N/A : Juste pour que les choses soient claires, je ne suis pas une spécialiste de la psychiatrie, donc la façon dont Harry réagit au trauma et à la dépression ne sont probablement pas en adéquation parfaite avec la réalité. Voilà, bon chapitre :)


Le soir même, Harry attendit que pratiquement tout le monde soit parti dans les dortoirs pour sortir le journal de Jedusor. Il dut attendre jusqu'à une heure relativement avancée pour qu'il n'y ait plus que Neville, Ron et Hermione avec lui dans la salle commune.

- Tiens, ça faisait un moment qu'on t'avait plus vu avec ce carnet, lança Ron. Je croyais que tu avais arrêté de parler avec ce Jedusor ?

- J'ai été un peu ailleurs pendant deux semaines, répondit Harry.

À côté de lui, Hermione adressa un regard lourd de reproches à Ron. Comment faisait le sorcier roux pour toujours mettre les pieds dans le plat, c'était un mystère qui était probablement en train de s'ajouter à la longue liste de ceux jamais résolus à Poudlard.

- On va peut-être te laisser si tu veux renouer le contact avec lui, proposa Neville.

- Sauf si tu préfères qu'on reste à côté, ajouta Hermione en dégainant un livre.

Les deux étaient prêts à rester avec leur ami au cas où celui-ci aurait besoin de leur soutien, mais hésitaient à franchement imposer leur présence. Harry avait tendance à mal réagir quand quelqu'un essayait de lui imposer quelque chose. Selon Hermione, c'était probablement une des raisons pour lesquelles il avait atterri chez les rouge et or, et une des raisons pour lesquelles il attirait le danger à une telle fréquence et un tel niveau. Les concepts comme "interdit" et "impossible" n'étaient pas du genre à freiner Harry, mais plutôt à lui donner envie de relever le défi.

- C'est gentil, mais je ne veux pas vous priver de sommeil. Et puis on a pas mal de choses à se dire, lui et moi.

Seul Neville nota la très légère note d'amertume dans la voix de leur ami. Ses suspicions concernant l'origine de l'état dans lequel Harry s'était retrouvé se renforcèrent aussitôt. Toutefois, il avait promis au célèbre sorcier qu'il lui ferait confiance et serait simplement là s'il avait besoin d'aide. Il se leva donc, attrapa ses affaires, et jeta un dernier coup d'oeil au carnet noir, puis à Harry.

- Si tu as besoin, n'hésite pas à me réveiller.

Le garçon à la cicatrice sembla comprendre qu'il ne s'agissait pas de paroles en l'air et hocha la tête avec un air un tout petit peu plus solennel que d'habitude.

- Promis.

- Bien, je pense que je vais aller me coucher aussi, déclara Hermione en imitant Neville. Ron ?

Le roux bâilla bruyamment avant de se lever.

- Moi aussi. Bonne nuit Harry !

- Bonne nuit.

Harry attendit que la porte des deux dortoirs soient fermées avant d'ouvrir le carnet. Il prit une grande respiration, et écrivit finalement les deux mots habituels.

Bonsoir Tom.

La gorge nouée, il attendit patiemment que l'encre s'efface.

Bonsoir Harry. Comment vas-tu ?

Le jeune sorcier eut un sourire amer. Il était très tenté de répondre avec le sarcasme – si cher à l'ancien préfet – qu'il avait appris à maîtriser au fil de leurs échanges, mais opta pour une version écourtée de la vérité.

Mieux, mais les deux dernières semaines ont été dures.

La réponse ne se fit pas attendre.

J'imagine que notre dernière discussion en est la cause. Mon but n'était pas de te faire souffrir, Harry. Je n'avais pas l'intention de te faire traverser une telle épreuve aussi brusquement.

Je préfère savoir. La réalité a simplement été dure à encaisser. J'ai l'impression que ces deux dernières semaines sont passées dans un brouillard complet.

Encore une fois, Harry sentit les émotions véhiculées par Tom à travers son journal. En même temps que la réponse apparut, il sentit de l'inquiétude et du regret émaner des pages jaunies par le temps.

J'en suis sincèrement désolé. Je me suis laissé emporter par mon... aversion pour Dumbledore, et je n'ai pas pris en compte la façon dont tu pourrais réagir en étant forcé à affronter la réalité de sa véritable nature.

Harry soupira de soulagement. Au moins, ils allaient pouvoir repartir sur de bonnes bases et poursuivre la relation amicale qui était en train de se former.

C'est du passé, et puis en réfléchissant à tout ce que tu avais dit, je me suis rendu compte que je n'avais aucun argument pour le défendre. Mais à peu près au même moment, j'ai réalisé que mon premier ami m'avait probablement menti dès le premier jour où on s'est rencontré, et la combinaison des deux m'a mis dans un état un peu bizarre pendant deux semaines. J'y serais probablement encore si un autre de mes amis ne m'en avait pas sorti.

