N/A : pour des raisons de fluidité de lecture, ma (merveilleuse, adorable et inimitable) bêta a décidé de ne pas mettre de note à la fin. A la place, elle m'a dit de vous souhaiter une bonne lecture en début de chapitre.

Par conséquent, bonne lecture !


Le bruit des pas de Harry sur le sol mouillé résonna dans la salle, suffisamment pour que l'ancien préfet et le serpent tournent aussitôt la tête vers lui.

- Harry ! s'exclama Tom.

Le Griffondor eut le temps de noter que sa voix contenait un étrange mélange de surprise, de curiosité et d'inquiétude. Une combinaison assez éloignée de l'attitude généralement calme et assurée du Serpentard. Toutefois, Harry n'eut pas le temps de poser la question avant que le basilisk émette un sifflement. Le bruit tenait davantage d'une forme d'avertissement envers un intrus qui venait d'empiéter sur son territoire que de l'hostilité pure. Harry s'immobilisa à quelques mètres de Tom et Ginny.

Avant qu'il puisse réaliser son erreur, Harry sentit son regard attiré par la créature, plongea ses yeux émeraude dans les énormes pupilles jaunes et...

Resta en vie. Il avait fermé ses paupières une seconde trop tard et le savait, Myrtille était morte instantanément en croisant le regard du serpent géant. Lorsqu'il rouvrit les yeux et constata qu'il était bien vivant, le Griffondor sentit sa mâchoire se décrocher sous la surprise et son cerveau tenter en vain de lui fournir une explication.

Il entendit Tom pousser un soupir de soulagement, et le basilisk s'arrêta de bouger avant de prendre une posture plus curieuse qu'offensive.

- Mes félicitations Harry, déclara l'ancien préfet avec une touche d'ironie, tu peux désormais être certain que tu es un descendant de Salazar Serpentard.

- Je... Quoi ?

Seuls les descendants directs de Salazar peuvent regarder un basilisk dans les yeux sans mourir, expliqua-t-il. Naturellement, ce n'est pas un fait connu du grand public. L'histoire est un peu longue, mais notre ancêtre commun a fait un pacte de familier avec l'espèce des basilisks, descendants inclus. C'est la raison pour laquelle nous parlons fourchelangue, pour laquelle tous les serpents nous obéissent et pour laquelle le regard du roi des serpents ne peut pas nous tuer.

L'ancien préfet était parfaitement détendu, et Harry dut s'obliger à se concentrer une dizaine de secondes sur sa respiration. Un millier de questions se bousculaient dans son esprit et il ne savait pas par où commencer.

Et pour ne rien arranger, avant qu'il puisse décider de la plus urgente, le basilisk s'inclina respectueusement devant lui.

- Maître. C'est un honneur de te rencontrer enfin.

- Tout le plaisir est pour moi, répondit Harry par réflexe.

Le serpent parut content de sa réponse et darda sa langue à quelques reprises pour humer l'air autour de lui. Lorsqu'il eut terminé, le reptile avait l'air agréablement surpris.

- Ton odeur dégage une puissance ancienne et honorable... tu es un noble descendant du Maître des Serpents. Mon nom est Artémis.

- Artémis ? Tu... tu es une femelle ?

Harry n'avait pas pu contenir son étonnement et entendit Tom étouffer un petit rire en se rapprochant de lui.

- Il y a beaucoup de choses que tu dois apprendre, Harry. Sache que tu n'as rien à craindre d'Artémis, et que tu n'es pas en danger ici. En fait, cette salle est probablement la plus sûre de tout Poudlard pour toi.

- Mais... elle a... je...

- Harry, souviens-toi de tes exercices de méditation, l'aida Tom. Respire, et organise progressivement tes pensées. Ensuite, pose les questions dans l'ordre dans lequel elles viennent, et Artémis et moi feront de notre mieux pour y répondre.

La voix du Serpentard l'aida à se détendre, et il fit exactement ce qu'il lui conseillait. Rapidement, il sentit le calme revenir dans son esprit et commença par répéter à voix haute les faits qu'il pouvait ordonner jusqu'à l'instant présent. Avec un peu de chance, les énoncer les rendrait un peu plus réels.

