N/A : Vous êtes de plus en plus nombreux/nombreuses à suivre cette histoire et ça me fait extrêmement plaisir, donc je prends deux minutes pour vous dire merci :)


Les jours passèrent sans qu'Harry rouvre le journal de Jedusor une seule fois. Depuis la dernière discussion qu'ils avaient eu, le brun conservait le carnet dans sa table de chevet, sans l'ouvrir ni écrire une seule ligne à l'intérieur.

Neville, Hermione et Ron tentaient par tous les moyens de le faire réagir, de le motiver à faire des choses, mais le brun restait apathique. Il n'y avait que lorsqu'il volait, pendant les entraînements de Quidditch, qu'Harry semblait un tout petit peu s'éveiller. Mais l'infime étincelle qui revenait dans ses yeux s'éteignait dès qu'il reposait le pied au sol.

Personne n'osait lui demander la raison du changement soudain de son attitude, et ni Rogue, ni Pomfrey, ni Dumbledore n'évoquèrent le diagnostic de l'infirmière. Neville avait bien interrogé Pomfrey après le déjeuner, mais celle-ci lui avait répondu qu'ils ne pouvaient rien faire pour aider le jeune Griffondor, à part essayer de lui changer les idées. Son sourire forcé n'avait absolument pas rassuré le Griffondor sur le véritable état de son ami.

Un dimanche matin, Harry se réveilla particulièrement tôt. Il jeta un coup d'oeil à l'heure et constata qu'il était à peine six heures. Sachant qu'il ne se rendormirait pas, il choisit de se lever et s'habilla silencieusement avant de sortir du dortoir et de la salle commune.

Sans réellement réfléchir à l'endroit où il allait, Harry remarqua au bout d'un moment qu'il était sur le chemin de la volière. La volière. Hedwige. Une ombre de sourire effleura un coin de ses lèvres. Il n'avait pas vu sa jolie chouette depuis longtemps. Aller la voir était une bonne idée. Il monta une marche après l'autre, contemplant sans le voir le paysage visible depuis l'escalier extérieur. Le ciel était encore sombre, l'horizon commençait tout juste à s'éclaircir pour chasser les premières étoiles.

Harry était seul. Trop tôt, réalisa-t-il après un moment. Aucun élève n'était levé à six heures du matin un dimanche en décembre. La solitude était calme. Il aimait le silence et l'absence de gens autour de lui. Les gens étaient bruyants. Bruyants et faux.

Sa seule famille l'avait maltraité et lui avait menti toute sa vie. Ses parents étaient morts sans qu'il puisse les connaître. Dumbledore n'était qu'un ensemble d'apparences trompeuses. Ron lui avait menti depuis le premier jour. Hermione aussi ? Impossible à dire. Neville ? Peut-être pas, mais aucun moyen d'en être sûr. Rogue le détestait. Malfoy le méprisait. Tout le reste des élèves, et même les enseignants, étaient prêts à se retourner contre lui à la première rumeur. Tom ? Il avait admis ne pas tout lui dire et ne pas être fier de toutes ses actions passées.

Du bruit. Il était dans la volière. Les yeux de Harry s'éveillèrent un instant pour chercher sa chouette blanche du regard. Il n'eut pas à tourner longtemps avant qu'Hedwige vole directement jusqu'à lui et se pose sur le bras qu'il avait instinctivement levé à son approche.

- Bonjour ma belle, murmura-t-il.

La chouette frotta affectueusement sa tête contre celle du jeune sorcier. L'ébauche de sourire du jeune Griffondor s'étendit un tout petit peu. Il pouvait faire confiance à Hedwige.

Tout doucement, il caressa les plumes blanches sur le ventre de la chouette, et celle-ci émit un son de contentement. Appréciant la simplicité du moment, Harry resta à s'occuper de sa chouette sans tenir compte du temps qui s'écoulait. Il resta assez longtemps dans la volière pour voir le ciel s'éclaircir progressivement à l'horizon. Le soleil n'était pas encore levé, mais le serait probablement dans quelques minutes.

- Tu veux aller voler un peu ? murmura le sorcier.

Hedwige répondit avec un joyeux hululement, et Harry sortit sur le petit balcon de la volière. Celui-ci avait l'avantage d'être assez grand et d'être orienté de façon à pouvoir aussi bien observer le lever que le coucher du soleil.

