N/A : chapitre un peu plus court aujourd'hui, parce que je rentre juste de voyage et que je suis crevée (désolée...).
Le lendemain matin, lorsqu'il se leva, personne ne fit de commentaire sur ses yeux gonflés ou ses cernes. Harry ne vit pas Neville empêcher discrètement Ron de lancer une boutade, et resta dans sa bulle jusqu'à ce qu'ils arrivent à la table du petit-déjeuner. Une fois installé, il laissa sans conviction quelqu'un placer de quoi manger devant lui, mais son cerveau n'enregistra même pas ce qu'il y avait en face de lui et il se contenta de bouger ses couverts au hasard.
De l'autre côté de la Grande Salle, quelques Serpentards avaient remarqué son attitude inhabituelle. Daphné, Théodore et Blaise avaient pris l'habitude de se relayer pour observer discrètement Potter à chaque repas et trouver un détail à relever par jour, histoire de faire réagir Draco. Jusqu'à présent, leur technique avait marché à chaque fois et ils ne s'en lassaient pas. En fait, depuis que le Griffondor avait commencé à ignorer le blond presque une fois sur deux, l'effet était démultiplié.
Draco, pour sa part, n'avait toujours pas remarqué leur manège et s'était vaguement interrogé sur l'état de Crabbe et Goyle, avant de retourner à sa propre assiette en les voyant s'empiffrer. Visiblement, leur mal de ventre de la veille était passé, et leur étrange comportement avait disparu. Il ne s'en préoccupa pas davantage et jeta un oeil discret vers la table des rouge et or. Presque immédiatement, il nota que quelque chose n'allait pas, mais alors pas du tout, avec son rival. Et apparemment, il n'était pas le seul à l'avoir remarqué.
- Salazar, vous avez vu la tête de Potter ce matin ? lança Blaise avec un sifflement.
- Daphné se tourna un instant pour observer à son tour, et écarquilla les yeux.
- Si ce n'était pas impossible, je dirais qu'il a passé la nuit à pleurer, déclara-t-elle d'une voix incrédule.
- Mais ça n'a aucun sens, protesta Théodore. Les idiots de Griffondor se sont calmés depuis qu'il n'y a plus d'accidents, il n'a pas reçu de retenue ou de punition ces derniers jours, et j'ai entendu dire que Granger était à l'infirmerie sans être en danger.
Les trois Serpentards oublièrent momentanément leur jeu pour se concentrer sur ce qui pourrait être à l'origine de l'état si surprenant de la mascotte de Griffondor. Discrètement, ils jetèrent chacun un nouveau coup d'oeil vers l'autre côté de la Grande Salle avant d'échafauder des théories.
- Peut-être qu'il s'est fait rejeter par Londubat ? tenta Blaise en plaisantant à moitié.
- Tentant, admit Daphné, mais non. Londubat n'aurait pas refusé, et ne serait certainement pas en train de le pousser à manger si c'était le cas.
- Pas par Londubat alors, mais peut-être qu'il s'est fait repousser par une fille, suggéra Théodore.
La blonde et l'italien lui jetèrent des regards pratiquement désespérés, et Daphné poussa un soupir dramatique avant de répondre.
- Théo, tu penses vraiment qu'une seule fille dans cette école refuserait d'être la première copine de Potter ? Elles diraient toutes oui, même celles qui ne sont pas intéressées par les garçons !
- Toutes sauf Pansy, précisa Blaise. Encore que... ajouta-t-il à voix basse.
Deux secondes plus tard, les trois étaient en train de retenir un fou rire en visualisant la scène. Théodore se mordait l'intérieur de la joue sans pouvoir complètement dissimuler un sourire hilare, Daphné pouffait discrètement en se cachant derrière sa main, et Blaise simulait une quinte de toux qui était en train de s'éterniser. Finalement, et après un grand verre de jus de fruit, il se tourna vers Draco en tentant de rester le plus neutre possible.
