A/N : Si vous avez peur des araignées, évitez peut-être de lire ce chapitre avant de dormir.
Dès qu'ils furent certains qu'aucun des adultes ne reviendrait, les trois élèves enlevèrent la cape.
- Qu'est-ce qui vient de se passer exactement ? demanda Neville avec des yeux ronds.
- Le Ministre de la Magie a arrêté Hagrid, commença Harry.
- Et le père de Malfoy a pratiquement renvoyé Dumbledore en utilisant son poste de gouverneur de l'école, acheva Ron.
Devant ce résumé, les trois garçons se regardèrent, toujours un peu incrédules, avant de poursuivre.
- D'ailleurs c'était quoi cette phrase et ce clin d'oeil ? ajouta Ron. Je croyais qu'on était invisibles sous la cape ?
- On est invisibles sous la cape, corrigea Harry. Il a dû utiliser un sort ou quelque chose pour nous repérer. Mais ce n'est pas le plus important.
- Je pense qu'Hagrid a raison, déclara Neville. Sans Dumbledore pour protéger l'école, les agressions vont se multiplier.
Harry retint de justesse une réplique sarcastique concernant l'efficacité de la protection du directeur jusqu'à présent. À la place, il se concentra sur une autre partie de la discussion qui avait eu lieu.
- Il faut surtout qu'on trouve le responsable le plus vite possible. Hagrid nous a dit de suivre les araignées, et c'est ce qu'on va faire.
À ces mots, Ron devint livide. Ignorant son trouble, Harry cacha rapidement la cape sous un coussin et sortit de la cabane, suivi par Neville. Le troisième Griffondor ferma la marche avec un déplaisir particulièrement évident.
- Là ! fit Harry.
En parlant, il désigna du doigt une fêlure dans les pierres de la cabane, d'où s'échappait une petite colonne d'araignées noires. Aussitôt, les deux bruns se mirent à les suivre, et Ron leur emboita le pas à contrecoeur.
- Pourquoi des araignées ? se désespéra-t-il. Pourquoi ça ne pouvait pas être suivez les papillons ?
Au bout de quelques pas, Neville retint Harry par la manche.
- Harry, e-elles vont dans la Forêt Interdite !
- Tu as entendu Hagrid ? répliqua le Golden Boy. Si on veut découvrir ce qui s'est passé, on n'a pas le choix.
Et il recommença à marcher, franchissant l'orée de la forêt. Derrière lui, Neville lança un regard abasourdi et effrayé à Ron, qui lui rendit son regard en plus terrorisé et désespéré. Mais aucun des deux ne resta longtemps derrière. Être l'ami de Harry Potter avait cet étrange effet de vous donner envie de le suivre, même – voire surtout – s'il s'élançait vers le danger la tête la première.
Les trois garçons s'enfonçèrent donc dans la Forêt Interdite, après le couvre-feu, alors que le soleil commençait à se coucher. Le peu de rayons faiblissants de l'astre du jour fut bientôt dissimulé par le couvert des arbres.
Harry suivait la colonne d'araignées, notant au passage qu'elles étaient de plus en plus nombreuses, et de plus en plus grosses. Mais elles semblaient toutes s'accorder à rejoindre rapidement un même endroit, ce qui était surprenant. Le garçon à la cicatrice n'avait jamais vu des araignées agir comme ça, et était persuadé que Ron et Neville non plus.
- Ha-Harry, balbutia Ron, je crois qu'on de-devrait rentrer à l'école.
- C'est pas le moment de paniquer, Ron ! répliqua le brun.
Neville ne dit rien, mais en son for intérieur, il n'en menait pas large. Les araignées ne l'effrayaient pas particulièrement, mais un si grand nombre d'entre elles, dans les bois, sans aide extérieure possible... Il n'avait aucune difficulté à admettre qu'il était très, très mal à l'aise et aurait préféré faire demi-tour. Toutefois, au vu de l'air décidé de Harry, il ne s'agissait pas d'une option valable avant d'avoir obtenu des informations. Neville rassembla donc tout son courage de Griffondor et continua à avancer.
