Chapitre neuf – sous le gui.
Le dîner avait été des plus agréables, se disait Hermione. Le repas avait été excellent, la conversation intéressante, et Rogue presque charmant. Il avait même insisté pour qu'elle l'appelle Severus, mais attention, en dehors de Poudlard uniquement.
Maintenant, alors qu'ils revenaient vers le château depuis les grilles, elle cherchait désespérément des idées sur les moyens de prolonger la soirée. Elle se concentra pour essayer de se souvenir ce que les héroïnes des nombreux romans à l'eau de rose qu'elle avait lu faisaient. A vrai dire, elle aurait eu horreur d'avouer lire ce genre de choses, mais une fille ne pouvait pas lire uniquement des livres de cours. En ce moment précis, elle était heureuse de cette faiblesse : elle allait avoir besoin de toute l'aide disponible.
Elle envisagea de l'inviter dans sa chambre pour un dernier verre ou un café, mais elle se dit que ce serait trop pour un second rendez-vous. Mais après lui avoir tenu la main toute la soirée, après avoir senti son bras autour de son épaule pendant le trajet du retour, elle cherchait un stratagème pour qu'il se décide à l'embrasser.
« … vous n'êtes pas d'accord ? » l'entendit-elle demander, interrompant ses idées de trébucher pour 'accidentellement' retomber bouche à bouche avec lui. Une fois de plus, elle avait négligé d'écouter ce qu'il disait. Trop occupée à imaginer des moyens de prolonger leur soirée, elle avait oublié d'en profiter.
« Je ne sais pas, peut-être ? » répondit-elle avec hésitation, décidant qu'elle ferait mieux d'écouter que de comploter à partir de maintenant.
« Vous êtes trop gentille, » affirma t'il. Elle poussa un soupir discret, soulagée que sa réponse ait eu un sens.
« Ou alors c'est vous qui êtes trop méchant, » répliqua t'elle. Elle n'avait vraiment pas la moindre idée du sujet de leur discussion, mais elle était persuadée que quel qu'ait été le sujet, il se montrait trop sévère. Il laissa échapper un petit rire et Hermione fut soulagée de voir qu'ils arrivaient à la porte du château, ne serait-ce que pour l'occasion de changer de sujet.
« J'imagine que nous devrions entrer, » dit-il, en reprenant ses distances. N'avait-il pas l'air un peu déçu ? Elle était là, son opportunité ! Elle décida de se jeter sur l'occasion.
« Je préférerais marcher encore un peu. La nuit est magnifique, avec ce clair de lune sur le lac, non ? » demanda t'elle, en prenant une voix plus grave, qu'elle espérait plus séduisante.
« Vous êtes sûre que vous allez bien ? Votre voix est bizarre. » fit-il remarquer en la regardant l'air concerné. Mer…credi ! Elle faisait une tentative pour ressembler aux héroïnes des romans qu'elle avait lus, et il pensait qu'elle avait attrapé froid.
« Non, tout va bien, » le rassura t'elle en reprenant sa voix habituelle. Il continua à la regarder avec suspicion. Elle lui prit la main et l'attira en direction du lac.
« Comme vous voudrez, » concéda t'il. Elle lui sourit. Il ne semblait pas du genre à faire des promenades romantiques au clair de lune, mais s'il cédait à sa demande, peut-être qu'elle pourrait lui en demander plus dans le futur. Peut-être que le survêtement rose n'était pas si impossible, finalement. Cette idée fit ressurgir le sourire diabolique chez elle.
« De quoi est-ce que vous souriez ? » demanda t'il, soupçonneux.
« Je repensais à la formidable soirée que nous venons de passer, » mentit-elle, « Je n'avais jamais réalisé à quel point il pouvait être agréable de passer du temps avec vous, en dehors du laboratoire. »
« C'est tout à fait normal, » répliqua t'il, sur la défensive.
« Bien sûr, bien sûr, » le tranquillisa t'elle. Ce n'était pas le moment de se disputer sur ses méthodes d'enseignement catastrophiques. Enfin, si on pouvait appeler ça de l'enseignement… Il aboyait ses ordres, et quand, de façon prévisible, ses élèves échouaient, il leur criait encore dessus. Ils marchèrent en silence pendant un moment, s'arrêtant finalement sur une hauteur d'où ils pouvaient voir le lac et le château en même temps.
« Le château est magnifique vu d'ici, n'est-ce pas ? » demanda t'elle.
« Je connais des choses bien plus belles, » dit-il doucement. Elle retint son souffle, sachant qu'il avait les yeux fixés sur elle. Qu'est-ce qu'il entendait par là ?
« Oui ? » interrogea t'elle après quelques moments de suspense. Il s'humecta les lèvres.