Je suis surpris qu'un Weasley se soit comporté de la sorte. Leur famille est pourtant connue pour supporter les valeurs de la Lumière depuis des générations, mentir pour obtenir ton amitié n'est pas vraiment représentatif de ce qu'ils sont censés défendre. Enfin, je présume qu'il y a un mouton noir dans toutes les familles. Et qu'est-ce que tu entends par "un état un peu bizarre" ?

C'est un peu compliqué à expliquer, et pour être franc, je ne sais pas par où commencer pour le décrire.

Cette fois, la réponse mit du temps à arriver et Harry sentit très clairement l'hésitation et la prudence dont Tom fit preuve lorsque les mots apparurent finalement sur la page.

Si tu le souhaites et si tu m'y autorises, je peux essayer d'aller directement observer ce qui s'est passé dans tes souvenirs. Je comprendrais que tu refuses, il s'agit après tout de me laisser entrer dans ton esprit, mais cela me permettrait de comprendre exactement ce qui s'est passé.

Harry écarquilla les yeux. Il n'était même pas au courant que la magie permettait d'entrer dans l'esprit des gens ! Bien sûr, il avait déjà observé des souvenirs de Tom via son journal, mais il avait pensé que c'était lié aux sorts entourant le carnet.

On peut entrer dans l'esprit de quelqu'un d'autre par la magie ?

Bien sûr. C'est une branche de la magie qui s'appelle la Légilimancie. Il s'agit d'un exercice périlleux et délicat, car une fois à l'intérieur du cerveau de quelqu'un – à plus forte raison d'une créature magique consciente – on peut causer des dommages irréparables. En fait, utilisée à mauvais escient, cette discipline peut servir de moyen de torture. C'est pourquoi elle est extrêmement encadrée. Tous les sorciers capables de la pratiquer doivent obligatoirement s'enregistrer auprès du Ministère de la Magie de leur pays.

Le jeune sorcier était abasourdi. Cependant, si une forme de magie si dangereuse existait, il y avait une question qu'il tenait absolument à poser. Ou plutôt deux.

Est-ce que Dumbledore peut lire mon esprit et deviner que mon opinion de lui a changé ? Et si c'est si puissant comme discipline, est-ce qu'il existe un moyen de la contrer ?

La réaction de Tom ne se fit pas attendre. L'ancien préfet semblait à la fois amusé et fier.

Des questions dignes d'un Serpentard. Est-ce que mon ennemi maîtrise une technique que je ne connais pas, et si oui, comment la contrer. Définitivement Harry, je ne comprends pas comment le Choixpeau a pu accepter de t'envoyer ailleurs que chez les vert et argent. Tu devrais sérieusement songer à demander à changer de maison.

Tom, on a déjà discuté de ce sujet. Je suis à Griffondor et je compte y rester.

Dommage. Pour répondre à ta première question, Dumbledore est en effet un Légilimens. Tu as sans doute déjà remarqué que ses yeux ont tendance à pétiller lorsqu'il observe quelqu'un ? C'est le signe qu'il est en train d'utiliser la Légilimancie pour fouiller dans la tête de la personne concernée. Mais sans prononcer l'incantation, l'effet est moins puissant, alors il ne peut généralement vérifier que les souvenirs les plus récents ou déterminer si la personne est en train de mentir ou de dire la vérité.

Harry repensa à toutes les fois où il avait eu l'impression de voir cet étrange scintillement derrière les lunettes en demi-lune, et en resta abasourdi. Le directeur l'utilisait presque tout le temps ! Ou en tout cas, très souvent en sa présence.

Mais alors, comment je peux faire pour qu'il ne comprenne pas que je ne veux plus être une marionnette et que je ne lui fais plus confiance comme avant ?

Il s'agit de la réponse à ta deuxième question. Comme beaucoup de choses en ce monde, la branche de la magie se rapportant à l'esprit comporte deux aspects complémentaires. La Légilimancie permet de pénétrer l'esprit de quelqu'un d'autre, et sa discipline jumelle, l'Occlumancie, permet de s'en protéger. Pour résumer grossièrement, l'Occlumancie regroupe un ensemble de techniques variées permettant de protéger son esprit.

Le jeune sorcier soupira de soulagement. Il existait un moyen de protéger son esprit, c'était une bonne chose. Maintenant, il avait intérêt à l'apprendre rapidement. Une idée lui vint soudainement en tête. Tom avait l'air d'en savoir un peu trop long sur ces deux types de magie pour qu'il ne s'agisse que de connaissances théoriques.