Bientôt, les trois élèves se retrouvèrent dans ce qui aurait pu être une clairière si l'herbe rare et noircie n'avait pas été couverte de milliers de fils argentés. Les Griffondors notèrent soudainement des mouvements dans les arbres autour d'eux, et remarquèrent la taille désormais énorme des araignées qui les entouraient.
- Des acromentules, souffla Neville en blêmissant. Harry, on est dans un nid d'acromentules !
Harry inspira un grand coup à la remarque, et jeta un coup d'oeil rapide à ses amis. Ron avait l'air sur le point de s'évanouir et Neville était complètement tétanisé par la terreur. Pour être franc, le héros de Griffondor lui-même sentait la panique monter, mais il se força à la réfréner. S'il craquait, les deux autres s'effondreraient dans la seconde suivante et ils seraient tous morts avant de pouvoir dire un mot.
Avec une assurance qu'il était loin de posséder, Harry avança vers une sorte de gros trou sombre qui s'enfonçait dans le sol.
- Il y a quelqu'un ?
Une voix caverneuse lui répondit dans un souffle rauque, comme si la créature à qui elle appartenait était très vieille.
- Qui est là ? Hagrid, est-ce que c'est toi ?
- Nous sommes des amis de Hagrid, nous venons de sa part, répondit le Griffondor.
Un bruit de toile froissée et de pattes avançant lourdement sur le sol se fit entendre depuis la tanière géante. Au bout de quelques instants, deux pattes gigantesques en sortirent, bientôt suivies par six autres, le tout soutenant le corps de la plus monstrueuse araignée que les deuxième années aient jamais vu de leur vie.
Chacune de ses pattes était plus grande que Neville, ses yeux d'un blanc laiteux semblaient chercher partout pour se concentrer sur les nouveaux arrivants, sa gueule laissait entrevoir des crocs desquels perlaient un liquide vert à l'allure dangereuse, et son corps massif était recouvert de poils qui s'agitaient comme pour sentir l'atmosphère.
- Hagrid n'a jamais envoyé d'humains dans notre nid...
- Il a été emmené à Azkaban ce soir, déclara Harry. Il est accusé d'avoir ouvert la Chambre des Secrets et relâché le monstre qu'elle contient.
Derrière lui, Ron était à deux doigts de relâcher sa vessie sous l'effet de la peur, et Neville était à la fois effrayé et estomaqué. Harry était en face d'une araignée de plus de deux mètres de haut et d'au moins quatre mètres de large, et au lieu de flancher, sa voix était aussi posée que s'il était en train de discuter avec un de leurs professeurs.
Quel sorcier était capable de faire ça à douze ans !?
- Mensonges ! siffla l'araignée géante. Hagrid n'a jamais ouvert la Chambre des Secrets, et je ne suis pas le monstre qu'elle renferme.
L'acromentule était visiblement en colère que son ami ait été accusé à tort une fois de plus, et avait soulevé puis replanté ses deux pattes avant dans le sol pour appuyer ses propos. Ron eut le plus grand mal à retenir un hurlement, et les deux Griffondors se précipitèrent derrière Harry, qui semblait toujours en pleine possession de ses moyens.
- Votre nom est Aragog, c'est ça ? Nous savons qu'Hagrid est innocent, c'est justement pour ça que nous sommes ici.
L'araignée géante sembla se calmer légèrement, et bougea d'une étrange manière. Le Griffondor finit par comprendre que l'acromentule était en train de humer l'air.
- Tu as d'excellentes manières et une étrange odeur, jeune sorcier... déclara finalement Aragog.
Harry hocha poliment la tête mais ne releva pas le commentaire sur son odeur. De ce qu'il en savait, le savon fourni par Poudlard était le même pour tout le monde, après tout. Peut-être que l'absence de peur était une odeur en soi.
- Harry, gémit Ron derrière lui.
- Pas maintenant, souffla le brun.
Harry inspira un grand coup avant de poursuivre.
- Aragog, si vous n'êtes pas le monstre, alors qu'est-ce qu'il y a dans la Chambre des Secrets ?
