La chaleur de tes bras

Disclaimer: Genshin Impact appartient à MiHoYo, et je ne reçois aucune primo pour cette histoire

Genre: Hurt/Comfort, souvenirs d'enfance, relations ambigües,

Rating: T

Personnages/Couple: Kaeya et Diluc en principaux. Crepus et Adelinde en secondaire.

Résumé: Diluc se souviendrait toujours de sa première rencontre avec Kaeya. A l'époque, ce n'était qu'un pauvre enfant abandonné retrouvé par son père, et déjà, il avait été prêt à partager sa vie avec lui. Est-ce que tout n'était que mensonge, ou Kaeya nourrissait-il un peu de réciprocité envers lui?

Note:Voici le deuxième chapitre du point de vue de Kaeya. Comme vous l'imaginez, beaucoup de chose risque de ne pas être canon dans le futur quand on découvrira le passé de Kaeya (et encore, j'ai écrit ça après la quête de Dainsleif). J'ai voulu creuser un peu plus l'attachement avec Diluc également!

Bonne lecture ^^


S'il n'avait pas été préparé, Kaeya n'aurait jamais pu survivre.

Il avait beau être très jeune, son père s'était appliqué à lui enseigner tous les jours ce qu'il était et quelle était sa mission. Dès qu'il fut en âge de comprendre, d'abord par des métaphores enfantines, puis petit à petit en complexifiant ses propos. Il avait appris à se battra dès qu'il put tenir sur ses deux jambes, et sa première épée lui fut offerte en guise de premier réel jouet. Il ne lui semblait pas avoir eu un véritable souvenir d'enfance non lié à son "destin", au combat ou au passé tragique de ses ancêtres. Jour après jour, il s'imprégnait de cette culture, et apprenait son rôle sans broncher. Cela faisait plaisir à son père. Et c'était tout ce qui comptait pour lui.

Le voyage jusqu'à Mondstadt fut long et pénible, et malheureusement pour lui, les conditions météorologiques désastreuses.

"Parfait." S'était exclamé son père. "Cela l'incitera encore plus à te récupérer, au moins pour une nuit. À toi de te débrouiller pour rester le plus longtemps possible."

Crépus Ravinghdr était un homme riche et puissant au sein de Mondstadt, lié à l'Ordre Favonius sans en faire partie. C'était un point d'infiltration parfait, sans que personne ne se doute de quoi que ce soit. Tout était déjà préparé, tout était déjà prévu; tout reposait désormais sur les capacités de Kaeya à se faire accepter au sein du domaine de l'Aurore. Et s'il n'y arrivait pas, au moins se faire intégrer au sein de Mondstadt. Taire ses origines. Taire sa mission au péril de sa vie. Faire comme si sa vie avant Mondstadt n'ai jamais existé jusqu'au jour promis.

Et surtout, ne jamais trahir ce qu'il était réellement.

"N'oublie jamais la raison principale pour laquelle tu es venue ici." Lui répéta une dernière fois son père en le guidant à travers les vignes. "Les années passeront, mais le moment finira par arriver pour Khaenri'ah. Tu es notre dernier espoir, alors n'échoue pas dans ta mission, d'accord?"

Kaeya avait acquiescé, comme il avait toujours acquiescé à ce que son père lui avait dit. Il avait toujours fait de son mieux pour comprendre son rôle, pour apprendre à se battre, pour apprendre l'histoire de son pays. Jamais il n'avait échoué, son père lui-même disant qu'il était un "prodige". Tout le monde avait loué ses talents et son avenir. Tout le monde avait été fier de lui, et pour un enfant comme lui qui cherchait juste l'amour l'amour et l'attention de sa figure d'attachement, c'était satisfaisant. Il était aimé, du moins c'est ce qu'il pensait. Il avait tout fait bien pour ne jamais décevoir.

Pourtant, alors qu'il voyait le groupe composé de son père et d'autres personnes de son entourage qui l'avaient vu grandir s'éloigner sous la pluie, il sentit une étrange boule se former dans sa gorge. Il retint sa forte envie de quitter le champ de vigne qui l'entourait pour les rejoindre. Il retint ses larmes et ses cris suppliant de le ramener à la maison. Il retint sa peur et son désespoir alors qu'il se retrouva bientôt tout seul, dans l'humidité, le froid et le noir. Il se comporta comme on avait toujours attendu qu'il se comporte. Il était un bon garçon, obéissant, fier et doué.