- Draco, on dirait que ton rival n'est pas en grande forme ce matin. Tu ne lui aurais pas brisé le coeur sans nous prévenir, quand même ?
La phrase attira l'attention du reste de la table des vert et argent, qui attendirent tous discrètement la réponse qui allait suivre. Le blond fixa un instant l'italien de son regard gris, avant de prendre son ton le plus sarcastique.
- Oh, je ne vous l'ai pas dit ? Pendant que vous étiez à la bibliothèque hier soir, il a trouvé le moyen de se glisser jusque dans la salle commune pour m'avouer son amour éternel et n'a pas supporté que je ne partage pas ses sentiments.
Tous les Serpentards qui l'avaient entendu restèrent abasourdis pendant plusieurs secondes, et Blaise était à deux doigts de voir sa mâchoire rejoindre la table devant la réplique. Il s'était attendu à une insulte, peut-être une injonction à se taire, mais certainement pas à ça. Pansy était tétanisée et même Crabbe et Goyle avaient arrêté de manger pour regarder l'héritier Malfoy avec des yeux exorbités. Le silence dura jusqu'à ce que quelqu'un laisse échapper le premier début de rire, et ce fut le signal. Cette fois, presque tous les masques soigneusement étudiés des Sang-purs aristocratiques craquèrent et la moitié de la table de Serpentard explosa de rire, la seconde moitié suivant rapidement.
L'évènement était si improbable que le reste de la Grande Salle se figea pour observer ce qui se passait. Même Rogue semblait perturbé par ce qui arrivait à ses – d'ordinaire – calmes et réservés Serpentards. Seul Draco restait impassible au milieu de toute cette hilarité, et poursuivait son petit déjeuner comme si de rien n'était. Le professeur de Potions soupçonna pendant un instant que quelqu'un avait glissé une potion ou jeté un sort à ses élèves, mais renonça après un rapide examen visuel de la salle. Même les infernaux jumeaux Weasley semblaient pris au dépourvu et cherchaient qui pouvait bien être ce potentiel futur complice.
Les yeux noirs passèrent rapidement sur Potter – dans le doute – et le dépassèrent avant d'y revenir brusquement. Après l'avoir observé quelques instants, Rogue fronça légèrement les sourcils. Pas qu'il s'inquiète pour le rejeton de James, mais quelque chose ne tournait pas rond chez le chouchou d'Albus. Il finit par comprendre en voyant Londubat quitter son état ahuri pour recommencer à parler à Potter en désignant son assiette. La mascotte de Griffondor était... pour manque de meilleur mot, éteinte. Potter ne semblait pas réagir à l'anormal comportement des Serpentards. Il ne semblait même pas réaliser qu'il y avait quelque chose dans son assiette, malgré les efforts de Londubat.
Rogue réfléchit quelques instants. Potter avait déjà eu l'air fatigué ou épuisé, mais jamais il n'avait été aussi peu réactif. C'était bien les seules choses qu'il semblait avoir héritées de Lily, son tempérament de feu et ses yeux. Finalement, l'enseignant balaya mentalement le problème. Potter avait déjà suffisamment de gens à sa botte qui seraient ravis de l'aider à surmonter la déception qu'il venait probablement de recevoir. En son for intérieur, il devait même admettre espérer qu'un bon retour à la réalité lui permettrait de descendre de son piédestal d'enfant vedette choyé. À la place, il retourna son attention vers son filleul, qui semblait toujours imperturbable au milieu des Serpentards dont le rire commençait à peine à se calmer.
Draco était presque satisfait. Il venait de confirmer sa position de leader de sa maison, et sa réputation d'impassibilité auprès des autres maisons était désormais inattaquable. Vraiment, son samedi matin était parfait à un petit détail près. Parce qu'évidemment, encore une fois, Potter avait décidé de faire ce qu'il faisait le mieux, à savoir : être l'exception. Tout le monde regardait la table des Serpentards et Draco qui sortait du lot, élèves comme enseignants, sauf Potter. Le Griffondor avait gardé les yeux sur son assiette, et ne paraissait même pas réaliser qu'il y avait quelque chose dedans.