- La créature de la Chambre est née dans le château, c'est un monstre que nous, les araignées, redoutons par-dessus tout et dont nous ne parlons jamais, souffla la vieille araignée. J'ai été ramené en Angleterre par un voyageur, qui m'a donné à Hagrid. Tout ce que je connais du château, c'est la malle dans laquelle Hagrid me cachait pour me protéger...
Tous les poils sur le corps de l'acromentule s'étaient mis à vibrer dans un frisson de peur à la mention du monstre, avant de se calmer en évoquant Hagrid.
- Mais qui a ouvert la Chambre alors ? Qui a tué l'élève Né-moldue ?
- Je l'ignore... La fille a été retrouvée dans les toilettes, puis on m'a accusé à tort. J'ai fui dans la forêt et Hagrid a été renvoyé, avant d'être engagé comme garde-chasse.
Harry enregistra les maigres informations, avant de sentir Ron tirer sur sa manche.
- Harry, gémit-il un peu plus fort.
- Quoi ?
Sans répondre, Ron lui indiqua de regarder en l'air et Harry jura intérieurement, accompagné en cela par Neville. Des centaines d'araignées géantes descendaient des arbres, suspendues à autant de fils de soie, et formaient désormais un cercle autour d'eux.
- Bon et bien, c'était un plaisir de faire votre connaissance, Aragog, déclara Harry. Merci pour vos réponses, nous allons partir à présent.
- Partir ? Je ne crois pas non... mes fils et mes filles ne font pas de mal à Hagrid, car je le leur interdis. Mais je ne peux pas leur refuser un peu de viande fraîche lorsque celle-ci s'aventure jusqu'à nous.
Harry sentit le sang quitter son visage et la peur finalement s'installer dans son estomac. Est-ce que l'acromentule était sérieusement en train de les condamner à se faire dévorer vivants par ses descendants ? Aragog se recula lentement pour rentrer dans sa tanière, et juste avant de disparaître, lança un dernier salut.
- Adieu, amis de Hagrid...
Dès que leur père eut disparu, toutes les araignées commençèrent à s'approcher des Griffondors en rétrécissant progressivement leur cercle, pendant que d'autres continuaient à descendre des arbres. Aucune ne s'approchait de la taille monstrueuse d'Aragog, mais la plupart étaient tout de même plus grandes que les Griffondors.
- On peut paniquer maintenant ? gémit Ron.
Neville était effrayé, mais en voyant le regard à la fois inquiet et déterminé de Harry, il se força à tenir et à se retourner pour qu'ils puissent chacun protéger le dos des autres. Ron fit de même après un instant, tremblant comme une feuille.
- Tu connais des sorts contre les araignées ? demanda Neville.
- Un seul, répondit Harry, mais vu leur nombre, ça ne suffira pas.
La première araignée, à peu près de la taille de Harry, s'élança vers eux.
- Arania Exumai !
Un éclair bleu jaillit de la baguette du Golden Boy, et l'acromentule fut éjectée à plusieurs mètres avant de retomber inanimée sur son dos. Morte ou inconsciente, Harry n'aurait pas su le dire, mais tant qu'elle était hors combat, ça n'avait pas vraiment d'importance. Les arachnides semblèrent hésiter un tout petit peu plus à approcher le garçon à la cicatrice, et reportèrent leur attention sur les deux proies nettement moins menaçantes et nettement plus apeurées.
Alors que le cercle se refermait de plus en plus, un bruit de moteur retentit et une lumière éblouissante perça la noirceur du nid d'acromentules, faisant temporairement fuir celles-ci.
- La voiture ! s'exclama Ron.
La Ford ensorcelée venait d'arriver à leur rescousse et se gara juste à côté d'eux, faisant retentir le clic distinctif des portières qui se déverrouillent. Sans réfléchir davantage, les trois Griffondors se ruèrent à l'intérieur, Neville à l'arrière, Harry devant et Ron à la place de chauffeur.
- Démarre ! cria Harry.
Ron tenta d'embrayer, mais à l'exception d'un bruit de moteur, rien ne se produisit. Devant eux, les araignées commençaient à se regrouper.
- Ron ! Maintenant !
- J'essaie !