Alors pourquoi m'ont-ils abandonné?


Heureusement pour lui, ce fut Crepus qui le trouva rapidement avant qu'il ne succombe au froid.

Gelé, pétrifié et en état de choc. L'esprit de Kaeya s'était vidé pour parer à la cruauté de la situation qui lui arrivait, et préserver un semblant de santé mentale. Lorsque l'homme lui parla, il répondit machinalement ce qu'il avait répété pendant des jours. Lorsque le gérant du Domaine le prit dans ses bras pour le soulever, il ne manifesta aucune résistance. Pendant le trajet, il oublia la raison de sa présence et ne pensa qu'à une chose: Il avait froid. Il avait peur. Il était seul. Et son père ne reviendra pas le chercher. Il était livré à lui-même et son sort dépendait désormais d'étrangers qu'il ne connaissait pas.

Et s'ils étaient méchants? Si personne ne voulait de lui? Allait-il être rejeté et condamné à vivre seul dans la forêt, ou comme un vagabond dans les rues de Mondstadt. Il avait beau avoir reçu une éducation à ce sujet, il n'était pas prêt. Il avait besoin de quelqu'un pour s'occuper de lui. Il avait besoin d'être protégé. Il ne voulait pas être seul. Son corps se mis à trembler entre les bras de l'homme qui venait de le récupérer sans qu'il réussisse à se contrôler. Il fallait qu'il se contrôle. Son père l'avait entraîné à ça. Il ne devait pas montrer plus d'émotion que nécessaire, sinon jamais il ne sera accepté, et son père ne reviendra pas le chercher.

Le jeune garçon sentit alors une grande main lui tapoter et lui frotter le dos.

"Ça va aller." Murmura une voix grave d'un ton apaisant. "Je vais te ramener au chaud, tu vas pouvoir te sécher. Ne t'en fais pas, ça va s'arranger."

Kaeya ne répondit rien, retint ses sanglots et serra encore plus l'adulte en espérant au fond de lui que ces mots-là au moins n'étaient pas un mensonge. Il voulait y croire, ne serait-ce qu'un instant, parce que'n cet instant, alors que son père venait de disparaître, cet homme était la seule personne à laquelle il pouvait s'attacher.

Cette pensée l'aida à tenir le coup jusqu'au manoir et à se concentrer sur ce qu'il devait faire pour ne pas échouer dans sa mission.


Comme il s'y était attendu, il n'était pas entièrement la bienvenue, mais les gens de Mondstadt étaient assez généreux pour ne pas le laisser dehors.

Le fait qu'il soit un enfant jouait beaucoup en sa faveur. En revanche, quelque chose qu'il n'avait pas prévu, et dont personne ne l'avait prévenu, était la présence d'un autre enfant au sein de la résidence Ragnvindr. Le fils du riche propriétaire qui l'avait par chance récupéré. Au premier coup d'oeil, Kaeya pouvait dire que Diluc avait une enfance radicalement différente de la sienne rien qu'à son sourire. Il s'exprimait encore de manière très puérile et très innocente. Aucune arrière-pensée ne dictait ses mots, contrairement à tous les adultes présents au manoir. Juste de la bienveillance, de la naïveté et beaucoup trop d'ignorance pour son bien.

Cette pureté qui se dégageait de ses magnifiques yeux carmin était trop pour ce que Kaeya pouvait supporter.

Il se demanda même un instant si le toucher ne serait-ce qu'un instant n'allait pas le salir à vie.

Un frisson le traversa malgré lui, et le garçon à la peau sombre se secoua intérieurement. Ce n'était pas le moment de se laisser distraire maintenant qu'il avait atteint la première étape de son but. Il n'était pas encore sorti d'affaire, à en juger par ce qui se disait entre Crépus et ses domestiques quant à son devenir. Ils semblaient en proie à un dilemme, à savoir le renvoyer ou le garder temporairement, ce qui n'avait rien de surprenant. Il était un étranger venu de nulle part, apparut dans des circonstances douteuses qui plus est, il était tout naturel d'être méfiant.

