La chaleur de tes bras
Disclaimer: Genshin Impact appartient à MiHoYo, et je ne reçois aucune primo pour cette histoire
Genre: Hurt/Comfort, souvenirs d'enfance, relations ambigües,
Rating: T
Personnages/Couple: Kaeya et Diluc en principaux. Crepus et Adelinde en secondaire.
Résumé: Les premières fois sont toujours les plus intenses, surtout pendant l'enfance. Kaeya et Diluc ont partagé plus qu'ils ne peuvent compter, liant le souvenir de l'autre à aux expériences qui forgeront leur maturité.
Note: Enfin le chapitre 5! J'ai un peu plus galéré à l'écrire celui là, mais je suis contente du rendu, et j'ai pu explorer quelques aspects de l'enfance!
Attention, bien qu'il n'y ai rien d'explicite, ou même sexuel, ce chapitre explore et mentionne des actes entre mineurs! Ceci relève bien sûr de la fiction, et non de la réalité, l'autrice ne cautionnant pas la pédophilie.
Je n'ai pas précisé leur âge exprès pour vous laisser ce choix.
Sur ce, bonne lecture!
La première fois que Kaeya a reçu une marque d'affection, il n'a pas su comment réagir.
Le concept même d'avoir de l'attention de manière inconditionnelle lui était étranger, pour lui qui avait toujours à prouver sa valeur auprès des adultes de son entourage depuis tout petit. Les rares fois où son père l'avait félicité s'étaient plus apparentées à une auto-suffisance qu'une réelle fierté envers son fils. Malheureusement, le contraire n'était pas vrai: lorsque Kaeya avait mal fait une chose, les reproches et les critiques étaient bien plus exprimés. C'est peut-être pour cela qu'il n'avait su réagir lorsque Crepus l'avait complimenté sur son apprentissage rapide de la langue locale, ou lorsque Diluc avait loué ses talents au maniement de l'épée.
Chaque fois que son père adoptif louait quelque chose qui, à ses yeux, n'était pas si extraordinaire, il se demandait toujours ce qu'il pouvait bien voir de si incroyable. Puis très souvent, il travaillait deux fois plus dur dans ce qu'ils remarquaient de si bien chez lui par peur de les décevoir. La langue, les cours, le combat, les bonnes manières; tout ce qu'il n'était pas sûr de maîtriser faisait l'objet d'un travail acharné, qui aurait sans doute eut raison de sa forme si Diluc n'avait pas été là pour le tempérer afin qu'il se repose. Mais il avait peur. Peur de ne pas être assez bien pour cette nouvelle famille. Peur qu'ils découvrent la supercherie. Peur qu'ils le rejettent. Peur qu'ils le haïssent.
Alors il faisait de son mieux.
Et quand il recevait une caresse dans les cheveux ou un baiser sur le front de la part de Crepus, une partie de lui se réchauffait, une autre partie de lui se sentait anxieuse. Dans ces moments-là, il cherchait alors un soutient, une confirmation dans le regard de Diluc qui connaissait son père mieux que lui. Le jeune homme aux yeux rouges lui prenait alors la main avec un sourire et hochait la tête pour lui signifier que oui, il faisait les choses bien. Ce n'était que dans ces conditions que, temporairement, il pouvait soulager un peu son angoisse, et apprécier d'être choyé comme n'importe quel enfant de son âge.
Crepus était un homme fort, avec une corpulence et une présence affirmée, mais il dégageait une douceur réconfortante qui s'apparentait à celle de Diluc. La même envie de protéger se lisait dans son langage corporel, notamment lorsqu'il prenait ses deux enfants dans ses grands bras musclés. Ces câlins à trois étaient sans doute les préférés de Kaeya, car il pouvait à la fois profiter de la chaleur de Crepus, et la présence de Diluc qui lui était devenue indispensable. Tout en se pelotonnant contre le torse de son père adoptif, il tenait la main du garçon aux cheveux carmin.
Et dans ces moments, il pouvait le dire: il se sentait aimé.
Comme durant cette fin d'après-midi qui le marqua. Il lisait un livre d'aventures dans l'une des réserves derrière le manoir. Un endroit où il était sûr que personne ne viendrait le déranger. Personne à part bien sûr Diluc qui ne connaissait tous ses rituels par coeur. Il était rare qu'ils passent une journée sans être ensemble, mais il arrivait parfois qu'ils aient besoin de temps à eux pour se ressourcer et faire autre chose, surtout Kaeya. Son compagnon de jeu était assez compréhensif pour le laisser s'occuper, et partait faire des choses qui ne se faisaient que solitairement, souvent relire ses leçons ou s'entraîner aux armes. Il savait que si vraiment il avait besoin de voir Kaeya, ce dernier ne refuserait pas sa compagnie.