Le jeune Griffondor se dirigea vers le rebord le plus à l'est, tournant ainsi le dos aux escaliers pour se tenir juste à côté du mur de la volière elle-même. Hedwige ouvrit quelques fois les ailes pour les dégourdir un peu, et s'élança finalement en même temps que les premiers rayons de l'astre du jour apparaissaient à l'horizon.

Harry nota inconsciemment qu'il y avait peu de nuages dans le ciel, ce qui était rare pour un jour de décembre à Poudlard. La pensée effleura à peine son esprit avant qu'il parvienne à se reconcentrer sur Hedwige, toute heureuse de voler et de passer du temps avec son maître. Elle restait toutefois proche de la volière, refusant de perdre le brun de vue.

Lorsque le soleil commença enfin à dépasser la ligne de l'horizon, Harry inspira. La chaleur et la lumière le réchauffaient doucement, et il se rappela qu'il n'avait pris ni son écharpe ni ses gants pour sortir. Dans la foulée, il comprit qu'il avait froid, et eut envie de s'exposer davantage aux premières lueurs du jour sans perdre sa chouette de vue.

Harry opta donc pour la solution la plus simple, monter sur le rebord du balcon. Il était plat et relativement large, après tout. En gardant une main contre le mur, il ne risquait pas de tomber. La notion de risque était assez floue dans son esprit, mais il ne voulait pas prendre le risque de tomber et mourir. Pas alors qu'il était dans la lumière du soleil en compagnie d'Hedwige, son adorable et magnifique Hedwige qui volait joyeusement autour de lui.

Un pied après l'autre, il se hissa sur le rebord, et rassura sa chouette en posant sa main gauche sur le mur. Son autre bras était légèrement écarté du reste de son corps, captant toute la chaleur qu'il pouvait.

Une douce et calme sensation de bien-être s'installa en lui pour la première fois depuis des jours. Il était seul, il était bien, le soleil chauffait sa peau et Hedwige volait autour de lui. Un sourire éthéré étira doucement ses lèvres. Il voulut ouvrir les yeux, mais la lumière était trop forte et il baissa légèrement la tête. Si seulement ce moment pouvait durer plus que quelques minutes. Avant de redescendre, il prit simplement une dernière grande inspiration et...

- NON !

Le hurlement le prit au dépourvu, mais avant qu'il puisse réagir, quelque chose le tira d'un coup en arrière et il se retrouva à tomber à l'intérieur du balcon. Sa tête ne frappa pas le sol, et il sentit que le quelque chose, ou plutôt le quelqu'un qui l'avait fait basculer était sous lui et avait amorti sa chute. Alors que la personne se redressait pour se mettre à genoux, Harry cligna plusieurs fois des yeux avant de réaliser qui venait de briser son moment de paix.

- Nevi...

- HARRY !

Avant qu'il comprenne ce qui lui arrive, Harry sentit deux bras l'entourer et se retrouva plaqué contre l'autre Griffondor dans une étreinte qui lui aurait sûrement brisé une côte ou deux si son ami avait serré un tout petit peu plus fort. Lorsqu'il s'écarta enfin, Harry remarqua les larmes sur les joues de son camarade. Neville avait posé ses mains sur ses épaules et le regardait avec un mélange de tristesse et de colère désespérée.

- Plus jamais ! cria-t-il à travers ses sanglots. Ne refais plus jamais ça ! Harry, parle-moi, dis-moi ce qui ne va pas, et si tu ne veux pas, parles-en à Ron, à Hermione, à McGonagall, à n'importe qui, mais ne saute pas !

- Je...

- Tu n'as PAS LE DROIT de mourir et de nous abandonner tous, de nous laisser tout seuls ! Je me fiche que tu sois le sauveur du monde sorcier, tu peux aller vivre au fin fond du Pérou au lieu d'affronter Tu-Sais-Qui pour tout ce que j'en ai à faire !

- Je n'ai p...

- Mais reste en vie Harry ! Tu es le premier vrai ami que j'ai jamais eu, je refuse de te perdre ! Je t'en prie, je t'en supplie, laisse-moi t'aider ! Je ferais n'importe quoi pour que tu ailles mieux et pour te sortir de là ! Alors ne saute pas !

- NEVILLE !

Le cri de Harry sortit le Griffondor de son monologue, et les yeux bleus se fixèrent finalement dans les iris verts du Golden Boy. Pour la première fois depuis deux semaines, Neville eut l'impression que c'était vraiment Harry qui le regardait, pas juste un fantôme de ce qu'il était.