En son for intérieur, le blond se mit à gronder d'une manière que son père n'approuverait certainement pas. Un peu d'attention de la part de Potter, est-ce que c'était vraiment trop demander ? Merlin, il ne demandait pas l'impossible, juste un rival qui lui accordait l'importance qu'il méritait ! Mais non, Potter refusait même de lui donner cette satisfaction-là. À moins que son attitude ne soit soigneusement calculée pour l'énerver, mais le héros de Griffondor n'était pas assez subtil pour ce genre de stratégie. Encore que depuis que Londubat trainait avec lui, Potter avait pris l'habitude d'ignorer ses provocations.
- Si vous avez terminé de vous ridiculiser, peut-être qu'on pourrait reprendre une conversation décente ? lança-t-il autour de lui.
Sa déclaration sèche permit de calmer un peu plus rapidement le reste des élèves de sa table, qui reprirent leurs esprits petit à petit, et pour certains essuyèrent les larmes de rire qui s'étaient glissées au coin de leurs yeux.
- Désolé Draco, commença Blaise, mais là...
Et il s'interrompit pour respirer lentement et éviter de recommencer à rire. Le blond allait lui faire une remarque concernant ses manières, quand un mouvement attira son attention.
Potter venait de se lever et quittait discrètement la Grande Salle – du moins aussi discrètement que possible pour le Golden Boy – sous le regard inquiet de Londubat et celui surpris de Weasley. Une fois qu'il fut sorti, Draco sentit sa mâchoire se crisper légèrement sous l'effet de la frustration. Potter ne lui avait pas adressé un regard de tout le repas, malgré la scène invraisemblable qui avait eu lieu. Pas. Un. Seul. Regard.
Inspirant discrètement pour se calmer, il retourna à son assiette désormais vide. Après tout, il avait renforcé sa position dans sa maison et sa réputation auprès des autres. Techniquement, il faisait exactement ce qu'il était supposé faire, et le faisait avec brio. Il ne lui manquait plus que l'attention de Potter, et pour ça, il fallait juste le séparer de Londubat ou trouver des provocations plus fortes pour le forcer à réagir. Ou les deux. Plus probablement les deux.
Avec un très léger sourire en coin, il commença à planifier ses prochaines actions.
-oOo-
Une semaine passa, et Neville commençait sérieusement à paniquer. Harry était sorti de son état apathique au bout de deux jours. En apparence, tout allait bien pour le Griffondor. Il mangeait aux repas, faisait ses devoirs, répondait en cours si le professeur lui posait une question. Mais ses yeux étaient vides, et il ne réagissait que si l'on s'adressait à lui directement. Et encore. Même Hermione, depuis l'infirmerie, avait compris que quelque chose n'allait pas et avait posé la question à Ron et Neville.
Malheureusement, aucun des deux n'avait la moindre explication. Neville avait tenté de demander discrètement à Harry s'il y avait eu un problème avec le journal de Jedusor, mais Harry avait purement et simplement ignoré sa question avant de passer le reste de la journée en étant complètement renfermé sur lui-même. Après ça, Neville n'avait pas osé réaborder le sujet.
Mais ce qui fit véritablement paniquer Neville fut l'absence de réaction de Harry face à Malfoy pendant le cours de Potions. Le cours s'était à peu près aussi bien déroulé que d'habitude pour les trois Griffondors – c'est-à-dire quelque part entre supportable et désastreux – et ils en étaient à ranger leurs affaires lorsque Malfoy renversa "accidentellement" le sac de Harry.
- On ne t'a jamais appris à ranger ton sac, Potter ? Un niffleur n'y trouverait pas son or.