- Je suis dans la Chambre des Secrets. Avec une basilisk nommée Artémis dont le regard ne peut pas me tuer puisque je descends de Salazar et que celui-ci a fait un pacte avec son espèce. Avec Tom Jedusor, qui est censé être un souvenir datant de cinquante ans enfermé dans un journal. Avec Ginny Weasley, qui est inconsciente par terre après avoir été enlevée.

Lorsqu'il ouvrit les yeux, toujours assez peu convaincu de la réalité de la situation, il vit Tom grimacer.

- Tu étais correct jusqu'à la dernière phrase.

- Comment ça ? Ginny est...

- Elle est vivante, le rassura l'ancien préfet. Elle est sous l'effet d'un sortilège extrêmement complexe qui ne met toutefois pas sa vie en danger dans l'immédiat. Nous avons donc le temps de parler un peu avant de nous occuper de cette petite idiote.

Harry fronça les sourcils. Certes, il ne connaissait pas vraiment la soeur de Ron, mais ce n'était pas pour autant qu'il allait laisser quelqu'un l'insulter sous son nez. Le regard de colère que Tom lança à la petite rousse le rendit toutefois sceptique. Qu'est-ce que Ginny avait bien pu faire pour provoquer la colère du descendant de Salazar ? Avant qu'il puisse poser la question, la basilisk émit un sifflement haineux.

- Cette humaine devrait mourir ! Elle a souillé la volonté de mes ancêtres et du Maître des Serpents !

- Qu'est-ce que tu veux dire, Artémis ? demanda Harry sans comprendre.

Le reptile géant dardait désormais son regard sur la première année qui gisait au sol, et semblait nettement plus furieuse que Tom ne l'était.

- Cette misérable humaine a volé les capacités d'un descendant pour me contrôler !

- Ginny a QUOI !?

Tom soupira lourdement, et fit signe au reptile qu'il allait prendre le relais. L'ancien préfet avait l'intuition que la discussion à venir risquait d'être un peu trop délicate pour être gérée convenablement par une basilisk offensée.

- Artemis dit la vérité, même si la réalité est un peu plus complexe. La soeur de ton... ami, grimaça-t-il, a utilisé mon journal pour jouer le rôle de l'héritier de Salazar.

- Ginny n'aurait pas fait ça ! protesta immédiatement le Griffondor.

- Consciemment, peut-être pas. Mais mon journal est loin d'être aussi inoffensif qu'il en a l'air.

Tom s'assit d'un coup sur le sol, sans se préoccuper de l'eau qui trempait ses robes. Il parvenait de toute façon à rester élégant même en étant assis en tailleur. Le Serpentard indiqua à Harry qu'il ferait mieux de s'asseoir aussi, et celui-ci s'exécuta. Si la discussion était aussi longue, compliquée, et probablement pleine de vérités qu'il n'avait pas envie d'entendre, mieux valait qu'il soit déjà par terre pour les encaisser. Harry sentit Artémis glisser au sol autour d'eux, et une partie de son corps reposer dans son dos. Il eut à peine le temps de s'interroger sur la signification du geste avant que Tom reprenne la parole.

- Comme je te le disais, mon journal est spécial. Je sais que tu t'es rendu compte que même pour un objet ensorcelé, il dispose de capacités nettement plus vastes que la normale.

Harry acquiesça, c'était une réflexion qu'il s'était faite à plusieurs reprises. En jetant un oeil vers Ginny, il remarqua qu'elle tenait le carnet noir dans une de ses mains, serré contre sa poitrine.

- Harry, est-ce que tu sais ce que sont les horcruxes ?

L'air perdu du Griffondor constitua une réponse suffisante, et Tom inspira lentement avant de poursuivre en choisissant soigneusement ses mots.

- Un horcruxe est un morceau d'âme, séparé de l'âme originelle pour être intégrée à autre chose, un objet la plupart du temps.

- Donc un morceau de ton âme est dans ce journal ? résuma le brun.

- C'est exact, répondit Tom en hochant la tête. Pour être précis, ce journal est le premier horcruxe que j'ai créé, il contient tout ce que j'étais pendant mes études à Poudlard, ainsi que la plupart de mes souvenirs après ça jusqu'à... disons jusqu'à un certain point.

- C'est plutôt impressionnant, admit le Griffondor.

- Plutôt, oui, sourit l'ancien préfet. Un horcruxe permet à une personne de ne pas mourir, même si son corps originel est anéanti. Tant que toutes les parties de l'âme n'ont pas été détruites, le sorcier survit.