- Neville, je n'allais pas sauter !

- Harry, tu...

- Non ! Bon sang, j'étais juste en train de profiter du soleil en regardant Hedwige voler !

- Mais...

- Je n'ai pas envie de mourir ! cria-t-il finalement.

- Et qu'est-ce que j'étais censé croire ! J'allais juste envoyer une lettre et je t'ai vu debout sur le rebord, assez haut pour que la chute soit mortelle, et en train de regarder vers le sol en souriant ! Harry, ça fait deux semaines que tu es à peine l'ombre de toi-même ! J'ai vraiment cru que... que tu...

Dans une impulsion, Harry serra Neville contre lui à son tour, et profita que sa tête soit sur son épaule pour lui parler dans un chuchotement.

- Neville, je te jure que je n'allais pas sauter. Parole de Griffondor.

Avec un soupir, Neville lui rendit son étreinte avec force et parvint finalement à calmer la panique qui s'était emparée de lui lorsqu'il avait vu Harry.

- Ne refais plus jamais ça.

- Excuse-moi de t'avoir inquiété, murmura Harry. Je te promets que je vais faire de mon mieux pour que je... pour que ça n'arrive pas une deuxième fois.

Ils s'éloignèrent de nouveau, et échangèrent un sourire. Neville aurait pu pleurer de joie en voyant une flamme déterminée danser dans les orbes émeraude et la vie revenir sur le visage de son ami. D'ailleurs, il n'était pas certain que ses propres larmes avaient arrêté de couler.

- Tu es... revenu pour de bon ? demanda-t-il finalement.

Harry inspira doucement, ferma les yeux, expira, les rouvrit, et hocha la tête. Le héros de Griffondor avait l'impression qu'un voile opaque venait de se lever dans sa tête. Sa décision était prise. Peut-être que sa famille le maltraitait, qu'il était orphelin, que les premières personnes à qui il avait fait confiance lui avaient menti sans vergogne et que le monde se retournait contre lui à la première occasion.

Mais ça ne l'empêcherait pas de vivre.

- On devrait rentrer, le petit-déjeuner a dû commencer, fit-il en souriant.

Au-dessus d'eux, Hedwige poussa un petit cri avant de se poser sur le sol à côté de Harry. Celui-ci eut un petit rire, caressa une dernière fois les plumes de sa chouette, et se releva avant de tendre sa main à Neville. L'oiseau retourna à l'intérieur de la volière, heureuse de voir son maître en meilleure forme et d'avoir pu se dégourdir les ailes.

- On y va ?

Encore assis par terre, Neville sourit, essuya son visage d'un revers de manche et attrapa la main tendue pour se redresser. En fouillant dans ses robes, il trouva un mouchoir et se lança dans la tâche consistant à vider son nez tout en descendant les escaliers. Lorsqu'il eut fini, il entendit Harry l'appeler doucement.

- Neville ?

- Oui ?

- Merci. Pour m'avoir sorti de... ça.

En disant le dernier mot, Harry fit une tête embarrassée et sa main fit un geste vague. Neville comprit sans problème et lui adressa un sourire plus affirmé que d'habitude.

- De rien Harry.

Les deux Griffondors marchèrent tranquillement dans les couloirs, Neville racontant à Harry tout ce qu'il avait manqué pendant les deux dernières semaines à cause de ses absences. Ils arrivèrent dans la Grande Salle un peu avant neuf heures, soit l'horaire auquel le petit-déjeuner du dimanche matin battait son plein. Juste avant de pousser la porte, Neville acheva de raconter comment Ron avait essayé d'envoyer un pot sur Malfoy en cours d'Herbologie.

Si bien qu'au moment où ils entraient, Harry explosa de rire, attirant l'attention de tout le monde.

Sans s'en apercevoir, il continua son chemin jusqu'à la table de Griffondor et s'assit en face d'Hermione, en adressant un grand sourire à la sorcière. Celle-ci resta choquée pendant un instant, puis lui adressa un immense sourire.

- C'est bon de te revoir, Harry, déclara-t-elle avec chaleur.

- Enfin de retour parmi les vivants, on commençait à s'inquiéter ! approuva Ron.