Si le même scénario se serait produit chez lui, l'enfant aurait été enfermé et mis hors d'état de nuire avant d'être interrogé sur sa provenance. Les Mondstadois avaient le sens de l'hospitalité. Cela finirait par leur jouer des tours, il en serait certainement la preuve vivante. Mais pour le moment, il se devait de faire bonne figure et attirer le moins de soupçons possible sur lui, et sa véritable identité.

Son glanage d'information s'arrêta lorsqu'il fut mené à l'étage par Diluc, et enfermé dans une chambre par une domestique.

C'était décevant, mais il n'y pouvait rien. Désormais seul avec lui-même, au chaud et au sec dans une des tuniques de Diluc, l'état de choc passé, il put réfléchir à tête posée. Il était dans un pays étranger, chez un homme qu'il ne connaissait pas parce qu'il devait s'intégrer au sein de Mondstadt. Son père lui avait dit qu'il resterait ici pendant des années, mais qu'un jour, il reviendrait le chercher, et ce jour-là, ce sera un moment décisif pour l'avenir de leur défunte nation, Kaenri'ah. Cela allait être dur, mais si Kaeya faisait les choses bien, alors il retrouverait son père et son peuple, et ils seront fiers de lui. Et plus jamais ils ne l'abandonneraient.

Il fallait qu'il garde ça en tête.

Les prochaines années n'allaient pas être faciles pour lui, mais à terme, c'était pour retrouver sa famille. On comptait sur lui. Tout le monde comptait sur lui. Il ne pouvait pas les décevoir s'il ne voulait pas se retrouver seul. Après tout, on l'avait entrainé des années durant pour ce moment. Il avait déjà son histoire toute prête dans sa tête; son nom de famille, ses origines, les circonstances de son abandon. Tout cela appris par coeur pendant des semaines, mais un simple détail dans le plan qu'il se devait de suivre à la lettre jusqu'à leur retour. Ils avaient tout préparé pour lui, étape par étape, afin qu'il sache exactement ce qu'il devait faire pendant son séjour à Mondstadt.

Il ne devait pas les décevoir.


Le froid

Les monstres.

Son visage défiguré.

Son oeil gauche le faisait souffrir.

Personne.

Il hurlait.

Personne.

Il tombait.

Personne.

Il agonisait.

Personne.

Tout était de sa faute.

Le destin scellé de Khaenri'ah.

Son peuple corrompu.

Son peuple déchu.

Son peuple mourant.

On lui avait fait confiance.

Et il avait trahi.

Il n'était pas assez bon.

Pas assez fort.

Pas assez intelligent.

Il avait déçu.

Reste où tu es.

Nous ne voulons plus de toi.

Tu as échoué.

Nous ne t'avons jamais aimé.

Nous voulions nous débarrasser de toi.

Tu n'as même pas pu être utile.

Tu es une honte pour ton pays.

Une honte pour ton peuple.

Une honte pour ton père.

Disparaît.


Il y avait beaucoup de choses auxquelles un entrainement physique et psychologique pouvaient préparer après avoir subi un trauma.

Les cauchemars n'en faisaient pas partie.

Kaeya s'en rendit compte lorsqu'il se retrouva dans des draps noyés de sa sueur, son corps figé et son coeur haletant. La pièce dans laquelle il se réveilla était froide et quasiment dans le noir, ravivant avec terreur les visions que son subconscient venait de projeter. Il se retrouva un instant paralysé dans le lit, angoissé à l'idée que ces monstres dont il avait croisé le chemin ne sortent d'un coin plus sombre que les autres. L'enfant prit un instant pour analyser sa situation, les souvenirs encore frais de la soirée de la veille remontant à la surface. Et lui octroyant un coup de poignard quant à l'épouvantable situation dans laquelle il se trouvait en ce moment.

Il était seul avec lui-même, et personne ne viendrait le sauver.

