler son gobelet, comme ça il saurait quoi faire avec sa main.

Il était injuste.

Il repensa soudain à ses poches vides

« Merde la cape ! Ces salauds me l'ont volée !

– Du calme, Black, la cape est en sécurité, dans les mains de son propriétaire. Enfin, dans les mains, façon de parler. Bertha l'a redonnée à Lily, quelques secondes avant l'heure limite. Et elle et James sont sortis.

– Ah, alors vous êtes allés à la recherche de cette foutue cape…parce qu'Evans était venue pleurnicher à votre porte. »

Lunard exhala un long soupir, dans le style Mac Go Décidément- ces-élèves-n'ont-rien-de-rien-dans-la-cervelle.

– Elle est venue demander à Peter si tu étais avec nous… et elle a finit par lui expliquer qu'elle t'avait prêté la cape… mais juste pour un moment. Ensuite, on s'est tous demandé où tu pouvais bien être. Et puis des Serdaigles sont rentrés de Pré au Lard, Bertha a appris qu'ils t'avaient vu, te dirigeant vers La tête de Sanglier. Et voilà.

– Et voilà quoi ? »

Et voilà.

Comme si ça pouvait être aussi simple et aussi logique que toutes ces actions qui se succédaient comme de braves petits aurors et découlaient les unes des autres : Black était perdu, Black était retrouvé, Black fourré dans son lit, tassé contre son oreiller et buvant gentiment la bonne potion qui allait le nettoyer de ses pensées déviantes !

Fichtremerlin, ils n'avaient plus onze ans pour penser encore, que, une fois à Poudlard et sous le haut patronage de Dumbledore et de Mac Go, tout rentrait dans l'ordre, comme si Poudlard incarnait le Grand Ordre Sorcier ! Celui dans lequel une mère n'est pas une femme.

« Et puis voilà, tu es là, d'aussi mauvais poil que d'habitude, mon cher ! En fait, je sens que je ne vais pas tarder à me faire engueuler si reste une minute de plus.

– Ils sont partis où, faire crac-crac sous la cape au milieu de l'allée des Embrumes ?

– Fous leur la paix, Sirius et occupe toi plutôt de toi. »

Lunard referma les rideaux, doucement. Sirius tira dessus un grand coup, inutilement. Il s'allongea et s'installa l'oreiller sur la tête. Et, tout à fait illogiquement, il se mit à épier ce qui se passait dans la chambre.

En fait, il n'entendait pas grand chose, il écarta l'oreille. Des bruits de pas, ceux de Thibert, rapides et pesants. La porte de la salle de bains, ouverture, fermeture. Ceux de Lunard, élastiques, qui ouvraient une trace à peine perceptible dans le silence de la chambre, sitôt refermée. Puis le couinement habituel de la porte, bientôt suivi des habituels couinements du petit rat.

« Ah, vous êtes là, vous avez pu piquer la potion miracle chez Poppy ? Old Dumb en avait laissé ? »

Le couinement se transforma en rire miaulant. Soupir étonnament las de Lunard. Bon, il devait être fatigué.

« Oui, et j'ai même réussi à la faire ingurgiter à notre imbibé de service. »

Un grand « Ah » étonné de Peter. Etonné, bien sûr, ce petit ingénu était toujours étonné de ce qui arrivait, même les trucs les plus évidents. Il semblait de jamais vouloir agir sur de ce qui pouvait arriver, il n'avait jamais compris qu'on pouvait décider d'avoir du pouvoir sur les événements. Sirius se mordit brutalement les lèvres. Lui, par exemple ce soir, il avait voulu que quelque chose se produise, quelque chose de compulsif, de définitif et d'irréparable. Il s'était lancé dans une série d'actions, dont la principale était l'emprunt de la fameuse cape qui lui avait permis d'épier comme un voleur, de voir sans être vu. Il avait parcouru la moitié du chemin et au milieu de sa volonté, Shaula l'attendait, sans le voir. Il failli laisser jaillir un cri.Il aurait pu d'ailleurs, les piaillements du petit rat l'aurait rendu inaudible. Ce soir, Shaula et lui auraient pu se retrouver, chacun de son côté avait été prêt à ces retrouvailles. A ces épousailles. Cette fois-ci, le mot qui s'était formé si vite qu'il n'avait pas eu le temps de le censurer, le fit crier derrière ses rideaux. Crier de douleur de désir de frustration.

Après, il n'y eut plus que du silence à l'extérieur, alors que l'espace de son lit clos lui semblait encore bruire de ce qui avait forcé son passage hors de lui. Il eut la présence d'esprit d'écarter le tissu et d'aboyer dans leur direction

« Pas un peu fini, votre raffut ! »

Les trois se tournèrent vers lui, d'un air allant du vaguement au carrément coupable.

« J'ai besoin de me reposer, au cas où vous auriez oublié. »

Lunard lui jeta un œil furieux et lui balança

« Ça tombe bien, moi aussi. Tu peux pas savoir ce que tu m'as pompé comme énergie, au cours de ce petit tour de transplanage…

- Pfff, comme si… et puis si tu faisais du quidditch, tu serais entraîné à ce genre d'exercice… c'est sûr que le maniement des bouquins, même à haute dose, ça ne vous prépare pas vraiment à l'action… »

Il le vit disparaître dans la salle de bain, en maugréant « Quel con, la prochaine fois, il se … ».

Clac.

Clap clap – Sirius applaudissait des deux mains, et lançait aux deux autres

« Quelle sortie, hein mes cocos, quelle sortie. N'en loupe pas une, le père Lunard. »

Et sans attendre leurs commentaires, ou leur absence de commentaires, il reconstitua son mur de rideaux. Mur rouge. Rouge, rouge, rouge. Il sombra dans le sommeil coloré par le rythme du mot.