Neville eut un frisson involontaire à la blague, et Harry lui lança un bref regard d'excuse qu'Hermione capta immédiatement. La jeune sorcière fronça les sourcils, et interrogea Neville du regard pendant que Ron et Harry commençaient à parler du prochain match de Quidditch de l'école. Le brun formula silencieusement les mots "plus tard" et la sorcière hocha discrètement la tête. Tant qu'elle avait le fin mot de l'histoire, elle acceptait d'attendre un peu.

Elle tourna ensuite vers son meilleur ami avec un regard affectueux. Voir Harry aussi... vivant, lui avait terriblement manqué. Quoi qu'il ait pu se passer, elle espérait de tout son coeur que c'était la dernière fois qu'elle voyait son ami dans un tel état.

À la table des enseignants, Dumbledore se permit un regard triomphal avant d'adresser son sourire le plus rassurant à Poppy et Severus. Comme à l'accoutumée, il avait vu juste. Le garçon avait réussi à accepter que tuer était parfois nécessaire et en ressortait plus fort, et plus proche de ses amis en prime. Maintenant, le directeur devait simplement s'assurer que Harry était toujours loyal au côté de la Lumière, ce qui était pratiquement acquis. Le garçon, en digne fils de ses parents, était un vrai Griffondor. Brave et naïf, puissant et plein de ressources, il s'agissait indubitablement du héros qui pousserait Voldemort à sa perte.

À la même table, Rogue et Pomfrey n'en croyaient pas leurs yeux. Ils avaient vu Potter sombrer un peu plus profondément dans l'apathie pendant les derniers jours, et tout à coup, le Griffondor débarquait au petit-déjeuner en riant. S'il n'avait pas observé ses symptômes pendant deux semaines et constaté son absence de réaction lui-même, le professeur de Potions aurait presque pu croire que Potter avait joué la comédie tout du long. Une part de lui – toute petite, et rapidement ignorée – fut soulagée de voir le fils de Lily retrouver l'envie de vivre qui caractérisait sa mère. Poppy, pour sa part, était prête à pleurer de joie et de soulagement en voyant le garçon retrouver un comportement normal.

Chez les Serpentards aussi, le changement d'attitude du Golden Boy fut remarqué, et ils décidèrent en moins d'une minute qu'une petite visite de courtoisie s'imposait. Juste histoire de vérifier que Potter était bien de retour.

-o-oOo-o-

Malgré le froid de décembre, Harry avait réussi à convaincre ses amis de se poser quelques instants dans le parc pour discuter de tout et de rien, avant les premières chutes de neige. Les trois garçons avaient convaincu Hermione de faire sécher un banc avec un sort, puis les quatre Griffondors s'étaient installés dessus pour profiter d'un moment comme ils n'en avaient plus eu depuis deux semaines. Ils faisaient face au lac, et commençaient à discuter de la possibilité de faire du patin à glace dessus si les températures baissaient suffisamment, lorsque des bruits de pas derrière eux les firent se retourner.

Ron devint immédiatement très rouge, Hermione fronça les sourcils, Neville se tut et Harry afficha une mine curieuse.

Un groupe de Serpentards bien connus venait à leur rencontre, et les élèves en vert et argent s'arrêtèrent devant eux.

- Qu'est-ce que tu fiches là, Malfoy ? cracha Ron.

- Weasley, soupira Draco, j'avais réussi à ignorer ton existence jusque-là, fais-moi le plaisir de te taire pour que je puisse continuer.

- La rumeur court que Potter est enfin sorti de son état larvaire, ajouta Blaise.

Tous les regards se tournèrent vers Harry, qui n'avait pas dit un mot jusque-là. Il observa le groupe en face de lui pendant quelques secondes, puis un sourire angélique apparut sur son visage.

- Vous vous inquiétiez pour moi ? Je suis touché, il ne fallait pas.

Ron en fut bouche bée, et Neville et Hermione tentèrent pendant une seconde de retenir un sourire hilare avant d'abandonner et d'afficher clairement leur amusement. Harry avait mérité de se divertir un peu, après tout.

- Dans tes rêves, Potter, répliqua le blond.

- Alors là, je suis déçu, fit Harry avec un air faussement dépité. Il a suffi que j'arrête de réagir pendant deux semaines pour que tu deviennes aussi peu créatif, Malfoy ? Heureusement que je vais mieux, une semaine de plus et j'aurais été condamné à me disputer avec Crabbe et Goyle.