Je me trompe ou tu es capable de pratiquer au moins une des deux disciplines en question ?

Tu as parfaitement raison, Harry. Il se trouve que je maîtrise les deux, bien que j'ai toujours eu plus d'affinités avec la Légilimancie. C'est pour cette raison que je te propose d'aller voir par moi-même ce qui t'es arrivé. Je ne le suggèrerais pas si j'avais le moindre doute concernant mes compétences.

Harry hésita. Ouvrir son esprit à quelqu'un d'autre lui paraissait un peu... comme une violation d'intimité. Ne connaissant rien à l'Occlumancie, il serait complètement incapable de se défendre si Tom décidait de l'attaquer. Après, encore une fois, Tom l'informait qu'il en était capable et lui demandait sa permission. Pour autant que le Griffondor pouvait en juger, c'était plus que ce que Dumbledore avait jamais fait.

Ceci dit, si Tom pouvait aller visiter son esprit depuis un journal, Harry commençait vraiment à se demander quel genre de magie il avait bien pu utiliser pour ensorceler le carnet. Parfois, Harry avait l'impression que c'était comme si le journal était un morceau de Tom lui-même, métamorphosé en livre. Mais à chaque fois, cette réflexion arrivait lorsqu'ils étaient en train d'avoir une conversation plus intéressante sur un autre sujet, et le jeune Attrapeur continuait à repousser la question. En soupirant, il renonça une fois de plus à satisfaire sa curiosité, et se concentra sur la discussion présente.

Admettons que j'accepte. Je veux ta parole de Serpentard que tu ne regarderas que les deux dernières semaines, que tu ne me feras pas de mal et que tu ne modifieras rien. Et en échange, est-ce que tu pourrais m'apprendre à utiliser l'Occlumancie ?

Harry, tu as ma parole de Serpentard que je ne regarderai que les deux dernières semaines de ta vie ce soir, que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que ce ne soit pas douloureux, et que je ne n'apporterai aucune modification à tes souvenirs ou tes opinions. Et naturellement, j'accepte de t'enseigner les bases de l'Occlumancie.

Le Griffondor inspira un grand coup, et prit sa décision.

Dans ce cas, je veux bien te laisser utiliser la Légilimancie sur moi. Comment ça va se passer exactement ?

Sache que ta confiance m'honore. Dans le cas présent, je vais te demander de poser ta main à plat sur le carnet, et d'essayer de te détendre au maximum en fermant les yeux. Plus ton esprit sera décontracté, mieux ça se passera. Si tu es prêt, je te laisse commencer. Je te conseille de respirer profondément pour t'aider à te relaxer.

Harry commença par la dernière suggestion, et prit une minute pour lentement calmer son rythme cardiaque et sa respiration. Lorsqu'il se sentit détendu, il posa la main droite sur la double page, et ferma les yeux.

Quelques secondes plus tard, il ressentit la même impression étrange qu'il avait déjà eue en présence de Dumbledore, mais se força au maximum à rester calme. Tom lui avait donné sa parole, et semblait la tenir. Harry pouvait presque sentir une présence familière évoluer entre ses souvenirs, mais elle était plus... prudente, plus délicate que ce à quoi il s'attendait.

Incapable de définir combien de temps dura la séance, le Griffondor sentit finalement la présence mentale se retirer de son esprit et ouvrit lentement les yeux. Son premier réflexe fut de cligner plusieurs fois des paupières et de bâiller, avant de retirer sa main du carnet.

Dans un réflexe, il reprit la plume qui était restée dans l'encrier.

C'était étrange comme expérience. Pas douloureux, mais bizarre.

Les mots s'effacèrent doucement, et Harry attendit une réponse.

Lorsque près d'une minute complète passa sans qu'une seule ligne n'apparaisse, le jeune sorcier commença à s'inquiéter. Alors qu'il reprenait sa plume en main, la réponse de Tom apparut enfin.

Ce que j'ai vu dans ton esprit m'a beaucoup donné à réfléchir. Avant tout, je tiens à réitérer mes excuses pour t'avoir plongé dans un tel état. Ce n'était pas mon intention en te forçant à voir Albus Dumbledore tel qu'il était. Pour ce qui est du reste... j'ai besoin d'un peu de temps pour réfléchir à tout ce que je viens de voir. Peut-être serait-il temps pour toi d'aller dormir, et nous poursuivrons cette conversation demain.

D'accord, bonne nuit Tom.

En temps normal, Harry aurait sans doute insisté. Mais il s'était réveillé tôt, avait eu une journée particulièrement remplie et l'expérience qu'il venait de vivre avait eu raison de ce qui lui restait d'énergie. Le jeune sorcier bâilla, et juste avant de refermer le carnet, il vit un dernier paragraphe apparaître.

