La chaleur de tes bras
Disclaimer: Genshin Impact appartient à MiHoYo, et je ne reçois aucune primo pour cette histoire
Genre: Hurt/Comfort, souvenirs d'enfance, relations ambigües,
Rating: T
Personnages: Kaeya et Diluc en principaux. Crepus et Adelinde en secondaire.
Résumé: Diluc se souviendrait toujours de sa première rencontre avec Kaeya. A l'époque, ce n'était qu'un pauvre enfant abandonné retrouvé par son père, et déjà, il avait été prêt à partager sa vie avec lui. Est-ce que tout n'était que mensonge, ou Kaeya nourrissait-il un peu de réciprocité envers lui?
Note: Ce chapitre m'a pris beaucoup de temps, mais j'ai pu le sortir! J'aurais aimé que ce soit pour l'anniversaire de Kaeya, mais bon, on ne fait pas ce qu'on veut dans la vie! Je pense faire une fanfiction complémentaire à celle ci avec les scènes NSFW passées sous silence, si jamais ça vous intéresse ~
Sinon je vous préviens, les montagnes russes émotionnelles sont au rendez-vous, alors accrochez vous bien!
Bonne lecture!
Ils avaient tout partagé très tôt.
Au départ bien sûr, ce fut surtout Diluc qui accepta de laisser à Kaeya une partie de ce qui constituait sa vie. D'abord son lit, ses jouets, puis sa chambre, sa maison, son jardin. Plus tard, lorsqu'il s'intégra au Domaine de l'Aurore, Kaeya profita aussi du service des domestiques et des cours donnés à l'héritier Ragnvindr. Enfin, lorsqu'il fut adopté, ce fut son père que le garçon flamboyant partagea avec son camarade. Ce serait mentir s'il n'avait pas déjà eu quelques moments de jalousie lorsque Crepus accordait un peu trop d'attention à Kaeya alors que lui-même ne faisait pas partie de leur échange. Dans ces cas-là, il boudait pour signaler son mécontentement, et allait même parfois jusqu'à s'inviter pour se mettre entre eux, s'assurant qu'il pouvait les tenir tous les deux.
Cela amusait Crepus et rendait Kaeya perplexe, voire anxieux d'avoir fait une bêtise.
Plus tard, il comprit que le jeune homme aux cheveux rouges faisait juste preuve d'une possessivité puérile, ne supportant pas d'être exclu de l'affection qui grandissait entre son père et son frère adoptif. D'abord surpris, le plus jeune eut ensuite la même réaction que l'adulte, à savoir trouver mignonne cette réaction de la part du plus vieux. Diluc ne pouvait pas être parfait après tout, il était quand même l'enfant unique d'une famille aisée: il avait aussi son petit caractère malgré sa gentillesse et sa générosité. Cela restait néanmoins assez innocent, surtout qu'il semblait parfois incertain de qui, de son père ou de Kaeya, il était jaloux. Un peu des deux, très certainement.
Ils en rediscutèrent bien plus tard à tête reposée et loin des oreilles indiscrètes.
"Tu sais, Gege, tu resteras toujours son premier fils. Même s'il m'apprécie, il ne m'aimera jamais plus que toi, et c'est normal."
Kaeya ne pouvait pas reprocher à un père d'aimer l'enfant qui partageait son sang plus que celui qu'il avait adopté, il y avait tout un bagage émotionnel derrière, ne serait-ce que par la mère de Diluc, et le fait qu'il l'ait vu naître. Bien sûr, le temps pourrait gommer petit à petit cet écart d'affection, mais le garçon à l'iris bleu savait qu'il ne pourrait jamais totalement le combler, et c'était normal après tout. Il était déjà heureux d'avoir une petite place dans le coeur des Ragnvindr, que ce soit le père ou le fils.
"Ce n'est pas ça!" Protesta Diluc, légèrement blessé par ces paroles. "C'est juste que... Moi je t'aime plus que lui! Et je veux pas que ça change."
"Pourquoi ça changerait?"
"Je ne sais pas..."
"Si tu m'aimes toujours comme maintenant, je peux t'assurer qu'il ne m'aimera jamais plus que toi parce que... Tu as été le premier à m'aimer ici."