Pourtant, il ne devait dormir qu'une d'une moitié de cerveau, comme si la potion n'avait eu qu'un effet unilatéral, car il pouvait entendre Thibert et Quedver continuer à discuter à voix haute – ils les entendaient parfaitement, ils devaient être juste derrière ses rideaux, Thibert prêt à intervenir et à la refourrer dans son lit de ses grosses pognes si jamais la fantaisie le reprenait d'essayer d'en sortir à nouveau.

« Mais enfin, disait l'accent chic de Thibert – on t'avait pourtant dit de pas le laisser tout seul ! T'as bien vu dans quel état il était, nom d'un mage !

– Et alors, moi aussi, j'y suis allé à La tête de Sanglier,mais moi je suis allé me faire soigner chez Poppy, et c'est elle qui me surveillait, je vous ai pas embêté avec ça ! »

Thibert grommela quelque chose entre ses dents.

« De toute façon, vous étiez tous dans le même état, et moi je n'étais pas là. Alors, évidemment, Poppy, c'était mieux pour toi.

– Exactement, Poppy c'était mieux. D'ailleurs, c'est ce que j'ai dit à Bertha et à Remus, mais bien sûr, Sirius, ceci, Sirius cela…

- Ecoute, Sirius a déjà un dossier bien épais dans les dossiers de Mac Go, peut-être que ce n'est pas la peine d'en rajouter… surtout qu'à l'heure où Remus et Bertha l'ont récupéré, il y a longtemps qu'il aurait dû être rentré au chaud ! Imagine les retenues que Gogo prendrait plaisir à lui concocter si jamais ça arrivait à ses oreilles !

– Pfff, Gogo ! tu vois, elle, j'aimerais bien savoir ce qu'elle pense de lui… vraiment. »

Queudver répéta

« Oui, vraiment »

d'un petit air entendu. Et il se mit même à siffloter d'une manière affreusement poseuse. Le demi-cerveau éveillé de Sirius lui aurait volontiers coller deux paires de baffe pour ces imbéciles manières de chattemite. Thibert pensait peut-être la même chose, mais il se contenta de laisser passer quelques secondes, puis il enchaîna

« Bon, tout ça ne nous dit pas ce que tu es allé foutre, alors que tu devais rester auprès de lui.

– Euh, un truc urgent, j'avais oublié de rendre un bouquin à Nausicaa. »

La porte de la salle de bains s'ouvrit, et l'arrivée de Remus interrompit l'interrogatoire. Il continuait de les entendre de sa moitié de caboche, bizarre qu'il entende aussi bien d'une seule oreille, peut-être que la potion avait d'office fait passer d'un hémisphère cérébral à l'autre toutes ses capacités sensitives et cognitives. Capacités sensitives et cognitives, incroyable qu'il soit capable de réciter tout cela, sans doute quelque chose dont il avait entendu parler… ah oui, bingo, c'était un serviteur de ses grands-parents qui racontait une histoire de ce genre, quand lui, Sirius, avait une dizaine d'année. Son cousin avait eu la moitié de la tête détruite par un sort d'attaque lancé par un mage noir, alors qu'il protégeait la fuite de ses maîtres. Ces derniers, remplis de gratitude, avaient fait venir un médicomage russe, qui l'avait soigné… Soubitoff, il s'appelait Soubitoff. Il lui avait réussi à extraire de la bouillie de cervelle tout ce qu'elle contenait et à la faire translater du côté resté à peu près intact.

Regulus et lui avaient adoré cette histoire, ils avaient passé un été à jouer au médicomage spécialisé dans les interventions sur le cerveau sorcier. Il se souvenait même que Nigel, une après-midi de pluie, s'était prêté en souriant à ce jeu, et qu'il était resté allongé une bonne demi-heure, laissant ses fils, armés de baguette de saule, de sorts de pacotille et de potions d'eau terreuse, intervenir sur son crâne.

Sirius, à l'écoute du souvenir, ne suivait plus ce qui se passait dans la pièce. Peut-être que tout remontait à cette après-midi là, peut-être avait-il récité un vrai sort et que l'amour que Nigel éprouvait pour sa femme avait été capté par son fils et était venu se nicher au creux de lui, restant à incuber, à l'affût de l'occasion propice pour se manifester. L'idée battait en lui au même rythme que le sang au niveau de ses tempes.

Bordel, tout ceci était d'un ridicule à vomir. Il se précipita dans les toilettes, une main devant la bouche, prit tout de même le temps de verrouiller la porte derrière lui, avant d'être bruyamment malade au dessus de la cuvette des WC.

Quelqu'un finit par frapper à la porte, lui demandant comment si ça allait bien. Peter, bien sûr, pour poser une telle question. Sacré merlin, il était dur à la détente, avec ses bouquins et sa Nausicaa ! Pour un peu, il aurait ouvert la porte et lui aurait dégueulé sur les pieds.

Quand il sortit enfin - il y avait passé tellement de temps qu'il avait du évacuer toute cette fichue potion, et puis toute cette saloperie de whisky de feu qui lui brûla l'œsophage une deuxième fois - la chambre était plongée dans l'obscurité et ils étaient tous couchés.

Pourtant, à peine avait-il refermé la porte des toilettes que les rideaux des trois baldaquins s'écartèrent, laissant passer trois têtes qui se mirent à chuchoter, avec un bel ensemble

« Sirius, ça va ? »

Il répondit, au jugé

« Oui, en fait oui. »

Et avant que sa voix ne s'étrangle, il ajouta encore

« Bonne nuit, et… euh.. merci. »

Vomir l'avait tellement épuisé, qu'il s'endormit immédiatement et, cette fois-ci, de son cerveau tout entier.