Avant que tu partes, voici ta première leçon d'Occlumancie. Pour fonctionner entre sorciers, la Légilimancie nécessite un contact visuel afin de créer le lien entre les deux esprits. Si Dumbledore fait mine de te parler, trouve une excuse pour ne jamais le regarder dans les yeux. Bonne nuit Harry.

Surpris, Harry nota toutefois précieusement le conseil dans un coin de sa tête avant d'aller se coucher. Il était épuisé et eut juste le temps de se mettre en pyjama avant de s'effondrer sur son lit et de tomber de sommeil.

-o-oOo-o-

Le temps passa rapidement après qu'Harry soit revenu à lui, et en un clin d'oeil, les vacances de Noël arrivèrent. Neville, Hermione et Ron avaient tous les trois prévu de rentrer chez eux, avec presque la totalité des élèves de Poudlard et une partie des enseignants. Seule une poignée de personnes resteraient au château, dont Harry, qui avait poliment refusé les propositions de ses amis. Que ce soit Hermione, Ron ou Neville, il ne se sentait pas de passer Noël dans une famille à laquelle il n'appartenait pas. Par ailleurs, cela lui permettait d'avoir Poudlard pour lui tout seul ou presque pendant deux semaines. Et bien qu'il ne l'ait avoué qu'à demi-mots, les trois autres avaient rapidement compris qu'il avait l'intention de s'amuser à explorer l'école.

Hermione lui fit aussitôt un sermon grandiose sur le danger auquel il s'exposait avec la Chambre des Secrets ouverte, ce à quoi Harry répondit que l'héritier de Salazar rentrait probablement chez lui à Noël aussi. Lorsqu'il ajouta qu'aucune attaque n'était arrivée depuis Colin, Hermione finit par renoncer à tenter de le dissuader.

Neville fut une autre paire de manches. Le Griffondor s'affirmait davantage depuis ce qui s'était passé à la volière, et sa relation avec Harry s'était renforcée de façon spectaculaire. Au point qu'il avait osé confronter le célèbre sorcier sur la question du carnet, et avait demandé si Tom était à l'origine de l'inquiétante apathie de son ami. Harry avait semblé hésitant, mais lui avait finalement avoué – sous la promesse qu'il n'en parlerait à personne – que c'était bien une discussion avec Tom sur un sujet sensible qui avait provoqué son état.

Neville avait été furieux, mais lorsqu'Harry lui avait expliqué que le journal s'était excusé et avait simplement voulu le mettre en garde contre quelque chose, le Griffondor s'était calmé. Comprenant qu'il n'aurait pas plus d'indications, il avait fait promettre à Harry d'être prudent et regardait tout de même le carnet avec suspicion. Il était évident que laisser Harry seul avec Tom ne l'enchantait pas.

Pour le rassurer, Harry lui avait promis qu'il parlerait avec au moins une autre personne, et avait finalement présenté le Griffondor à Mimi Geignarde. Celle-ci avait été curieuse et un peu méfiante, mais s'était rapidement dégelée face à la gentillesse de Neville. La rencontre avec le fantôme et la promesse qu'Harry passerait du temps à discuter avec quelqu'un d'autre que le carnet acheva de convaincre Neville.

Ron avait souhaité de bonnes vacances à Harry et l'avait supplié en rigolant de ne pas passer tout son temps à la bibliothèque, expliquant qu'il ne voulait pas que son meilleur ami devienne un monsieur Je-Sais-Tout capable de rivaliser avec Hermione. Harry avait levé les yeux au ciel en lui promettant de ne pas passer toutes ses vacances le nez dans ses cours.

Ce qui ne voudrait pas dire qu'il ne passerait pas pour autant un temps certain à écrire dans le carnet du Serpentard. Harry avait même fini par dévoiler à l'ancien préfet l'existence de la pierre philosophale et le fait qu'il avait tué quelqu'un pour se défendre en première année. Sans surprise, Tom s'était montré réconfortant et ne l'avait pas considéré comme un monstre pour autant. Harry était progressivement en train d'accepter qu'il avait bien une relation amicale avec quelqu'un à travers un journal vieux d'un demi-siècle.

-o-oOo-o-

Le premier jour des vacances, Harry croisa Dumbledore dans les couloirs.

- Ah, Harry, mon garçon, aurais-tu quelques minutes à m'accorder ?

- Bien sûr, professeur.

Se rappelant immédiatement du conseil de Tom, le jeune élève concentra son regard sur l'épaule gauche du directeur. De cette façon, il pouvait voir son visage sans le regarder dans les yeux.

- J'ai remarqué que tu n'avais pas été au mieux pendant quelques jours, comment te sens-tu ?