Les larmes lui montèrent aux yeux malgré lui. Il n'y avait plus de place pour ses plans, ou pour ses projections. Seulement la terreur de l'abandon qui le frappa de nouveau, cette fois avec un contrecoup plus violent. Il avait besoin de voir son père. Son père qui était toujours là pour le protéger dans ce monde hostile dont il était originaire. Alors que magie sombre et créature corrompues avaient toujours façonné son quotidien, actuellement, cette chambre luxueuse à peine éclairée par la lueur extérieure d'une lune voilée par des nuages orageux l'angoissait davantage. Il n'avait aucun repère, aucune personne de confiance. Il n'était pas chez lui.

Il avait peur.

Tremblant, il se redressa de sa couche avec une boule au ventre. Impossible de se rendormir comme ça. La soirée lui revint en mémoire, du départ de son père à son arrivée dans sa chambre, en quête de quelque chose qui pourrait l'aider à se calmer. Il lui revint alors. Diluc. Ce garçon de son âge qui l'avait accueilli et prêté sa chemise. Il avait été gentil avec lui. Plus que n'importe quel adulte présent dans ce manoir. Peut-être qu'il accepterait qu'il dorme avec lui. Kaeya voulait juste une présence, la sensation qu'il n'était pas entièrement seul, même si c'était avec un quasi-inconnu.

Diluc... Diluc était différent. Il émanait de lui une chaleur et un réconfort qu'il n'avait jamais connue avant. Quelque chose qui l'attirait, et lui donnait envie de lui faire confiance. Une confiance qu'on lui avait apprit à ne jamais donner à quiconque une fois arrivé dans ce pays, mais il était dans une telle situation de détresse qu'il avait besoin de se rattacher une source de sécurité.

Le garçon à la peau brune trouva la force de quitter son lit et se dirigea vers la porte de sa chambre. Fort heureusement, la domestique ne l'avait pas enfermé à clef. Il se repéra assez difficilement dans le noir jusqu'à la chambre du rouquin, mais là encore, ses heures d'entraînement dans les parties les plus sombres de son pays d'origine l'aidaient à s'orienter. C'est grâce à cela qu'il trouva la chambre de Diluc sans se tromper. Ses coups à la porte furent timides, témoignant de son envie de le réveiller... et de ne pas le déranger.

Diluc devait avoir le sommeil léger, car il vint lui ouvrir en très peu de temps.

Kaeya s'expliqua de manière confuse, priant pour que son homologue soit assez compréhensif pour le laisser rester. Même dormir par terre, il préférait cela plutôt que retourner dans la solitude et l'obscurité de sa chambre. L'enfant aux cheveux rouges en fit bien plus, l'amenant directement dans son lit. Kaeya lui en serait éternellement reconnaissant, et ne voulant pas s'imposer plus qu'il ne le faisait, il pris se recroquevilla le plus proche du mur pour prendre le moins de place possible dans le lit. Malgré lui, les souvenirs de son cauchemar et ses réelles angoisses étaient toujours présents. Il devait juste se concentrer pour être le plus silencieux possible afin de ne pas déranger Diluc.

Alors qu'il était résolu, il sentit une source de chaleur l'entourer, le surprenant au point de stopper ses pleurs bien plus efficacement que ses propres tentatives.

La voix rassurante du garçon remplie de promesse acheva de chasser sa terreur, mais engendra en lui une nouvelle émotion à laquelle il ne s'attendait pas. De la reconnaissance. De l'espoir. Et autres choses qu'il n'arriva pas à décrire. Machinalement, il attrapa les mains de Diluc, comme pour sceller cet engagement de ne pas l'abandonner. Elles étaient douces, et aussi chaudes que le corps de leur possesseur, ien plus agréable que tout ce qu'il put tenir avant. Une douce odeur de pin et de raisin envahit ses narines alors que le corps de son camarade collait le sien. C'était la première fois qu'il était aussi proche physiquement de quelqu'un. Son père ne l'avait jamais pris dans ses bras, à peine lui tapotait-il la tête lorsqu'il était vraiment fier des prouesses de son fils.

C'était si rassurant, si agréable qu'il ne sache pas s'il allait pouvoir vivre sans à partir de maintenant.