"Kaeya! Tu es là!"
En effet, le garçon aux yeux bleus ne fut ni surpris, ni agacé lorsqu'il débarqua sans prévenir dans sa petite bulle. Il avait perdu la notion du temps, plongé dans sa lecture des récits incroyables d'un capitaine pirate, de son trésor caché, et des aventuriers prêts à tout pour le récupérer. Il n'était pas sûr que Diluc ait déjà lu cette histoire, lui qui semblait préférer les livres historiques, et les légendes mondstadtoises. Ce dernier semblait excité comme une puce, comme s'il venait de découvrir quelque chose d'incroyable qui allait changer le cours de leur vie.
"Qu'est-ce qu'il y a?"
"J'ai appris quelque chose de la part de la lingère tout à l'heure. Je voulais absolument le faire avec toi!"
"Faire quoi?"
"Un cadeau!" Répondit Diluc tout fier. "Je parlais avec elle, parce qu'elle était contente, je voulais savoir pourquoi, et elle m'a expliqué qu'elle avait reçu quelque chose d'une personne qui lui était très importante, qu'elle aimait beaucoup. Je lui ai demandé ce que c'était jusqu'à ce qu'elle m'explique."
"Oh, d'accord... " Ne put que dire Kaeya, un peu dubitatif face à la "trouvaille" de Diluc.
Il n'avait aucune idée de ce que pourrait être ce "cadeau", et encore moins pourquoi il voulait lui offrir à lui. Il aurait mieux fait de le garder pour son père. Après tout, il était une personne importante pour Diluc. Mais d'après ce dernier, ce cadeau était vraiment destiné aux personnes spéciales.
"Tu me fais confiance Kaeya?" Demanda-t-il en posant ses mains chaudes et pâles sur les siennes.
"Bien sûr."
Kaeya n'avait même pas besoin d'y réfléchir deux fois. S'il y avait une personne qu'il pouvait croire dans ce monde, c'était bien Diluc.
"Alors ferme les yeux."
Il s'exécuta, laissant ses paupières cacher le visage de Diluc. La chaleur qu'émettaient ses mains lui sembla encore plus irradiante, et le moindre son fut décuplé. Il avait l'habitude de vivre dans le noir, ses sens étaient aiguisés pour deviner ce qui se passait autour de lui en se passant de sa vue. Il sentait que son homologue venait de tourner légèrement son visage, comme s'il hésitait à faire ce qu'il allait faire. Il discerna le léger tremblement de son corps à travers les mains qui le tenaient, et sa tension dans les doigts qui entrelacaient les siens. Puis il ressentit un souffle chaud caresser son visage, signe que celui de Diluc se rapprochait.
Pourtant, malgré tous ces signes, il resta pétrifié de surprise lorsque deux lèvres se posèrent sur les siennes.
Le contact dura à peine une seconde, assez pour qu'il ne douta pas de la réalité du geste. Il n'osa pas ouvrir les yeux, alors qu'il devinait l'expression anxieuse de Diluc en face de lui. L'héritier Ragnvindr ne ressentait pas souvent de l'angoisse, mais lorsque cela arrivait, son estomac se tordait de douleur. Il avait pourtant fait ce que la lingère lui avait expliqué. Un baiser, comme elle l'appelait, se réservait uniquement aux personnes avec lesquelles ont était sûr de passer sa vie et partager son coeur. C'était un acte d'amour très important. Mais peut-être que Kaeya n'en voulait pas. Peut-être que Kaeya ne voulait pas passer sa vie avec lui. Peut être que Kaeya ne ressentait pas la même chose pour lui.
Finalement, la voix du garçon mate retenti dans le silence écrasant de la réserve, de moins en moins éclairée par un soleil crépusculaire.
"Diluc."
"Oui?" Fit timidement l'interpellé.
"Est-ce que tu peux... le refaire?"
Le garçon aux cheveux de braise ne s'attendait pas à cette réponse, mais s'empressa de réitérer son geste, embrassant de nouveau très furtivement les lèvres de Kaeya.
"Encore."
Il recommença.
"Encore."
Il recommença.
"Encore."
Il recommença.
