Que
lui fallait-il après tout?
Une raison valable, une bonne
lame, de la détermination, un endroit et une heure
idéales...
La
raison valable elle l'avait, c'était sa vie, cette vie
misérable qu'elle avait passé dans un endroit sinistre
qu'elle n'osait même plus nommer. Toutes ces années,
elle les avait passées avec un masque de dureté et de
froideur collé à la peau; elle avait caché ses
sentiments, si bien qu'à la fin elle ne savait même plus
ce qu'elle ressentait; elle se sentait vide. Cette vie, à
partir de la mort de sa mère, ne valait plus la peine d'être
vécue et les joies de son enfance avaient disparues.
Aussi
loin qu'elle se rappelait, tout ce qu'elle avait accompli était
négatif alors à quoi bon continuer à faire le
mal autour de soi?
Pour la lame elle n'avait que l'embarras
du choix; à défaut d'avoir de la nourriture dans son
frigo ou dans les placards, elle avait tous les ustensiles de cuisine
nécessaires. Des ciseaux et des couteaux de toutes
tailles.
Mais elle avait opté pour les éclats d'un
miroir qu'elle avait brisé, ne supportant plus de s'y voir, de
voir ce visage qui ressemblait tant à sa mère mais qui
cachait une âme presque aussi noire que celle de Raines. Une
lame symbolique, pensait-elle, sarcastique.
La détermination faisait partie de son caractère. Tout ce qu'elle voulait, elle l'avait toujours obtenu. Et quand elle avait une mission elle l'accomplissait, quoi qu'il en coûte. Ainsi elle avait passé ces dernières années à chasser à travers tout le pays son meilleur ami, son ami d'enfance, pour l'enfermer dans un endroit qu'elle haïssait. Et tout ça pour quoi? Pour faire plaisir à Papa? Pour rester en vie? Pour être libre? Peut-être un peu de tout ça... Sa détermination lui avait fait défaut pour cette mission mais pour la prochaine, pour sa dernière action, elle n'en manquerait pas.
Pour l'endroit et l'heure elle avait choisit sa chambre
qui autrefois appartenait à sa mère - symbolique - et
un dimanche, pour que personne ne pense à elle et ne vienne
l'en empêcher. Le dimanche Broots avait Debbie, Sydney avait
son fils, son père avait des rendez-vous, son frère
avait certainement une asiatique et elle, elle n'avait personne.
Si
elle n'avait pas fait autant d'erreurs dans le passé et si
elle ne s'était pas fâchée il y a quelques jours
avec le petit génie, elle aurait peut-être Jarod mais il
en était autrement: elle était seule, dans sa chambre,
déterminée.
Elle avait une raison valable, une bonne
lame, de la détermination et elle était là,
allongée sur ce lit, regardant son sang couler et la vie la
quitter.
Ce moment était parfait et peu lui importait ce
qu'il se passerait ensuite: ça ne pourrait pas être pire
que sa vie.