Il se laissa bercer ainsi jusqu'à ce que le sommeil vienne le cueillir.


Ils furent réveillés le lendemain par Adelinde qui les convia au petit déjeuner.

Si Diluc fit comme si de rien n'était, se précipitant gaiement vers sa penderie pour enfiler une tenue présentable, ce ne fut pas le cas de Kaeya qui, du fond du lit de Diluc, sentit peser sur lui le regard de la domestique. Le garçon aux cheveux bleus avait appris à décrypter ce genre de regard désapprobateur, pour en avoir beaucoup reçu. Il n'avait rien à faire là. Il avait enfreint les consignes. Il allait sûrement en payer les conséquences. Étrangement, cela ne lui fit pas plus peur que cela. Sans doute parce qu'il ne s'agissait pas de son père, mais d'une femme qui lui était totalement inconnue, et dont l'opinion lui importait peu.

Cependant, c'est en repensant à son père qu'il eut une nouvelle analyse de sa situation.

Autant il se fichait d'agacer une servante étrangère, autant si cela compromettait sa mission, il serait dans une situation délicate. Échouer à cause d'un excès de sentiment. Si son peuple apprenait ça, il ne pourrait plus jamais rentrer chez lui la tête haute, et une nouvelle boule se forma au creux de son ventre. Son regard passa de Diluc qui avait fini de plus ou moins s'habiller à la domestique qui lui fit signe d'en faire de même en lui tendant ses vêtements, désormais secs. Il était soudain beaucoup moins confiant, et appréhenda cette journée.

Il suivit Diluc au pas près jusqu'à la salle à manger. Sur la table, différents aliments étaient déjà disposés; un panier de fruits, un autre de pain avec une motte de beurre, du jus de fruit, mais également de la viande, des oeufs, du fromage ainsi qu'une théière. Crépus Ragnvindr étaient déjà installés en bout de table, une tasse fumante devant lui, un journal en main. Diluc se précipita vers lui sans réfléchir et l'homme l'accueillit avec une embrassade.

"Bonjour père!"

"Bonjour mon petit tournesol! Tu as bien dormi?"

"Très bien!"

Le garçon s'installa à côté de lui et s'empara immédiatement d'un verre de jus et d'un morceau de pain. Bien qu'il y ait une troisième place devant laquelle étaient entreposés des couverts, Kaeya n'osa les rejoindre, ni même s'installer et se contenta de saluer l'adulte timidement de loin. Dans sa tête, il était impossible que le maître de maison et son fils veuillent prendre le petit déjeuner avec un parvenu étranger comme lui dont ils ne connaissaient rien. Peut-être pourra-t-il négocier quelque chose à manger à la cuisinière plus tard contre un service...

"Bonjour Kaeya." Il interpella alors Crepus, interrompant ses pensées. "J'espère que ta première nuit à Mondstadt s'est également bien passée. Je t'en prie, installes-toi. J'espère que le petit déjeuner Mondstadtois te convient, je ne sais pas à quoi tu es habitué dans ton pays d'origine."

Kaeya se sentit pris au dépourvu. Il ne pouvait pas refuser l'invitation de Crépus, quand bien même cela lui semblait improbable.

"Me... Merci..."

Il prit place à côté de Diluc, où les couverts étaient installés, et ne sut quoi faire. Imitant Diluc, il se servit un verre de jus de fruit, attrapa un pain et un morceau de viande en espérant ne pas faire de bêtise. Alors que Dilus avalait son petit déjeuner avec entrain, Kaeya prit son temps, à la fois pour savourer et pour ne pas paraître grossier. Il avait l'impression de faire le meilleur repas de sa vie, tant la nourriture lui paraissait riche en goût. De là où il venait, la nourriture était non seulement rare, mais aussi fade et infâme. Il avait appris à s'y habituer pour ne plus y faire attention, mais maintenant qu'il goûtait quelque chose qui avait connu le soleil et le beau temps, il aurait du mal à s'en défaire.

Il comprenait de plus en plus pourquoi son peuple voulait changer leur situation.

