Chapitre sept. La conférence.

Hermione avait attendu avec impatience le moment où le Professeur Rogue la laisserait préparer la Potion Tue Loup avec lui. C'était une potion difficile, et elle avait à cœur de lui démontrer sa compétence. Elle n'aurait pas été si impatiente si elle avait su qu'elle allait se faire crier dessus toutes les dix secondes, jusqu'à ce qu'il décide finalement qu'elle n'était bonne qu'à préparer les ingrédients, et encore, il l'avait critiquée à plusieurs reprises sur l'épaisseur des lamelles qu'elle avait découpées. Vraiment, cet homme était impossible. Elle ne parvenait pas à déchiffrer son écriture, et comment diable était-elle supposée apprendre s'il ne lui enseignait rien ? Il s'attendait simplement à ce qu'elle sache déjà tout ? Eh bien contrairement à ce qu'il avait dit, elle n'était pas une je-sais-tout, même si sa curiosité était sans limite.

Après avoir passé avec lui plus de temps que nécessaire ces deux derniers jours, elle n'était pas pressée de voir arriver le dîner de mercredi. Elle espérait seulement que la conférence justifierait le déplacement. Au moins, après demain soir, elle n'aurait plus à le voir autrement que dans le cadre de son apprentissage. C'était toujours un réconfort, même mince.

Contre toute logique, le lendemain soir elle se prépara avec soin pour son rendez-vous.

Pourquoi est-ce que je suis si nerveuse ? se demanda t'elle pour la n-ième fois. Après tout, ce n'était qu'un dîner avec Rogue. Elle n'avait pas à s'inquiéter de savoir s'il l'appréciait ou non, elle savait bien que non. Ni de savoir s'il l'inviterait encore : même s'il le faisait, elle refuserait.

Alors pourquoi est-ce qu'elle voulait se faire belle ? Et tant qu'elle y était, pourquoi prêtait-elle attention à ce qu'il pourrait penser ? A la réflexion, elle se rendit compte que ce qu'il pensait d'elle lui importait, que ça lui importait même beaucoup. Ça avait toujours été le cas, et même les événements de la semaine passée n'y feraient rien. Si sept ans de mauvais traitements n'avaient pas réussi à la convaincre d'éviter le bonhomme, il était probable que rien n'y ferait.

Forte de ces nouvelles informations, elle choisit des robes lavande et se maquilla légèrement. Mais après avoir bataillé dix minutes avec ses cheveux, elle abandonna et les laissa pendre sur ses épaules. Un dernier regard dans le miroir, et elle attrapa sa cape pour descendre retrouver Rogue dans l'entrée.

Elle le trouva comme la fois précédente en train de l'attendre, l'air nerveux.

« Nous sommes prêts à partir, alors ? » lui demanda t'elle en souriant. Il la regarda, incrédule. Apparemment, il s'était dit que parce qu'ils s'étaient disputés la veille au soir, soit elle ne viendrait pas, soit elle ferait la tête toute la soirée. Eh bien, ce n'était pas parce qu'il avait mauvais caractère et que ses rancunes duraient jusqu'à la fin des temps (qui détestait Harry pour ce que son père lui avait fait ?) qu'elle devait en faire autant. Elle ne s'abaisserait pas à ce niveau. Et puis, au pire ce serait amusant de le surprendre en étant gentille au possible. C'était décidé – elle allait le tuer à petit feu, par la gentillesse.

Elle lui sourit de nouveau et prit son bras.

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Severus n'aima pas l'allure de Miss Granger. Enfin, ce n'était pas ce qu'il voulait dire. Les robes lavande qu'elle avait choisies lui allaient à ravir, et il aimait la façon dont ses cheveux cascadaient sur ses épaules. D'habitude, elle les portait attachés, en classe, et il pouvait facilement s'imaginer en train de passer les mains dans ces cheveux. Un peu trop facilement à son goût.