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Severus était vraiment déçu de voir la soirée se terminer. Le dîner avait été sympathique, et quand il lui tenait la main il avait moins envie de se jeter sur sa baguette quand elle disait une bêtise. Il avait même réprimé ses sarcasmes, enfin, autant que possible pour lui. Mais apparemment sa bouche ne recevait plus d'ordre de son cerveau quand il discutait avec Hermione. Après tout, n'était-ce pas comme ça qu'il s'était retrouvé embarqué dans ce second rendez-vous, en l'invitant sans réfléchir ? Et là, alors que son cerveau lui hurlait de faire des commentaires sarcastiques, de l'humilier pendant le dîner ou pendant leur retour à Poudlard, sa bouche avait refusé de coopérer, et il s'était retrouvé à dire des choses 'gentilles'. Il espérait qu'aucun de ses anciens amis Mangemorts ne les avait vus. Il ne tenait pas à perdre le peu de réputation qui lui restait.
Mais il y avait autre chose qu'il voulait faire de sa bouche à ce moment, et il espérait pouvoir faire coopérer son cerveau et ses lèvres pour l'occasion. Ils s'arrêtèrent devant les marches de l'entrée, et il retira la main de son épaule.
'C'est le moment,' se disait-il, 'Il faut que je le fasse maintenant.' Mais au moment ou sa décision de l'embrasser était prise, elle se remit à parler.
« … le lac, non ? » demanda t'elle. Il avait était trop occupé à regarder sa bouche et à rassembler le courage de l'embrasser pour penser à l'écouter. Sa voix était différente, comme si elle avait attrapé un coup de froid dans les cinq dernières minutes. Il voulait toujours l'embrasser, mais maintenant il était face à un dilemme : son désir de l'embrasser contre son envie d'éviter de tomber malade. Si les gens le trouvaient effrayant en temps normal, c'est parce qu'ils ne l'avaient jamais vu avec le nez qui coulait, une bonne toux, et une humeur si corrosive qu'elle aurait attaqué le métal.
Contre toute raison il la laissa l'entraîner sur le petit sentier qui menait au lac. Par les chaussettes de Salazar, il faisait froid ! Il risquait de tomber malade qu'il cherche à l'embrasser ou non ! Pourquoi diable est-ce qu'elle avait eu envie de venir jusqu'ici, il n'en savait rien, mais une fois de plus elle avait ce sourire malicieux sur le visage.
Ils marchèrent en silence pendant un moment, avant qu'elle décide finalement qu'ils étaient allés assez loin. Il se dépêcha de jeter un sort de réchauffement, mais il n'avait jamais été doué pour gesticuler avec sa baguette, sauf si on comptait les nombreux sorts maléfiques qu'il avait dû apprendre pour se battre. Frissonnant toujours, il regarda Hermione qui souriait en désignant le château.
« Je connais des choses bien plus belles, » répondit-il à sa question – son sourire par exemple. Il décida qu'il aimait la façon dont elle remontait doucement le coin d'une lèvre, et la peau sous son œil qui se plissait un peu, et il voulait l'encourager à sourire plus. Il ne pensait pas que de lui faire récurer des chaudrons le lendemain provoquerait plus de sourires ou de frôlements de sa part.
Et ce serait tout, n'est ce pas ? Il s'était promis à lui-même que ce serait leur dernier rendez-vous, qu'il n'aurait pas de relation personnelle en dehors de la salle de classe. Il était le Professeur et elle était son Apprentie, et vouloir autre chose mettrait en péril cet équilibre.
Mais quand elle le regardait comme ça, les joues rougies et pleine d'espoir, que pouvait-il faire ? Il ne voulait pas décevoir la pauvre petite, et puis, il y avait déjà bien assez de gens qui le croyaient malhonnête et sans principes. Pourquoi ne pas leur donner raison et embrasser la fille ?
Il s'immobilisa, passa la langue sur ses lèvres. Elle battit des paupières, toute attente.
« Ma cheminée, par exemple ! » s'entendit-il dire d'un ton sec. « Il gèle ici dehors ! »
Elle fit un pas en arrière et acquiesça.
« Oui, nous devrions rentrer, » approuva t'elle, d'une voix faussement enthousiaste.
Elle ne lui tint pas la main sur le chemin du retour, et cette chaleur lui manqua, même s'il refusait de se l'avouer à lui-même. Il s'en voulait de ce qu'il avait failli faire. Embrasser Hermione ! Il préférerait encore embrasser une mandragore, se dit-il avec conviction, mais il n'y croyait pas lui-même.
