Quelques jours plus tard avait lieu le fameux festin d'Halloween. Toute la Grande Salle était décorée en orange et noir, les fantômes s'en donnaient à coeur joie, et Fred et George avaient enchainé les blagues effrayantes toute la journée. Aucune maison n'avait été épargnée, Griffondor comprise. Et si les élèves visés étaient majoritairement ceux qui s'étaient comportés le plus méchamment ou injustement envers Harry, il ne s'agissait bien entendu que d'une pure coïncidence.
Même Harry et Ron avaient eu droit à leur blague. Ron avec une fausse araignée qui l'avait poursuivi dans la salle commune, et Harry avec un petit serpent qui était sorti de ses cheveux en hurlant "BOUH" avant de disparaitre dans une pluie de confettis noirs et oranges. Harry l'avait bien pris, jusqu'à ce qu'il se rende compte qu'il avait récupéré des confettis sur toutes ses affaires et passe la journée à en semer autour de lui.
En dehors de ces évènements, la journée s'était bien passée pour le Golden Boy et ses amis.
Au festin, Harry soupira en constatant la surabondance de desserts, de bonbons, et globalement de sucre sous toutes ses formes. Même la part de tarte à la mélasse l'avait écoeuré et il l'avait repoussée après deux bouchées. Profitant de ce que Ron engloutissait tout ce qu'il pouvait et qu'Hermione lui reprochait son manque de manières, Neville engagea la conversation avec le plus de tact possible.
- J'ai remarqué que tu ne mangeais presque rien de sucré, Harry.
- Mmh ? Ah, oui, admit le Golden Boy. Ça m'écoeure rapidement. Je me rattraperai demain matin, ajouta-t-il en haussant les épaules.
- Sinon on peut aller aux cuisines après le repas, proposa Neville. Je suis sûr que les elfes de maison seront d'accord pour te préparer quelque chose de moins sucré.
- Pas la peine de les déranger, balaya Harry d'un revers de main. Ce n'est pas vraiment important.
- Même si tu as l'habitude, ce n'est pas sain de sauter des repas, tu sais ?
Harry tourna la tête vers Neville d'un coup, les yeux écarquillés, et le fixa intensément. Surpris, l'autre Griffondor lui rendit son regard, et nota une étincelle d'inquiétude dans les yeux verts. Harry semblait effrayé par quelque chose. Voulant éviter à tout prix que le garçon à la cicatrice se ferme à lui, mais décidé à ne pas mentir, Neville baissa la voix avant de reprendre la parole.
- J'ai remarqué que ça t'arrivait souvent de passer des repas sans manger l'an dernier. Je... je comprends que tu ne veuilles pas en parler, et je ne le dirai à personne. Mais si un jour tu veux en discuter, je serai là pour t'écouter.
Harry se détendit légèrement et adressa un sourire rassuré, quoi qu'un peu forcé, à son ami.
- Merci Neville.
Avec un hochement de tête et un petit sourire, le timide Griffondor retourna à sa propre assiette, conscient que la conversation n'irait pas plus loin pour cette fois.
Plus tard dans la soirée, Harry répéta ce qui était devenu son petit rituel. Tous les soirs ou presque, il discutait avec Tom via son journal. Les premières questions que celui-ci avait posé portaient sur sa vie à Poudlard et des aspects relativement neutres de sa personnalité, comme sa matière favorite ou son endroit préféré du château. Harry avait posé le même genre de questions, interrogeant Tom sur son temps à Poudlard, les professeurs de l'époque et d'autres aspects neutres.
L'un comme l'autre avait délibérément mis de côté leur enfance, leurs amis, et le sujet de la Chambre des Secrets. Et pour l'instant, Harry appréciait le Serpentard et son humour parfois mordant.
Ouvrant le journal, il commença immédiatement à écrire.
Bonsoir Tom. Halloween est enfin terminé.
Comme toujours, la réponse ne se fit pas attendre.
Pas de troll dans les toilettes cette année ?
Harry rigola doucement sur son lit, pour ne pas réveiller les autres.
Non, et heureusement, une seule fois m'a suffi. Comment était Halloween quand tu étais à Poudlard ?
Probablement identique à celui qui a eu lieu aujourd'hui. Certains élèves faisaient des blagues, on entendait des hurlements toute la journée, et le repas du soir était affreusement sucré.
Mes amis m'ont fait une blague aujourd'hui. Ils ont fait apparaître un serpent dans mes cheveux avant qu'il explose en confettis.
Harry retint légèrement son souffle, curieux de voir comment Tom réagirait face à cette information.
S'ils t'ont fait cette plaisanterie douteuse, je suppose que ce ne sont pas vraiment des amis. Jouer sur la peur des autres n'est pas la plus belle démonstration d'amitié qui soit.
Le brun se dépêcha d'écrire une réponse pour calmer la désapprobation qu'il sentait monter depuis le journal. Au final, il s'était rapidement habitué à sentir les émotions véhiculées avec chaque phrase.
Ils m'ont fait cette blague pour faire peur aux autres, pas à moi. Les serpents ne m'ont jamais effrayé, ce serait plutôt le contraire.
Je vois, c'est intelligent de leur part. Ceci dit, les serpents ne t'effraient pas, tu en es sûr ? Même ceux dont le venin pourrait te tuer en quelques minutes ?
Harry hésita, se mordit la lèvre, et prit son courage à deux mains. Toute l'école était déjà au courant, et c'était un miracle que la Gazette n'en ait pas encore parlé. S'il décidait de faire confiance à Tom, il faudrait sans doute qu'il lui dise à un moment ou un autre.