Le garçon à la cicatrice hocha la tête plusieurs fois pour lui-même, enregistrant les informations. S'il connaissait Tom aussi bien qu'il le pensait, il ne lui avait pas encore tout dit.

- Où est le "mais" ? demanda Harry en relevant la tête.

- Excellente question, le félicita le Serpentard. La survie n'est pas facile pour autant. Enfermé dans ce carnet, je ne peux rien faire tant que quelqu'un ne communique pas avec moi. Et un horcruxe nécessite une condition extrême pour être créé. On ne déchire pas une âme facilement, vois-tu.

- Quelle condition ?

- Le meurtre, répondit Tom laconiquement. Il faut tuer avec l'intention de se détacher d'une partie de son âme. En ce qui te concerne, ajouta-t-il, tu as tout fait pour te raccrocher à la tienne lorsque tu as tué Quirell. Ton âme comporte probablement une cicatrice, mais tu n'en as pas perdu un bout au passage.

Harry sentit ses épaules relâcher une tension qu'il n'avait pas remarqué jusque-là, et se retrouva à s'appuyer légèrement contre le corps d'Artémis au passage. Celle-ci ne sembla pas être gênée, et le brun resta dans cette position. Il était soulagé que son âme soit toujours intacte, mais les mots de Tom le frappèrent soudainement.

- Tu as... créé combien d'horcruxes ?

- Si tu veux savoir combien de personnes j'ai tuées, fit Tom avec un sourire amer, tu peux poser la question directement. Parce que les réponses ne seront pas les mêmes. Mais je te suggère de garder cette partie pour plus tard et de revenir au sujet initial.

- Ginny ?

Le Serpentard hocha la tête.

- Cette... demoiselle, déclara Tom avec un dédain évident, a mis la main sur mon journal au début de l'année. Il faut que tu saches, Harry, que la volonté insérée dans un horcruxe au moment de sa création est une chose complètement différente de la personnalité de l'âme qui l'habite et qui évolue à l'intérieur. Et lorsque j'ai créé cet horcruxe, je n'étais pas exactement animé des meilleures intentions qui soient envers les moldus et tout ce qui y était lié. Je pense que tu devines pourquoi.

Harry grimaça légèrement et hocha la tête doucement. Tom n'avait pas besoin d'en dire plus après tous les souvenirs d'enfance qu'ils avaient partagés. Voyant qu'il était compris, l'ancien préfet poursuivit.

- Ce journal possède la volonté que j'avais à l'époque, et une petite gourde sans cervelle comme cette fille n'avait pas la moindre chance d'y résister, poursuivit le Serpentard. En revanche, elle a profité du fait que je réponde pour constamment épancher sa pathétique absence de vie amoureuse. Crois-moi, à plus de soixante ans de vie au total, je me serais bien passé des émois d'une gamine de onze ans.

Le garçon à la cicatrice ne put retenir un sourire en voyant l'air proprement dégoûté de son ami. Les manies et expressions de son ami lui avaient manqué pendant les semaines sans le journal, et Harry était rassuré de retrouver des éléments de familiarité dans cet environnement improbable.

- Tu sauras d'ailleurs qu'elle est totalement éprise de toi, ou plutôt de l'image de héros qu'elle a de toi.

- Ginny est amoureuse... de... de moi ? s'étouffa Harry. Mais... pourquoi ?

- D'après elle, parce que tu es parfait, répondit Tom en levant les yeux au ciel. Cette gamine n'a pas la moindre idée de qui tu es, de ta vie ou même de ce que tu aimes et de ce que tu n'aimes pas. Elle t'a idéalisé et a passé beaucoup, beaucoup trop de temps à rêver que tu t'intéresses à elle.

Harry était bouche bée. Jamais il n'avait regardé Ginny de cette façon. Il n'y avait jamais pensé. Et même maintenant, l'idée lui paraissait juste bizarre. Il secoua la tête, et laissa Tom continuer.

- Sa volonté que tu la remarques s'est en quelque sorte associée à mon ancienne volonté de nuire aux moldus. Résultat, elle s'est retrouvée à moitié possédée par mon journal, est entrée dans la chambre pour réveiller Artémis – ce que cette dernière n'a pas apprécié – et a jeté son dévolu sur sa première cible après avoir inscrit un message sur le mur.