En face de lui, les réactions furent variées. Draco semblait fulminer et Pansy avait l'air prête à écharper le Griffondor au moindre signal. Crabbe et Goyle étaient apparemment très perturbés d'avoir été intégrés à la conversation. En revanche, Daphné, Blaise et Théo étaient en train de faire appel à tout leur self-control pour ne pas rire. Harry Potter était en train de rattraper les deux dernières semaines avec brio.

- Et sans vouloir vous offenser, poursuivit le brun en s'adressant aux deux gardes du corps de son rival, j'ai déjà croisé des chèvres avec une conversation plus développée que celle que vous pouvez tenir.

Crabbe et Goyle finirent par comprendre qu'ils étaient en train de se faire insulter, et commencèrent à avancer avec un regard noir jusqu'à ce que le Griffondor reprenne la parole.

- De la part des Serpentards et de mon rival, je me serais attendu à un peu plus de répondant intellectuel avant d'en venir aux mains... Je vous ai vraiment tant manqué que ça ces quinze derniers jours ?

La pique fit instantanément son effet et Draco leva un bras pour arrêter Crabbe et Goyle. Un sourire sarcastique et satisfait étira ses lèvres, et une étincelle s'alluma dans ses yeux gris.

- À vrai dire, j'attends des excuses de ta part, Potter. J'ai dû me contenter des réactions de Weasley pendant ton absence, et je suis persuadé que sa simple présence a un effet néfaste sur toute forme d'intelligence dans un rayon de cinq mètres.

- Malfoy, espèce de sale...

- Weasley, intervint Théodore, c'est impoli d'interrompre une discussion à laquelle on n'est pas convié.

- Théo, ne soit pas trop dur avec lui, protesta Daphné. Tu sais bien qu'il est incapable de suivre une règle aussi simple que ne pas parler et manger en même temps, alors appliquer le savoir-vivre nécessaire à une conversation...

Le Serpentard brun fit semblant de soupeser l'argument quelques instants avant d'incliner la tête vers la blonde.

- En effet, mes excuses Daphné. Mais en tant que gentleman, je me devais de lui signaler une telle erreur.

Daphné eut un signe de main élégant pour signaler que l'incident était clos, et les deux reportèrent leur attention sur le groupe en face d'eux.

Ron était en train de bouillir, et seule la main d'Hermione sur son bras le retenait de se lever et de frapper le premier serpent à sa portée. Harry semblait également avoir décidé que cette joute verbale serait la sienne du début à la fin.

- Les manières de table de Ron ne sont peut-être pas les plus élégantes, admit-il en penchant la tête sur le côté, mais vous venez de faire exactement la même chose que lui en interrompant notre échange. J'ai l'impression qu'il y a du relâchement dans la maison de Salazar. Malfoy, tu pourras t'assurer de régler ça ? J'ai peur que votre réputation en prenne un coup si on apprend que vous avez négligé votre rigidité protocolaire.

- Ils n'auraient pas eu besoin d'intervenir si un certain Griffondor savait se tenir pour commencer, répliqua le blond.

Hermione et Neville observaient l'échange en silence, très amusés par la façon dont Harry tenait tête à son rival. Après tout, ils n'avaient pas encore été insultés jusque-là, et Harry semblait jouer à armes égales avec Malfoy sans faire mine de s'énerver.

- Possible, mais les Griffondors sont connus pour mal supporter les critiques alors que les Serpentards sont censés être subtils, contra Harry. La prochaine fois que tu insultes quelqu'un, fait en sorte qu'il ne s'en rende pas compte. Ça nous permettra d'éviter les interruptions malvenues d'un côté ou de l'autre, acheva le Griffondor avec un clin d'oeil.

Ce fut trop pour Blaise, qui se lança dans une quinte de toux monumentale pour tenter de cacher son rire. Daphné et Théo se retenaient de justesse, mais les coins de leur bouche tremblaient légèrement sous les sourires retenus. Draco n'eut pas le temps de répliquer qu'Harry se levait en s'étirant, rapidement imité par les trois autres Griffondors.

- Sur ce, je crois que je vais rentrer au chaud. C'était un plaisir de discuter, mais la prochaine fois, envoyez-moi une carte de bon rétablissement et ne vous donnez pas la peine de vous déplacer en personne.

Et le petit groupe de Griffondors passa à côté des Serpentards pour rejoindre le château. Ron voulut ajouter quelque chose mais Hermione lui asséna un coup de coude dans le bras et il fut forcé de s'abstenir.

