La chaleur de tes bras

Disclaimer: Genshin Impact appartient à MiHoYo, et je ne reçois aucune primo pour cette histoire

Genre: Hurt/Comfort, souvenirs d'enfance, relations ambigües,

Rating: T

Personnages/Couple: Kaeya et Diluc en principaux. Crepus et Adelinde en secondaire.

Résumé:Le temps passe petit à petit au manoir Ragnvindr, et Kaeya se rapproche de plus en plus de Diluc. Voyant leur relation s'approfondir, Crepus y apporte une réponse appropriée.

Note: Et voilà enfin ce chapitre 4! Il y a des choses que j'aurais voulu mettre dedans qui vont se retrouver au chapitre 5, du coup je préfère vous prévenir: le prochain chapitre sera classé T pour Teenager ;)

En attendant, je vous laisse apprécier ce chapitre!


Cela faisait un mois que Kaeya était arrivé au manoir Ravgnvindr.

Crepus, comme tous les autres adultes présents, avait pensé que la patience et la générosité de Diluc, aussi gentil soit-il, se soit épuisée après avoir partagé autant de temps avec Kaeya. Et pourtant, force est de constater que ce fut l'inverse. Il se décalait de lui-même à table pour faire de la place au jeune homme, il avait aidé à déplacer ses affaires afin qu'ils puissent construire le lit de Kaeya de l'autre côté de la chambre et il avait même fait du tri dans ses jouets afin de donner ceux qui l'intéressaient le moins à son compagnon de chambre. Une distinction bien inutile puisqu'ils avaient finit par mettre en commun étant donné qu'ils jouaient ensemble la plupart du temps.

Bref, loin de s'en être fatigué, Diluc avait totalement intégré Kaeya à sa vie actuelle, comme s'il en avait toujours fait partie.

Ils avaient également été plusieurs fois à Mondstadt afin d'acheter des vêtements à Kaeya. Le jeune homme se souviendrait toujours de sa première visite de la ville. Il était monté à l'intérieur de la calèche qu'ils prenaient de temps en temps pour se déplacer dans la région. Diluc adorait être dedans, car c'était pour lui synonyme de sortie en ville, et donc forcément d'une journée inoubliable. Le simple fait de ne pas avoir à marcher pour se rendre d'un point à un autre suffisait déjà au jeune étranger à sentir qu'il vivait quelque chose de spécial. Il se tint sage durant tout le voyage, contrairement au garçon aux cheveux rouges qui passait son temps à faire des allers retours aux fenêtres pour guetter le moment où ils arrivaient. Il réussit à convaincre Kaeya de le rejoindre lorsqu'ils s'approchèrent du grand portail.

Kaeya comprit alors pourquoi Diluc louait la grandeur de la ville.

Un chevalier de Favonius gardait l'entrée, mais se contenta de les saluer poliment en reconnaissant le transport de maître Crépus. Quand l'enfant aux cheveux bleus posa le pied sur le sol urbain, tous ses sens se mirent en alerte. La vue des grandes maisons, l'odeur de la viande cuite qui lui ouvrit l'appétit, le son du fer et des gens qui marchent sur le pavé, le toucher de la pierre. Ses premiers moments à Mondstadt aux côtés de ceux qui l'avaient recueilli. Il se laissa guider jusqu'aux différentes boutiques de vêtements accessoires, et même de jouet pour les féliciter, lui et Diluc, d'avoir été sages pendant la journée. Kaeya ne comprit pas tout de suite en quoi son bon comportement méritait une telle récompense, lui habitué plus au bâton qu'à la carotte, mais il accepta avec gratitude.

En revenant ce soir-là, Adelinde l'avait remarqué lorsqu'il s'était présenté à elle accompagné du jeune maître Diluc, son visage abordant une expression aussi pareillée que leurs vêtements: celle d'un enfant heureux.