- Colin, murmura le Griffondor.

- Exact. Un Né-moldu qui te suivait partout et réclamait constamment ton attention. Le profil parfait pour satisfaire les deux parties. Au passage, le chat n'était qu'un accident, ajouta-t-il.

La basilisk avait sifflé de colère au passage rappelant l'épisode oh combien humiliant de sa rencontre avec la jeune Griffondor. Lorsque la porte s'était ouverte, elle avait eu l'espoir d'enfin rencontrer un descendant, le dernier ayant été présent à Poudlard au temps de sa mère, quelques années à peine avant sa naissance. Lorsque son odorat et son instinct lui avaient indiqué que l'humaine n'était pas une descendante, mais qu'elle devait obéir tout de même, la basilisk était entrée dans une colère noire.

- Qu'est-ce qui s'est passé après ? demanda Harry.

- Lorsqu'elle est revenue à elle et a appris que Colin avait été pétrifié, elle a paniqué et cherché à se débarrasser de moi. Naturellement, détruire un horcruxe est une tâche presque impossible, et elle a finalement choisi de s'en débarrasser dans les toilettes des filles... où tu m'as trouvé. J'avoue avoir été très agréablement surpris en apprenant l'identité de mon nouveau propriétaire.

Les deux descendants échangèrent un sourire. La rencontre avait été inattendue pour les deux. Harry prit la suite de l'histoire.

- Elle a dû reconnaître le journal le jour où les première années sont venus réviser avec nous. Le jour où je t'ai posé la question sur les options en troisième année. Après ça, elle a complètement retourné le dortoir pour remettre la main dessus, fit-il en grimaçant. Et après ?

- Après, répondit Tom, elle était folle d'inquiétude à l'idée que tu apprennes ses sentiments pour toi, et encore plus inquiète à l'idée que quelqu'un d'autre parvienne à voler ton coeur. Elle a même envisagé de s'en prendre à Draco, c'est te dire.

Harry manqua de s'étouffer juste en respirant.

- Ginny a pensé que j'étais... que j'étais intéressé par Malfoy ? hoqueta-t-il.

- Dois-je vraiment te rappeler l'épisode de la Saint-Valentin ? se moqua Tom. Je crois que tout Poudlard en a entendu parler.

- Merlin, ce que les gens peuvent être stupides, maugréa le Griffondor.

- À qui le dis-tu, soupira l'ancien préfet. Mais comme tu peux t'en douter, Draco étant l'héritier d'une longue lignée de Sang-purs, il était inconcevable pour mon journal de s'en prendre à lui.

- Mais alors pourquoi Seamus, Hermione et Justin ? demanda Harry. Elle n'a pas cru que j'étais amoureux d'un de ces trois-là quand même ?

- Leur statut de sang à tous les trois étaient compatibles avec la volonté de l'horcruxe. Pour sa volonté à elle... le premier parce qu'il était proche de toi, la deuxième parce qu'elle s'approchait trop de la vérité et était trop proche de toi, et le troisième parce qu'il était au mauvais endroit au mauvais moment et avait lancé des rumeurs sur toi.

Tom s'interrompit un moment, pensif.

- Même possédée, elle savait se faire discrète, admit le Serpentard avec une once de respect. Personne n'a remarqué qu'elle était restée aux toilettes après toutes les autres lorsque le Poufsouffle a été attaqué.

- Et comment elle est arrivée ici ?

L'ancien préfet passa la main sur son front dans un geste las et exaspéré.

- Cette idiote a trop puisé dans les pouvoirs du journal. Et comme elle a à peu près la même résistance mentale qu'un géant sous filtre d'amour, la volonté de mon carnet s'est totalement superposée à la sienne et a enclenché un processus d'échange de vie. Pour que le processus se passe bien, il l'a fait venir ici, où personne n'aurait en théorie pu l'interrompre. C'était sans compter sur Artémis, qui était toujours en colère, et toi qui est arrivé.

Harry passa la main dans ses cheveux, dérangeant un peu plus son indomptable tignasse ébène. La masse d'informations qu'il venait de recevoir était suffisante pour lui donner le tournis, mais un bon nombre de ses questions venaient de trouver des réponses. Cependant, un dernier point dans l'explication de Tom intriguait encore le Griffondor. Son intuition lui disait que le processus n'était pas exactement sans danger.