C'était vrai. Alors que tout le monde, même Crepus, avait manifesté de la méfiance le premier jour de son arrivée à Mondstadt, Diluc l'avait immédiatement accepté sans poser de questions. Cet amour existait depuis leur rencontre, et n'avait fait que s'épanouir, tandis que Kaeya avait dû se battre pour obtenir celui des autres, et il sentait qu'il devait toujours en quelque sorte se battre pour le conserver. Que si jamais il faisait quelque chose de mal, même insignifiant, alors cette acceptation et cette affection de ses pairs lui seraient sitôt retirées sans qu'il puisse y faire quoi que ce soit.
Diluc était le seul à ne pas lui donner cette impression.
"Et toi, tu m'aimes?" Demanda alors le fils de Crepus dans son honnêteté déconcertante.
Kaeya se retrouva sans voix devant cette étrange question. Parle de l'amour des autres lui était devenu facile, maintenant qu'il avait appris à comprendre les émotions des autres. Parler de ses propres sentiments lui semblait impossible. Jamais dans son ancienne vie ce sujet n'a été abordé, encore moins avec son père. Les seules fois où ce genre d'émotion était mentionnée, c'était pour savoir les décrypter et les manipuler. Attiser la colère de quelqu'un pour provoquer une faille. Exploiter sa tristesse pour exposer sa faiblesse. Être source de sa joie pour gagner sa confiance. Et ne jamais soi-même céder à ses propres sentiments pour ne pas risquer ce genre de tromperie.
C'était peut-être à cause de cela que Kaeya bloquait autant.
"Oh, je vois." Fit Diluc d'un air dépité.
L'expression sur son visage perturba son compagnon bien plus qu'il ne voulut l'admettre.
Il était incapable de dire si oui ou non il aimait Diluc. En revanche, il savait qu'il ne voulait pas le voir triste comme c'était le cas devant son hésitation. Il voulait revoir son sourire, et son air enjoué comme il l'avait toujours. Il ne pouvait pas décrire ce qu'était l'amour, mais quand il était avec Diluc, il se sentait bien. C'était comme si tout le poids de son passé, de ses doutes, de sa culpabilité et de ses responsabilités s'envolait. Il ne savait pas comment nommer ses sentiments, mais ils étaient comparables au feu de Diluc: chaud, rassurant, réconfortant et addictif.
Non, Kaeya ne savait pas s'il pouvait décrire ce qu'il ressentait comme de l'amour, mais il était sûr d'une chose: personne d'autre, même pas son propre père, ne l'avait fait se sentir aussi bien, aussi vivant.
"Ce n'est pas grave." Repris péniblement Diluc. "Ça ne fait pas si longtemps que ça, j'espère qu'un jour, tu m'aimeras aussi."
Malgré les efforts pour paraître impassible, Kaeya lisait la déception et la solitude dans le ton de sa voix. Alors il écouta ce que lui disait son instinct, pour une fois, et enlaça le garçon aux cheveux carmin.
"Je ne sais pas comment le dire, Gege, mais je veux être avec toi. Je veux te garder avec moi. Je veux qu'on reste ensemble, et que tu ne me quittes jamais... Je sais pas si c'est vraiment "aimer" mais... C'est ce que je ressens!"
Diluc ne répondit rien, mais resserra l'étreinte, signe qu'il acceptait les sentiments confus, mais sincères de la part du jeune garçon qui était une partie intégrante de sa vie. Pour le moment, cela lui suffisait de savoir qu'au moins Kaeya n'était pas indifférent au point de toujours le voir comme un étranger. Il ne prétendait pas remplacer ce qu'il avait perdu quand il avait été abandonné, mais lui apporter quelque chose qui puisse compenser. Parce que c'était le cas pour lui. Depuis leur première rencontre, l'enfant aux cheveux rouges avait l'impression d'avoir trouvé quelque chose qui lui avait manqué depuis sa naissance. C'était étrange de ressentir cela. Ils étaient jeunes après tout. Trop jeunes diront certains pour vraiment savoir ce qu'ils ressentaient.
Peut-être était-ce le cas. Mais en cet instant, ils étaient sûrs d'une chose tous les deux: que ce soit ou non de l'amour, ils voulaient chérir ce lien qui les unissait.
Le temps passait vite pendant une formation.
Ni Diluc, ni Kaeya ne virent défiler leurs années d'entraînement au sein de l'ordre Favonius en tant qu'apprentis, ni celles écoulées depuis leur promotion en tant que Chevaliers officiels. À peine eurent-ils le temps de cligner des yeux que Kaeya était déjà devenu lui-même un aspirant, tandis que Diluc était pressenti pour devenir très prochainement Capitaine. Ils avaient gravi les échelons très rapidement dès lors qu'ils eurent fini leur entraînement obligatoire, et purent faire leurs preuves sur le terrain. Le grade leur octroyant des permissions, ils s'étaient vite réunis en duo, de sorte que rien ne leur résistait en mission.