Les serpents ne me font pas peur parce que je peux les comprendre et leur parler.
Avec appréhension, le jeune sorcier regarda les mots s'effacer et attendit fébrilement la réponse. Il espérait vraiment que Tom ne réagirait pas comme Justin et les autres l'avaient fait.
Un lion qui parle aux serpents ? Je suis de plus en plus surpris que tu n'aies pas été envoyé à Serpentard, Harry. Parler fourchelangue est un don rare...
Harry soupira de soulagement. Il reprit sa plume avec l'intention de remercier son interlocuteur pour ne pas immédiatement le traiter de mage noir, mais se figea en voyant apparaître une phrase de plus.
... que par un heureux hasard, je possède également.
Pendant presque une minute, Harry fut incapable de réagir. Puis il fronça les sourcils et écrivit.
Si c'est pour se moquer de moi, ce n'est pas drôle, Tom. À cause de ce don, toute l'école pense que je suis l'héritier de Salazar Serpentard et que c'est moi qui ai ouvert la Chambre des Secrets pour lâcher un monstre sur les Né-moldus et les Sang-mêlés.
Je ne me moque pas de toi, Harry. J'ai découvert très jeune que je pouvais parler aux serpents, mais j'ai préféré taire cette capacité lorsque j'ai découvert qu'elle était aussi mal vue. Même mes "amis" à Poudlard n'étaient pas au courant de cette petite... particularité.
Le brun hésita, puis répondit par une question. Si Tom était aussi un fourchelangue, peut-être qu'il en savait plus sur le côté héréditaire de cette capacité.
Est-ce que tu sais si c'est une capacité héréditaire ?
Pourquoi, tu veux savoir si tu es vraiment un descendant de Salazar ?
Harry se sentit soudainement épuisé. Comme si toute la fatigue accumulée depuis le début de l'année venait de tomber d'un coup sur ses épaules, et qu'il n'avait plus envie de faire attention au moindre de ses mots.
Je veux juste comprendre qui je suis. Je ne connais rien de ma vraie famille, je ne connaissais rien du monde sorcier jusqu'à mes onze ans et je suis toujours perdu dans toutes les coutumes et toutes les choses que je devrais connaître pour pouvoir m'intégrer. Et avec la chance que j'ai, ce sont toujours les choses rares et inexplicables qui me tombent dessus.
Pendant un instant, le jeune sorcier eut peur que Tom ne lui réponde pas, ou lui dise qu'il exagérait, ou qu'il faisait un caprice. Mais quand la réponse vint, l'émotion transmise ressemblait presque à du réconfort.
Je comprends ce que tu veux dire. S'intégrer dans un monde nouveau dont il faut tout apprendre est difficile. Concernant ta question, je ne peux pas te répondre avec une certitude absolue, mais je peux te dire qu'après des années de recherches, je n'ai pas trouvé trace d'un seul fourchelangue qui ne soit pas lié par le sang à Salazar Serpentard. Il y a donc probablement une partie de toi, aussi infime soit-elle, qui porte le même sang que lui.
La réponse de Harry fut directe, avant même que son cerveau enregistre les possibles conséquences d'être effectivement un descendant du fondateur.
Ça veut dire qu'en remontant assez loin, toi et moi on serait de la même famille ?
Cette fois, Harry put presque entendre un rire. En tout cas, il en avait l'impression. Ou alors, il avait de nouveau des hallucinations à cause de la fatigue, ce qui ne serait pas de bon augure pour sa santé mentale.
Je viens de te dire que tu es sans doute un descendant de Salazar Serpentard lui-même, et la première chose que tu en conclus, c'est que nous sommes probablement liés ? Décidément, Harry, tu es un sorcier à part.
Je gère la nouvelle comme je peux. Un de mes amis m'a aussi proposé de consulter les archives de sa famille à Noël, pour voir s'il avait un arbre géologique de la famille de mon père. Ça devrait me donner des indications sur mes ancêtres.
C'est possible en effet, mais ne vaudrait-il pas mieux consulter les archives de ta famille paternelle directement ? Elles devraient être plus complètes.
Un air triste se peignit sur le visage de Harry. Il aurait aimé aussi, mais lorsqu'il avait posé la question à Hagrid, celui-ci lui avait expliqué ce qui s'était passé.
La maison de mes parents a été détruite la nuit où Voldemort a attaqué. Je n'ai plus rien d'eux à part un coffre à Gringotts, et il n'y a aucun objet personnel à l'intérieur.
J'en suis désolé. Aucun enfant ne devrait grandir sans savoir qui étaient ses parents et sa famille, j'en sais quelque chose.
Tom... pourquoi les gens sont aussi effrayés par tout ce qui est différent ?
La réponse vint presque immédiatement, comme s'il s'agissait d'une question que le Serpentard lui-même s'était posée de nombreuses fois.
Parce que les gens ont peur de ce qu'ils ne comprennent pas. C'est pour ça qu'il faut être très prudent lorsque l'on se confie à quelqu'un. Les personnes qui semblent les plus dignes de confiance au premier abord sont parfois les premières à vous poignarder dans le dos.
La formulation était surprenante, et Harry eut clairement l'impression d'y voir un avertissement. Envers Tom lui-même ? Envers quelqu'un d'autre ? Avec un soupir résigné, Harry accepta d'avoir une fois de plus des questions sans réponses après une discussion avec le journal.
J'essaierai de garder ce conseil en tête. À demain, Tom.
Bonne nuit Harry.