- Je vais bien, professeur. J'étais juste un peu fatigué.

Dumbledore afficha un air à la fois compatissant et compréhensif.

- Harry, ce n'est pas la peine de dissimuler tes tracas avec moi. Je sais ce qui a occupé ton esprit pendant ces deux semaines.

- Professeur ?

Harry sentit son rythme cardiaque s'accélérer. Dumbledore avait utilisé la Légilimancie malgré tout ? Il savait qu'Harry ne lui faisait plus confiance ?

- Il s'agit de ce qui s'est passé avec le professeur Quirell l'an dernier, n'est-ce pas ?

Le soulagement du jeune Griffondor se noya presque aussitôt dans le retour de la culpabilité. Il ne s'était toujours pas complètement remis de ce qui s'était passé dans les cachots, et apparemment, son visage l'exprimait suffisamment pour convaincre le directeur qu'il avait vu juste. Se rappelant à temps de ce que Tom avait expliqué, il hocha doucement la tête et tenta de formuler une réponse qui serait une vérité acceptable.

- Je n'arrive pas à me le sortir de ma tête, professeur, expliqua-t-il. Je ne voulais pas le tuer.

- Harry, personne ne te reproche ton geste. Tu as fait ce qu'il fallait faire, et tu as été très courageux. Tuer est un acte abominable mais malheureusement addictif, si les mages noirs en sont une quelconque preuve, soupira Dumbledore.

- Addictif ? s'exclama Harry, choqué par le terme.

- Et oui Harry, confirma le directeur d'un air sérieux. De nombreux sorciers sont incapables de s'arrêter après avoir tué une première fois. Ce fut le cas de Voldemort, par exemple. Mais évidemment, mon garçon, je ne doute pas que tu n'aies pas ressenti la moindre attirance pour le meurtre depuis le début de l'année, plaisanta-t-il.

Harry était toujours choqué et incrédule.

- Professeur, je ne veux plus jamais avoir à tuer qui que ce soit ! Comment peut-on trouver ça addictif ? C'est l'expérience la plus horrible que j'ai jamais vécue, j'en fais encore des cauchemars !

- Harry, mon garçon, calme-toi. Je sais bien qu'il n'y a pas une once de magie noire ou de ténèbres en toi, pas plus qu'il n'y en avait en tes parents.

Le jeune sorcier était presque tremblant à présent, refusant de croire que qui que ce soit puisse apprécier le fait de tuer quelqu'un sans être à moitié fou. Peut-être que Voldemort était fou, d'ailleurs. Quelle personne saine d'esprit pourrait vouloir assassiner un enfant d'un an ? Remisant sa réflexion à plus tard, il se contenta de hocher la tête.

- Merci professeur.

Avec un hochement de tête approbateur, Dumbledore lui souhaita un joyeux Noël avant de le laisser s'en aller.

Harry remonta aussitôt dans la salle commune de Griffondor et s'installa devant le feu, calmant ses pensées en observant la danse des flammes dans la cheminée.

Un peu plus tard, il raconta la conversation à Tom. Depuis qu'ils avaient recommencé à parler, le Serpentard se montrait plus prudent dans leurs discussions, soucieux d'éviter à Harry un autre épisode dépressif.

Dans le même temps, il avait commencé à apprendre au Griffondor les bases de la méditation, et lui avait indiqué de pratiquer celle-ci une quinzaine de minutes tous les soirs avant de s'endormir. Le contrôle de l'apaisement de son esprit était la première et la plus longue étape dans la maîtrise de l'Occlumancie. Harry avait consciencieusement appliqué sa méthode, et avait rapidement constaté qu'il se sentait plus apaisé de façon générale. Même s'il ne pouvait pas encore se défendre, son esprit était plus clair au quotidien et c'était une sensation très agréable.

Certes, ça ne l'empêchait absolument pas de s'énerver et de répliquer violemment lorsque Malfoy l'insultait, mais le blond avait toujours eu le don de le mettre sur les nerfs. Et utiliser le sarcasme et l'ironie n'était pas toujours aussi satisfaisant qu'une menace ou une insulte mordante.

Lorsqu'il termina de raconter son entrevue avec le directeur, Tom le félicita pour sa présence d'esprit. Harry hésita, et posa la question qui lui était venue en tête.

Tom, est-ce que tu penses que Voldemort était fou ? Je sais qu'il a vécu après toi, mais j'aimerais ton avis.

C'est une question intéressante. Si je peux me permettre, qu'est-ce qui te pousse à faire cette supposition ?

Le Griffondor réfléchit un instant, pour être certain que ses mots reflèteraient exactement sa pensée.