Derrière eux, Blaise, Théo et Daphné laissèrent tomber les apparences et se mirent à rire. Crabbe et Goyle parurent un peu perdus sur l'attitude à adopter, Pansy renifla dédaigneusement, et Draco laissa un petit sourire flotter sur son visage. Après quelques instants, Blaise réussit à reprendre son souffle.

- Je pense qu'on est fixés, Potter est de retour et il est en forme.

- Personnellement, je ne suis pas sûre que ce soit réellement Potter, objecta Daphné en souriant. Aucun Griffondor ne peut mener une conversation comme ça.

- Daphné a raison, approuva Théo. On dirait presque qu'il a été coaché par un Serpentard.

- Quelle importance ? fit Draco en haussant les épaules. Ça promet des affrontements nettement plus divertissants.

Blaise se mordit la lèvre, tenté de faire un sous-entendu qui était absolument certain de ne pas passer auprès du blond, mais choisit finalement de s'abstenir. Captant le regard de ses complices, il ne douta pas qu'ils avaient suivi le même raisonnement que lui.

N'ayant plus rien à faire dehors, ils rentrèrent tous à l'intérieur de l'école. Malgré le soleil qui s'était miraculeusement maintenu depuis le matin, les températures étaient descendues et aucun d'entre eux ne souhaitaient rester trop longtemps dans le froid.

Draco, suivi par Crabbe et Goyle, bifurqua vers la bibliothèque avant de retourner à la salle commune. S'il était satisfait de voir que Potter était revenu à la normale, il souhaitait comprendre comment il avait pu sortir de son état précédent. D'après la conversation qu'il avait entendue entre son parrain et le directeur, même Pomfrey n'avait pas réussi à soigner ce qui allait de travers chez son rival. Un livre de guérison devrait lui permettre de satisfaire au moins une partie sa curiosité.

Draco ordonna à Crabbe et Goyle de l'attendre à l'entrée et salua la bibliotécaire, qui hocha la tête dans sa direction. Il se dirigea ensuite directement vers l'allée des potions. Si sa mémoire était bonne, les livres de guérison n'en étaient pas très éloignés. Il allait avancer encore un peu lorsque la voix reconnaissable de Granger l'arrêta dans son mouvement.

- Harry a quoi !?

Immédiatement, le Serpentard tourna dans l'allée parallèle à celle d'où venait l'exclamation, de façon à entendre sans être vu, parfaitement caché par les étagères et les rangées de livres. Pour que Granger perde son sang-froid et hausse la voix dans la bibliothèque, l'information sur son rival était assurément de premier ordre. Une seconde voix – celle de Londubat – répondit, un peu plus bas pour ne pas se faire prendre.

- Il n'a pas sauté, Hermione ! Et il... il m'a donné sa parole que ce n'est pas ce qu'il avait en tête.

Draco se figea. Sauté ? Qu'est-ce que Potter avait encore fait ? Il entendit la respiration forcée de Granger, et sa voix tremblante après coup.

- Tu es en train de me dire que tu as vu Harry, un dimanche matin, au lever du soleil, seul, debout sur le rebord du balcon de la volière en train de regarder en bas, mais qu'il ne s'agissait pas d'une tentative de suicide ?

Le blond sentit le sang quitter son visage. Potter avait...

- Hermione, il m'a donné sa parole ! Et tu sais comment il... comment il était ces dernières semaines. Comment il réagissait. Je ne sais pas vraiment pourquoi il est monté, mais je sais qu'il m'a dit la vérité quand il disait ne pas vouloir mourir.

- Neville, je sais que tu veux lui faire confiance, mais une tentative de suicide n'est pas quelque chose qu'on peut ignorer et...

- Ça n'en était pas une ! Hermione, tu n'étais pas là, tu ne l'as pas vu ! D'un coup, il est... il est comme revenu à la vie et s'est énervé parce que je pensais qu'il allait sauter. Tu sais qu'Harry ne ment pas quand il s'énerve.

Il y eut un silence, pendant lequel Granger semblait hésiter.

- J'ai envie d'y croire, Neville, vraiment, mais...

- Hermione, si tu ne me croies pas moi, fais confiance à Harry, coupa Londubat. On peut même aller lui parler et tu lui poseras la question, mais promets-moi que tu lui laisseras une chance de raconter sa version avant de lui imposer ton avis.