Son visage prenait petit à petit la teinte de ses boucles enflammées, un ton au-dessus à chaque nouvel échange. Ils s'embrassèrent ainsi pendant de longues secondes jusqu'à ce que Kaeya ouvre à son tour les yeux pour regarder son partenaire. Leurs mains étaient toujours accrochées l'une à l'autre sans vouloir se lâcher. La pénombre s'installant les aidait à se faire face, alors que leur coeur ne voulait pas s'arrêter. L'heure du dîner approchait dangereusement, et un domestique les chercherait bientôt s'ils ne se présentaient pas, mais ils se trouvèrent incapables de bouger pour le moment.
Ils avaient l'impression d'avoir fait quelque chose d'incroyable, et interdit en même temps, pour une raison qu'ils ignoraient. Comme si les adultes ne devaient pas savoir ce qu'ils venaient de faire, alors que rien de mal ne s'était produit. Ils n'avaient fait aucune bêtise, mais ils se sentaient aussi coupables que si ça avait été le cas. Pourtant, ils n'avaient pas l'impression qu'ils devraient être punis pour ça. Mais qu'ils le seraient si ça se découvrait. C'était une sensation étrange, désagréable, mais ils ne pouvaient la décrire.
Alors ils s'enlacèrent pour se réconforter, se promettant de garder ce secret pour eux et ne laisser personne, ni même (surtout pas) leur père le savoir.
La première fois que Diluc a vu Kaeya pleurer, il comprit que sa cité n'était pas si parfaite.
Ils avaient désormais l'habitude de sortir en ville ensemble lorsque Crepus les emmenait avec lui. Le garçon aux cheveux bleus agissait encore beaucoup par mimétisme, et aussi dans une volonté de s'intégrer, il copiait beaucoup le style vestimentaire de Diluc. Son père adoptif lui avait pourtant laissé le choix des vêtements, et des couleurs, mais Kaeya s'obstinait à toujours prendre des chemises blanches, des bretelles, des petits shorts marron et bien sûr, des petits noeuds. Il poussa même jusqu'à se laisser pousser les cheveux, et les attacher en haute queue-de-cheval. Comme ça, il espérait quelque part que ça le rapproche un peu plus de la famille Ragnvindr
Et pendant un moment, il y crut. Quand il se promenait main dans la main avec Diluc dans les ruelles de la cité de la liberté, il avait l'impression de faire partie de ces gens, d'être un Mondstadtois qui appréciait sincèrement Barbatos. Cependant, les commérages circulaient facilement en ville, surtout lorsque aucun membre du Domaine de l'Aurore ne s'attelait à garder le secret. Et la présence récurrente lors de leurs apparitions publiques de Kaeya devait être expliquée. Tout le monde appréciait la famille Ragnvindr, le formidable maître Crépus et son adorable fils hériter. Alors la présence d'un étranger sortit de nulle part à leur côté, habitant d'abord chez eux comme un parasite, puis ayant réussi l'exploit de se faire adopter...
Ce n'était pas forcément bien vu.
Et s'il y avait quelque chose de plus cruel que l'incompréhension d'un adulte, c'était leur parole rapportée par les enfants qui ne mesuraient pas les conséquences de leurs actes. Aussi, ils ne se rendirent pas compte lorsqu'en bande de cinq, ils attrapèrent Kaeya, momentanément isolé car son grand frère adoptif avait voulu pourchasser un chat. Acculé à un mur, il du faire face à un déluge de paroles cruelles et insensibles qui firent resonner les cordes les plus sensibles en lui. Celles qui lui rappelaient brutalement qu'il n'avait rien à faire ici, et sa véritable place et ses origines.
"Tu te prends pour un Ragnvindr parce que t'es bien habillé, mais te trompes pas! Aucun vêtement ne pourra cacher que t'es pas comme eux... Ni comme nous d'ailleurs!" "Regarde, il s'est même attaché les cheveux comme Diluc, c'est pathétique!"
"Ne te méprend pas, ils t'ont pas adopté parce que t'es mignon, ils avaient juste pitié, et le jeune maître Diluc avait besoin d'un animal de compagnie!"
"Tu seras toujours moche! T'as une couleur de peau sale, et tes cheveux sont repoussants!"
"Tu ferais mieux de retourner dans la forêt, avec les loups!"
"Oui, dégage de notre cité, t'es qu'un sauvage!"
Ne pas faire de vagues.
Ne pas attirer l'attention sur lui.
Ne pas créer de conflit afin d'être accepté.