Son appréciation du se lire sur son visage, car l'adulte eut un petit rire qui le fit rougir. C'était étrange pour lui. Diluc qui l'accueillait dans son lit, Crepus à sa table... Il n'était pas habitué à autant de bienveillance. Une partie de lui disait en profiter tant qu'il en avait la possibilité, car une fois à l'extérieur de ce manoir, livré à lui-même, il allait certainement devoir se battre pour trouver de la nourriture et un toit. Peut-être pourrait-il négocier pour rester ici en tant que domestique. Diluc semblait l'apprécier, et il était assez débrouillard pour quel n'importe quelle tâche lui convienne.

Une fois le petit déjeuner finit, Diluc voulu l'emmener avec lui jouer dans les vignes.

"Diluc, ma luciole, j'aimerais parler un instant avec Kaeya. Il te rejoindra plus tard."

"Oh d'accord..."

Depuis son arrivée, Kaeya avait noté chez Diluc cette étrange insolence passive que tous les adultes semblaient lui pardonner. Il se manifestait par des moues boudeuses et la voix laissant clairement transparaître son agacement avec laquelle il répondait. Même si ce n'était pas un réel manque de respect, plus une expression de puérilité propre à son âge, le garçon aux cheveux bleus n'aurait jamais osé faire la même chose avec son propre père, ou quiconque d'autres chez lui de plus âge. Il ne connaissait que trop bien les conséquences de l'insubordination.

"Je t'attends devant la porte, Kaeya!"

Une fois la petite tête rouge partie, Crépue reporta son attention sur le jeune étranger.

Maintenant qu'il n'y avait plus d'oreille innocente pour les écouter, il se doutait que la conversation serait beaucoup moins filtrée. Cet homme avait beau avoir l'air plus gentil que ce à quoi il se serait attendu, il restait néanmoins assez intelligent. Kaeya savait que c'était le moment pour mettre à profit toutes les étapes de préparations par lesquelles il était passé pour son arrivée à Mondstadt. Il se devait d'être le plus convaincant possible, et il savait qu'il n'aurait pas de deuxième chance. C'était une grosse pression à supporter, mais il s'était entraîné pour ça aussi. Il n'échouerait pas.

L'homme reposa son journal et croisa les bras.

"Donc, Kaeya, pour que nous puissions retrouver ton père, je vais avoir besoin que tu m'aides et que tu me dises tout ce que tu sais."

"D'accord."

"Très bien, alors son nom et son prénom."

Le garçon sortit la fausse identité qu'on lui avait demandé de donner lorsqu'on lui poserait cette question.

"Comment s'appelle la ville d'où tu viens?"

Là encore, Kaeya sortit le nom d'une ville qu'on savait exister, mais qui était dans une contrée lointaine dont seuls quelques voyageurs aguerris pouvaient attester de l'existence. Suffisamment plausible pour qu'on le croit, sans qu'on ne puisse soupçonner un mensonge étant donné le peu de renseignement sur la localisation. Techniquement, cela correspondait à ses véritables origines: un lieu reculé dont seuls quelques élus ont pu voir quelques facettes. Avant de se faire capturer et de disparaître.

Crepus haussa un sourcil perplexe à ce nom qui ne lui disait rien. Kaeya s'y attendait. Il allait sûrement se renseigner plus tard auprès de connaisseurs pour vérifier l'exactitude de ses propos.

"Est-ce que tu sais pourquoi ton père t'a laissé ici?"

Le moment était arrivé. La partie la plus cruciale de son histoire. Il prit intérieurement une grande respiration, se préparant à la fois au texte, mais aussi à l'intonation de sa voix ainsi qu'à ses mimiques afin d'être le plus crédible possible.

"Il a dit... Il a dit qu'il était désolé... Qu'il n'avait plus assez d'argent pour me garder... Je... Depuis que maman est partie, il dit que ce n'est plus pareil... Je ne sais pas pourquoi il dit ça tout le temps..."

"D'accord, ça va aller." Fit Crepus d'un ton plus doux et rassurant. "Pour quelle raison êtes-vous venus à Mondstatd?"