Derrière lui, les Serpentards ricanèrent. Du coin de l'oeil, Neville vit que Rogue observait la scène et eut un frisson de peur incontrôlé avant d'aller aider son ami à remettre ses affaires dans sa sacoche. Harry n'avait pas prononcé un mot, et pour autant qu'il le sache, n'avait même pas regardé le blond. Certes, Hermione et Neville avaient insisté auprès de Harry pour que celui-ci ignore Malfoy au lieu de répondre à ses provocations, mais à ce point... Le Serpentard avait été juste impossible pendant toute la semaine, et avait paru utiliser chaque occasion pour s'en prendre à Harry. Sans que celui-ci réagisse en aucune façon.
En revanche, Ron avait riposté à chaque fois et avait déjà écopé d'une retenue avec le professeur Chourave pour avoir lancé un pot sur un autre élève. En plus, Malfoy avait esquivé. Et quelque chose disait à Neville qu'en l'absence d'Hermione pour le canaliser, Ron risquait de recevoir pire de la part de Rogue s'il ne se calmait pas. Alors que les deux bruns avaient terminé de ramasser les affaires tombées et se relevaient, Malfoy embraya.
- Pas de réplique, Potter ? De la part d'un lâche, il fallait s'y attendre. J'imagine que c'était ça ou retourner dans les jupes de ta Sang-de-bourbe de mère, mais comme elle est morte, ça ne te laisse plus beaucoup de choix, pas vrai ?
Un silence de mort tomba sur la salle et Neville blêmit immédiatement. Ce que Malfoy venait de faire était purement et simplement ignoble. Harry était toujours très sensible sur le sujet de ses parents. La plupart des Griffondors avaient retenu leur souffle et étaient désormais figés par l'horreur et la colère. Même parmi les Serpentards, quelques-uns semblaient désapprouver silencieusement la ligne que le blond avait franchie en insultant la mère du héros.
Pendant un infime instant, il ne se passa rien. Puis Harry mit son sac sur son épaule, sans que son visage ne manifeste la moindre réaction. C'était presque comme s'il n'avait pas entendu le Serpentard. Sans un mot, il sortit de la salle aussi calmement qu'il y était entré, sans un regard pour personne et Neville sur ses talons. Le brun venait de décider que peu importe ce qui lui en coûterait, il allait emmener Harry jusqu'à l'infirmerie et le faire examiner par Pomfrey.
Dès que le bruit de la porte qui se ferme retentit dans la salle de classe, Ron explosa.
- MALFOY ESPECE DE SALE ENFLURE ! ATTENDS QUE JE TE...
- Une semaine de retenue, Weasley, coupa Rogue.
- PROFESSEUR ! hurla le Griffondor. Vous avez entendu ce que cette pourriture a dit ? Comment vous pouvez le défendre après ça !?
- Ce sera donc deux semaines de retenue et vingt points en moins pour Griffondor. Maintenant, sortez tous.
Reconnaissant la voix un peu trop articulée que prenait le directeur de Serpentard lorsqu'il était exaspéré, les élèves s'exécutèrent. Les Griffondors présents jetèrent tous sans exception un regard noir au blond avant de partir. Celui-ci les ignora superbement et se dirigea vers la porte.
- Draco, une minute.
Le Serpentard se figea, et se retourna lentement pendant que les derniers élèves sortaient. Lorsque la porte fut fermée derrière eux, Rogue lança un sort pour garantir que leur conversation resterait privée, et regarda son filleul droit dans les yeux.
- Je peux savoir ce qui t'a pris ?
Draco parvint à conserver un air impassible et haussa nonchalamment les épaules, comme si son parrain venait de lui demander pourquoi il avait choisi de porter du bleu ce jour-là.
- Juste une petite provocation pour Potter.
- Draco.
Le Serpentard commit l'erreur de regarder Rogue dans les yeux. Depuis qu'il était enfant, ce regard particulier l'avait toujours poussé à devoir se justifier et expliquer ce qui s'était passé. En temps normal, Draco aurait peut-être réussi à ne pas craquer, mais au bout d'une semaine de tension et d'échecs...