- Qu'est-ce que c'est que ce processus d'échange de vie ?

- Il s'agit du sortilège complexe dont je t'ai parlé au début. Le morceau d'âme contenu dans le carnet va en sortir pour redevenir une vie à part entière. Toutefois, cette forme de résurrection se fait au prix d'une autre existence, qui s'éteindra pour que je puisse renaître.

- Tu vas tuer Ginny !? s'exclama Harry en se dirigeant vers la soeur de son ami.

Il n'eut même pas le temps de se relever que Tom lui indiquait de se rasseoir.

- J'ai stoppé le processus. Il n'est pas annulé, mais l'échange est mis en pause pour l'instant. Il ne reprendra que si je le décide, ce qui n'est pas mon intention à l'heure actuelle. En revanche, l'annuler sera délicat et requerra ton aide.

- Tu... ne veux pas revenir à la vie ?

Harry n'arrivait pas à croire ce qu'il entendait. Ginny avait lancé sans le savoir un échange magique permettant de ramener Tom à la vie à condition qu'elle meure, et celui-ci l'avait arrêté et était prêt à rester enfermé dans le carnet plutôt que la tuer et renaître ? En dépit de l'aveu de Tom concernant les meurtres qu'il avait commis ?

- Bien sûr que je souhaite revivre, lui confirma le Serpentard avec un regard lourd de sens. Mais je souhaite également conserver ton amitié, et tuer une gamine innocente n'est probablement pas ma meilleure option pour ça, ironisa-t-il.

- Cette misérable créature devrait être honorée de permettre à un descendant de revenir à la vie, siffla dédaigneusement Artémis. Et elle n'est certainement pas digne de s'accoupler avec un noble héritier comme maître Harry.

À la mention du mot accoupler, le brun se sentit rougir de gêne, oubliant même le sarcasme précédent de Tom et la menace de la basilisk sur la vie de Ginny. Très diplomatiquement, l'ancien préfet ne releva pas son embarras, mais laissa un petit sourire entendu flotter sur ses lèvres. Les jeunes âmes innocentes étaient si amusantes à déstabiliser.

Son sourire disparut toutefois rapidement lorsqu'il vit Harry redevenir sérieux. Expliquer que la fille était la responsable involontaire des attaques était la partie de la discussion que l'ancien préfet redoutait le moins. Le vrai test venait maintenant. Tom observa le Griffondor qui lui faisait face. Harry était loin d'être stupide, le simple fait qu'il ait réussi à trouver la Chambre avec le peu d'indices dont il disposait en était la preuve. Mais ce qui lui restait à révéler au jeune sorcier était... conséquent.

Le risque qu'Harry sorte de cette discussion en souhaitant sa mort était également non négligeable. En toute honnêteté, il s'agissait même de la raison principale pour laquelle Tom n'avait pas développé les possibilités permettant de sauver la rouquine. Si Harry faisait mine de vouloir mettre fin à son existence, il pourrait toujours utiliser le moyen de la sauver en échange de sa propre vie.

Tout Serpentard qui se respectait avait toujours au moins un plan de secours, après tout.

- Tom, maintenant que la situation avec Ginny est claire, commença Harry, que je sais que je... que je descends de Salazar Serpentard, et qu'on peut se parler en face à face, il y a des questions auxquelles j'aimerais vraiment que tu répondes.

L'ancien préfet prit une profonde inspiration, se redressa et plongea ses yeux noirs dans ceux de son interlocuteur.

- Je t'écoute.

- Combien d'horcruxes as-tu créés ?

- Six, dont un involontaire.

- Et combien de personnes as-tu tuées ?

- Une trentaine, environ. Sans compter les meurtres que j'ai ordonnés, et les victimes dont j'ignore si elles ont survécu après mon passage, nuança Tom.

- Pourquoi ? Pourquoi avoir tué autant de gens ? Qu'est-ce qu'ils t'avaient fait ?

Tom respira profondément. Harry semblait pour l'instant être uniquement curieux et chercher des explications à son comportement. Son regard indiquait qu'il désapprouvait et condamnait ses actes, mais qu'il lui offrait aussi une chance de s'expliquer et préserver leur relation. Le Serpentard avait la ferme intention de faire de son mieux pour répondre avec honnêteté, mais avait l'intuition que le fragile équilibre maintenu entre eux risquait de voler en éclats.

