Chapitre six. La potion mijote.

Hermione commençait à se dire qu'une relation avec Severus ne serait peut-être pas une si mauvaise idée après tout. Il était cultivé, intelligent, et même s'il n'était pas beau, il avait certaines qualités qui compensaient, sa voix envoûtante, par exemple. Elle se demandait ce que ça ferait d'entendre sa voix prononcer son prénom sans le mépris qu'il y mettait habituellement. Ces belles pensées disparurent quand elle arriva dans les donjons le lundi matin et découvrit ce qu'il avait prévu pour elle. Un inventaire en plein milieu de l'année ! Elle savait qu'il ne faisait que réaffirmer son autorité, qu'il voulait lui faire comprendre que le fait qu'ils aient dîné ensemble ne changerait pas leur relation dans le laboratoire, mais vraiment, là, il allait trop loin.

Elle était assise, à compter des bouteilles d'ingrédients, et elle avait changé d'avis : elle espérait bien que plus jamais il ne prononce son nom. Elle aurait pu entrer au Ministère, elle aurait pu aller travailler avec Fred et George, pour faire de la recherche. Mais au lieu de ça, elle était coincée là, à faire un inventaire pour un homme si mesquin qu'elle était à cours d'adjectifs pour le qualifier.

Elle s'intéressait à d'autres sujets que les potions. Elle aurait tout aussi facilement pu trouver un apprentissage en Métamorphose ou en Arithmancie. Mais il y avait toujours eu quelque chose dans les potions qui la stimulait intellectuellement. Ou peut-être que c'était seulement Rogue. Il avait été le seul à trouver à redire à ses dissertations, à lui retirer des points pour la plus minime des erreurs. Il demandait d'elle la perfection.

Eh bien, zut pour la perfection, elle avait mal au dos !

Elle était en train de finir quand il s'approcha.

« Je vous apporte du thé, » grogna t'il, en posant une tasse à côté d'elle sur sa table de travail. Elle le dévisagea avec surprise. Il ne s'adressait pas à elle avec si peu de mauvaise grâce habituellement, et qu'il pense à lui apporter du thé après qu'elle ait passé six heures à ne rien faire d'autre que de compter des ingrédients, c'était sans précédent.

« Merci, » répondit-elle en prenant la tasse. Mais s'il pensait la calmer avec une simple tasse de thé, il allait avoir des surprises. Mais bon, le thé aidait. Sirotant le breuvage brûlant, elle se demanda quel prix elle aurait à payer la semaine suivante pour le dîner et la conférence à venir. Lui ferait-il corriger des copies de première année ? Nettoyer des chaudrons ? Est-ce que ça valait vraiment la peine d'y aller, si elle devait subir ce genre de traitement après ?

Finissant sa tasse de thé, elle remit en place les dernières bouteilles et rassembla ses affaires pour partir.

« J'ai besoin que vous restiez plus tard demain soir, » lui dit-il alors qu'elle avait la main sur la poignée de porte. Elle fit demi-tour, les yeux jetant des éclairs. Lui faire faire un inventaire inutile était une chose, mais lui demander de rester plus tard, c'était trop ! Elle avait bien compris le message, merci, et elle avait l'intention de le lui faire savoir.

« Vraiment, Monsieur… »

« J'ai besoin que vous m'aidiez à préparer la potion Tue-Loup. C'est bientôt la pleine lune. Vous ne voudriez pas que votre ami en soit privé, n'est-ce pas ? » ironisa t'il avant qu'elle ne puisse se lancer dans une tirade.

Elle en resta bouche bée, ne sachant que dire. Elle n'aimait pas du tout la façon dont il avait parlé de Remus, mais elle était bien trop excitée à l'idée de l'aider à préparer la potion pour y prêter plus attention. Avant ça, jamais il ne l'avait laissée préparer les potions les plus compliquées, et certainement pas la potion Tue-Loup. « Vous devez apprendre à ramper avant de vouloir marcher, Miss Granger, » lui avait t'il dit avec ironie pendant se première semaine.

« Non… Je serai là, » réussit-elle à balbutier. « Bonne nuit, Professeur. »

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Il ne savait pas pourquoi il lui avait dit ça. Ce n'était pas ce qu'il avait prévu, mais depuis quelque temps sa bouche semblait décider d'elle même ce qu'il convenait de dire à Miss Granger. Ce n'était pas qu'elle n'était pas qualifiée pour l'aider sur cette potion, elle l'était largement, mais il ne comptait pas le lui laisser savoir.

Il pouvait l'imaginer à ses côtés pendant qu'ils prépareraient la potion Tue-Loup. Elle serait curieuse, et s'approcherait de lui pour mieux voir ce qu'il faisait. Peut-être que leurs mains se frôleraient pendant qu'ils ajouteraient des ingrédients, ou qu'il pourrait se tenir derrière elle pour sentir l'odeur de ses cheveux.

Mais qu'est-ce que je suis en train de faire ? se demanda t'il soudainement. C'était une chose de dîner avec elle, et de discuter de potions ou de ses collègues, mais rêver tout éveillé ? Il avait besoin d'un grand verre de whisky Pur-Feu et vite.

Mais il apprit à ses dépens que certains rêves éveillés n'étaient pas autre chose que des rêves.

« Mais qu'est-ce que vous faites, maudite gamine ? » aboya t'il alors qu'elle s'apprêtait à ajouter l'ingrédient suivant dans le chaudron.

« J'ajoute la racine de gueule-de-loup, Monsieur, » répliqua t'elle, même si de toute évidence 'Monsieur' n'était pas le nom qu'elle aurait voulu employer.

« Pas maintenant ! on doit l'ajouter après six minutes, pas quatre. Si vous l'ajoutez maintenant, ça va tout gâcher, » dit-il en prenant son ton le plus mordant. « Vous ne savez pas lire ? »

« Peut-être que si vous écriviez mieux, ça poserait moins de problèmes, » répondit t'elle avec humeur, reprenant la gueule-de-loup pour la replacer sur la table. Il la fusilla du regard. Ce n'était pas comme ça qu'il avait prévu la soirée. Mais après tout, il se sentait un peu bête d'avoir pensé que de passer une soirée dans un donjon humide à préparer une potion compliquée pourrait être prétexte à des moments romantiques, surtout avec quelqu'un comme Miss Granger.

Plusieurs heures plus tard, ils eurent terminé. Défiant toute logique, Hermione et Severus étaient toujours en un seul morceau, et Lupin pourrait avoir sa potion. Bon, à la fin de la soirée, ils ne s'adressaient plus la parole que si c'était rigoureusement indispensable.

Eh bien, le dîner du lendemain promettait d'être intéressant, se dit-il, en se servant un grand verre de whisky Pur Feu pour la seconde soirée d'affilée. Il envisageait de l'emmener dans un très bon restaurant, parce que si c'était pour manger un repas moins qu'excellent en compagnie d'une Hermione Granger en rogne et irritable, ce n'était même pas la peine. Mais il n'était pas sûr de vouloir l'encourager dans son impertinence.

Finissant son verre, le regard plongé dans les flammes, il se remémora les raisons pour lesquelles il avait évité tout ce cirque par le passé – c'était bien trop compliqué. Au moins il y aurait la conférence. Avec de la chance, elle serait intéressante, et au pire, ça lui ferait toujours une heure au moins pendant laquelle elle ne lui parlerait pas. Ou, si les choses se poursuivaient sur le ton de ce soir, une heure sans échanger de regards haineux…