- Je voulais qu'il réagisse, d'accord ?
Rogue haussa un sourcil, indiquant clairement qu'il attendait une meilleure explication que ça de la part de son filleul et élève. Celui-ci résista, se mordit la lèvre, puis lança son sac par terre et explosa.
- Je voulais juste qu'il réagisse ! Qu'il réplique, qu'il s'énerve, qu'il me lance un sort, n'importe quoi ! Salazar, même juste qu'il me regarde !
Impassible, Rogue observa le fils de son meilleur ami se mettre à marcher comme un lion en cage et laisser libre cours à ses émotions. Ses mains s'agitaient dans des gestes brusques et énervés à mille lieues de son calme habituel, et son visage reflétait la frustration accumulée pendant les derniers jours.
- Une semaine ! Ça fait une semaine qu'il fait comme si je n'existais pas ! J'ai tout essayé pour qu'il redevienne comme avant, tout ! Au début, je pensais qu'il le faisait exprès pour m'énerver, alors j'ai décidé de lui sortir la pire insulte possible ! Mais même avec ça... Il ne m'a même pas regardé, pas une seconde. J'ai... j'ai l'impression d'être invisible.
Draco s'était finalement arrêté, et s'était à moitié effondré sur une chaise. Rogue prit une grande inspiration, et s'approcha de son filleul pour poser une main sur son épaule.
- Draco, regarde-moi.
Deux yeux gris désespérés et un peu effrayés rencontrèrent les siens, et Rogue se prépara mentalement à un exercice qui lui était particulièrement ardu : réconforter quelqu'un.
- Tu n'es pas invisible. Le problème ne vient pas de toi.
- Mais qu'est-ce qui se passe avec Potter alors ?
Rogue grimaça légèrement. Dans deux minutes, son filleul allait probablement exiger de lui qu'il règle le problème et répare son rival. Mais le professeur de Potions n'avait jamais été du genre à embellir la réalité pour la rendre plus supportable. Il réfléchit quelques instants avant de répondre en se massant les tempes.
- En toute honnêteté, je l'ignore. Si je devais deviner, je dirais qu'il a reçu un choc psychologique, mais je ne suis pas Guérisseur. Ceci dit, je pense que Londubat ne va pas tarder à l'emmener à l'infirmerie.
Il hésita un instant à ajouter quelque chose, mais renonça en voyant l'allure de Draco. Visiblement, son filleul n'était toujours pas passé au-delà de son obsession pour Potter, comme il l'avait espéré lorsque l'arrogante célébrité avait refusé son amitié en première année. Rogue soupira. C'était dans ce genre de moments que Draco montrait à quel point il était bien le fils de Lucius. Fichus Malfoy et leur comportement extrême.
Son filleul se tourna finalement vers lui avec des yeux plein d'espoir et l'enseignant sentit ses résolutions vaciller. Il n'avait absolument pas l'intention d'aider le fils de son rival, mais quand Draco le regardait comme s'il était la seule personne capable de l'aider avec ses grands yeux tristes, il finissait régulièrement par céder. Avec un soupir exaspéré, il finit par reprendre.
- J'irai parler à Pomfrey, mais je ne te garantie rien. En attendant, je te suggère d'arrêter de le provoquer.
- Mais...
- Draco, attaquer sa mère comme tu l'as fait était inacceptable, déclara-t-il froidement. Sans compter que tu ne le feras pas sortir de son état en te comportant avec lui comme tu en as l'habitude.
Draco se mordit la lèvre dans un geste de regret et de honte. Il savait qu'il était allé trop loin avec sa dernière insulte, mais il savait aussi que Potter n'aurait jamais pu la laisser passer. Entendre son parrain lui reprocher son attitude était désagréable, mais s'il était honnête, il devait admettre qu'aucun autre professeur ne l'aurait laissé s'en sortir avec une simple discussion.