Cela faisait un moment que les paroles de son père ne lui étaient plus revenues en tête, mais il s'en souvint au moment le plus crucial. Si ce n'était que de lui, ces cinq gamins seraient au sol en un clin d'oeil. Ils faisaient les fier parce qu'ils étaient supérieurs en nombre, et leur "chef" bien en chair, mais Kaeya avait déjà confronté tellement pire. Cependant, aucun combat avec n'importe quel monstre n'aurait pu le préparer à encaisser une telle violence. Il serra les dents, retint ses larmes et ses poings. Il ne devait pas attaquer en premier, sinon il était fichu. On tolérait sa présence parce qu'il avait toujours été un garçon-modèle depuis son arrivée, mais s'il engageait une bagarre, ça ne manquerait pas: ils y verraient un prétexte et une occasion en or pour se débarrasser de lui.
Hors de question qu'il gâche tout dans un accès de colère.
"D'ailleurs qu'est-ce que t'as sous ton patch! Je parie que c'est encore plus moche que ton oeil bleu! Montre!"
Son oeil visible s'écarquilla lorsqu'une main dangereuse voulut s'emparer de son cache oeil. Jamais. Personne, même pas Diluc, ne savait ce qu'il y avait derrière, et personne ne devait savoir. Son corps bougea tout seul. Il se saisit de la main et tordit le bras entier derrière le dos en une demi seconde. Son agresseur se retrouva plié de surprise, la tête penchée vers le sol. Totalement à sa merci. Ce serait tellement facile de lui briser le bras, il suffisait juste d'ajouter un peu de pression...
"Ne me touche pas!" Cria Kaeya d'une voix déformée par la rage.
"Lâche- moi, saleté!"
"Lâche-le, ou on te rapporte à nos parents!"
"Qu'est-ce qui se passe?!"
Diluc, alerté par les cris et l'absence de Kaeya, s'était dépêché de revenir pour surprendre la scène. Kaeya relâcha alors immédiatement le gamin qu'il tenait, son visage peint d'effrois d'avoir été vu dans cette situation par la personne qu'il voulait le moins décevoir au monde. Avant même que son frère adoptif n'ait pu dire quoi que ce soit, il prit la fuite sous le regard ahuri des autres gamins.
Il fut retrouvé bien plus tard, dans le jardin non loin du QG de l'ordre Favonius, assis sur un banc en position foetale. C'est Crepus qui vint le chercher, et Kaeya sentit une grande vague d'angoisse en lui... Est-ce que les gamins avaient tout raconté? Allait-il être mis dehors parce qu'il s'était mal comporté? Même s'il avait quasiment l'âge de se débrouiller seul dans la nature, une partie de lui ne voulait pas quitter la famille Ragnvindr. Pas alors qu'il avait trouvé des gens qui l'aimaient pour ce qu'il était.
"Diluc m'a tout raconté. Il paraît que ces gamins vous ont embêté, et que tu t'es interposé pour défendre ton frère."
Kaeya se sentit comme frappé par la foudre, et regarda son père adoptif avec de grands yeux. Diluc avait vraiment dit ça? Pour le protéger? Il n'était pas dégoûté par ce qu'il avait vu? Cela semblait invraisemblable, et pourtant, cela semblait être le cas.
"Même si je suis content que tu aies protégé Diluc, la prochaine fois qu'on vous embête, il faut tout de suite aller voir un adulte, d'accord?"
Kaeya acquiesça, car il ne voulait pas problème. Comment expliquer à Crepus qu'aucun adulte n'aurait certainement pas voulus prendre sa défense étant donné l'opinion hostile de Mondstadt envers lui? Il ne pouvait pas, alors il se contenta de le laisser croire, comme il avait cru à l'histoire de Diluc. Après cela, ils décidèrent de rentrer dans la diligence afin de retourner au manoir dans un silence de mort. Le repas du soir se passa tout aussi bien, et ce ne fut que lorsqu'ils furent seuls dans leur chambre que Kaeya décida d'ouvrir la bouche:
"Merci pour ce que tu as dit à père. Tu n'étais pas obligé..." Fit-il finalement.
Diluc, qui venait de mettre sa chemise de nuit, n'abordait pas son sourire flamboyant qu'il avait l'habitude de porter lorsque Kaeya le remerciait de quelque chose. Normalement, il aurait simplement répondu quelque chose de simple, accompagné d'un mot doux, mais cette fois, il semblait ne pas réussir à être positif. Son cadet le soupçonnait d'avoir assisté à bien plus de la scène qu'il ne l'aurait pensé, et entendu les horreurs qui lui avaient été dites. Ce n'était pas la première fois que quelqu'un s'en prenait à kaeya, mais c'était la première fois que c'était aussi agressif.
"Je ne voulais pas que tu aies de problèmes, je ne veux pas qu'ils te séparent de moi..." Répondit Diluc avec une honnêteté qui laissait transparaît son angoisse.