Granger soupira lourdement, mais sembla se ranger à la demande de Londubat.

- Je te le promets. Je... j'essaierai de ne pas sauter aux conclusions.

- Merci Hermione, répondit le Griffondor d'un ton soulagé.

- Et pour Ron ? reprit-elle d'un ton hésitant. Est-ce qu'on lui dit ?

- Je préfère demander à Harry avant. J'ai l'impression que... que Ron ne le prendrait pas très bien. Même s'il a l'air complètement guéri, j'ai peur qu'il soit encore fragile, et vu le tempérament de Ron...

- Pas la peine d'en dire plus, soupira-t-elle. Je suggèrerai une séance de révisions de Potions cet après-midi, ça devrait tenir Ron à distance pour qu'on puisse parler avec Harry.

Et sur cette conclusion, les deux Griffondors s'éloignèrent pour sortir de l'allée, puis de la bibliothèque, si concentrés sur la conversation qu'ils venaient d'avoir qu'ils ne remarquèrent pas le Serpentard caché à quelques pas d'eux.

Draco s'appuya lentement contre l'étagère, pour reprendre sa respiration et tenter tant bien que mal de remettre son esprit en ordre. Potter avait tenté de se suicider. Ou au minimum, s'était mis dans une position qui aurait pu conduire à sa mort et n'en était sortit que parce que Londubat était intervenu. Potter avait failli mourir. Pas en combattant un mage noir, un troll ou en sacrifiant sa vie en Griffondor stupide qu'il était, mais juste parce qu'il allait mal.

Potter.

Avait.

Failli.

Mourir.

Ces quatre mots tournaient en boucle dans sa tête et ne semblaient pas vouloir en sortir.

L'image de son rival ce matin, un sourire de défi aux lèvres et une réplique ironique sur le bout de la langue, s'imposa à lui. Une autre image se superposa ensuite. Celle d'un Potter inexpressif, aux yeux éteints qui ne le regardaient même pas, alors qu'il venait d'insulter ce qu'il y avait de plus sacré à ses yeux. Un sentiment de honte submergea d'un coup l'héritier Malfoy. Potter avait été au plus bas pendant deux semaines, au point de mettre sa vie en jeu sans aucune raison, et tout ce que Draco avait trouvé à faire, c'était l'insulter et le provoquer en utilisant les pires coups bas possibles.

Pendant quelques secondes, il eut l'impression qu'il allait vomir, puis parvint à se ressaisir. Il avait un rôle à tenir. Peu importe ce qui s'était passé, Potter allait mieux et était plus que prêt à reprendre leurs joutes verbales. Londubat et Granger avaient intérêt à surveiller leur idiot d'ami jusqu'à ce que son imbécile suicidaire de rival soit complètement guéri. Draco pourrait se contenter d'insulter Weasley et les compétences de Potter en cours en attendant. Juste au cas où.

Après une profonde inspiration, le blond repartit sans le livre qu'il était venu chercher. Dans l'immédiat, il avait besoin de penser à autre chose que Potter.

-oOo-

Comme prévu, la perspective d'un dimanche après-midi à réviser la matière de Rogue suffit à dissuader Ron de venir à la bibliothèque avec les trois autres. Harry sembla se douter de quelque chose à la seconde où Hermione suggéra l'idée, mais accepta tout de même.

Hermione tenta d'aborder la question subtilement, mais Harry entra dans le vif du sujet aussitôt en expliquant le plus exactement possible ce qui s'était passé à la volière, et comment il avait ressenti les choses sur l'instant sans les réfléchir. D'expérience, le brun savait que sa meilleure amie aurait besoin d'un maximum de détails avant de prendre une décision. À sa grande surprise, elle se contenta de hocher la tête de temps en temps, et déclara solennellement qu'elle le croyait lorsqu'il eut fini.

Elle précisa cependant qu'elle allait faire des recherches sur l'état dans lequel il avait été. La phrase "au cas où ça recommence" n'avait pas été prononcée, mais était restée suspendue dans les airs comme une évidence.

Lorsque le sujet de Ron fut abordé, Harry hésita. D'un côté, Ron était censé être son meilleur ami et l'informer de cet évènement semblait logique. De l'autre, Harry doutait toujours de sa sincérité et pouvait déjà prédire comment la conversation se déroulerait. Au final, puisque l'incident s'était bien teminé, il choisit de ne pas lui en parler. Les trois Griffondors se sentirent un peu coupables de ne pas en informer leur ami, mais se rangèrent à leur instinct.