À présent, il était à cours de solutions pour faire sortir son rival de son état anormal. Et son intuition lui disait que ce n'était malheureusement pas le genre de problème que son père pourrait résoudre pour lui s'il l'exigeait assez fort.
Rogue finit par le laisser partir pour aller rejoindre le déjeuner, et se dirigea de son côté vers l'infirmerie. Pomfrey devait être en train de finir de superviser l'état de Granger avant de la laisser sortir, et il devrait pouvoir lui parler après ça. Il ne l'aurait jamais mentionné devant Draco, ou devant qui que ce soit au demeurant, mais l'état du Griffondor commençait également à le préoccuper. Voir un enfant de douze ans dans un état pareil pendant presque une semaine n'était clairement pas normal. Potter agissait comme une coquille vide branchée sur un mode automatique.
Il arriva dans l'infirmerie avec son habituel mouvement de robes, et eut l'agréable surprise de voir Londubat sursauter immédiatement. À côté de lui, Potter et Weasley observaient Pomfrey qui finissait de vérifier l'état de Granger.
- Tout semble en ordre, admit l'infirmière. Miss Granger, je vous autorise à quitter l'infirmerie. Filez rejoindre la Grande Salle tous les quatre.
- Un instant, intervint Rogue.
Toutes les têtes se tournèrent vers lui, même celle de Potter, bien que plus lentement. Le professeur de Potions remarqua aussitôt le froncement de sourcils de Pomfrey. Il allait devoir gérer cette situation avec finesse.
- Potter, restez.
- Professeur, tenta Hermione, c'est l'heure du déjeuner et...
- Je suis parfaitement au courant de l'heure, miss Granger, et il ne me semble pas avoir demandé votre présence ou celle de vos camarades.
Les trois Griffondors hésitèrent, mais un regard noir de Rogue et un hochement de tête de Pomfrey les poussa finalement à sortir de l'infirmerie. Pendant toute la scène, Potter était resté parfaitement inexpressif.
- Pomfrey, commença Rogue, examinez Potter.
- Je vais bien, professeur, répondit ce dernier. Aucune blessure ces derniers jours.
Pomfrey allait répliquer, mais elle nota le regard du Serpentard et observa plus attentivement l'élève devant elle, avant de froncer les sourcils et de prendre le relais.
- Potter, mieux vaut être prévenant. Installez-vous, je vais simplement vous lancer quelques sorts de diagnostic pour avoir la confirmation que tout va bien.
Sans un mot, Harry s'allongea sur le lit qu'on lui indiquait et resta immobile pendant que l'infirmière murmurait quelques mots et pointaient sa baguette sur lui. Il observait la scène d'un air détaché, complètement indifférent à ce qui se passait autour de lui. Pourquoi voulaient-ils le soigner ? Il n'était pas malade. Juste un peu fatigué. Et vide. Mais il allait bien. Il mangeait, travaillait, dormait, et recommençait. Il était calme dans tous les cours et ne répondait plus aux provocations.
Perdu dans sa bulle mentale, il loupa le hoquet choqué de l'infirmière et ne réagit que lorsque celle-ci s'adressa de nouveau à lui.
- Potter, c'est terminé, vous pouvez rejoindre vos amis.
Le Griffondor fit un simple hochement de tête et sortit de la pièce. Lorsque la porte se referma, Pomfrey était anormalement pâle.
- Severus... fit-elle d'une voix blanche.
- Qu'est-ce que Potter a ?
- Il est... Merlin, je crois que j'ai besoin d'un verre. Et il faut prévenir Albus immédiatement.
Percevant l'urgence dans la voix de l'infirmière, Rogue envoya son patronus avertir le directeur qu'il était attendu dans l'infirmerie au plus vite.
Quelques minutes plus tard, Dumbledore arriva dans l'aile la plus blanche de Poudlard et se dirigea dans le bureau où il trouva Severus qui observait Poppy. L'infirmière était assise et avait un verre de brandy à la main.