Il parvint à enclencher la marche arrière au moment où une acromentule tentait de se jeter sur le capot, manquant sa cible de justesse. En hurlant, les trois Griffondors sortirent du semblant de clairière, une horde d'arachnides sur les talons. Les milliers de pattes bougeaient à toute vitesse sur le sol, cliquetant et tentant de battre la vitesse de la machine.
Par une espèce de miracle, Ron parvint à retourner la voiture et repartir en avant pour augmenter la vitesse, juste avant qu'ils se fassent rattraper.
Il enfonça le bouton censé lui permettre de voler, et la Ford commença à se soulever légèrement, toujours sous les hurlements de Neville et Ron, Harry étant en train de reprendre sa respiration après son propre hurlement.
Une énorme araignée se laissa soudainement tomber sur le pare-brise depuis un arbre et Harry réagit d'instinct, juste avant que les pattes percent le verre.
- Incendio !
Un jet de flammes monumental surgit directement sur l'acromentule, qui fut éjectée sous la puissance du sortilège et tomba dans un cri strident avant d'être consumée par le feu.
La voiture recommença à s'élever, et dépassa finalement la cime des arbres, retrouvant ainsi la lumière déclinante du jour.
Ron dirigea la machine ensorcelée jusqu'à l'orée des bois et la fit atterrir à peu près en douceur à côté de la cabane d'Hagrid. Les trois Griffondors sortirent, et la voiture leur fit deux appels de phares avant de retourner dans la forêt.
Les trois garçons entrèrent en tremblant dans la cabane pour récupérer la cape d'invisibilité. Lorsqu'il comprit qu'il était finalement en sécurité, Ron laissa exploser la colère qui avait jusque-là été éclipsée par l'angoisse et la terreur.
- Suivez les araignées ! Suivez les araignées ! Harry, je te jure que s'ils laissent Hagrid sortir d'Azkaban, je le tue !
Harry prit l'affirmation de Ron pour ce qu'elle était, un moyen d'expulser la pression qu'il venait de subir. Affronter le sujet de sa pire peur dans des conditions comme celles qu'ils venaient de vivre constituait une épreuve qui aurait été insurmontable pour beaucoup d'autres.
Neville était encore tremblant. Son cerveau et son corps étaient toujours en train de réaliser qu'il n'était plus en danger de mort immédiat, et c'était une sensation qu'il n'avait plus expérimentée depuis que son grand-père avait essayé de provoquer l'apparition de ses pouvoirs magiques.
Harry était secoué aussi, mais avait globalement récupéré après le dernier pic d'adrénaline lorsqu'il avait repoussé l'acromentule sur le pare-brise. Au moins, il savait à présent que les araignées géantes étaient également faibles face aux flammes.
- On devrait retourner au dortoir, déclara-t-il.
Ron interrompit son flot de jurons et Neville sortit de son état hébété. Les deux Griffondors réalisèrent d'un coup qu'ils étaient toujours chez Hagrid.
Le retour se fit sans histoire, et ils ne croisèrent même pas un professeur dans les couloirs. La nouvelle de la suspension du directeur avait probablement provoqué une réunion d'urgence du corps enseignant.
La grosse dame fut très surprise d'entendre le mot de passe prononcé sans voir d'élèves devant elle, mais elle reconnut la voix de Harry et ouvrit après un instant d'hésitation.
Une fois à l'intérieur, ils constatèrent avec soulagement que personne n'avait tourné la tête dans leur direction. Les Griffondors semblaient tous absorbés par leurs discussions, leurs parties ou leurs pensées. Le plus discrètement possible, les trois garçons s'approchèrent de Dean et Neville lui tapota l'épaule deux fois.
Dean sursauta légèrement, tourna la tête et fronça les sourcils en voyant que personne n'était derrière lui. Puis ses yeux s'agrandirent et il se leva en s'étirant, avant d'annoncer à la cantonade qu'il allait se coucher.
Une fois dans le dortoir et la porte refermée, Harry enleva la cape qui les couvraient et la rangea proprement, laissant Neville et Ron s'affaler sur leur lit.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda Dean.