Non, ce qui le perturba, ce fut le sourire. Il l'avait vu sourire auparavant, mais ce sourire-là avait un côté malicieux, et il s'inquiéta de ce qu'elle lui réservait pour la soirée. Peut-être qu'il n'aurait pas dû être si dur avec elle la veille pendant qu'ils préparaient la potion Tue-Loup. Elle était une puissante sorcière après tout, ses résultats scolaires et la liste de Mangemorts qu'elle avait blessés pendant la guerre en attestaient. Il vérifia qu'il avait bien sa baguette, par mesure de prudence, au moment où elle prenait son bras pour descendre vers le portail.

De son point de vue, la conférence en elle même se révéla d'un piètre intérêt. L'orateur n'avait rien de neuf à leur apprendre et ne faisait que répéter ce que Severus lisait dans les journaux spécialisés depuis plusieurs années. Il exprima cette opinion à Hermione, en se penchant pour lui murmurer à l'oreille, « apparemment il a passé plus de temps à choisir sa tenue pour ce soir qu'à réfléchir à son sujet. »

Elle lui sourit brièvement, mais son attention retourna aussitôt vers le conférencier. Il était grand, les cheveux blonds, et il rappela Gilderoy Lockhart à Severus. Hermione semblait captivée par son discours imbécile, et Severus en fut jaloux malgré lui. Elle était avec lui, elle ne devrait pas s'intéresser à d'autres hommes. Inconsciemment, il décida de rechercher son attention et ses bonnes grâces. Se penchant vers elle une fois de plus, il chuchota « Vous en savez plus sur les potions que ce paon ! »

Voilà, une insulte et un compliment dans la même phrase : avec ça elle serait certainement plus impressionnée par lui que par le conférencier. Et sinon, de sentir ses cheveux et de voir la courbe de son cou de si près en avaient valu la peine. Elle répondit en lui attrapant la main, pour y enfoncer ses ongles.

« Vous dérangez ceux qui essaient d'écouter, » siffla t'elle.

Il se retint de pousser un cri de douleur, ou de montrer sa surprise quand elle ne lâcha pas sa main. Il jeta un regard vers elle, essayant de comprendre ses intentions. Il aurait voulu qu'elle lui fasse face, pour pouvoir utiliser la Légilimencie. Mais d'un autre côté, il valait peut-être mieux qu'il en soit ainsi. Elle avait été cordiale toute la soirée, en fait carrément gentille et agréable, les ongles mis à part. Mais quoi qu'il en soit, il ne voulait pas gâcher tout ça en entrant dans son esprit. Il était persuadé que ce ne serait pas le genre de choses qu'elle prendrait avec humour. Comme si elle avait senti qu'il la regardait, elle tourna la tête vers lui et lui sourit avant de se concentrer une fois de plus sur ce que racontait l'orateur.

Il voulait passer la soirée avec cette Hermione-là, et pas la Hermione furieuse et énervante de la soirée précédente. Cette Hermione-là lui souriait comme si elle appréciait sa compagnie. Elle ne lui donnait pas envie de saisir sa baguette toutes les dix minutes, mettant à l'épreuve son sang-froid. Il se renfonça dans son siège et se détendit, sans plus écouter la conférence, mais se contentant d'apprécier la main d'Hermione dans la sienne et de regarder l'air de concentration intense qu'elle affichait.

« Ça vous ennuie si j'essaie d'aller lui demander un autographe ? » lui demanda t'elle à la fin, les yeux un peu trop brillants à son goût.

« J'aime autant pas, » répondit-il sèchement.

Elle eut l'air en colère un instant, mais elle le dissimula rapidement.

« Bien sûr, vous devez avoir faim. Allons-y, je pourrais avoir un autographe un autre jour, » concéda t'elle.

Il pouvait voir sa déception malgré ses efforts pour la cacher. Des années d'espionnage lui avaient appris à lire les gens, et Miss Granger n'avait jamais su dissimuler ses émotions.

« D'accord d'accord… » se dit-il « elle essaie de me perturber en étant exagérément gentille. C'est un jeu qu'on peut jouer à deux. » Mais pas maintenant. Il n'était pas du genre à laisser passer une telle occasion. Son estomac grogna, et il lui prit la main pour l'entraîner hors de la pièce. Il avait faim, et il voulait l'éloigner autant que possible de ce paon qui se faisait passer pour un Maître de Potions.