- Poppy, Severus, que se passe-t-il de si urgent ? Je ne crois pas avoir vu un autre élève pétrifié dans l'infirmerie.
- Albus, je viens d'ausculter Potter. Physiquement, il est en parfaite condition, ajouta-t-elle immédiatement.
- Alors où est le problème ? demanda le directeur.
- Albus, je ne sais pas ce qui a pu se passer, mais le garçon présente les premiers symptômes de la catatonie et a l'air de plonger dans une spirale dépressive.
Rogue se figea et le sang déserta son visage. De son côté, Albus devint pensif. Il avait bien remarqué que le garçon semblait un peu apathique ces derniers jours, mais n'y avait pas accordé plus d'importance que ça. Sans doute le contrecoup d'avoir tué Quirell arrivait-il finalement ? Mais il s'agissait d'un élément indispensable dans la construction mentale du jeune sorcier s'il devait être capable de tuer Voldemort lorsque le moment serait venu. Non, il fallait que Potter trouve le moyen de sortir de cet état sans aide et accepte qu'il était capable de tuer – seulement en cas d'urgence bien sûr. Cependant, une petite vérification dans les souvenirs du garçon s'imposait peut-être, juste histoire d'être certain qu'il s'agissait bien de cela. Il afficha son meilleur air inquiet avant de répondre.
- Ma foi, voilà qui est préoccupant... je crains que nous n'ayons pas d'autre choix que d'utiliser la Légilimancie pour le faire sortir de cet état. Naturellement, je m'en chargerai pour garantir que tout...
- Certainement pas ! s'exclama l'infirmière.
Rogue, toujours muet, observa l'expression scandalisée de Pomfrey.
- Albus, l'esprit est une chose terriblement délicate et avec tout le respect que je vous dois, je ne peux pas prendre le risque de vous laisser entrer dans le cerveau d'un enfant qui présente de tels symptômes ! La moindre erreur pourrait causer des dommages irréparables !
- Allons Poppy, vous savez que je serai extrêmement prudent, insista le directeur. Je ne prendrais jamais le risque de mettre la santé d'un élève en danger.
Le professeur de Potions sortit brusquement de son choc pour hausser un sourcil. Visiblement, Albus n'avait pas perdu son sens de l'humour, ou quelqu'un avait effacé les souvenirs des "blagues" créées par les maraudeurs de l'esprit du directeur. Quoi qu'il en soit, Pomfrey demeura implacable et se leva en pointant un index accusateur vers Dumbledore.
- Il est hors de question que vous touchiez à l'esprit de ce garçon, Albus. Je ne le permettrai pas.
- Que préconisez-vous alors ? contra le directeur.
Pour la première fois de la discussion, l'infirmière devint hésitante.
- Aucune méthode, magique ou moldue, ne peut soigner Potter dans l'état actuel des choses. Si c'est un choc qui l'a plongé dans cet état, alors on peut espérer qu'un second choc psychologique ou émotionnel pourrait l'en sortir.
- À quel genre de choc faites-vous allusion, Pomfrey ? demanda Rogue.
La Guérisseuse passa une main sur son visage.
- Je l'ignore. Peut-être... ce serait un peu brutal et assurément cruel, mais peut-être qu'en utilisant ses parents...
- Ça ne fonctionnera pas, la coupa-t-il.
Albus et Pomfrey lui lançèrent un regard interrogateur. À contrecoeur, il décrivit rapidement la scène qui avait eu lieu à la fin de son cours, passant sous silence la discussion qu'il avait eu avec son filleul après coup. Le directeur semblait contrarié, et l'infirmière choquée.
- C'était parfaitement déplacé de la part du jeune Malfoy, déclara Albus. J'ose espérer qu'une sanction appropriée a été donnée ?
- Albus, ce n'est pas le plus important ! intervint Poppy. Severus, il n'a pas du tout réagi ?
- Il n'a même pas levé les yeux, répondit Rogue en ignorant la question du directeur.