L'état des deux autres était étrange, ils semblaient à la fois effrayés et soulagés. Seul Harry avait l'air à peu près normal, tout au plus un peu secoué et perdu dans ses pensées. Le héros de Griffondor jeta un oeil à ses deux amis et opta pour une version édulcorée de la vérité.
- Hagrid a été arrêté, Lucius Malfoy a utilisé le conseil d'administration pour suspendre Dumbledore, et on a obtenu quelques informations en allant faire un tour dans la Forêt Interdite.
Dean ouvrit des yeux ronds et observa plus attentivement Ron et Neville. Ron avait l'air d'avoir eu la peur de sa vie et semblait prêt à s'effondrer, et Neville était muet et tremblant. Mais aucun des deux ne fit mine de contredire Harry. Le meilleur ami de Seamus regarda la célébrité de leur dortoir droit dans les yeux, mais n'y vit qu'une tranquille détermination. Il n'en dirait pas plus sur ce qui s'était passé dans la forêt, et pour être franc, Dean n'était pas certain de vouloir savoir. Encaisser les explosions de Seamus était une chose, suivre Harry dans des aventures potentiellement mortelles en était une autre. À choisir, Dean préférait les explosions de chaudrons.
- Vous avez appris qui était l'héritier ? demanda-t-il finalement.
- Non, répondit Harry. Juste qu'Hagrid est bien innocent, et des détails vagues qui datent de cinquante ans et ne peuvent pas nous permettre d'identifier qui que ce soit.
Dean serra les dents. Visiblement, leur escapade n'avait servi à rien.
- D'accord. Au moins vous avez essayé.
- Dean.
La voix du Golden Boy s'était adoucie, et Dean releva la tête. Deux yeux émeraude le fixaient, et ils contenaient une certitude absolue.
- Seamus et Hermione vont être ramenés à la vie bientôt. Et on trouvera qui les a attaqué.
Les flammes qui brûlaient dans son regard achevèrent de convaincre Dean qu'Harry était sérieux. Le garçon à la cicatrice avait toutes les raisons de vouloir démasquer le coupable, et de lui faire regretter ses actes. Et il avait raison, Seamus n'était pas en danger de mort, juste temporairement pétrifié. Retrouvant un semblant de calme, Dean décida d'aller dormir, et fut bientôt imité par les trois autres.
-o-oOo-o-
Le dortoir était sombre et silencieux, mais aucun de ses occupants ne dormait derrière les rideaux des lits à baldaquin.
Ron revivait en boucle l'attaque des araignées et le nid dans lequel ils avaient dû suivre Harry. Tout ça pour rien. Une colère sourde grondait en lui en pensant qu'il avait encore risqué la mort pour suivre le célèbre Griffondor. Sans compter que c'était grâce à lui et à la voiture de son père qu'ils avaient pu s'en sortir. L'amitié du Golden Boy commençait à lui coûter plus cher qu'il n'était prêt à payer.
Dean s'interrogeait malgré lui sur ce qui avait bien pu se produire dans la Forêt Interdite, tout en se demandant comment allait Seamus, ce qui allait se passer maintenant que Dumbledore n'était plus là, et comment faisait Harry pour revenir aussi calme qu'il l'avait été après avoir affronté des épreuves qui semblaient terrifier tout le monde. Ses pensées et ses émotions se mélangeaient, mais il sentait l'inquiétude pour Seamus et l'admiration pour Harry prendre le dessus.
Neville revivait aussi le passage dans la forêt, et tentait désespérément de comprendre comment Harry avait pu rester aussi calme et maître de lui-même dans une situation pareille. Le brun était persuadé que si Harry avait flanché, lui-même n'aurait pas tenu et Ron non plus. Ses réflexes leur avaient autant sauvé la vie que l'apparition de la voiture. Il sourit en réalisant que l'amitié de Harry était un sport à haut risque, mais qu'il n'y renoncerait pour rien au monde. Harry avait le courage de faire ce que tout le monde redoutait, et le faisait pour ceux qui ne pouvaient pas se défendre. Le garçon-qui-a-survécu était une personne admirable que Neville était fier de suivre.