En temps normal, ça aurait touché Kaeya, mais cette phrase ne faisait que confirmer ce qu'il pensait: les adultes ne voulaient pas de lui à Mondstadt. Il n'y avait que Diluc, et éventuellement Crepus, qui l'aimaient vraiment. Les autres le trouvaient bizarre, moche, différent... Et puis il regardait Diluc, plus cela faisait sens pour lui alors qu'il baissait ses yeux bleus sur ses propres mains. Ses mains d'une couleur terre, bien différentes de la peau crémeuse de Diluc. Comme ses cheveux bleus, la forme de sa pupille. Il n'était pas Mondstadtois, et peu importe les efforts qu'il ferait pour se comporter comme un Mondstadtois, il n'en serait jamais un.
Il n'arriva pas à retenir la goutte salée qui débordait de son oeil. Ni celle qui ne suivit. Bientôt, ce fut une ligne d'eau qui se traça sur sa joue et mouilla son cache-oeil.
Les bras de Diluc vinrent rapidement accueillir ses larmes alors qu'il n'arrivait pas à contenir ses sanglots. Il laissa échapper toute sa tristesse, tous ses doutes, toute sa frustration, toute sa colère. Et Diluc la recueillit avec autant de tendresse dont il était capable. Kaeya pleura longtemps, même après qu'ils se soient couchés, toujours blotti dans les bras de Diluc, une main lui caressant les cheveux. Cela faisait des années qu'il n'avait jamais pu exprimer ce qu'il ressentait, qu'il avait tout gardé pour lui afin de maintenir cette façade parfaite, même à Diluc. Et cela lui faisait mal de déballer son coeur comme cela.
Et énormément de bien.
Lorsqu'il se réveilla le lendemain avec les yeux bouffit et la tête douloureuse, il eut l'étrange sensation d'avoir un baume appliqué sur une plaie en train de cicatriser alors que le souvenir des paroles de Diluc lui revenait.
Pour moi, tu seras toujours la plus belle personne de Mond... Non, du monde entier.
Leur première promesse avait toujours guidé celles qui avaient suivi.
Diluc avait promis à Kaeya de ne jamais l'abandonner. Et Kaeya avait promis de rester aux côtés de Diluc. Depuis, ils avaient fait d'autres promesses, plus ou moins importantes. Cela allait d'un simple secret concernant une bêtise à ne jamais divulguer, à un engagement à vie. Certaines étaient vraisemblables, d'autres difficilement tenables, mais pour leur âme d'enfant, rien, et surtout pas la perspective de grandir, ne pourrait les imaginer oublier ou briser toutes ces promesses qu'ils s'étaient faites. Pourtant, il y en avait une, à la fois prévisibles et improbables, accessible et irréalisable pour eux.
Cette étouffante après-midi d'été leur avait donné l'idée de jouer à la poursuite du vent, afin de transpirer encore plus. Leurs leçons étaient finies pour la journée, et le déjeuner finit depuis longtemps. Au lieu de s'installer tranquillement pour lire ou faire du bricolage à l'intérieur du manoir, au frais, ils étaient en train de courir tout autour du domaine viticole. Kaeya, le chasseur, avait bien sûr immédiatement repéré Diluc, le rebelle, caché dans un tonneau vide. Mais loin d'avouer sa défaite, le garçon aux cheveux rouges s'était empressé de fuir à travers les vignes pour échapper à son poursuivant.
Cependant, ils avaient oublié qu'il n'y avait pas que des vignes et des barriques en bois autour de la maison.
Les bonnes, notamment, étendaient régulièrement le linge dans l'arrière-cour, le temps étant idéal pour qu'il sèche rapidement. Pris dans le feu de l'action et occupé à vérifier la progression de son adversaire, Diluc ne s'était pas rendu compte de la présence des cordes et des tissus volant sur son passage. Il le remarqua que lorsque son visage fut couvert par l'un des grands draps blancs qui flottaient au vent, lui obscurant sa vision. Pris de panique, il s'accrocha à la corde qui fit tomber le reste de la lessive qui y était suspendue. Finalement, il perdit l'équilibre et se retrouva sur le ventre, une bonne partie du linge de maison sur lui.
Kaeya, qui avait bien sûr assisté à la scène, fut tiraillé entre le rire et l'inquiétude de voir Diluc trébucher ainsi.
"Diluc! Tu vas bien?"
"Ouille... Oui... Oh non... Adelinde ne va pas apprécier!"