Pourtant, malgré le fait qu'ils étaient de la même promotion, un gouffre hiérarchique persistait entre eux, pour des raisons obscures.
Beaucoup diraient qu'il s'agissait d'une association de privilèges donnés à Diluc du fait de sa famille, et des origines même de Kaeya qui rendaient encore méfiants leurs supérieurs, hésitants à lui confier un poste à responsabilités. Si cela déclenchait bien sûr du venin de la part des groupes méprisant l'héritier Ragnvindr pour son titre noble, aucune amertume ou rancoeur ne semblait être palpable chez le principal concerné. Et pour cause, Kaeya était le seul à connaître la vérité, à savoir qu'il se présentait délibérément sous son plus faible jour lorsque ses compétences étaient évaluées. Tout ça avec deux objectifs: laisser Diluc attirer l'attention, et rester lui-même le plus discret possible...
Malgré toutes ces années passées, il n'oubliait pas sa véritable mission.
Il se devait de rester discret sur lui afin de ne pas attirer tout soupçon, et Diluc était malgré lui sa meilleure couverture. Lorsque son ainé accaparait l'attention en brillant tel un soleil, c'était d'autant moins d'oreilles et d'oeil attentifs sur sa personne. La plupart des habitants de Mondstadt avaient désormais intégré sa présence et ses origines inconnues comme si elles allaient de soi, mais on n'était jamais à l'abri des curieux. À ces derniers, il avait appris à leur servir toute sorte d'histoire afin de les décourager d'en savoir plus. Pour le moment, il s'en tirait plutôt bien, car la majorité de ses promotions étaient passées sous silence. Celles de Diluc en revanche avaient toujours été synonymes d'évènements marquants au Domaine de l'Aurore.
Cependant, aucun n'avait surpassé son anniversaire.
"Cette année, ça va être pire..." Soupira le jeune homme aux cheveux flamboyant en retirant sa veste d'uniforme.
Depuis qu'il était gradé, il n'avait plus besoin de porter constamment l'armure, ayant fait ses preuves depuis longtemps.
"Qu'est-ce qui te chagrine autant?" Demanda son cadet en faisant de même.
"L'enthousiasme de père au sujet de mon anniversaire. Il a prévu deux fêtes! C'est trop!"
"Deux?"
"Une à la taverne où il a convié la moitié de Mondstadt, et une au manoir avec des membres de la haute société... J'ai mal à la tête rien que d'y repenser."
"Eh bien, il veut marquer le coup pour tes dix-huit ans. Cela n'arrive pas tous les jours. Tu deviens un adulte."
"Un adulte hein..."
Le jeune homme aux cheveux de feu sembla réfléchir, comme s'il venait de réaliser quelque chose.
Ses yeux carmin se posèrent sur celui qui était considéré comme son frère d'armes. Ce dernier lui souriait toujours légèrement, son masque aimable un peu plus fin que ce qu'il abordait d'ordinaire. Kaeya n'avait pas vraiment changé après toutes ces années, certains traits de son caractère s'étaient simplement confirmés, comme la malice et l'ingéniosité. Il avait assis sa place d'homme de l'ombre, tandis que le fils de Crepus affirmait son rôle de jeunes prodiges, destiné à une grande carrière au sein de l'ordre Favonius. Ce n'était plus qu'une question de temps avant qu'il ne soit reconnu par Varka lui-même, si ce n'était déjà fait.
Cependant, à l'heure actuelle, sa carrière au sein de l'Ordre Favonius était la dernière chose dont Diluc se souciait.
"Tu te souviens de ta promesse?"
Le sourire de Kaeya se fana à l'allusion très claire de son ainé.
Ils s'étaient fait des dizaines de promesses étant enfants. Un peu moins lorsque la préadolescence était intervenue, et quasiment plus dès qu'ils avaient été promus en tant que Chevalier. Mais il y en avait une qui avait pris une place bien plus importante que les autres. Une dans laquelle le plus jeune des deux s'était engagé pour fuir une autre promesse, ou plutôt la repousser. Mais le temps n'ayant rien entaché ni à la mémoire, ni à la détermination de Diluc, il était désormais face au fait accompli de sa propre lâcheté. Il était temps de donner une réponse qu'il n'avait toujours pas trouvée depuis toutes ces années.
Saisissant sa détresse, Diluc soupira en détournant le regard.