Dumbledore a dit que tuer était addictif, mais j'ai juste ressenti de l'horreur lorsque j'ai compris que j'avais tué Quirell. Comment qui que ce soit peut apprécier de faire ce genre de chose ?

La réponse mit du temps à venir, et lorsque les mots s'affichèrent, Harry sentit une sincérité profonde accompagnée d'une once de nervosité émaner du carnet.

Tuer est un acte très particulier, Harry. Cela peut donner la satisfaction de savoir que cette personne ne peut plus rien contre toi, ou te permet de t'assurer qu'elle ne pourra pas te nuire à l'avenir. Parfois, c'est sous l'effet de la colère, ou de la douleur, et on tue en espérant que tuer la personne responsable permettra de faire disparaître l'émotion elle-même. Parfois, comme ça a été ton cas, c'est fait dans l'urgence et uniquement pour se défendre. Le pouvoir ressenti à l'instant où on prend une vie peut être grisant, et c'est cette sensation de puissance et de domination absolue qui est addictive. Mais le prix à payer pour satisfaire cette addiction est terriblement élevé. L'esprit et l'âme n'en sortent pas indemnes.

Le Griffondor resta un instant sans réagir. Puis il écrivit une phrase courte, la seule qui lui vint à l'esprit après avoir lu le paragraphe.

Tu as déjà tué.

Ce n'était pas une question, mais Tom ne chercha pas à nier.

Oui.

Est-ce que tu regrettes de l'avoir fait ?

Ma situation est un peu particulière, et je ne peux pas tout te raconter. Du moins pas maintenant. Mais je pense pouvoir répondre par l'affirmative.

Le Griffondor hésita, mais accepta la réponse pour ce qu'elle était et referma le journal. Le Serpentard dévoilait progressivement la part d'ombre de sa personnalité, mais demeurait très réticent concernant certains points, argumentant qu'Harry n'était pas prêt à les entendre. Au vu de la façon dont le Griffondor avait réagi à l'explication concernant Dumbledore, le jeune sorcier faisait confiance à son ami et ne cherchait pas à en savoir davantage.

Mais ce nouveau point commun était un choc pour Harry. Il avait compris que Tom n'était pas exactement un exemple de bon comportement, mais il ne pensait pas que le Serpentard admettrait si facilement avoir tué, et probablement à plusieurs reprises. Les explications qu'il avait données pour expliquer ce qui pouvait pousser à mettre fin aux jours d'une autre personne sonnaient trop proches d'une expérience vécue. Est-ce qu'il les avait toutes expérimentées ? Est-ce qu'Harry était devenu ami et avait confié sa vie à un tueur en série ?

À son grand étonnement, le héros de Griffondor réalisa que même si c'était le cas, il souhaitait rester en contact avec Tom. Il aurait dû être horrifié, révulsé par cette réalisation, mais son intuition lui indiquait qu'il pouvait faire confiance à l'ancien préfet. Et puis, entre ce que Tom racontait de son passé violent et la façon dont il se comportait, il y avait une énorme différence. La personne qui savait comment torturer quelqu'un sans le toucher, qui admettait avoir tué et avoir probablement apprécié le faire, était effrayante. Mais le Serpentard qui s'inquiétait pour lui, lui apprenait à se défendre et comprenait la vie qu'il avait vécue mieux que ses amis... cette personne-là était digne de confiance.

Certes, Tom avait de nombreux secrets, mais il semblait de plus en plus ouvert à la possibilité de les partager avec Harry. Et le Griffondor pensait être capable – à terme – d'encaisser à peu près n'importe quoi, surtout après avoir accepté que deux des personnes à qui il avait fait confiance en premier l'avaient manipulé sans la moindre honte. Harry était déterminé à attendre que Tom estime que le bon moment était venu, et presque certain qu'il ne cesserait pas de le considérer comme un ami.

-o-oOo-o-

Le jour de Noël, après avoir ouvert ses cadeaux et enfilé le nouveau pull offert par Molly Weasley – rouge avec un hypogriffe gris qui se déplaçait – Harry se rendit aux toilettes de Mimi Geignarde en sortant du petit-déjeuner.

- Myrtille ? appela-t-il.

Le fantôme sortit immédiatement d'une cabine et lui fit un immense sourire.

- Harry !

- Joyeux Noël, fit le brun.

- T-tu es venu exprès juste pour me souhaiter un joyeux Noël ? balbutia-t-elle.

Le Griffondor rigola doucement et la regarda avec un sourire chaleureux.

- Principalement, oui, mais je pensais rester pour discuter un peu. Sauf si je dérange ?

- Oh non, pas du tout ! Mais personne ne m'a souhaité un joyeux Noël depuis que je suis morte, alors...