En effet, une bonne partie des draps, taies d'oreiller, parures de lit, mais également serviettes, nappes se retrouvaient désormais à mordre la poussière, tout comme lui, condamnant la lingère à recommencer le travail. Et tous deux savaient que les domestiques étaient en bon droit de les réprimander pour une bêtise pareille. Pour Diluc, ce n'était pas un problème de prendre le blâme - tout était de sa faute après tout-, c'était surtout les conséquences qui en découleraient: une interdiction de sortit, peut être des lignes à copier ou des corvées à faire. En bref, moins de temps a passé avec Kaeya.
"Ce n'est pas grave, on trouvera une solution." Fit ce dernier en se penchant pour l'aider.
Diluc se retourna afin de s'asseoir et lui faire face, peu convaincu que cela changerait grand-chose.
À ce moment, il vit l'expression du garçon aux cheveux bleus changer, comme s'il venait de voir quelque chose d'incroyable. Peut-être que son imagination lui jouait des tours, mais il avait presque l'impression qu'il rougissait sans aucune raison apparente. Son homologue laissa transparaître sa confusion à travers ses yeux carmin. Kaeya détourna alors légèrement la tête et se frotta la nuque, soudain gêné.
"Ne le prend pas mal, Gege... Mais comme ça, tu ressembles à une mariée..."
L'héritier Ragnvindr se figea à cette révélation et baissa les yeux vers ses habits pour vérifier cette étrange déduction. Effectivement, le grand drap blanc recouvrait l'intégralité de ses jambes, donnant l'impression d'une jupe épaisse dont la couleur blanche s'harmonisait avec celle de sa chemise. Diluc se rendit compte qu'un napperon finement brodé était tombé sur sa tête à la manière d'un voile. À cela s'ajoutaient son petit noeud rouge au col de sa chemise, ses bretelles qui n'étaient plus; tombées dans la chute, et ses longs cheveux rouges ébouriffés... Il ressemblait effectivement à une petite mariée.
Ce fut à son tour d'imiter la couleur de sa chevelure lorsqu'il réalisa que cela ne le dérangeait pas plus que cela.
"Tu es très joli comme ça." Rajouta Kaeya sans oser le regarder dans les yeux.
Oh.
Diluc ne pensait pas que son coeur puisse s'emballer comme ça, ni son visage s'enflammer à ce point. Aucun des deux n'arriva à dire quelque chose de plus, de peur de renforcer l'embarras entre eux. Les yeux rouges du plus âgé se baladèrent dans l'herbe pour ne pas avoir à croiser les deux diamants bleus, pour tomber sur un chrysanthème de grande taille. Focalisé sur sa trouvaille, il cueillit délicatement la fleur et la glissa sur son oreille, coincée entre ses boucles cramoisies. Kaeya le regarda faire, fasciné par son geste, puis il leva la main pour ajuster un peu plus le napperon sur sa tête afin qu'il tombe harmonieusement sur ses cheveux.
Finalement, ils brisèrent le silence.
"Est-ce que... Est-ce que tu voudrais te marier avec moi?"
Kaeya le regarda avec un air surpris, mais beaucoup moins choqué qu'il ne l'aurait pensé. Diluc s'en voulu un moment d'avoir posé cette question qui n'avait aucun sens. Pourquoi même voudrait-il se marier avec Kaeya? Et pourquoi Kaeya se marierait-il avait lui? Oh bien sûr, Diluc avait eu sa période fusionnelle, où il avait émis le désir de se marier avec son papa lorsqu'il avait à peine cinq ans, comme la plupart des enfants de son âge pour qui leur parent était toute leur vie. Mais cette phase était déjà passée depuis longtemps, il avait grandi alors... Pourquoi Kaeya? Ce qu'il ressentait était radicalement différent de ce qu'il ressentait pour son père, qui était une figure familiale, réconfortante.
Kaeya était... autre chose. Il l'avait toujours été.
"Diluc... On est trop jeune pour se marier mais... Un jour... Un jour je veux me marier avec toi, moi aussi." Répondit le garçon à la peau mate en lui prenant les mains.
"C'est vrai?"
"Oui. Mais pour le moment, on ne peut pas... On est trop jeunes, et père..."
Diluc se mordit la lèvre. Leur père les avait lié officiellement en adoptant Kaeya, mais l'héritier Ragnvindr était déterminé à ce que Kaeya rentre dans la famille d'une autre manière. Non en tant que son frère, mais en tant que son... époux. La simple pensée lui faisait tourner la tête. Kaeya, son mari. Cela semblait tellement irréel par rapport à ce qu'ils étaient, et pourtant l'idée se creusait dans son esprit, comme une graine germante qui étendait ses racines. Il avait beau être un enfant impatient, il était prêt à prendre sur lui pour quelque chose d'aussi important.