Et au fur et à mesure du temps, cette expression devint de plus en plus courante, parfois imitation des expressions de Diluc, et parfois un sincère bonheur, même s'il était passager. Car malgré tout, Kaeya ne pouvait oublier si facilement, ni son abandon, ni les raisons de ce dernier, et ils étaient encore la cause de cauchemars fréquente. Pendant ces nuits-là, il rejoignait à pas de loup le lit de son compagnon de chambre pour y chercher autant de réconfort qu'une simple présence rassurante. Parfois il réussissait à rester assez discret pour ne pas le réveiller, et parfois il n'y arrivait pas, et il était accueilli par une petite voix douce qui lui faisait une place.

Dans tous les cas, il se réveillait le lendemain avec des bras pâles qui entouraient son corps, une source de chaleur collée contre lui. Et la sensation d'avoir eu un sommeil paisible où ses démons intérieurs furent temporairement chassés. C'était sans doute pour cela que le matin était son moment préféré de la journée. Un moment où il était tout seul avec le garçon aux cheveux flamboyants, plus proche physiquement de lui qu'il ne pouvait l'être le reste du temps. C'était un moment intime et privilégié qui lui donnait le courage et une raison de tenir jusqu'au soir malgré son futur incertain.

Cependant, Kaeya essayait de ne pas prendre l'habitude de dormir avec Diluc, car il savait ce que les adultes pensaient d'eux, et surtout de lui.

"Je n'aurais jamais pensé que le jeune maître Diluc reste attaché à lui aussi longtemps. Je me demande combien de temps encore durera cette lubie..." Avait marmonné une domestique.

"Maître Crepus ne devrait pas céder à tous ses caprices... Accepter de recueillir un étranger juste parce qu'il s'en est fait un 'ami' ! Imaginez s'il avait fait ça avec tout le monde! Toutes les bestioles, les vagabonds qui auraient envahi le manoir!"

"Nous ne pouvons pas aller contre la volonté de notre Maître tant que le garçon ne nous pose pas de problème. Au moindre dérangement, nous le renverrons d'où il vient!"

"De toute façon, je garde toujours un oeil sur lui lorsqu'il est proche d'objets de valeur..."


Depuis trois mois, Kaeya dormait dans la demeure de maître Crepus.

Si au début, il avait su occuper ses journées comme il le pouvait à se rendre utile, tout du moins, ne pas déranger, le patriarche Ravingndr avait dû rapidement admettre que s'il ne lui attribuait pas de tâche domestique, il allait difficilement pouvoir justifier sa présence. Et même pour le garçon, cela devait être frustrant de passer son temps à se tourner les pouces dans un endroit aussi isolé. Encore une fois, c'est Diluc qui vint fournir une solution, proposant avec son naturel qu'il suive les mêmes cours que lui par ses professeurs particuliers. Après tout, qu'est-ce qu'un ou deux élèves pouvaient bien changer pour eux? Et cela pourrait peut-être permettre au garçon étranger de mieux s'intégrer.

Avec la promesse faite par l'enfant aux cheveux flamboyant de l'aider à rattraper les bases pour réussir à suivre, Crepus accepta de prendre en charge l'éducation de Kaeya.

Sans surprise, ce dernier comprit très vite ce que Diluc lui expliquait. Il apprit à lire et écrire les bases de la langue locale en un mois, et l'histoire de Mondstadt fut particulière aisée à retenir car son instructeur personnel en parlait avec beaucoup de passion. Il du feindre une méconnaissance totale du calcul et de la logique, car il se rendit compte que le niveau qu'apprenait son compagnon était extrêmement inférieur. Ce fut surtout l'apprentissage de la topographie, la faune et la flore de la région qui lui posèrent soucis, car il n'avait aucune notion de ce que pouvait même être le fonctionnement d'une végétale ou d'un animal, étant donné que son lieu d'origine ne comptait rien de tout ça.

Cependant, il réussit à rattraper suffisamment son retard pour que son premier cours ne soit pas dépourvu de sens.