Le spectre de la jeune fille était ému au-delà du raisonnable. Harry était le premier élève à volontairement passer du temps avec elle et être aussi gentil à chaque fois qu'il la voyait. Et ses amis, à part le rouquin, étaient gentils aussi. L'autre garçon brun semblait un peu mal à l'aise mais pas méchant, et Hermione était curieuse et attentionnée. Pour la première fois depuis des décennies, Myrtille avait presque l'impression d'avoir des amis.

- Il faut une première fois à tout, plaisanta Harry. Où est-ce que tu es allée te balader ces derniers jours ?

- Oh, j'ai refait tout le septième étage ! Est-ce que tu as idée du nombre de salles qui sont inutilisées dans cette école ? Et elles sont si poussiéreuses ! D'ailleurs, on peut y voir...

Et elle se lança dans une grande description de ce à quoi elle avait occupé son temps depuis la dernière fois qu'Harry était venu la voir. Elle terminait une histoire concernant une tapisserie qui illustrait un mage tentant d'apprendre la danse classique à des trolls, lorsqu'Harry se fit une réflexion.

- Dis, Myrtille, je me disais... tu as dû explorer pratiquement tout le château depuis que tu es un fantôme, non ?

- À peu près oui, répondit-elle fièrement.

- Est-ce que tu crois que tu pourrais me montrer tes endroits préférés ? Comme il n'y a pratiquement personne, j'aimerais bien découvrir un peu plus Poudlard mais je ne sais pas par où commencer.

La bouche du fantôme s'arrondit dans un "o" muet, puis un immense sourire éclaira son visage et elle passa à travers Harry dans ce qui était vraisemblablement une tentative de câlin enthousiaste.

- Bien sûr Harry ! Oh, il y a tellement d'endroits que je peux te montrer !

- Merci, fit celui-ci en souriant sincèrement. Il faut juste que ce soit accessible sans avoir à traverser un mur, c'est un talent que tu es la seule de nous deux à posséder.

Mimi Geignarde devint gris foncé au niveau des joues – la façon fantômatique de rougir – et hocha la tête. Bien sûr, être un spectre empêchait de pouvoir toucher ou tenir quoi que ce soit, mais Harry l'avait formulé comme un compliment.

Elle avait hâte de pouvoir raconter ça aux autres fantômes de l'école. Pour une fois, elle était sûre d'avoir le dernier mot dans leurs mesquineries.

-o-oOo-o-

Le reste des vacances passa rapidement et agréablement pour le Golden Boy. Il partageait ses journées entre la découverte du château avec Myrtille, les discussions avec Tom, et la bibliothèque pour faire ses devoirs et se renseigner sur des sujets divers du monde sorcier.

La veille du retour des élèves, alors qu'il repartait d'une énième séance de lecture à la bibliothèque, il eut même l'impression que madame Pince esquissa l'ébauche d'un début de sourire lorsqu'il la salua.

-o-oOo-o-

Neville dut attendre plus d'une semaine après la reprise des cours pour avoir un moment seul avec Harry. Ron tenait absolument à rattraper le temps perdu avec son meilleur ami en enchainant les parties d'échec, les entraînements de Quidditch avaient repris de plus belle en prévision du match à venir contre Serdaigle, Fred et George étaient revenus de vacances avec une dizaine d'idées de farces nécessitant le fourchelangue, et Hermione avait décrété qu'il était temps de commencer à réviser pour les examens de fin d'année.

De plus, Malfoy et les Serpentards monopolisaient l'attention du héros de Griffondor dans presque tous les cours et intercours qu'ils avaient en commun.

Ce fut un jeudi matin, assez tôt, que les deux Griffondors parvinrent enfin à discuter. Pour des raisons différentes, les deux bruns se retrouvèrent dans la salle commune avant sept heure. Neville était en train d'écrire une lettre à sa grand-mère, et Harry n'avait pas réussi à se rendormir après être allé aux toilettes.

En voyant son ami descendre de l'escalier menant aux dortoirs, Neville s'interrompit et lui sourit.

- Salut Harry.

- Salut Neville, répondit-il en bâillant. Bien dormi ?

- Très bien. Dis, je peux te parler une minute avant que les autres arrivent ?

Les yeux verts clignotèrent quelques secondes sous les lunettes, avant de sembler se réveiller pour de bon. Harry alla s'installer sur le fauteuil en face de celui de Neville, et se glissa sous un plaid marron qui était à portée de main.

- Je... j'ai pris le temps de fouiller dans les archives de ma famille pour voir si je pouvais trouver un arbre généalogique des Potter.

L'intérêt du garçon à la cicatrice s'éveilla immédiatement.

- Et alors ? demanda-t-il.

- C'est un peu étrange, répondit Neville, mais j'ai seulement trouvé la trace du mariage de tes parents, et ceux des deux générations précédentes. J'en ai pris une copie avec moi quand même pour te la montrer, elle est dans mes affaires.