- La réponse est... assez longue, j'en ai peur, admit le Serpentard. Comme tu le sais, j'ai grandi dans un orphelinat, dans lequel j'ai été isolé dès mon plus jeune âge. Lorsque j'ai appris que j'étais un sorcier, j'ai éprouvé une sensation de liberté assez similaire à celle que tu as pu ressentir. Mais en arrivant dans ce nouveau monde, j'ai vite compris que les mêmes travers y existaient également, soupira Tom. Des créatures réputées ténébreuses étaient discriminées ou chassées sans raison, et même entre sorciers, les luttes de pouvoir se jouaient dès l'enfance. Pour avoir été un Serpentard, j'ai été regardé de travers par les trois quarts de Poudlard. Et pour être un Sang-mêlé, j'ai été isolé au sein de ma propre maison pendant toute ma première année.

- Tu es un Sang-mêlé ? s'étonna Harry.

- Ma mère était une sorcière, expliqua l'ancien préfet avec un légère grimace. Elle est tombée amoureuse d'un moldu, mon père, et lui a fait boire des philtres d'amour à n'en plus finir pour se l'attacher. Ce n'est pas exactement un héritage dont je suis fier.

Le Griffondor hocha la tête, mais son regard ne changea absolument pas. Les statuts de sang n'avaient aucune importance pour lui, Tom le savait, et il esquissa une ébauche de sourire soulagé. Il se retrouvait beaucoup en Harry, avait l'impression de se revoir au même âge pour beaucoup d'aspects. C'était une des raisons pour lesquelles le Serpentard refusait de laisser Dumbledore souiller une si belle âme comme il avait noirci la sienne. Son léger sourire disparut et il reprit son histoire.

- Comme tu peux l'imaginer, je me suis rapidement retrouvé seul, et avec la solitude sont venus l'amertume et un sentiment d'injustice profonde. J'ai commencé à manipuler les gens autour de moi, ce qui est devenu de plus en plus facile avec les années, fit-il avec un sourire séducteur. J'ai appris à jouer de mon charme pour obtenir ce que je voulais, à cacher ma haine derrière des sourires, tout en gravant dans ma mémoire le nom de tous ceux qui me trainaient dans la boue pour ma maison, mon statut de sang, mes origines, et que sais-je encore. J'ai commencé à vouloir changer le monde, pour que plus jamais aucun enfant ne vive ce que j'ai vécu, et pour que personne ne soit mis de côté pour des choses sur lesquelles personne n'a de contrôle.

- Pour ce que ça vaut, c'est un objectif que j'approuve, intervint Harry en s'appuyant davantage contre Artémis. Même si je sens que je ne vais pas approuver les méthodes.

Tom lui offrit un sourire teinté de mélancolie, mais le regard compréhensif du jeune Griffondor reflétait une sincérité indéniable. Harry pouvait comprendre quelles avaient été ses intentions mieux qu'une immense majorité de leurs pairs.

- Après sept années à supporter Dumbledore qui jouait avec mes nerfs comme avec un pantin, poursuivit Tom, j'étais devenu paranoïaque. J'ai fini persuadé qu'avec des hommes comme ce cher directeur aux postes majeurs de la société magique, la seule solution que j'avais était d'imposer ma vision du monde par la force.

Harry frissonna et sentit Artémis presser doucement ses anneaux contre lui, comme pour lui montrer son soutien. L'intuition du garçon à la cicatrice était en train de tirer la sonnette d'alarme à une vitesse inquiétante. Mais il avait dit à Tom qu'il était prêt à écouter ses réponses et son histoire, et il ne reviendrait pas sur sa parole.

- J'ai quitté l'Angleterre dès que j'ai eu mon diplôme, continua Tom d'une voix monotone, et j'ai voyagé pour découvrir d'autres types de magie, rencontrer des créatures, des clans, et réfléchir à un plan pour amener l'Angleterre magique dans un monde d'égalité. Mais lorsque j'ai appris ce qui était arrivé à Grindelwald, j'ai paniqué à l'idée de mourir sans pouvoir achever mon oeuvre.

- C'est à ce moment-là que tu as décidé de créer les horcruxes ?