Diluc avait en tout quatre professeurs: trois pour son éducation théorique, et un qui le formait aux armes. Il va sans dire que Kaeya n'avait pas accès à ce dernier, mais il avait finit par faire tolérer sa présence durant les séances d'entraînement. Le maître d'armes était un homme assez mûr, aux traits fatigués, mais avec encore une certaine force de caractère. Crepus avait insisté pour que son fils s'entraîne à l'épée le plus tôt possible afin d'être prêt à rentrer au sein de l'Ordre Favonius, et pour cela, il avait cherché l'entraineur au meilleur potentiel de tout Mondstadt. Le problème, c'est que le meilleur avait déjà deux erreurs de placement dans sa position, et donnait des conseils inutiles, voire contre-productifs à son apprenti.

Kaeya l'avait vu au premier coup d'oeil, mais il se garda bien de révéler une information qui pourrait totalement trahir ses origines.

Il ne put néanmoins s'empêcher de glisser quelques conseils à son compagnon de temps à autre lorsque ce dernier se plaignait de la dureté et la non-progression de son initiation au fer. Il savait que quelqu'un comme Diluc ne relèverait pas la raison de ces conseils, et en effet, il les suivit aveuglément. Il ressortit de chaque séance plus habile et formé qu'il ne l'aurait jamais été, et prit rapidement les bases. Son maître d'armes trouva cela suspect, mais n'en fit jamais part à maître Crépus pour ne pas attirer le regard sur ses propres limites et perdre son travail. Après tout, tant que le jeune maître progressait, tout le monde était content, et lui pouvait profiter d'un revenu aisé.

Surtout Diluc qui se mis en tête de vouloir s'entraîner avec Kaeya car il était à ses yeux un bien meilleur professeur que son maître d'armes.


Bientôt neufs mois que Kaeya partageait la chambre de Diluc.

Sa promesse de ne pas dépendre de lui pour dormir fut rapidement oubliée après la répétition de ses mauvais rêves qui mélangeaient souvenirs d'une ancienne vie et angoisse de la nouvelle. Il voulut se fixer la limite d'une fois par semaine à rejoindre le garçon aux cheveux rouges dans son lit, mais ce dernier ne l'aidait vraiment pas à respecter son quota. N'importe qui à sa place aurait finit par refuser, par manque de place, envie d'intimité ou tout simplement d'une nuit tranquille. Mais pas Diluc. Diluc n'avait jamais une seule fois exprimé son mécontentement à partager son lit avec Kaeya.

Au contraire, il semblait presque déçu les (trop) rares fois où cela ne se produisait pas.

Et pour cause, Kaeya le soupçonnait d'apprécier bien plus qu'il ne l'avouait sa présence, pour une raison qui lui était inconnue.

Ce n'était pas seulement lorsqu'ils dormaient ensemble, mais plusieurs fois dans la journée ils se retrouvaient main dans la main sans même y faire attention. En se promenant, pendant leurs cours lorsque leur prof ne regardait pas, sous la table à l'heure de manger, leurs doigts étaient innocemment enlacés, la chaleur de l'un profitant de la froideur de l'autre. Diluc aimait aussi beaucoup enlacer Kaeya lorsqu'ils étaient tous les deux installés quelque part, soit pour se cacher, soit pour simplement se détendre. Parfois il reposait sa tête sur son épaule. Parfois il invitait même le garçon à la peau mate à poser sa tête sur ses genoux. Au début réticent, ce dernier y avait pris goût, comme il avait pris goût à beaucoup d'autres choses.

Les repas complets, les vêtements propres, les paysages verdoyants, la nourriture avec du goût, le fait d'avoir une vraie couche pour dormir, l'absence de danger la nuit, et bien sûr, le fait d'être entouré de véritables humains.