L'infirmière eut un soupir à la fois inquiet et résigné.
- Dans ce cas, j'ignore ce qui pourra fonctionner. Si au moins je connaissais le choc à l'origine de son état, peut-être que je pourrais en déduire un moyen de l'aider, mais dans l'état actuel des choses... Albus, je vous interdis formellement de tenter quoi que ce soit sur l'esprit du garçon. Si vous souhaitez réellement l'aider, réfléchissez à un moyen qui ne mettra pas sa vie ou sa santé mentale en danger.
Et sur ces paroles, elle poussa sans ménagement les deux professeurs hors de son domaine avant d'appeler un elfe de maison pour avoir son déjeuner servi dans son bureau. Potter était définitivement un aimant à ennuis. Il avait peut-être pris après James et Lily pour l'apparence, mais lorsque sa santé était en jeu, il était plus proche de Severus. Les deux auraient pu prendre un abonnement à l'infirmerie et avoir un lit à leur nom tant ils y atterrissaient régulièrement.
Mais jamais, dans toute sa carrière de Guérisseuse, un élève n'avait présenté des symptômes pareils. Des dépressions, des troubles alimentaires, elle en avait connu chez des élèves plus âgés et les avait accompagné de son mieux, quitte à prévenir la famille de l'élève pour qu'ils aillent consulter un mage spécialisé à Ste Mangouste. Mais un sorcier aussi jeune qui tombait en catatonie, jamais. Et en tant qu'infirmière, son impuissance à l'aider la rendait malade. En désespoir de cause, elle attrapa tous les livres qui traitaient des maladies de l'esprit qu'elle possédait, et passa son déjeuner à chercher une potentielle solution à l'intérieur.
A l'extérieur de l'infirmerie, Rogue et Dumbledore avaient poursuivi la discussion quelques instants.
- On dirait que le jeune Harry va de nouveau devoir surmonter seul une épreuve des plus ardues, commença le directeur. Espérons qu'il en sortira renforcé.
- Renforcé ? Albus, Potter est en train de sombrer dans une dépression et un état catatonique, et vous parlez comme s'il allait réapparaître ce soir dans son état normal !
- Severus, mon garçon, du calme. J'ai toute confiance en ce jeune homme et en ses capacités. Et puis vous avez entendu Poppy, il n'est rien que nous puissions faire pour l'aider.
Les yeux noirs de Rogue se mirent à lancer des éclairs. Comment le directeur pouvait-il parler de son protégé favori avec une telle désinvolture alors qu'il était dans un état pareil ? Certes, de son propre point de vue, Potter était le portrait craché de son père, arrogant et donnant l'impression qu'il pouvait tout se permettre et avoir tout le monde à sa botte. Lui-même n'avait pas une grande affection pour la mascotte de Griffondor, mais Albus était supposé se soucier de l'enfant.
- Elle vous a interdit d'utiliser la Légilimancie sur lui, pas de le laisser à son sort. Si un choc psychologique ou émotionnel assez fort pourrait le faire sortir de cet état, vous êtes censé le connaître assez bien pour avoir une idée de ce qui fonctionnerait !
- Severus, soupira le directeur. Je comprends que vous ayez les intérêts du garçon en tête, mais si même insulter ses parents ne l'a pas fait réagir, vous pensez vraiment que quoi que ce soit d'autre a une chance de marcher ?
Et sur cette réplique, le directeur s'éloigna, laissant Rogue seul et abasourdi dans le couloir. Le professeur de Potions regagna bien vite son masque habituel, et prit une grande inspiration pour se calmer avant de partir également vers la Grande Salle.
Aucun des deux n'avait remarqué la discrète présence d'un Serpentard dissimulé à quelques mètres, qui avait collé une main sur sa bouche pour étouffer sa réaction à ce qu'il venait d'entendre.
Commentaire de la bêta à venir, parce qu'étant la nouille cosmique que je suis, j'ai oublié de lui envoyer le chapitre avant de partir...