Le Serpentard hocha la tête en signe d'approbation, et un petit sourire devant la vivacité avec laquelle Harry reliait les différentes informations pour former les bonnes conclusions.

- J'en avais entendu parler à Poudlard dans un livre de la réserve, expliqua Tom, et mon professeur de Potions de l'époque a eu l'amabilité d'approfondir mes connaissances sur le sujet. Bien sûr, ce pauvre Slughorn n'avait pas la moindre idée de mon intention de mettre la théorie en pratique.

L'ancien préfet eut un sourire amusé en repensant à ce fameux diner. Slughorn avait été complètement désarçonné par sa question, mais le Serpentard n'avait même pas eu à négocier cinq minutes pour que l'enseignant cède et révèle tout ce qu'il savait sur ce domaine particulier de la magie noire.

- J'ai donc créé le premier d'entre eux, ce journal que j'avais tenu l'année où j'ai ouvert la chambre. Je suppose que tu l'as compris, ajouta-t-il, mais je suis le responsable de la mort de Myrtille.

Harry inspira un grand coup. Pris par l'histoire, il n'avait pas encore fait le lien, mais constata qu'il n'était pas surpris. Toutefois, concernant ce sujet en particulier, il n'avait qu'une seule question qui avait réellement de l'importance à ses yeux.

- Tu voulais la tuer ?

- Non, répondit le Serpentard sans hésiter. Elle n'était même pas censée être là quand j'ai appelé Cassiopée.

- Cassiopée était ma mère, intervint Artémis. Nous autres femelles basilisks pouvons produire un oeuf sans nous accoupler, afin d'assurer une descendance.

Le Griffondor cligna des yeux, ne sachant pas quoi faire de cette information, mais la rangea dans un coin de son esprit pour plus tard. Pour l'instant, le récit de Tom lui prenait toute son attention.

- Si tu ne voulais pas la tuer, releva-t-il en fronçant les sourcils, pourquoi avoir lâché une basilisk dans l'école ?

- Parce qu'à quatorze ans, j'étais déjà pétri de haine et de mépris pour le monde qui m'entourait, répondit Tom en haussant les épaules. Et parce que tu sauras que les basilisks sont des créatures fières qui ne sont pas aisées à contrôler.

À ces mots, Artémis émit un sifflement approbateur pour appuyer la déclaration. Tom eut un sourire amusé, avant que la suite de son histoire ne jette une ombre sur son visage.

- À l'époque, je ne m'étais pas rendu compte de la cicatrice que la mort de Myrtille avait créé dans mon âme. Au second meurtre que j'ai commis, elle s'est déchirée.

- Qui... qui est-ce que tu as tué pour le créer ? demanda Harry en essayant de maintenir une voix posée.

- Mon père, répondit froidement Tom. Il a abandonné ma mère avant ma naissance quand il a compris qu'elle lui faisait boire des philtres d'amour. Elle est morte pendant l'accouchement. C'est à Poudlard que j'ai découvert que mon père était moldu, après avoir été placé à Serpentard. L'humiliation que j'ai ressentie à l'époque s'est rapidement changée en fureur, puis en haine.

- Parfois, cita Harry dans un murmure, on espère que les sentiments cesseront d'exister si la personne qui en est à l'origine meurt...

Le Serpentard le regarda avec un sourire triste. Il n'était pas surpris de voir le plus jeune se souvenir des mots qu'il avait employés plusieurs semaines auparavant.

- Je vois que cette discussion t'a marqué, fit Tom avec douceur. C'est exactement la raison pour laquelle je l'ai tué. Malheureusement, je n'avais pas anticipé les conséquences de cet acte.

- Quelles conséquences ?

Tom observa le Griffondor pendant un instant. Harry avait l'air de comprendre, et dans une certaine mesure, d'accepter ce qu'il avait fait. Il ne lui pardonnerait sans doute pas ses actions, mais il ne le rejetait pas pour autant. Pas encore. C'était plus que ce que Tom avait espéré à ce stade de la conversation.

- La folie, répondit le Serpentard. Jusque-là, j'avais commencé à rallier des dizaines de familles, de clans et de meutes à ma cause. Je leur avais promis un monde où ils seraient de nouveau égaux, débarrassés des manigances de sorciers comme Dumbledore, et où les Né-moldus apprendraient nos traditions plutôt que l'inverse. Mais après avoir tué mon père... j'ignore exactement ce qui s'est passé, mais quelque chose a basculé dans mon esprit.