"Ce n'est pas grave, j'attendrais." Affirma Diluc avec détermination. "J'attendrais... d'être assez grand... Qu'on soit tous les deux assez grand."
Kaeya eut un sourire en voyant son compagnon aussi engagé. Il n'avait pas le coeur de lui dire que la réalité était beaucoup plus compliquée qu'une simple question d'âge. Même majeur, il restera officiellement le fils adoptif de Crepus. Qu'ils étaient tous les deux des garçons, et que les garçons ne se mariaient pas. Et même au-delà de ça... Une fois adulte, le temps lui sera sûrement compté avant que son père biologique ne revienne et qu'il ne doive abandonner Diluc. Mais le laisser espérer qu'ils auraient cette histoire digne d'un conte de fées n'était-il pas encore plus cruel? Il fallait qu'il le lui dise, maintenant, que jamais ça n'arriverait, pour le préserver d'une horrible désillusion.
"J'irais moi-même demander ta main à père alors, et sa bénédiction."
Ces mots franchirent ses lèvres sans qu'il n'arrive à les contrôler. Et la pointe de culpabilité de ne pas voir eu le courage d'arrêter cette Masquarade, et au contraire d'encourager son naïf frère dedans, se dissipa en voyant le sourire radieux de ce dernier. Il ne pouvait pas résister. Il ne pouvait pas briser les rêves de Diluc... Ni les siens. Parce qu'au fond, Kaeya le désirait aussi. Son coeur s'emballait déjà en voyant Diluc vêtu de blanc et de dentelle qui pourrait l'autoriser à l'appeler "mariée". Son époux. Même dans ses rêves les plus fous, il n'oserait prétendre y avoir le droit, alors que ce soit son partenaire qui le propose... Il ne pouvait pas refuser.
Doucement, Diluc s'approcha de Kaeya, les joues aussi rouges que ses cheveux et reprit d'une voix plus basse et intime:
"En attendant, puisqu'on n'a pas l'âge, on peut toujours se fiancer."
"Se fiancer?"
"Oui, c'est comme se promettre que l'on se mariera un jour."
"Et... On fait comment?"
Le visage de Diluc monta d'une nuance de carmin alors qu'il baissa les yeux, mal à l'aise, et Kaeya comprit. Il avait déjà entendu le terme "fiancé", notamment de la bouche de jeune femme en fleur, sans saisir la signification. Cela devint plus limpide, et il acquit simplement de la tête en saisissant les deux mains du garçon pour les entrelacer dans les siennes, se sentant rougir également. Diluc ferma les yeux et tendit ses lèvres. Kaeya déposa gentiment les siennes dessus pour échanger un chaste baiser. Et alors qu'ils échangeaient symboliquement leur promesse, dans ce jardin où n'importe qui pourrait les surprendre, ils n'entendirent que le son de leur battement de coeur qui leur était presque insoutenable.
Secoués par leurs émotions, ils y pensèrent le reste de la journée sans se quitter une seconde, mais sans oser se regarder non plus, terrés dans un mutisme qui les rendit étrangement sages.
Si Crepus se demandait ce qui était arrivés entre eux pour qu'ils se fassent mutuellement la tête, Adelinde pensa simplement qu'ils se sentaient honteux d'avoir sali les draps, et jugea qu'elle n'avait pas besoin de les réprimander.
La première fois qu'ils se présentèrent en tant que Chevalier de l'Ordre Favonius, personne n'était aussi fier que leur père.
Après avoir passé leur examen du premier coup haut la main, Diluc et Kaeya s'étaient aussi bien distingués pour l'examen physique, faisant d'eux les recrues les plus prometteuses de leur promotion. Si certains nourrissaient une certaine jalousie à leur égard, ils inspiraient majoritairement de l'admiration de la part de leur père, et même de leur supérieur. Le grand maître Varka lui-même avait tenu à leur exprimer ses félicitations, mais aussi ses exigences envers eux. Toutes ces attentions avaient bien sûr gonflé l'ego de Diluc, mais rien ne lui faisait plus plaisir que le sourire de son père lors de la remise des diplômes.
Cependant, ils avaient beau être des petits prodiges, aucun traitement de faveur ne leur serait accordé, encore moins parce qu'ils venaient d'une famille noble.
Ainsi, comme tout le monde, ils durent aménager à la caserne réservée aux bas gradés de l'Ordre. Un dortoir commun, une salle à manger et bien sûr un terrain d'entraînement. Le temps de se former et de monter en grade pour avoir accès à un meilleur cadre de vie, ils allaient devoir laisser de côté leur intimité au moins pendant la semaine. Diluc bien sûr exprima son mécontentement, car plus que l'abandon du confort du manoir, de sa vie luxueuse, de ses habitudes princières, ce qui l'irrita le plus étaient la taille des lits, bien trop petits pour tenir deux personnes dedans, même en se serrant.