"Papa... Papa est marchand... Mais personne ne veut acheter ce qu'il vend, alors il essaie toujours d'aller plus loin... Je n'ai pas vu la maison depuis si longtemps et maintenant... Est-ce que je vais revoir ma maison un jour? Est-ce que je retournerais là-bas un jour? Et revoir mon papa?"

Étrangement, la dernière partie ne lui demanda aucun effort, de même que ses sanglots et sa voix tremblante. Il ne se souvenait pas avoir prévu cela dans son scénario, ni le fait qu'il n'improviserait à ce point. Était-ce normal qu'il soit si engagé dans son simulacre que son coeur commençait à se serrer malgré lui, et que les larmes lui montaient réellement aux yeux? Il serra les poings sur ses genoux en essayant de se reprendre, ses yeux baissés par peur de voir l'expression dans ceux de l'adulte. Il ne devait pas échouer en se laissant emporter par ses émotions, mais c'était plus fort que lui: parler de sa situation lui renvoyait ce sentiment d'abandon de la part de son père dont il n'arrivait pas à se défaire malgré tout ce qu'on lui avait inculqué.

"Pourquoi il m'a laissé... Pourquoi il m'a abandonné... Maintenant je suis tout seul... Ici... Loin de chez moi!"

Il s'essuya grossièrement le visage avec la manche de sa chemise dans une vaine tentative de rester présentable, mais c'était peine perdue. Les larmes coulaient toutes seules, et elles n'étaient pas prêtes de s'arrêter. Un tissu blanc passa dans son champ de vision, et il se rendit compte en relevant la tête que l'homme lui tendait un mouchoir. Il accepta le présent avec reconnaissance, et put se calmer légèrement après avoir essuyé son visage.

"Désolé, je ne voulais pas remuer ces souvenirs douloureux." Déclara Crepus avec une légère culpabilité. "Ne t'inquiète pas, tu peux rester ici le temps que je m'informe sur ton père et que nous trouvons une solution, d'accord."

Kaeya acquiesça, soulagé de ne pas avoir échoué à cause de ses états d'âme.

Il avait un peu de sursis, sûrement quelques jours avant que le propriétaire du Domaine de l'Aurore n'ait ses renseignements. Une fois que ce sera fait, il se rendra compte qu'il n'y aura aucun moyen de retrouver son père, et que Kaeya était réellement livré à lui-même. À ce moment-là, il devra faire un choix entre garder l'enfant sous son toit, ou le renvoyer à Mondstadt pour être pris en charge par des gens plus compétents. Mais l'idéal serait de trouver un moyen de rester ici, et pour cela, il fallait qu'il mette à profit ces quelques jours pour s'intégrer afin de légitimer sa présence. Peut-être que Diluc pourrait être un bon intermédiaire...

Cette pensée remua étrangement en Kaeya un sentiment inconnu jusqu'ici.

Diluc était si gentil avec lui que l'idée de se servir de lui pour arriver à ses fins le faisait se sentir mal. C'était pourtant ce qu'on lui avait appris: utiliser toutes les ressources possibles et disponibles une fois sur place pour s'intégrer. Et de ce point de vue, Diluc était une formidable porte d'entrée, d'une part parce qu'il l'appréciait déjà, mais surtout parce qu'il était le fils de celui qui avait le pouvoir de décider. Mais Kaeya n'arrivait pas à le voir comme le fils de Crepus Ragnvindr et le futur héritier de l'héritage viticole de sa famille, en faisant un personnage important à avoir de son côté.

Non, pour Kaeya, Diluc était avant tout... Diluc.

Un enfant de son âge qui l'avait accepté au premier regard sans le juger, et sans le traiter comme l'étranger qu'il était. Peut-être qu'il faisait une grosse erreur en commençant déjà par faire des exceptions durant sa mission, mais il se retrouva incapable de se servir de Diluc, même pour la plus petite chose. Ainsi naquit une étrange promesse qu'il se fit à lui-même: Ne pas impliquer Diluc dans sa mission, de près ou de loin. S'il devait se faire accepter dans ce manoir, alors Kaeya se débrouillerait de lui-même.

Il scella ce pacte avec lui-même alors qu'il rejoignit le jeune garçon qui l'attendait sagement sur les marches extérieures menant à la porte d'entrée avec un grand sourire.