D'autres idées commencèrent à lui venir. Peut-être qu'il pourrait la convaincre qu'elle devrait étudier un autre sujet. Minerva serait sans doute ravie de la prendre comme apprentie. Mais ce serait difficile, peut-être qu'il devrait recourir à des insultes et des sarcasmes sur ses capacités en matière de potions. En la regardant une fois de plus, il décida que le sacrifice en vaudrait la peine, et qu'il pourrait lui mettre des notes éliminatoires sur ses prochaines potions si ça voulait dire qu'il serait débarrassé d'elle… donc libre d'être avec elle.
En la raccompagnant à l'intérieur, seule l'idée de pouvoir l'embrasser dans le futur parvenait à calmer son intense déception après la fin moins que parfaite de leur second rendez-vous.
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Ça y était, il n'y aurait plus de dîners, de conférences, ou de promenades au clair de lune après ce soir. Elle redeviendrait Miss Granger et de nouveau il serait le Professeur Rogue.
'C'est idiot !' se disait-elle. 'Nous n'avons passé que deux soirées ensemble.' Mais elle se sentait étrangement déçue de ne pas prolonger leur relation personnelle. En fait, à y réfléchir, elle préférait leur relation personnelle à leur relation professionnelle. Elle aimait dîner avec lui. Elle n'aimait pas se faire crier dessus à cause de son écriture illisible, ou parce qu'elle était curieuse.
« Eh bien, je vous verrai en classe, j'imagine, » dit-elle.
« Oui, bien sûr. » Il n'avait pas l'air un peu triste lui aussi ? Elle n'était pas sûre, mais elle en avait l'impression. Elle venait seulement de réaliser qu'il ressentait des émotions comme tout le monde, alors ce n'était pas totalement incongru de penser qu'il pourrait être déçu.
« Miss Granger et Severus, je suis si content de vous voir, » les accueillit gaiement le Professeur Dumbledore, sortant de nulle part. Hermione vit que Rogue rougissait un peu d'être surpris à revenir d'un rendez-vous avec elle, et elle ne savait pas si elle trouvait ça vexant ou attendrissant.
« Nous revenons d'une conférence de potions, » expliqua Rogue au Directeur.
« Bien sûr, bien sûr, » répondit celui-ci, « Je suis simplement ravi de voir que vous avez mis le nez dehors. Tu passes bien trop de temps enfermé dans tes cachots, mon garçon. »
« Vous savez bien ce que je pense de votre opinion, vieillard décati, » aboya Rogue. Hermione se retint d'éclater de rire. Ses commentaires sarcastiques dissimulaient mal l'affection évidente qu'il avait pour le directeur.
« Voyons voyons, » continua Dumbledore sans tenir compte de la remarque de Severus. « Est-ce que vous avez vu où vous êtes ? » Il montra du doigt un point au dessus d'eux. Apparemment, ils s'étaient arrêtés sous un bouquet de gui. Qui par Merlin avait eu l'idée de suspendre du gui dans un château plein d'adolescents travaillés par leurs hormones ? Hermione n'en savait rien, mais ils étaient destinés à en être les prochaines victimes.
« Je vous laisse à vos affaires, » conclut le directeur, les yeux pétillants. Ils le regardèrent qui s'éloignait en fredonnant.
« Il n'en saura jamais rien, » avança Rogue, pétrifié à l'idée de l'embrasser.
« Ça m'étonnerait de sa part, » répliqua t'elle, un peu vexée que l'idée le dégoûte à ce point. Elle avait été persuadée qu'il était sur le point de l'embrasser tout à l'heure près du lac.
« Vous avez probablement raison, il est probablement ensorcelé de façon à ce que nous soyons coincés dessous jusqu'à ce que nous nous exécutions, » concéda t'il.
« Dans ce cas, alors… »
Il se pencha vers elle et posa un chaste baiser au coin de ses lèvres. Elle tourna légèrement la tête de façon à ce que leurs lèvres se rencontrent pleinement. Avant qu'elle ne réalise ce qui se passait, il avait une main dans ses cheveux et l'autre dans son dos, pour l'attirer à lui. Elle appuya les mains contre son torse, et le baiser se fit plus audacieux, lui, prenant une de ses lèvres entre les siennes, et elle, l'encourageant de sa langue.
Il embrassait plutôt bien, décida t'elle, bannissant au loin toute idée de mettre un terme à leur relation. Ça vaudrait peut-être le coup de poursuivre cette relation, même s'ils n'étaient pas sur un pied d'égalité tant qu'ils seraient Maître et Apprentie. Ou il y avait toujours l'Arithmancie ou la Métamorphose, elle était persuadée que Vector ou McGonagall seraient ravies de la prendre comme Apprentie. Et puis, après tout, peut-être que ce serait amusant de travailler pour les jumeaux Weasley ?
&&&&& FIN &&&&&&
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benebu