Lorsqu'il exprima cela à Kaeya, ce dernier ne put s'empêcher de rire:
"Tu pensais vraiment qu'on dormirait dans le même lit?"
"...Oui? Je veux dire, tu as toujours ces cauchemars, et on dort mieux comme ça tous les deux."
Le sourire de Kaeya se fana immédiatement en réalisant que son grand frère adoptif était sérieux.
"Luc'... Je sais que tu n'as pas envie d'entendre ça mais... Nous ne sommes plus des enfants. Nous sommes des chevaliers maintenant, et nous devons nous comporter comme tels."
Cela faisait un moment que Kaeya s'y était résigné: après plusieurs évènements gênants et plusieurs fois où ils faillirent être découverts en train de faire des choses que deux frères ne sont pas censés faire, il avait décidé qu'il devait se détacher de Diluc. Et détacher Diluc de cette relation. Bien qu'une partie de lui était extrêmement dépendante de ces moments intenses, la partie raisonnable en lui hurlait que ce n'était pas sain d'être aussi fusionnels. Cela sans compter le fait qu'il s'enfonçait dans une situation où il se retrouverait au pied du mur si jamais il atteignait le point de non-retour le jour où son père reviendrait.
Cela s'était fait petit à petit, sur l'initiative de Kaeya. Il avait commencé par ne plus rejoindre Diluc dans son lit quand il faisait des cauchemars, et malgré un début accompagné d'insomnies et de quelques nuits vraiment terribles qui continuaient de le hanter, cela n'arrivait quasiment plus. Outre cela, d'autres habitudes avaient changé, mais certaines avaient la vie dur. Malgré l'adolescence qui chassait l'enfance, ils continuaient toujours à passer beaucoup de temps ensemble, moins pour jouer que pour s'entraîner, l'âge les faisant se détacher de jeux enfantins, ou simplement passer du temps à profiter l'un de l'autre. Les contacts physiques avaient juste disparu, et bien sûr ils ne s'embrassaient plus.
Ils étaient donc revenus à une relation que n'importe qui d'extérieur jugerait de normal, dissipant tout soupçon à leur égard.
Mais Diluc ne l'entendait pas de cette oreille:
"Ce n'est pas parce que nous sommes des chevaliers que nous devons nous séparer, au contraire! Tu m'as promis que tu resterais à mes côtés et que tu me soutiendrais!"
"Et je tiendrais parole, gege. C'est juste que... notre relation... Il vaut mieux pas trop nous montrer en public, les gens ne comprendraient pas. Et ils sont encore méfiants envers moi."
Le jeune homme aux yeux carmin fronça les sourcils et croisa les bras dans ce qui s'apparentait à une moue, et Kaeya avait du mal à croire qu'il puisse encore bouder à son âge. Et il avaient encore plus du mal à croire que cela continuait de fonctionner!
"Très bien." Finit par dire l'héritier Ragnvindr. "Si ça te met mal à l'aise, on évitera de se montrer devant les autres quand on sera à Mondstadt en semaine. Mais en échange!"
Il se rapprocha de son homologue en le fixant d'un regard qui ne tolérait aucune contrariété:
"Quand on est au manoir, le week-end, rien ne change. Je veux toujours... être avec toi pour... tu sais... Tout ce qu'on avait l'habitude de faire... "
Kaeya soupira. Ce n'était pas vraiment ce qu'il avait imaginé, mais il fallait croire que son ainé avait besoin d'une période de transition plus grande pour sortir de cette relation fusionnelle dans laquelle ils s'étaient tous les deux enlisés. Il comptait sur leur responsabilité au sein de l'Ordre Favonius pour les en extraire, avec la découverte de nouveaux horizons. Après tout, ils avaient tissé cette relation parce qu'ils avaient toujours été plus ou moins seuls et isolés des autres enfants. Mais maintenant, lui comme Diluc allaient être obligés de se mêler à des gens de leur âge et de créer de nouvelles relations. Le garçon à la peau mat ne se faisait pas de soucis: son ainé était d'un naturel social et aimable, en plus de son statut social, il allait être certainement populaire auprès des autres chevaliers.
Cela lui permettra à lui de revenir dans l'ombre, celle de Diluc, afin de le soutenir dans son ambition, et accomplir la sienne à l'abri de toute méfiance.