Parfois, il se prenait à oublier complètement ses origines, les raisons de sa présence et se considérer réellement comme quelqu'un faisant partie du manoir. Surtout lorsqu'il était seul avec Diluc. Dans ces moments-là, il ne voyait plus Mondstadt, il ne voyait plus le domaine de l'Aube, il ne se voyait même plus lui-même. Il voyait juste un ange qui rendait son existence aussi douce que la plus sucrée des fleurs sucrantes. Enfermé dans leur monde, il avait l'impression de n'être qu'un nuage éclairé par les rayons du soleil. Paisible, endormi et insouciant du moindre évènement extérieur, alors que la petite voix fluette le berçait d'histoires et d'anecdotes qu'il écoutait d'une oreille attentive.

Cette complicité n'avait pas échappé à Crepus bien sûr.

Si la relation fusionnelle entre les deux enfants fut au départ sujet à méfiance et discussion, aujourd'hui elle inquiétait autant qu'elle attendrissait. Une partie des domestiques avaient cédé à l'usure du temps et de la routine, intégrant la présence de Kaeya comme faisant désormais partie de la vie du Domaine de l'Aube, en tant que compagnon du jeune maître. Une poignée d'entre eux émettait encore des réserves, moins vis-à-vis du potentiel risque que représentait l'enfant d'origine étrangère, mais plutôt sur la signification de cette étrange relation. Diluc avait toujours été un enfant vif et gentil, et il n'avait pourtant jamais réussi à créer de lien avec les autres filles et garçons de son âge, alors cet attachement suscitait forcément des soupçons.

Certains avaient peur que cette dépendance aille trop loin, surtout si Kaeya était voué à quitter le domaine de l'Aube sitôt qu'il sera capable de se débrouiller seul.

Et ce moment arrivait bien plus vite qu'on ne le pensait.

"Maître Crepus, que comptez-vous faire concernant le jeune Kaeya?" Demanda Adelinde d'un ton neutre tandis que son supérieur regardait par la fenêtre les deux enfants s'amuser dans les vignes.

Ce dernier se retourna vers son employée avec une expression assurée sur ses traits matures.

"Le jeune Kaeya semble très bien s'adapter à la vie de ce manoir, vous ne trouvez pas?"

"Si Monsieur..."

"Diluc semble l'avoir intégré aussi. Lui qui a toujours été fils unique, il a pourtant acquis un sens du partage."

"C'est un gentil enfant."

"Oui... Mais il est fragile." Répondit le patriarche Ragnvindr. "Non physiquement, au contraire. Mais émotionnellement, il est comme les ailes d'un papillon. Il n'a jamais connu sa défunte mère, il n'a jamais eu d'ami et malheureusement... J'ai beau l'aimer, je ne peux me détacher que rarement de mes fonctions pour lui donner toute l'affection dont il a besoin."

Adelinde écouta attentivement en hochant la tête, car elle était au courant de tout cela. Elle avait pris ses fonctions lorsque Diluc avait eu quatre ans, et à l'époque déjà, il lui avait semblé spécial. Assez réservé, assez timide, mais débordant d'une générosité sans pareil. Il avait fait quelques caprices, bien sûr, mais ces derniers avaient toujours été justifiés par son manque de relations. Élevé dans la dentelle, une cuillère en argent dans la bouche... Mais si seul. Et pourtant, il avait été assez compréhensif pour ne pas faire payer les adultes, restant toujours obéissant et facile à vivre malgré son manque d'affection.

Tout le monde dans le manoir aimait Diluc, et c'est bien pour ça que beaucoup avaient été méfiants vis-à-vis de Kaeya au départ.

"C'est peut-être pour cela qu'il ressent beaucoup plus ses émotions que nous." Continua l'homme d'une voix réfléchie. "Quand il est triste, quand il est en colère ou quand il est heureux, c'est comme une petite braise que vous ravivez avec une simple goutte d'alcool. Je pense qu'il a besoin de quelqu'un à ses côtés qui puissent l'aider à tempérer ses émotions. Quelqu'un au sang-froid qui a autant besoin de lui, qu'il n'a besoin de cette personne. "

"Monsieur..."

