Chapitre deux. Une invitation.
Hermione avait toujours mal au crâne deux jours après la soirée de Noël. Elle ne savait pas ce que Fred et George avaient ajouté à l'eggnog, mais c'était quelque chose de fort. Elle ne se souvenait de rien après le moment où elle avait donné son cadeau au Professeur Rogue, mais Harry lui avait affirmé que c'était elle qui avait mis le plus de cœur à mener une farandole endiablée. Elle essaya de ne pas y penser ; penser faisait mal à la tête.
Elle se traîna jusqu'au bureau de Rogue, essayant désespérément de se souvenir de ce qu'elle avait lu la semaine précédente, mais sans succès. C'était la dernière fois qu'elle assistait à une fête à laquelle participaient les jumeaux Weasley. La dernière !
Elle frappa à la porte du bureau de Rogue, et le son lui arracha une grimace. Il la fit entrer. Elle fouilla son sac, pour sortir une plume et un parchemin, et commença à prendre des notes sur ce qu'il disait. Une fois de plus elle maudit les jumeaux. Il parlait de la transformation d'humains en animaux par l'utilisation de potions – les différentes potions qu'on pouvait utiliser, leurs propriétés, et quels étaient les points forts et le points faibles des potions par rapport à la Métamorphose. C'était un sujet qui l'intéressait beaucoup, mais elle était trop épuisée et malade pour poser des questions.
Quand arriva le moment de discuter des articles qu'elle avait lus, elle en dit très peu. Elle pria pour qu'il se rende compte qu'elle n'était pas bien, et qu'il la laisse partir, mais il ne sembla pas s'en rendre compte, et Hermione n'était pas du genre à demander à partir en avance.
« Voilà, » conclut-il, en lui faisant signe qu'elle pouvait disposer. Elle rassembla ses livres et ses plumes, et fut surprise qu'il ajoute quelque chose.
« Je voulais vous remercier pour votre cadeau de Noël, Miss Granger, » balbutia t'il. De toute évidence, les remerciements n'étaient pas son fort.
« De rien, » dit-elle sans conviction. Elle était mal à l'aise, et voulait s'en aller.
« Etant donné que c'est un dîner pour deux, je… Je me demandais si vous vouliez m'accompagner ? »
Il était en train de l'inviter à dîner ?
Est-ce que la gueule de bois pouvait provoquer des hallucinations ? Hermione n'en savait rien, elle n'avait pas l'habitude de boire avec excès, mais elle était sûre qu'entendre des voix ne faisait pas partie des habituels effets secondaires. Peut-être qu'elle couvait une grippe. Elle réalisa soudain qu'il attendait qu'elle réponde quelque chose.
« Euh, oui, ce serait bien, » s'entendit-elle répondre, trop malade pour pouvoir trouver une excuse plausible. Elle l'entendit marmonner quelque chose comme 'jeudi prochain' avant de pouvoir s'échapper de son bureau pour retourner se coucher. Maudits jumeaux Weasley – maintenant, en plus de son mal de crâne, elle avait un rendez-vous avec Rogue.
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Severus avait réfléchi à propos du cadeau d'Hermione ces deux derniers jours. Au début, il détesta l'idée de dîner avec elle. Il la voyait bien assez souvent pendant leurs sessions de travail, dans la semaine. Elle le rendait fou avec ces questions incessantes, qui interrompaient les explications qu'il avait soigneusement préparées par écrit pour les amener hors-sujet.
Mais plus il y réfléchissait, plus il plus l'idée lui plaisait. Ça faisait des années qu'il n'avait pas dîné avec une femme. Faire l'espion lui avait laissé peu de temps pour faire le joli cœur. Et puis, il y avait aussi de légers détails, comme sa personnalité et son physique, qui rendaient difficile l'obtention de rendez-vous.
D'accord, impossible, admit-il.
Sauf que d'une façon ou d'une autre, Miss Granger était passée outre ces deux détails, et leur considérable différence d'âge ; il en était plutôt flatté.
Il décida de suivre le conseil d'Albus et de l'inviter à dîner. S'ils ne savaient pas de quoi parler, ils pourraient toujours en revenir aux potions, et si elle devenait ennuyeuse un Sortilège de Silence ferait l'affaire. De toute façon, c'était moins pathétique que de dîner seul. Il décida de l'inviter à la prochaine occasion.
Elle arriva en avance, comme toujours, mais elle semblait plus calme qu'à l'habitude. Bien sûr, il n'était pas dans leurs habitudes de bavarder de tout et de rien, mais elle n'avait pas posé la moindre question. Il en fut presque déçu. Il s'était dit que cette comparaison entre les disciplines l'intéresserait, mais apparemment c'était une erreur. Oh, tant mieux après tout. Les trois quart des Métamorphoses étaient une perte de temps dans son esprit – des gesticulations ridicules. Quand est-ce qu'on avait vraiment besoin de changer un hérisson en épingle ou une tortue en tasse à thé ?
Puisqu'il n'avait pas besoin de rester concentré sur l'idée de ne pas l'étrangler, il put remarquer autre chose chez elle. Quand est-ce qu'elle avait réussi à discipliner ses cheveux ? Et sa peau était-elle toujours aussi pâle ? ses joues si roses ?
Il avait décidé de l'inviter le jeudi suivant. Ils ne se voyaient pas le vendredi, et il était rare qu'elle descende au labo le week-end. A lui, ça laissait trois jours pour se remettre du temps supplémentaire passé en sa compagnie, et à elle, trois jours pour guérir de tout sort qu'il aurait été forcé de lui jeter au cours de la soirée… pour défendre sa propre santé mentale, bien sûr. Il y eut un moment de suspense, pendant lequel il se demanda si elle allait accepter ou refuser cette invitation.
'Typiquement féminin, de jouer ce genre de jeux,' se dit-il. Mais quand elle accepta, il se rendit compte qu'il était soulagé et un peu impatient. Immédiatement après, il fut submergé par une vague de panique, en réalisant ce qu'il venait de faire. Il venait d'obtenir un rendez-vous, et pas avec n'importe qui mais avec l'insupportable Hermione Granger.