Refermant le journal, Harry rangea toute son installation en vitesse et s'effondra sur son lit, complètement épuisé. Il s'endormit en moins de cinq minutes.
-o-oOo-o-
Les semaines suivantes passèrent rapidement. Aucune nouvelle attaque ne fut recensée, et les élèves comme le corps enseignant commencèrent doucement à relâcher la tension. Harry ne s'en plaignait pas. Si la plupart des élèves le regardaient encore bizarrement de temps en temps, ce n'était rien qu'il ne pouvait gérer. Ses amis faisaient en sorte de lui remonter le moral le reste du temps, et les entraînements de Quidditch se passaient bien.
Mais ce qui lui faisait le plus de bien était incontestablement ses discussions nocturnes avec Tom. Petit à petit, les deux sorciers s'ouvraient l'un à l'autre et se racontaient d'autres parties de leur vie. Tom lui avait raconté son séjour en Albanie, et sa tentative échouée de comprendre la langue des dragons. Apparemment, un fourchelangue ne pouvait pas comprendre d'autres animaux que les serpents, même si lesdits animaux étaient magiques et avaient un lien avec les reptiles. Harry lui racontait de temps en temps des anecdotes sur l'incompétence de Lockhart ou l'intransigeance de Rogue. Pour une raison incompréhensible, ces dernières amusaient beaucoup l'ancien propriétaire du carnet.
Ils avaient également commencé, très prudemment, à davantage évoquer le sujet de leur enfance. S'agissant d'un domaine sensible pour l'un comme pour l'autre, ils avançaient tout doucement. Du moins, Harry avait pris cette décision lorsque que le carnet avait vibré d'une aura meurtrière, aprèsqu'Harry ait évoqué les punitions que les Dursley lui avaient infligées à seulement quatre ans. Depuis lors, il en parlait au compte-goutte, ce qui lui permettait aussi de ne pas se sentir trop vidé émotionnellement après chaque discussion sur le sujet.
-o-oOo-o-
Ce vendredi avait été assez éprouvant jusque-là. Rogue leur avait assigné une potion particulièrement compliquée et naturellement, Neville, Ron et lui avaient lamentablement échoué. Hermione avait réussi, mais ça n'avait pas empêché le professeur de Potions d'humilier les Griffondors en ignorant les interventions des Serpentards dans leurs chaudrons. La tentative de protestation de Ron lui avait valu trente points en moins et une détenue immédiate qui consisterait à nettoyer tous les chaudrons ayant servi à leur cours. Harry et Neville s'étaient prudemment abstenus de faire le moindre commentaire après ça.
Ce vendredi était également la date à laquelle la potion polynectar serait prête. Ce soir, après le repas, ils allaient rendre trois Serpentards "temporairement indisponibles" et prendre leur place pour essayer d'obtenir un maximum d'informations de la part de Malfoy.
Hermione avait réquisitionné Neville pour préparer de quoi appâter Crabbe et Goyle, et Ron était toujours en retenue. Harry en avait profité pour ressortir sa cape d'invisibilité et se faufiler hors du château jusqu'à son rocher près du lac. Il avait besoin de calme avant la bouffée de stress et d'adrénaline qu'il allait devoir affronter dans quelques heures. Il n'avait pas parlé de leur plan à Tom. Il n'avait pas non plus parlé à ses amis de la révélation de l'ancien préfet concernant sa désormais plus-que-probable ascendance.
Les nuages étaient menaçants et les arbres avaient déjà presque tous perdu leurs feuilles, mais ça n'empêcha pas le Griffondor de descendre facilement le long des racines. Il s'assit confortablement en tailleur, sa cape ouverte mais toujours attachée à son cou pour éviter qu'elle tombe dans le lac.
Harry se mit à inspirer. Lentement. Profondément. Fermant les yeux, il laissa ses autres sens l'informer de son environnement.
Le clapotis de l'eau. L'odeur de la terre encore humide de la pluie de la veille. Le froid de la roche sous ses jambes. Et plus que tout, l'absence de présence humaine autour de lui.
Petit à petit, en se concentrant sur sa respiration et la nature qui l'entourait, le Griffondor parvint à complètement relâcher ses muscles et son esprit pour entrer dans un état de parfaite relaxation.
Lorsqu'Harry rouvrit les yeux, il remarqua que la luminosité avait baissé et grimaça en devinant qu'il était sans doute resté absent plusieurs heures. Il étira doucement ses bras et ses jambes avant de remonter en s'aidant des racines. Une fois remonté, il ajusta sa cape pour retourner au château avec la même discrétion qu'il en était parti.
Il constata qu'il était revenu juste à temps pour le diner et se dirigea dans un couloir désert pour retirer sa cape, avant de rejoindre ses amis dans la Grande Salle comme si de rien n'était.
Ceux-ci l'accueillirent avec un sourire, mais Harry percevait la tension en chacun d'eux. Ils s'étaient mis légèrement à l'écart des autres, de façon à pouvoir parler à voix basse sans être entendus au milieu de toutes les conversations.
- La potion est prête, souffla Hermione. Elle est en train de refroidir, il ne manque plus que les cheveux de qui vous savez.
- Et toi ? demanda Harry.
Avec un sourire, la sorcière dégaina une petite fiole qui contenait deux courts cheveux bruns.
- J'ai déjà ce qu'il me faut, je les ai récupérés sur sa robe pendant le cours de Potions ce matin. Et elle a une retenue avec Rusard ce soir.
Les trois garçons eurent un regard admiratif envers leur amie, puis celle-ci sortit deux muffins au chocolat de ses robes.