Rien de bon ne sortirait d'une confrontation et Ron serait encore plus buté qu'Hermione, avec un tempérament nettement moins susceptible de se laisser convaincre par les faits et la logique. Ils décidèrent qu'au cas où le roux poserait la question, ils se contenteraient de répondre que Neville s'était énervé en voyant Harry parler à Hedwige et que voir le timide Griffondor s'énerver avait sorti Harry de son état apathique – ce qui n'était pas si éloigné de la vérité.

Une fois la discussion terminée, les trois Griffondors en profitèrent pour avancer sur leurs devoirs et leurs cours de Potions, ce qui fut remarquablement bénéfique à Neville et Harry. C'est donc satisfaits que les rouge et or retournèrent à leur salle commune avant le diner.

Une fois à table, les conversations reprirent. Depuis qu'il n'y avait plus d'attaques – et avec la nouvelle que les mandragores seraient prêtes à être récoltées un peu avant la fin de l'année scolaire – la plupart des Griffondors recommençaient à se montrer amicaux envers Harry.

- Sérieusement Harry, Hermione est en train de déteindre sur toi ! Et Neville, tu aides pas ! se plaignit Ron.

- Moi ça me va, répondit Neville en souriant. Depuis que je passe plus de temps avec vous et qu'Hermione m'aide, mes notes remontent.

Vaincu par l'argument, Ron noya son désespoir dans les côtelettes empilées dans le plat à sa gauche. Avec un sourire joueur, Harry intervint dans la conversation.

- Ron, ne gâche pas nos efforts. Encore quelques séances de révisions avec Hermione, et Neville et moi on va enfin passer au stade supérieur de salutations de madame Pince. Si on reste réguliers, elle acceptera peut-être même de nous dire bonjour avant la fin de l'année.

Un éclat de rire général accueillit sa déclaration, et Hermione se contenta de soupirer en secouant la tête d'un air vaguement désapprobateur. Avant que Ron puisse répliquer, la voix de Seamus se fit entendre.

- Harry, je préfèrerais que tu sois vraiment l'héritier de Serpentard, ça serait moins flippant que la bibliothécaire qui te dit bonjour.

Le célèbre sorcier reconnut immédiatement la phrase pour ce qu'elle était. À sa manière, l'irlandais était en train de lui présenter ses excuses et proposait d'enterrer la hache de guerre. Avec un sourire et un clin d'oeil, Harry répondit. En fourchelangue.

- Tu en es sûr ?

La moitié de la table de Griffondor eut un mouvement de recul et quelques-uns, dont Lavande Brown et quelques filles des années supérieures, poussèrent même des petits cris effrayés. Harry émit un petit rire avant de développer.

- Pour information, je lui ai juste demandé s'il était sûr de ce qu'il venait de dire.

Seamus resta bouche bée pendant deux secondes, avant d'éclater de rire et de tendre sa main au héros de Griffondor.

- Tu sais quoi Harry, même si tu parles aux serpents, je crois que je préfère être de ton côté !

Harry la saisit sans hésiter. Il ne savait pas s'il pourrait réellement faire confiance à l'irlandais pour ne pas se faire influencer par les rumeurs à l'avenir, mais en attendant, il pouvait utiliser tout le soutien disponible.

Dean suivit rapidement. Même s'il était resté plus neutre que Seamus au début, il s'excusa tout de même de ne pas avoir cru Harry dès le départ. Au final, la majorité de la table l'imita et Harry sembla retrouver une partie de sa popularité habituelle avant la fin du diner.


Commentaire de la bêta : Mon bébou est enfin sorti de sa torpeur. Ai-je déjà mentionné à quel point j'aime les Serpentards ? Leurs interactions ajoutent un peu de sel au quotidien... Et vous chères lectrices, chers lecteurs ? Soulagés de revoir Harry revenir à la vie ?

IMPORTANT : si vous lisez cette histoire d'un coup parce qu'elle est complète, faites une pause ici. Allez dormir s'il est tard, hydratez-vous ou allez manger si ça fait longtemps que vous n'avez pas fait l'un et/ou l'autre, et reprenez plus tard. Prenez soin de vous, cette fic sera toujours là quand vous reviendrez ;)