Personne ne pouvait nier que le jeune Kaeya avait un effet apaisant sur Diluc, peut-être parce que ce dernier se laissait aller à tout ce qu'il ressentait avec lui. Tout ce qu'il n'avait pas le droit d'exprimer en public, il le partageait sans aucun filtre comme un trésor avec son compagnon. Compagnon qui au contraire semblait à peine comprendre le concept d'émotion, comme s'il n'avait quasiment rien pu ressentir depuis qu'il était né, et qu'il apprenait avec le garçon flamboyant une palette de sentiments qui lui étaient jusqu'alors interdits. Apprendre et transmettre dans un équilibre quasi parfait.

Pour Crepus, rien n'importait plus que le bonheur de son fils.

"J'ai pris ma décision, Adelinde."

La jeune femme ne pouvait pas dire grand-chose de plus, puisque cela ne la regardait plus. Il s'inclina poliment puis pris congé, laissant Crépus savourer son verre de vin en surveillant les enfants depuis la fenêtre. La bouteille était encore fraîchement ouverte sur son bureau, quelques papiers traînant non loin. Parmi eux, un formulaire d'adoption officielle, déjà remplis et signé.


Un an que Kaeya faisait partie de la famille Ragnvindr.

Les choses n'avaient pas vraiment changé, à part peut-être le fait qu'il commençait un peu à rattraper Diluc en taille, même si demeurait une différence de deux centimètres. Une différence qui ne se voyait pas vraiment, car Kaeya avait toujours tendance à s'effacer derrière Diluc dès qu'ils étaient en public. Ce dernier prenait son rôle de "grand frère" très au sérieux, n'hésitant pas à se faire son porte-parole lorsqu'il hésitait à demander quelques aux domestiques qui avaient encore, pour certain, du mal à accepter le fait qu'un étranger inconnu devienne soudain membre de la famille Ragnvindr, et donc quelque part, leur jeune maître aussi.

Le garçon aux yeux de glace avait conscience que la décision de Crepus n'allait pas faire l'unanimité, et lui-même avait encore du mal à le croire parfois. Il s'en souvenait encore, c'était le jour de son anniversaire (fictif), ils avaient préparé un gâteau exprès et fêté ça dans la salle de vie. C'était la première fois que Kaeya goûtait ce genre d'aliment, et comprit pourquoi Diluc était tant excité. Car lui aussi avait eu une expression de surprise lorsqu'en guise de cadeau, son père posa une grande enveloppe sur la table à destination de Kaeya. "C'est ton cadeau" fut son explication, alors l'enfant ne put que prendre l'enveloppe pour regarder ce qu'il y avait dedans.

Il du la relire deux fois avant de fondre en larmes, tout tremblant.

Diluc, curieux et inquiet l'avait lu par-dessus son épaule, et avait explosé de joie en le prenant dans ses bras, criant à quel point c'était génial, qu'il faisait partie de la famille désormais, et qu'ils allaient pouvoir rester ensemble pour toujours grâce à ça. Kaeya l'avait entendu à moitié, encore choqué et ému. Une partie de lui était heureuse d'être accueilli dans une nouvelle famille, d'avoir trouvé un père qui le voulait. Mais cette autre partie de lui dont il avait de plus en plus honte lui rappelait la trahison qu'il était en train de commettre en s'infiltrant ainsi au sein de la famille Ravingndr qui ne connaissait finalement rien de lui.

Le pire était sans doute qu'il ne savait pas envers qui se destinait cette trahison.

Par la suite, il avait compris qu'il ne s'agissait pas d'un simple nom sur un bout de papier. Crepus l'avait toujours traité avec autant d'égard que son propre fils, et cet acte d'adoption ne faisait qu'officialiser les choses. Il avait toujours amené Kaeya avec lui lors de ballades dites "en famille". Il avait toujours passé du temps avec les deux garçons lorsqu'il racontait ses journées et ses histoires. Il venait les voir tous les deux pour leur souhaiter bonne nuit chacun leur tour. Il les portait tous les deux lorsqu'il voulait faire un câlin. À bien des égards, Crepus s'était plus comporté avec lui en véritable père en quelques mois, que son propre père durant sa vie entière.