- Neville et moi on a préparé ça cet après-midi. Ron, je te déconseille d'y toucher, ajouta-t-elle aussitôt.
Elle avait capté le regard du roux dont la main avait déjà commencé à se tendre vers les pâtisseries, et celui-ci eut un air boudeur.
- On les a bourrés de somnifères, expliqua Neville en riant doucement.
- Plus qu'à trouver comment les faire manger à Crabbe et Goyle sans qu'ils se doutent de quelque chose et sans que Malfoy intervienne, réfléchit Harry à voix haute.
- Ils passent généralement par les cuisines avant de retourner à leur salle commune, proposa l'autre brun. Malfoy ne les suit jamais, vous devriez pouvoir les avoir à ce moment-là.
- Et toi, qu'est-ce que tu vas faire ? demanda Ron.
La question était posée avec une agressivité que ni Harry ni Hermione ne s'expliquèrent, et ils échangèrent un regard surpris. Neville les aidait de son mieux et s'avérait être un excellent quatrième membre dans leur petit groupe. Il semblait d'ailleurs également étonné par l'attitude de Ron, et rentra légèrement la tête dans les épaules. Ce fut Hermione qui répondit, un peu surprise.
- Ron, il y a un problème ? Neville va nous couvrir au cas où quelqu'un demanderait où on est.
- Et qu'est-ce qu'il va répondre ?
- Qu'il croit savoir qu'Hermione nous a entraînés à la bibliothèque pour un devoir en retard, intervint Harry, ou que je me suis blessé et que vous m'avez emmené à l'infirmerie. Ce sont deux excuses qui ne surprendront personne.
Voyant Neville hocher la tête doucement avec un petit sourire envers Harry, et Hermione approuver silencieusement, Ron se contenta d'un grognement et se resservit une assiette. Hermione et Harry se demandèrent quelle mouche avait bien pu piquer leur ami, et Neville tenta pendant quelques instants de se rappeler ce qu'il avait bien pu faire pour énerver le troisième membre du Golden Trio.
Finalement, ils firent tous comme si l'incident n'avait pas eu lieu et retournèrent à des sujets de conversation plus neutres, puis quittèrent la Grande Salle.
Hermione se dirigea directement vers les toilettes de Mimi Geignarde pour tout tenir prêt, Neville retourna dans la salle commune de Griffondor avec un livre, et Harry empocha les muffins avant de se diriger avec Ron vers les cuisines.
Ils s'installèrent dans un recoin sombre au détour d'un couloir, à moitié cachés par une statue. Environ quinze minutes plus tard, ils entendirent les voix des deux Serpentards se diriger vers eux.
- Harry, chuchota Ron, comment on fait pour qu'ils les voient ?
Le brun resta perplexe, ayant oublié de penser à ce détail, puis claqua des doigts avant de prendre sa baguette. Il lança rapidement un sort de lévitation sur les muffins avant de les faire voler au milieu du couloir.
Il se rendit compte d'à quel point son piège était stupide juste alors que Crabbe et Goyle arrivaient assez près pour voir les pâtisseries. Le garçon à la cicatrice capta le regard dubitatif de son ami et dut retenir un facepalm. Personne ne serait assez bête pour...
- Hey, des muffins !
- Ils sont au chocolat non ?
Crabbe et Goyle venaient de les attraper et se regardèrent avec un air ravi, avant de croquer dans les pâtisseries à pleine dent. Ils eurent le temps de manger deux bouchées avant que leurs yeux se ferment et tombèrent en arrière, endormis avant même de toucher le sol.
Sortant de leur cachette sans trop en croire leurs yeux, ce fut finalement Ron qui se frappa le front d'un air incrédule avant de parfaitement résumer leur avis à tous deux.
- Qu'est-ce qu'ils sont bêtes !
- Cette fois ça nous arrange, répondit Harry en haussant les épaules.
Ils récupérèrent rapidement les uniformes des deux Serpentards et quelques-uns de leurs cheveux, puis les enfermèrent dans le placard le plus proche. D'après Hermione, les somnifères feraient effet pour plusieurs heures, et ils auraient le temps de leur remettre leurs affaires avant que les deux gardes de Malfoy se réveillent.
Ils se rendirent aussitôt dans les toilettes pour rejoindre Hermione. Lorsqu'ils arrivèrent, Mimi Geignarde était là aussi, apparemment en grande discussion avec leur amie. Le fantôme se tourna immédiatement vers le brun, ignorant totalement Ron.
- Harry ! Tu m'as manqué !
- Content de te voir aussi, Myrtille, sourit celui-ci. Comment vas-tu ?
- Je vais bien, j'ai exploré les tuyaux qui mènent aux salles de bain des préfets aujourd'hui, ça faisait longtemps que je n'y étais pas allée ! D'ailleurs je ne sais pas pourquoi, mais ils étaient plus propres que d'habitude, fit-elle d'une voix songeuse. Quelqu'un a fait disparaitre toutes les araignées.
- Rusard a probablement traumatisé un première année pendant sa retenue, plaisanta Harry.
Sa blague eut l'effet escompté et Mimi Geignarde pouffa. Sur le côté, Hermione regardait la scène avec un air amusé et Ron était toujours aussi incrédule. À chaque fois qu'ils étaient venus s'occuper de la potion, Harry et le fantôme avaient eu le même genre d'interactions. Étant venue quelques fois seule pour vérifier l'avancement de leur projet, Hermione avait également commencé à discuter avec Mimi.