Harry repensait à l'échange qu'il avait eu avec Aragog, et tout ce qu'il pouvait en déduire. Il nota au passage qu'il pouvait ajouter une nouvelle occasion où il avait failli mourir à sa liste. Il sourit en songeant qu'au moins, on ne pouvait pas lui reprocher de manquer d'originalité. Son sourire disparut lorsqu'il repensa à Tom. Il aurait aimé lui raconter cette aventure, lui dire ce qu'Aragog lui avait révélé, et lui demander son avis. Même s'il lui avait montré sa capture d'Hagrid, Harry sentait bien que Tom n'avait jamais vraiment été convaincu de la culpabilité du demi-géant.
Mais à l'époque, l'école aurait fermé si un coupable n'avait pas été trouvé, et le Serpentard n'avait pas pu supporter l'idée de retourner définitivement dans l'orphelinat horrible où il était encore supposé rester tous les étés. Harry désapprouvait ses actions, mais comprenait malgré tout ce qui avait poussé l'ancien préfet à agir de la sorte. Pour l'heure, il se satisferait de savoir qu'Hagrid était innocent, et que ses amis et lui étaient revenus sains et saufs.
-o-oOo-o-
Au petit-déjeuner, la double nouvelle de l'arrestation d'Hagrid et de la suspension de Dumbledore fut le sujet phare de toute la Grande Salle. McGonagall avait temporairement pris le rôle de directrice de Poudlard, et gérait la situation avec toute la sérénité qu'elle pouvait invoquer. Elle réitéra les consignes de sécurité, et expliqua que tous les élèves étaient priés de rester dans leur salle commune pour le weekend en dehors des horaires dédiés à la bibliothèque.
Toutefois, Harry, Ron, Neville et Dean reçurent un mot par courrier leur disant qu'ils auraient le droit de se rendre à l'infirmerie – accompagnés par un professeur – pendant quelques heures pour voir leurs amis. Ils étaient cependant priés de rester discrets concernant cette exception et devaient constamment rester dans le champ de vision de l'infirmière. Les quatre Griffondors n'eurent même pas besoin d'échanger un mot pour savoir qu'ils se plieraient à ces conditions.
-o-oOo-o-
Le weekend passa sans attaque, mais dans une tension monstrueuse pour toutes les maisons. Rester enfermé de façon constante mettait tous les élèves sur les nerfs. Harry et les autres membres du dortoir des deuxième années avaient été plus que soulagés de pouvoir y échapper quelques heures en allant au chevet de Seamus et Hermione.
La reprise des cours ne fit rien pour apaiser l'ambiance exaspérée dans l'école, et à défaut de pouvoir distribuer des retenues à cause des mesures de sécurité, les professeurs enlevèrent des points à n'en plus finir.
En trois jours, Harry avait déjà hésité à attaquer Malfoy cinq ou six fois et s'était péniblement rabattu sur des répliques et des insultes. Depuis que son père avait évincé Dumbledore, le blond affichait constamment un sourire moqueur et avait même demandé à Rogue quand celui-ci serait nommé directeur. Bien que Harry ne soit pas contre l'idée d'éloigner Dumbledore de Poudlard, ce n'était pas une idée qu'il pouvait publiquement approuver, et l'idée de Rogue en directeur suffisait à le faire frémir.
Sans compter que faire partir Dumbledore de l'école pile quand les attaques avaient recommencé était stupide. Manipulateur ou non, il restait un sorcier puissant qui aurait pu aider à protéger les enfants de moldus. Mais visiblement, la protection des Né-moldus ne faisait pas exactement partie de la liste des priorités de Lucius Malfoy.
La semaine passa lentement pour le Golden Boy. Les regards de reproche qu'il recevait à chaque repas en étaient la principale cause. La plupart des élèves le dévisageaient comme s'il était responsable de toutes les nouvelles règles en plus des attaques.
Pour tenir, il se répétait que les mandragores seraient prêtes dans moins de deux semaines, que les élèves pétrifiés reviendraient à la vie et pourraient expliquer à tout le monde qu'il n'y était pour rien. Il ne voulait pas finir sa deuxième année à Poudlard avec la réputation d'un agresseur. Sans compter qu'Hermione lui manquait énormément. Heureusement, McGonagall était passée les voir la semaine précédente à l'infirmerie et les avait averti que sa permission spéciale serait en vigueur chaque weekend jusqu'à ce que les victimes soient soignées.