Mais encore une fois, Kaeya savait que ça n'aurait pas pu être possible sans Diluc.

Et malgré tout le bonheur qui l'habitait, notamment parce qu'il pouvait rester aux côtés de Diluc, il se sentait illégitime. Et cette sensation d'usurper sa place se faisait ressentir lorsque ces personnes lui rappelaient sa condition d'étranger. Et même si la méchanceté était parfois présente, Kaeya se retrouvait incapable de leur répondre, parce qu'il savait qu'ils avaient raison. Que ce soit cette femme de chambre qui glissait insinueusement une remarque sur son sang qui ne sera jamais noble, où des gamins de Mondstadt qui venaient l'insulter sur sa couleur de peau et la forme de ses yeux. Ils avaient raison: il n'était qu'un usurpateur.

Il ne serait jamais un Ragnvindr. Et il ne serait jamais Mondstadtois.

Pourtant, Kaeya n'arrivait pas à totalement s'y résigner quand Diluc prenait alors sauvagement sa défense. Il l'avait rarement vu en colère, mais ces rares fois où ça se déroulait concernaient toujours les attaques des gens envers son désormais petit frère. Mais ce qui touchait Kaeya était moins sa fureur que ses larmes lorsqu'une fois seul, il avouait que cela le blessait d'entendre des inconnus le bafouer ainsi. Le garçon aux cheveux bleus le prenait alors dans ses bras, le rassurant sur le fait que ça ne le touchait pas, et qu'il était juste heureux d'être avec lui. Et Diluc pleurait davantage, parce qu'il n'était pas censé être celui qui devait être réconforté.

La sensation de dégoût que Kaeya éprouvait envers lui-même se décupla lorsqu'il se rendit compte que les larmes de Diluc lui faisaient plaisir.


Cela faisait 3 ans depuis ses premiers pas dans ce manoir.

Désormais, la demeure n'avait plus aucun secret pour Kaeya; la moindre chambre, le moindre placard, le moindre débarras, la moindre vigne, le moindre arbre. Il avait tout visité, tout exploré, tout recensé en compagnie de Diluc. Le temps aidant à trouver ses marques et à faire intégrer sa présence en tant que fils adoptif de Crepus Ravingndr, il n'avait désormais plus de retenue à faire les 400 coups avec Diluc. En fait, les domestiques avaient désormais tendance à lui faire confiance, étant normalement le plus sage et le plus tranquille des deux, ils comptaient sans doute sur lui pour veiller à ce que les jeux n'aillent pas trop loin. Et il est vrai que le nombre de bêtises de Diluc avait diminué depuis qu'il passait du temps avec Kaeya.

Et si bien sûr, une partie était due au fait qu'ils passaient plus de temps ensemble, l'autre explication venait tout simplement que Kaeya était plus doué que Diluc pour dissimuler leurs délits.

Mais force est d'admettre qu'ils avaient aussi bien grandi tous les deux, faisant désormais la même taille. Habillés de la même manière et étant toujours ensemble, même pour les taches les plus simples, leur silhouette pouvait presque être confondue si leurs cheveux ne les distinguaient pas. Ceci, et un détail non négligeable: l'oeil divin de Diluc. Le jour où il le reçut, Kaeya n'était pas présent, mais son père oui. Ils étaient tous les deux sortis du bureau où ils avaient eu une discussion à propos du futur de Diluc au sein de l'Ordre Favonius, euphorique au cadeau envoyé des dieux. Ce jour-là, une grande fête fut organisée au sein du manoir Ragnvindr où tout le monde était invité.

Un oeil divin pyro.

Kaeya trouvait que cela lui sied à merveille.