Sans avoir le même succès qu'Harry, elle arrivait désormais à avoir une conversation à peu près cordiale avec la jeune fille et commençait doucement à l'apprécier. Leur échange sur le mode de vie – ou plutôt de non-mort – des spectres avait clairement aidé à briser la glace lorsque Mimi Geignarde avait compris que la curiosité d'Hermione était sincère. Seul Ron était encore mal à l'aise en présence du fantôme.
- D'ailleurs, j'espère que tu ne m'en voudras pas, mais ce soir, je n'ai pas beaucoup de temps à t'accorder, s'excusa poliment le brun.
- Hermione m'a déjà tout expliqué, répondit tristement le spectre. Vous pouvez réutiliser mes toilettes quand vous voulez, ajouta-t-elle avec une note d'espoir.
- J'essaierai de revenir discuter de temps en temps, promis Harry.
- Et moi aussi, ajouta Hermione. J'ai encore plein de questions sur les fantômes !
Le sourire chaleureux de Harry et l'enthousiasme d'Hermione émurent immédiatement la jeune fille, qui cacha son visage dans ses mains pour dissimuler les larmes spectrales qui commençaient à déborder.
- J'espère vraiment que vous mourrez à Poudlard, fit-elle finalement. Ce serait un plaisir de partager l'éternité avec vous deux.
- Merci Myrtille, répondit Harry.
Il avait réussi juste à temps à retenir la tête ahurie et mal à l'aise que la remarque avait provoqué chez lui. À sa manière, le spectre leur avait fait un beau compliment. Hermione eut un peu plus de difficultés, mais elle finit par sourire aussi avant de se retourner vers ses amis – Ron avait franchement grimacé en entendant le fantôme – et leur indiqua d'aller se changer dans les cabines. Lorsqu'ils revinrent, elle leur tendit chacun un verre remplit d'une mixture à l'odeur peu engageante.
- Bien, maintenant, mettez les cheveux et buvez. Santé, ajouta-t-elle dans une tentative d'humour.
- Beurk... grimaça Ron. De l'extrait de Crabbe.
- Allez, courage, maugréa Harry.
Après une grande inspiration, les trois Griffondors vidèrent leur verre sous le regard amusé du fantôme. Ce n'était pas tous les jours qu'elle assistait à un spectacle pareil ! Ron porta d'un coup la main à sa bouche.
- Je crois que je vais vomir, fit-il avant de se ruer vers la cabine la plus proche.
Juste après lui, Hermione eut un haut-le-coeur et son visage vira au blanc, puis au vert.
- Moi aussi, dit-elle avant d'imiter Ron.
Harry se sentait malade également, mais préféra se tourner vers le lavabo juste derrière lui pour s'appuyer. Au moins, la sculpture centrale – composée de multiples lavabos disposés les uns à côté des autres en forme de cercle – était solidement ancrée dans le sol.
Au moment où il pensait que son estomac allait rendre tout son contenu, il sentit son corps et surtout son visage se modifier. La sensation était une des plus bizarres qu'il ait ressenti de sa vie. C'était comme si des billes roulaient sous sa peau pour la remodeler.
Lorsqu'il releva la tête face au miroir, il constata avec stupeur qu'il était effectivement devenu la copie conforme de Goyle. Voir son reflet en sachant que son apparence n'était pas la sienne tout en restant lui-même à l'intérieur était perturbant. Très perturbant.
Il se retourna en entendant une cabine s'ouvrir, et failli sortir sa baguette dans un geste défensif en voyant Crabbe. Puis le Serpentard parla et sa voix était définitivement celle de Ron.
- Harry !?
- On a toujours la même voix, remarqua celui-ci. Essaie d'imiter Crabbe pour voir ?
- Oh ben ça alors, tenta Ron.
- Parfait, grimaça Harry. Hermione, tu viens ? Si on a juste une heure, il faut qu'on se dépêche.
Depuis la cabine, une voix paniquée leur parvint.
- Je... je ne viens pas avec vous ! Foncez tous les deux.
- Hermione, est-ce que tout va bien ?
- Vous perdez du temps ! Allez-y, moi je reste là.
Ron-Crabbe regarda Harry-Goyle d'un air interrogatif, et celui-ci prit sa décision en un instant.
- D'accord, ne bouge pas, on revient dès qu'on a fini ! Myrtille, désolé de te demander ça, mais est-ce que tu peux veiller sur Hermione ?
- Bien sûr Harry ! accepta la jeune fille avec un hochement de tête. Personne ne l'embêtera jusqu'à ce que tu reviennes !
- Merci ! fit-il avec un sourire reconnaissant.
Le fantôme traversa la porte de la cabine et poussa une exclamation de surprise au moment où les garçons se ruaient à l'extérieur des toilettes.
- Tu sais où est leur salle commune ? demanda Ron-Crabbe.
- Dans les donjons, on n'a qu'à y aller et espérer tomber rapidement sur un autre Serpentard pour nous y emmener.
- D'accord.
Les deux Griffondors se dirigèrent donc vers la partie du château où aucun Griffondor ne se rendait jamais de son plein gré. Une fois dans les corridors sombres et humides, ils tournèrent un moment avant d'entendre une voix s'adresser à eux.
- Vous deux ! Qu'est-ce que vous faites dans les couloirs à cette heure-là ?
Harry maudit une fois de plus son manque de chance légendaire. De tous les préfets de l'école, il fallait que ce soit Percy qui patrouille dans les donjons ce soir-là et qui les remarque. Les deux Griffondors sous couverture échangèrent un regard paniqué, puis se retournèrent avec l'air le plus stupide et arrogant qu'ils puissent afficher en tentant en même temps de trouver une excuse plausible.