-o-oOo-o-
Le weekend revint assez vite, et les quatre Griffondors passèrent le dimanche après-midi à l'infirmerie, pendant que le reste de leur maison était à la bibliothèque.
Harry s'assura de passer un peu de temps au chevet de Colin et de Seamus en plus d'Hermione. Il plaignait sincèrement le premier, qui venait de louper toute sa première année. Lorsqu'il avait demandé à McGonagall ce qui lui arriverait pour les cours et les examens, celle-ci lui avait expliqué qu'un programme d'été particulier avait été prévu pour qu'il puisse tout de même passer en deuxième année si ses notes étaient satisfaisantes.
Le brun en avait été légèrement rasséréné. Il n'était pas spécialement inquiet pour Seamus et Hermione, qui auraient probablement des dérogations d'une manière ou d'une autre. Et même sans ça, sa meilleure amie trouverait le moyen de réussir chaque épreuve haut la main, il en était persuadé.
Lorsque le temps qui leur était imparti fut terminé, leur directrice de maison entra dans la pièce blanche, et leur signala gentiment qu'il était temps de remonter dans la tour de Griffondor. Elle venait de raccompagner les élèves qui étaient à la bibliothèque et faisait un second aller-retour pour les quatre deuxième années. Ils poseraient leurs affaires dans leur chambre avant de redescendre avec le reste de leur maison pour le diner.
Sur le chemin du retour, les cinq Griffondors demeurèrent silencieux. La directrice était attentive à ce qui l'entourait, et les quatre autres étaient perdus dans leurs pensées.
Impur... Tuer... TUER !
Harry eut un hoquet de stupeur. Jamais la voix n'avait été aussi agressive, jamais elle n'avait vibré d'une telle colère. Les quatre autres se tournèrent vers lui d'un air surpris. McGonagall eut aussitôt un mauvais pressentiment, Ron et Dean eurent l'air un peu perdus, mais Neville reconnut immédiatement la pâleur de Harry et son expression. Toutefois, avec la professeure de Métamorphose juste à côté, il ne pouvait pas ouvertement demander à son ami où était le danger.
- Potter ?
- Pardon professeur, je... je ne me sens pas très bien.
Et avant que quiconque puisse réagir, il se précipita dans un couloir adjacent.
- Potter ! Revenez immédiatement !
McGonagall sortit sa baguette en un éclair et fit signe aux trois autres élèves de la suivre. Neville et Ron – qui avait finalement compris – échangèrent un regard et s'exécutèrent, rapidement imités par Dean.
Ils eurent juste à tourner dans un couloir pour voir Harry immobile, tourné vers l'entrée du corridor suivant, un air désespéré sur le visage.
- Potter, j'exige une explication à ce comportement inaccept... Oh par Merlin, s'interrompit-elle.
La directrice de Griffondor porta une main à sa poitrine et devint livide. Une seconde plus tard, elle pointait sa baguette sur sa gorge et murmurait un sort pour se faire entendre dans tout le château.
- Tous les professeurs sont attendus dans le second couloir du cinquième étage immédiatement.
En moins de dix minutes, tous les professeurs, Lockhart compris, étaient dans le couloir en question.
- Minerva, commença Flitwick, qu'est-ce qui se...
L'enseignant s'interrompit en voyant ce qui avait bouleversé sa collègue. Devant eux, le fantôme de Sir Nicolas flottait, immobile, tournant sur lui-même et totalement muet, son visage spectral figé dans une expression incrédule. Derrière lui, à moins de deux mètres, se tenait Justin Finch-Fletchley, figé avec la bouche ouverte et un air terrifié. Il s'apprêtait visiblement à pousser un cri lorsqu'il avait été pétrifié.
- Potter, encore ? demanda Rogue.
Le professeur de Potions était le premier à avoir repris ses esprits.