Mais malgré ce gage de reconnaissance divine, Diluc ne gagna ni arrogance, ni vanité, et se promenait avec son présent attaché à la ceinture, comme ça aurait pu être n'importe quel bijou. La seule chose qu'il voyait, c'est que la maîtrise du feu pourrait lui permettre de faire plus rapidement ses preuves auprès de l'Ordre Favonius. Ce n'était pas la première fois que Diluc exprimait ses projets et ses ambitions autour de cette organisation hiérarchique de chevalier dont il avait tout expliqué à son frère adoptif. Alors qu'ils étaient allongés dans l'herbe à profiter d'un moment de répit jusqu'à leur prochain cours, main dans la main et admirant les nuages, Kaeya décida de poser la question:

"Pourquoi est-ce que tu tiens tant à devenir un Chevalier de l'ordre Favonius?"

Diluc prit un petit moment pour répondre.

"Parce que Père a toujours voulu en être un."

"Je vois..."

Quelle ironie. Son grand frère adoptif vivait à travers l'ambition de son père, au point que même son oeil divin était un gage de cette motivation. Mais qui était réellement Kaeya pour le critiquer, ou même le juger? Lui qui avait littéralement changé d'identité pour le bon déroulement du plan du sien. Si le jeune garçon aux cheveux bleus était ce qu'il était aujourd'hui, c'est bel et bien parce qu'il avait suivi les souhaits de son père, et non les siens. S'il y a bien une chose sur laquelle il n'aurait pas pensé rejoindre sa compagnie, ce serait bien sur ce point-là.

"En fait, Père n'a jamais été bon dans les arts martiaux, et on ne lui a jamais donné d'oeil divin." Continua l'héritier Ravingndr. "Quand j'étais tout petit, il m'a raconté l'histoire de notre famille dans la création et la préservation de Mondstadt. Je t'ai déjà raconté comment nous nous sommes battus pour notre liberté. On n'a peut-être pas créé l'ordre Favonius, mais on l'a toujours soutenue à notre manière. Pourtant, on n'a jamais réussi à faire connaître notre nom en tant que chevalier de l'ordre. Il n'y a pas un seul Ravingndr dans l'histoire de l'Ordre Favonius, comme si ce n'était pas notre destin d'en faire partie. Et c'est frustrant, parce que nous voulons protéger Mondstadt, mais nous ne pouvons rien faire..."

Il se releva alors en prenant son oeil divin entre ses mains et le serrant contre lui.

"Je veux être celui qui changera ça. Je veux devenir un grand chevalier de l'Ordre Favonius, et faire en sorte qu'on se souvienne des Ravingndr pour ça. Un jour... J'aimerais devenir assez fort pour être le Grand Maître, et me battre pour Mondstadt."

Kaeya se sentit éblouir lorsqu'il regarda Diluc qui le fixait a contre-jour, ses cheveux semblant s'embraser avec la lumière du soleil qui se reflétait dessus. C'était donc ça son ambition. Apporter la fierté à sa famille en se battant en son nom pour cette ville qu'il aimait tant. Kaeya ne pouvait pas comprendre entièrement les sentiments de Diluc, mais il ressentait son amour pour Mondstadt et ses motivations. Son peuple, aussi imparfait soit-il, son architecture, sa nourriture, ses paysages, son état d'esprit, et bien sûr cette liberté qui permettait à n'importe qui de vivre sa vie sans aucune contrainte.

Pour eux, emprisonnés sous le poids de leur responsabilité familiale, c'était quelque chose qu'il pouvait imaginer vouloir protéger.

"Alors je t'aiderais." Répondit Kaeya en se relevant pour à côté de lui. "Moi aussi je deviendrais un chevalier de l'ordre Favonius, et je te soutiendrais pour devenir Grand Maître."

"Et on protègera Mondstadt ensemble, c'est promis?"

"C'est promis." Répondit Kaeya, ignorant le nouveau poids de culpabilité qui vint s'ajouter dans son coeur.