- On était...
- On revient de...
À cet instant, une autre voix retentit de l'autre côté du couloir.
- Crabbe ! Goyle !
Harry n'aurait jamais cru être un jour soulagé d'entendre la voix de Malfoy. Le blond arriva rapidement à leur hauteur et avait l'air d'une humeur massacrante.
- Où étiez-vous tous les deux ? Encore à vous goinfrer ?
Retenant la réplique qui lui brûlait les lèvres, Harry fit de son mieux pour afficher une attitude soumise et murmura quelques mots de confirmation. En face de lui, il vit Ron faire de même. Cependant, Malfoy continua à fixer Harry-Goyle.
- Pourquoi tu portes des lunettes ?
- Ah heu, pour lire, improvisa le brun en les retirant.
Et étonnamment, sa vision resta correcte. Visiblement, le polynectar modifiait ses capacités oculaires en plus de la couleur de ses yeux.
- Pour lire ? Tu sais lire, toi ?
Le blond était plus que dubitatif devant une telle affirmation, mais sembla balayer le détail comme s'il ne voulait pas encombrer son cerveau. À la place, son attention se porta sur Percy.
- On peut savoir ce que tu fais ici, Weasley ?
- Surveille tes manières, Malfoy, grinça Percy. Au cas où tu ne le saurais pas, je suis préfet.
- Peut-être, mais les Griffondors ne sont pas les bienvenus dans les donjons. Les rouquins moins que les autres.
Et avant que Percy puisse répliquer, le blond tourna les talons, un air arrogant scotché sur le visage.
- Venez, vous deux, ordonna-t-il.
Docilement, les deux Griffondors déguisés suivirent le Serpentard, en sentant le regard noir du préfet dans leur dos. Ils marchèrent en silence pendant quelques minutes, puis arrivèrent devant le tableau de ce qui était probablement un Maître des Potions célèbre que ni Harry ni Ron ne reconnut.
- Pimentine, énonça le blond.
Évidemment, songea Harry en levant rapidement les yeux au ciel, le mot de passe de la salle commune de Serpentard était un nom de potion. Et on osait dire des Griffondors qu'ils étaient clichés.
Surprenamment, la salle était quasiment déserte et Malfoy alla directement s'affaler sur un canapé en face de la cheminée. Harry-Goyle et Ron-Crabbe restèrent debout un moment, incertains de l'attitude à adopter, jusqu'à ce que le Serpentard les regarde d'un air exaspéré et leur indique les fauteuils proches.
- Asseyez-vous au lieu de rester plantés comme des idiots.
Ils s'exécutèrent immédiatement. Pendant un moment, un silence malaisant s'établit et Malfoy en parut contrarié. Finalement, il soupira et reprit la parole.
- Quand je pense qu'ils sont tous à la bibliothèque... Ils auraient dû savoir que le devoir de Flitwick serait interminable.
Au moins, Harry savait pourquoi la salle était déserte maintenant. Grâce à Hermione, ils avaient terminé ce devoir-là le weekend précédent. Au moins, aucun autre deuxième année ne viendrait les interrompre. Seul problème maintenant, amener la conversation sur le sujet qui les intéresse sans paraître suspects. Autant espérer un miracle.
De son côté, Draco commençait à se demander si tout allait bien avec ses deux gardes du corps. Normalement, ils auraient déjà compris qu'il était en train de s'ennuyer et seraient en train de proposer des idées stupides pour harceler des première années. Sans compter les lunettes de Goyle... et le fait qu'il les utilise pour lire... définitivement, quelque chose n'allait pas avec eux ce soir.
Saisissant la dernière copie de la Gazette du Sorcier qui était disposée à côté de lui, il l'ouvrit et eut presque immédiatement un reniflement dédaigneux.
- Écoutez ça, fit-il en commençant à lire. Arthur Weasley vient de remporter un concours pour un voyage en Égypte avec sa famille l'été prochain. Le directeur du service des détournements d'objets moldus avait récemment écopé d'une amende pour avoir ensorcelé une voiture et lui permettre de voler.
Heureusement pour Harry et Ron, celui-ci était déjà au courant des deux nouvelles grâce aux lettres de sa mère et put réagir presque normalement. Du moins jusqu'à ce que Malfoy continue sa lecture, un sourire sadique aux lèvres.
- Weasley ne fait que décrédibiliser le Ministère avec sa fascination maladive pour les moldus, déclare Lucius Malfoy, un des gouverneurs de Poudlard. Il est clairement inapte au maintien de nos lois et de notre société.
À côté de lui, Harry remarqua le faux Crabbe serrer les poings et les dents. Ron se retenait de justesse, mais son self-control ne tenait qu'à un fil et le brun pria Merlin et tous les fondateurs pour qu'il en reste ainsi.
- On ne dirait pas que les Weasley ont le sang pur, quand on voit ce qu'ils font, ajouta le blond avec un air dégouté.
Au moment où il reposa le journal là où il l'avait pris, Draco remarqua soudainement que Goyle avait l'air perturbé et Crabbe furieux. En fait, Crabbe était en train de le fusiller du regard. Aucun des deux n'avaient jamais osé le fusiller du regard.
- Qu'est-ce qui t'arrive Crabbe ? lança-t-il en fronçant les sourcils.
Harry donna un coup de coude à Ron, alors que celui-ci allait ouvrir la bouche pour lancer une insulte. Le faux Serpentard se reprit juste à temps et fit une grimace avant de répondre.