"Je m'y attendais un peu... Tu n'es toujours pas prêt à me donner ta réponse, n'est-ce pas?"
"'Luc, je..."
Un doigt sur sa bouche l'interrompit. Rares étaient les fois où l'héritier Ragnvindr pouvait se vanter d'avoir réussi à faire taire son insolent et agaçant petit frère, et celle-ci fut sûrement la plus aisée de toute. Ce n'était pas tous les jours que Kaeya, le roi de la répartit et des entourloupes, se retrouvait à court d'arguments, et même de mots pour se défendre. Celui à la tignasse de feu le savait, et il comptait bien profiter de cet instant en son avantage. C'est ce que son cadet lui avait toujours appris: exploiter les moments de faiblesse de ses ennemis pour frapper là où il serait sûr qu'il ne pourrait pas riposter.
"Je ne te la demanderais pas, mais je veux quelque chose en échange." Affirma Diluc d'un ton implacable.
Kaeya déglutit.
Il avait une étrange sensation de déjà-vu, car la dernière fois que son frère ainé lui avait demandé quelque chose, ils avaient fini dans le jardin de leur père à faire quelque chose que tout le monde condamnerait à Mondstadt. Et son instinct lui disait que ça allait recommencer. Il connaissait ces flammes dans les yeux de son homologue. Elles brûlaient d'une résolution ferme que rien ne pourrait ébranler. Et le garçon à la peau mate connaissait suffisamment Diluc pour savoir que rien ne pouvait l'arrêter une fois qu'il était pris de passion pour quelque chose. Cela valait pour ses faits d'armes, la maîtrise de son oeil divin, sa volonté d'être le plus exemplaire des Chevaliers de Favonius, et même être un Ragnvindr parfait.
Ce qui allait suivre ne ferait pas exception.
"J'imagine que tu n'as toujours pas décidé de mon cadeau d'anniversaire." Demanda celui à la peau crémeuse.
"Pas vraiment..." Répondit Kaeya aussi machinalement qu'honnêtement.
"Dix-huit ans, ce n'est pas rien. C'est toi qui l'as dit, c'est une étape pour devenir adulte."
"Oui..."
"Alors pour marquer le coup, puisque tu ne m'as pas donné ta réponse, je voudrais... que tu... Enfin, que nous... Toi et moi..."
Diluc hésita, comme s'il cherchait ses mots, son visage prenant de plus en plus la couleur de ses cheveux alors que sa voix se baissait d'elle-même, perdant en assurance. Son anxiété contamina son interlocuteur qui se sentait également de moins en moins à l'aise. Après quelques secondes d'hésitation, il reprit en tentant de se redonner contenance et crédibilité pour une demande qui allait être certainement dure à faire accepter.
"Kaeya, je veux avoir ma première fois avec toi."
Il s'y attendait.
Ce n'était qu'une suite logique de tout ce qui s'était passé entre eux depuis leur première rencontre, des simples touchers chastes à ce torride baiser qu'ils avaient échangé ce soir de fête. La flamme du désir ne s'était éteinte d'aucun des deux côtés, au contraire. La frustration de se côtoyer l'un l'autre sans pouvoir se toucher plus que nécessaire associé aux souvenirs des sensations de leurs embrassades dont ils rêvaient parfois les avait rendus languissants pour plus. Plus de contacts. Plus d'échanges. Plus de chaleur. C'était un manque qui s'était installé sans qu'ils n'arrivent à le combler avec quiconque. Alors évidemment, la majorité de Diluc étant ce moment clefs dont ils avaient décidé tous les deux pour mettre un mot sur leurs relations, le principal concerné allait profiter de l'occasion pour réclamer ce qu'ils avaient initié à deux. Donc oui, il aurait dû s'y attendre, et s'y préparer.
Pourtant Kaeya se retrouva totalement bouchée bée, incapable de formuler une quelconque réponse, positive ou négative.
"C'était peut-être trop demandé..." Reprit Diluc, beaucoup moins confiant. "Je suis désolé, je pensais que même si tu n'avais pas les mêmes sentiments que moi... Vu tout ce qui s'est déjà passé, peut-être que ça ne t'aurait pas dérangé..."
"C'est vraiment ce que tu veux?" L'interrompit Kaeya, se surprenant lui-même.