Harry pencha sa tête sur le côté, curieux et inquiet. La sonnette d'alarme continuait à retentir dans son cerveau, mais il ne fit pas mine d'interrompre l'autre descendant de Salazar. Enroulée autour d'eux, Artémis écoutait en silence.

- Enfermé dans ce journal, continua Tom, j'ai observé de loin la partie entière de mon âme sombrer dans les ténèbres et commencer à se complaire dans la violence et la torture. Je pense que déchirer mon âme à répétition a augmenté la douleur et l'envie de me venger, de rendre au centuple ce que j'avais subi toute ma vie. À chaque nouvel horcruxe créé, je sentais la raison disparaître un peu plus du corps auquel j'étais relié. J'ai encouragé ceux qui me suivaient à haïr et mépriser aussi bien les moldus que ceux qui se dressaient contre moi, et je me suis érigé en despote.

Le Serpentard jeta un coup d'oeil au Griffondor assis à un mètre de lui. Harry était pâle, et semblait commencer à comprendre où cette histoire allait les mener. Ses poings étaient serrés sur ses genoux, au point que ses phalanges pâlissent sous le hâle naturel.

- J'étais sur le point d'affronter Dumbledore, lorsque la rumeur d'une prophétie a circulé, continua Tom d'une voix aussi neutre que possible. Cette prophétie concernait un enfant né à la fin du mois de juillet, de parents qui se seraient dressés contre moi. Le bruit courait qu'il causerait ma perte. Mon esprit n'était plus que l'ombre de ce qu'il avait été, avec cinq horcruxes déjà créés, et la seule solution qui est apparue aux lambeaux de mon âme principale a été...

- De tuer le bébé et sa famille, acheva Harry dans un murmure.

Tom ne répondit pas. Il n'y avait rien à répondre.

- Tu es Voldemort.

La question qui n'en était pas une avait été presque inaudible. Harry ne le regardait plus, ses yeux étaient fixés sur le sol. Tom leva la baguette de Ginny et se mit à tracer des lettres de feu en face de lui. Harry releva la tête dès qu'il vit la baguette bouger, mais s'immobilisa en voyant ce que le Serpentard faisait.

- Tom Elvis Jedusor. Il s'agit de mon nom complet.

En un mouvement de baguette, il retourna les lettres pour qu'Harry puisse les lire. Avec un autre sort informulé, elles se mirent à bouger et à se réorganiser pour former trois autres mots. Ceux-ci restèrent quelques secondes à flotter avant de se consumer et disparaitre.

- Je suis Voldemort.

Harry songea que l'anagramme était bien trouvée. Son esprit était dans une telle panique que ce fut la seule pensée sur laquelle il parvint à se concentrer plus d'une seconde.

Voldemort. Tom était Voldemort. Harry avait confié sa vie et ses secrets à son ennemi mortel. Non, pas son ennemi mortel, Tom ne voulait pas le tuer. Si, son ennemi mortel, Voldemort avait assassiné ses parents et tenté de le tuer pour une rumeur. Non, Tom était fou à ce moment-là à cause des horcruxes. Est-ce que toute cette histoire était un mensonge ? Non, le Voldemort de l'an dernier, celui qui possédait Quirrell, avait l'air complètement fou.

Tom était... Tom était loyal et compatissant. Mais Tom lui avait menti. Non, pas menti, pas vraiment. Il ne lui avait pas tout dit. Tom l'avait même prévenu qu'Harry n'était pas encore prêt à tout entendre. Voldemort était le Seigneur des Ténèbres, le Mage Noir, Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom, celui que Harry devait vaincre. Tom avait enlevé Ginny. Non, Ginny avait été débordée par la puissance de l'horcruxe. Voldemort allait la tuer comme les autres. Non, Tom était en train de retenir Artémis quand Harry était arrivé. Voldemort avait tué Myrtille, son propre père, les parents de Harry, et des innocents. Mais Tom avait eu une vie horrible. Tom était un meurtrier, non, Voldemort était un meurtrier.

Un maëlstrom de pensées contradictoires, de justifications, de colère, de désespoir, de compréhensions et d'incompréhensions occupa bientôt tout l'espace mental de Harry.