- Mal au ventre.
En lui-même, Draco comprit d'un coup leur attitude étrange. Les deux idiots s'étaient encore gavés à n'en plus finir et Crabbe n'était pas en train de le fusiller du regard mais simplement d'exprimer sa douleur à l'estomac. Ce ne serait pas une première. Rassuré quant au comportement de ses gardes du corps, le blond soupira.
- Ça t'apprendra à t'empiffrer. Si ça empire, va à l'infirmerie, je ne veux pas t'entendre vomir cette nuit.
Crabbe hocha rapidement la tête avant de regarder ailleurs, et Harry relâcha imperceptiblement la tension dans ses épaules. Le tempérament de Ron avait failli les faire repérer.
- Vous savez, continua le blond comme s'il se parlait à lui-même, ça m'étonne que la Gazette n'ait pas encore parlé de l'attaque ou du message. J'imagine que Dumbledore fait tout pour étouffer l'affaire, il sait qu'il sera viré si le coupable n'est pas attrapé. Mon père a toujours dit que Dumbledore était la pire chose qui soit arrivé à Poudlard.
Pour être honnête avec lui-même, et malgré toute l'admiration qu'il portait à son père, Draco avait au départ pensé qu'il s'agissait d'une exagération. Dumbledore était après tout supposé être un sorcier puissant doublé d'un Griffondor respecté et honorable. Mais après l'an dernier, lorsque Dumbledore avait tout simplement donné la coupe aux rouge et or avec cent soixante-dix points de dernière minute en ignorant toutes les règles enfreinte par Weasley, Granger et Potter... Sans compter que le directeur avait toujours du temps libre pour son Golden Boy, et était toujours laxiste sur les punitions tant que les "blagues" avaient des Serpentards pour victimes.
Il avait entendu assez d'histoires de son parrain pour savoir que le père de Potter et ses amis avaient été cruels à leur époque, et s'en étaient toujours sortis avec une petite remontrance et quelques points en moins. Clairement, et malgré tous ses beaux discours sur l'unité des maisons, Dumbledore avait ses chouchous. Une opinion largement partagée par tous les Serpentards, ce qui ne rendit que plus surprenante l'exclamation de Goyle.
- C'est faux !
Draco resta sans voix pendant une seconde. Goyle venait de le contredire. Goyle venait de le contredire à voix haute et en le regardant droit dans les yeux. Aucun mal d'estomac ne pouvait expliquer un tel comportement et il se redressa, un air de défi sur le visage.
- Pardon ? Tu penses qu'il y a quelqu'un de pire que Dumbledore ici ?
Le blond observa avec satisfaction Goyle déglutir difficilement et éviter son regard. Voilà qui était mieux. Toutefois, le brun redressa rapidement la tête et suggéra un nom.
- Harry Potter ?
Draco perdit son air satisfait pour lui lancer un regard furieux, qui se transforma en exaspération, et se mit à marcher lentement vers la cheminée. Finalement, il se retourna vers les deux idiots avec un sourire dangereux qui les mit tous deux mal à l'aise.
- Bien vu Goyle. Bien vu. Saint Potter, fit-il avec un dégoût évident. Le chouchou de Dumbledore qui pourrait enfreindre toutes les règles de l'école et se voir décerner une récompense pour l'exploit. Qui vient d'une famille renommée et traîne avec une Sang-de-Bourbe, un Traître à son sang et Londubat qui vaut à peine mieux qu'un Cracmol. Quand je pense qu'il y en a qui sont persuadés qu'il est l'héritier de Serpentard !
Harry et Ron eurent juste le temps d'échanger un regard surpris avant que Malfoy les regarde à nouveau. Harry se força à prendre un air perdu et stupide pour poser la question qu'il espérait pouvoir placer depuis le début.
- Mais tu dois bien avoir une idée de qui est derrière tout ça ?
Draco se rasséréna. Finalement, Goyle redevenait le gorille stupide à la mémoire de poisson rouge qu'il avait été depuis leur première rencontre.
- Tu sais très bien que non. Combien de fois je vais devoir te le répéter ?
En apparence, Harry baissa les yeux d'un air d'excuse, mais à l'intérieur, il était perplexe. Malfoy aurait su si l'héritier était un Serpentard, ou aurait au moins une idée de son identité. Harry savait que la probabilité de deux descendants de Salazar Serpentard soient dans l'école à la même période était infime, mais il savait avec autant de certitude qu'il n'était pas le responsable de l'attaque et des messages. Par conséquent, il devait obligatoirement y avoir un autre héritier dans l'école, et la plus grande probabilité était qu'il soit dans la maison de son ancêtre, comme Harry aurait dû l'être.
Il était en train de se perdre dans ses réflexions lorsqu'il remarqua que Malfoy s'était de nouveau assis sur le canapé et se penchait vers eux sur le ton de la confidence.
- Mais j'ai écrit à mon père, et voilà ce qu'il m'a dit. La dernière fois que quelqu'un a ouvert la chambre était il y a cinquante ans. Il n'a pas voulu me dire qui, juste que la personne a été renvoyée. Mais il m'a aussi dit que la dernière fois que la Chambre des Secrets a été ouverte, un Sang-de-Bourbe est mort.
Draco releva la tête, satisfait de son petit effet et de voir la surprise dans les yeux de Crabbe et Goyle. S'ils pouvaient répandre la rumeur, peut-être que des élèves écriraient à leurs parents et que l'information sortirait enfin des murs du château.