- Severus, veuillez ne pas accuser mon élève sans raison, répliqua sèchement McGonagall. J'était justement avec Harry lorsque nous avons découvert cette scène. Pomona, est-ce que vous savez ce qui a pu pousser un de vos élèves à enfreindre des consignes pourtant claires ?
- Je n'en ai aucune idée.
La professeure d'Herbologie semblait sous le choc qu'un de ses tranquilles Poufsouffles ait pu briser les nouvelles règles alors que deux attaques avaient eu lieu moins de quinze jours auparavant.
- Et comment Sir Nicolas s'est-il retrouvé dans cet état ? ajouta la professeure Sinistra.
- Je l'ignore, répondit la directrice. Potter, vous avez été le premier sur les lieux, avez-vous remarqué quoi que ce soit d'inhabituel ?
- Non, professeur, répondit Harry.
Du coin de l'oeil, il remarqua cependant les araignées qui fuyaient par la fenêtre la plus proche. Sans qu'il s'en rende compte, Rogue suivit son regard et haussa un sourcil. Potter avait l'air de reconnaître quelque chose, mais quoi que ce soit, c'était insuffisant pour agir. Et le professeur de Potions devait de toute façon admettre que Potter était sorti de sa liste de coupables potentiels depuis que Granger avait été pétrifiée. Le Griffondor était loyal jusqu'à la mort envers ses amis, jamais il n'aurait mis l'insupportable je-sais-tout en danger pour détourner les soupçons de sa personne. Sans compter qu'il était trop Griffondor pour envisager un plan pareil.
- Quel dommage que nous soyons arrivés trop tard, déclara Lockhart avec emphase. Ce jeune homme est un membre de mon fan-club, si j'avais pu être à ses côtés, le monstre n'aurait pas tenu une seconde !
Un silence exaspéré accueillit sa déclaration. McGonagall inspira lentement pour s'exhorter au calme, et prit la situation en main.
- Filius, je compte sur vous pour ramener mes élèves à leur salle commune et informer leurs camarades de ce qui s'est passé. Severus, pouvez-vous demander au Baron Sanglant d'emmener Sir Nicolas à l'infirmerie pendant que Pomona et moi nous chargeons de Justin ? Aurora, veuillez prévenir les elfes de maison que le diner sera décalé d'une demi-heure et informez les Serdaigles, Poufsouffles et Serpentards de cette attaque. Gilderoy... accompagnez Severus, vous ne serez pas trop de deux pour convaincre le fantôme de Serpentard d'aider celui de Griffondor.
Bien qu'elle ait conservé un air impassible, une pointe de satisfaction vengeresse perçait dans sa voix lors de la dernière phrase, et le professeur de Potions lui adressa un regard noir. Il oubliait régulièrement que si sa collègue était une femme droite et honorable, elle n'en était pas moins une Griffondor revancharde. Ignorant Lockhart, il tourna les talons et se dirigea vers les donjons.
Tous les autres professeurs se mirent en mouvement pour suivre les directives de McGonagall, et les quatre deuxième années suivirent le professeur de Charmes jusqu'à leur tour. Tous les autres Griffondors se levèrent en les voyant entrer, mais Flitwick prit aussitôt la parole pour leur dire de se rasseoir avant d'expliquer ce qui venait d'avoir lieu.
Dès qu'il fut parti, les chuchotements et les regards accusateurs reprirent de plus belle, et Harry alla immédiatement rejoindre son dortoir. Personne n'avait oublié qu'il avait "tenté d'agresser" Justin avec un serpent pendant le club de duel. Et les rumeurs qui s'étaient calmées lorsqu'Hermione avait été attaquée venaient de ressusciter, en plus malsaines. Le fait que Justin soit un Né-moldu n'arrangeait rien et le garçon à la cicatrice ne voulait pas entendre ce qui se dirait dans son dos pendant une demi-heure supplémentaire en plus du diner.
Note de la bêta : Et personne ne peut te le reprocher chouchou... Ce tome aurait dû s'appeler "Harry Potter et les phobies communes". Entre les serpents, les araignées, la forêt interdite, l'amnésie (autant de Ginny que de Gilderoy), les paparazzis, le harcèlement scolaire et les adultes incapables de régler quoi que ce soit, on en tient une belle couche non ?