- Tu veux dire que tu as pu remonter jusqu'à mes arrière-grand-parents ?

Devant la surprise évidente de Harry et son air heureux, Neville ne put retenir un sourire, avant de froncer légèrement les sourcils. Un détail le chiffonnait toujours.

- Pour une famille aussi ancienne que celle de ton père, c'est plutôt étonnant que ça ne remonte pas plus loin. J'ai trouvé des arbres généalogiques des Black et des Malfoy qui remontaient jusqu'au dix-huitième siècle sans problème, mais absolument rien sur la tienne après tes arrière-grand-parents. Dans la mesure où nos familles ont formé des alliances stratégiques pendant presque tous les conflits, c'est... bizarre. Comme si quelqu'un avait volontairement effacé tout moyen de remonter la généalogie des Potter.

- Mais pourquoi quelqu'un aurait fait ça ?

- Je n'en sais rien, soupira Neville. Mais c'est probablement un sort pour protéger les archives originales, ou les membres de la famille concernée. Il doit y avoir quelqu'un parmi tes ancêtres qui pourrait être dangereux pour toi s'il venait à être découvert, c'est la seule explication que je vois.

Harry passa une main dans ses cheveux, les décoiffant encore davantage, et soupira.

- J'imagine que ça doit être ça. Merci d'avoir cherché, et je veux bien voir les noms des personnes que tu as trouvées, ajouta-t-il doucement.

Neville hocha la tête, et sourit avant de se lever pour aller dans le dortoir. Il revint avec un rouleau de parchemin qu'il tendit à Harry, qui l'attrapa d'une main fébrile avant de le dérouler.

Héritier actuel : Harry James Potter

Fils unique de James Alfred Potter et Lily Amelia Potter, née Evans

James Alfred Potter

Fils unique de Fleamont Alexander Potter et Euphemia Alice Potter, née Shafiq

Fleamont Alexander Potter

Fils unique de Henry Matthew Potter et Cécilia Marianne Potter, née Delacour.

Harry lut chaque nom à voix basse, puis caressa toutes les lettres avec douceur. Lorsqu'il releva la tête, ses yeux étaient brillants de larmes contenues.

- Merci Neville.

Celui-ci eut un sourire tranquille. Ayant grandi sans ses parents, il comprenait que ce soit émouvant pour Harry d'enfin voir les noms qui composaient une petite partie de sa famille. Lui-même avait au moins eu la chance de grandir dans le monde sorcier, en connaissant ses origines et son passé.

- Je t'en prie. Si jamais ça t'intéresse, ajouta-t-il doucement, les Shafiq sont une des vingt-huit familles Sang-pur d'Angleterre, et les Delacour sont une des plus prestigieuses familles Sang-pur de France.

Harry fronça les sourcils. Sa mère semblait être le premier mariage hors famille Sang-pur depuis plusieurs générations. Est-ce que son père avait réellement accordé si peu d'importance à la pression sociale pour l'épouser sans s'inquiéter de son statut de sang ? Harry lui-même ne se préoccupait pas vraiment de ce genre de chose, mais il avait eu l'impression que tous les héritiers de ce genre de familles étaient censés se marier avec quelqu'un du même niveau...

- Peut-être que ces familles ont plus d'archives sur la mienne ?

Neville secoua la tête tristement.

- J'en doute. Ils auront probablement une copie du mariage, et peut-être le nom de l'enfant qui en est né, mais rien de plus. En plus, le dernier descendant des Shafiq est apparemment le frère de ta grand-mère, un certain Alistair, et vit reclus dans son manoir quelque part en Ecosse.

Harry sentit l'espoir s'échapper de sa poitrine. Pendant un instant, il avait espéré avoir peut-être une autre famille que les Dursleys, quelque part dans le monde magique. Il relut une dernière fois les noms, et roula le parchemin avec précaution. Sa famille disparue semblait d'un coup être devenue un peu plus réelle.

À cet instant-là, les premiers Griffondors commencèrent à arriver dans la salle commune et Harry dissimula le rouleau sous le plaid. D'une certaine manière, il se sentait un peu moins seul à présent.


Commentaire de la bêta : Un chapitre tranquille et pourtant Harry avance de plus en plus ! Il grandit le bébou, et ses relations aussi... Qu'en pensez-vous ?

N/A : les prénoms utilisés pour la famille de Harry sont ceux disponibles sur le wiki. Pour les noms de jeune fille, c'est un choix personnel. Mais la plupart des deuxième prénoms (et les prénoms des arrière-grands-parents) je me suis inspirée de personnages du manga Hetalia (mon premier amour niveau fanfictions).