- Je me demande, ajouta-t-il d'une voix neutre, si Granger sera la victime cette fois. Au moins, je récupèrerais ma place légitime de meilleur élève de notre année.
Il sursauta presque en voyant ses deux gardes du corps se lever d'un coup avec une attitude furibonde.
- Qu'est-ce que vous avez tous les deux ? Vous êtes vraiment bizarres ce soir.
- C'est à cause de... nos maux de ventre, tenta Harry.
Malfoy sembla dubitatif et leur lança un regard suspicieux, puis renonça et tourna de nouveau son attention vers le feu. Ce fut à ce moment que Ron et Harry commencèrent à ressentir une sensation désagréable et ils se tournèrent l'un vers l'autre.
Harry pâlit et formula silencieusement le mot "cheveux" à Ron en même temps que celui-ci mimait un éclair en direction de son front, signalant que sa cicatrice apparaissait de nouveau. Sans un mot, ils cachèrent leurs têtes et se ruèrent vers la sortie, ignorant l'exclamation de Malfoy.
- Où est-ce que vous allez ?
Le blond soupira de nouveau en les voyant disparaitre à travers le portrait. Ils étaient sans doute partis aux toilettes ou à l'infirmerie. Ou s'ils étaient vraiment stupides, de nouveau aux cuisines. Les trois possibilités se valaient, et Draco décida d'occuper son esprit avec des pensées plus utiles et plus intéressantes que Crabbe et Goyle. Sans même s'en rendre compte, il retourna à leur conversation et plus spécifiquement à Potter. Surprenant de la part de Goyle de penser à la mascotte des Griffondors.
Le Serpentard supposa qu'il passait un peu trop de temps à se plaindre de son rival. Mais depuis que Londubat avait rejoint son groupe, Potter avait de plus en plus tendance à l'ignorer, peu importe les insultes qu'il pouvait lui lancer. Et Draco n'appréciait pas du tout. En tant que Malfoy, il se devait d'avoir un rival à sa hauteur à Poudlard, et Potter avait le profil parfait pour ça. Après tout, il avait été le premier à avoir les nerfs de refuser son amitié. Personne n'avait jamais dit non à l'héritier de la prestigieuse famille Malfoy. Personne. D'une certaine façon, le blond supposait que c'était ce qui avait rendu Potter digne d'être son rival. Ça et le fait qu'il cochait presque toutes les cases qui l'auraient rendu digne de son amitié s'il l'avait acceptée.
En secouant la tête, Draco essaya de se sortir des pensées qu'il connaissait par coeur à force de les ressasser. Harry Potter était le Golden Boy de Griffondor, et lui, Draco Malfoy, était en train de gagner le surnom de Prince de Glace de Serpentard. La logique voulait qu'ils demeurent rivaux jusqu'à la fin de leurs études, et probablement adversaires pour le reste de leur vie. Il demeurerait l'héritier d'une famille Sang-pur aristocratique à l'apparence imperturbable, l'élégance froide personnalisée. Potter demeurerait le sauveur du monde sorcier, le garçon-qui-a-survécu, le héros à la réputation parfaite et à l'attitude irréprochable, toujours prêt à se sacrifier pour les autres.
Comme lorsqu'il était resté dans la Forêt Interdite pendant leur retenue en première année, lorsqu'ils étaient tombés sur la chose qui s'abreuvait de sang de licorne. Potter pouvait prétendre tout ce qu'il voulait avec ses histoires de cicatrice douloureuse, Draco avait vu ce qui s'était vraiment passé. Alors que lui-même avait eu le réflexe de fuir une entité plus puissante qui constituait un danger mortel, Potter s'était avancé et mis en position défensive. Pile entre lui et la chose encapuchonnée. Quel idiot avait ce genre de réflexe à onze ans !? Même si un centaure était intervenu à temps pour le sauver après, Potter n'avait pas hésité une seconde à s'interposer.
Pour être totalement honnête avec lui-même, Draco devait admettre qu'une bonne partie de sa – légère – obsession à faire de Potter son rival venait de là. Le blond avait insulté le Griffondor, avait insulté ses amis, l'avait pris de haut, les avait dénoncés dès qu'il en avait la possibilité et monté le reste de sa maison contre lui, et malgré ça... malgré ça, Potter avait été prêt à sauver sa vie au prix de la sienne. Pourquoi ? Pourquoi ce fichu Griffondor avait-il agi de la sorte ? Pourquoi fallait-il qu'il soit courageux au point de le défendre lui ? Pourquoi...
- Salle commune de Serpentard à Draco, vous m'entendez ?
S'il n'avait pas été parfaitement entraîné à rester impassible en toute circonstance, Draco aurait sursauté en entendant Blaise. À la place, il tourna calmement la tête et constata que Théo, Pansy et Daphné étaient revenus de la bibliothèque et le regardaient avec étonnement. Haussant un sourcil, il ignora leur attitude et demanda avec sa pointe de sarcasme habituelle comment s'était passée leur soirée. Blaise et Daphné se lancèrent aussitôt dans un récit ponctué d'anecdotes que Draco n'écouta qu'à moitié, essayant tant bien que mal d'occuper son esprit avec autre chose que Potter.
Sans grand succès.
Commentaire de la bêta : En même temps chaton c'est dur de se détourner de son âme-soeur... -wink wink- Un chapitre riche en révélations et actions n'est-ce pas ? J'avoue je l'aime bien, et ce n'est pas que dû à mon faible pour les Serpentards ! Qu'en avez-vous pensé ?