Son partenaire le regarda d'un air confus, comme s'il ne comprenait pas le sens de sa question. Si ce n'était pas ce qu'il voulait, il ne l'aurait jamais demandé, mais il semblait que le jeune homme aux cheveux couleur nuit doutait toujours de ses désirs depuis qu'ils avaient quitté l'enfance. Son désir de rester en sa compagnie. Son désir de l'embrasser. Son désir d'être sa première fois... Comme s'il avait peur que son ainé ne regrette l'acte une fois le moment passé.
"C'est ce que j'ai toujours voulu." Répondit l'héritier Ragnvindr en lui saisissant ses deux mains et venant se coller à lui.
Ils s'étaient déjà rapprochés, mais cela faisait longtemps qu'ils n'avaient jamais établi de contact aussi direct entre leur corps. Kaeya le dépassait désormais de quelques centimètre, obligeant Diluc à lever légèrement la tête. Leurs corps aussi s'était bien développé, mais il semblerait que la croissance du plus jeune n'ai pas seulement affecté sa taille, mais aussi toute la partie supérieure de son corps. Depuis quand ses épaules et sa poitrine étaient aussi développées? Faisait-il de la musculation en plus de leur entrainement quotidien? Celui qui possédait un oeil divin ne pouvait s'empêcher d'y penser, constatant que lui-même était resté quasiment aussi fin et svelte depuis ses quinze ans.
Kaeya avait toujours été en avance par rapport à lui en terme de maturité, et cela se lisait aussi désormais sur son physique.
"On ne parle pas d'un baiser ou d'un câlin, Luc. On parle de ta virginité."
Le concerné déglutit au mot franc et lourd de signification utilisé par son frère adoptif. Il était un homme bientôt majeur, un chevalier talentueux et gradé de l'Ordre Favonius, et non une jeune fille en fleur pour qu'il s'adresse à lui comme cela. Qu'est-ce que cela pouvait bien faire comment et avec qui il aurait sa première expérience sexuelle? Il tenta de se convaincre que ce n'était pas une affaire aussi importante, alors que lui-même s'y préparait depuis longtemps, rêvant de ce moment et ne voyant personne d'autre que Kaeya avec qui le partager. Il se retrouva soudain incapable de protester la chose, parce qu'en réalité, c'était important.
"Je sais. C'est pour ça que je te le demande."
"Diluc, je comprends que tu veuilles passer cette étape pour devenir un adulte, mais fait ça traditionnellement..."
Et par traditionnellement, il entendait bien sûr "avec une fille".
Le fait que Diluc perde son pucelage avant son mariage serait déjà quelque chose de compliqué à faire accepter à Maître Crepus, qui, malgré les années passées et les progrès fais par son fils, considérait toujours ce dernier comme un petit garçon. Son petit garçon. Cette infantilisation, inconsciente et sans mauvaise intention, n'était certainement pas étrangère au fait que Diluc dégageait une innocence presque angélique. Certains pourraient la comparer à celle de la petite soeur de Jean qui avait déjà fait voeux de chasteté à l'Église Favonius. Et cette innocence donnait bien entendue envie de la protéger coûte que coûte jusqu'au jour où il pourrait se découvrir à sa promise.
Le fils adoptif des Ragnvindr n'osait imaginer comment son bienfaiteur réagirait si jamais il touchait à un cheveu de sa petite luciole. Même lui ne s'en sortirait pas indemne, peu importe toute l'affection qu'il pourrait lui porter
"Kaeya... J'en ai marre d'être traité comme un enfant." Déclara finalement Diluc en l'enlaçant pour poser sa tête contre son épaule. "Je suis assez grand pour savoir ce que je désire. Cela fait des années que j'attends d'être prêt, pour toi. Alors donnes-moi toutes les excuses que tu veux; tu ne m'aimes pas comme ça, je ne t'attires pas, tu as trouvé quelqu'un d'autre ou simplement dis-moi que tu ne me veux pas... N'importe quoi d'autres, je pourrais l'entendre et l'accepter, mais n'utilise pas ça pour fuir."
Cette fois, Kaeya était bel et bien au pied du mur.
Il voulait dire au plus âgé qu'il ne voulait pas faire cela avec lui, surtout pas pour une première fois... Mais ce serait mentir. Il avait déjà menti pour des dizaines de sujets sans jamais qu'on remette en doute sa parole, au point qu'il pourrait lui-même croire à ses propres mensonges. Il pouvait croire qu'il était le fils adoptif aimé de Crepus Ragnvindr, qu'il était un Chevalier fier et fidèle de Mondstadt. Il pouvait même croire que ce bonheur durerait éternellement sans que rien ne l'entrave. Mais ce mensonge-là, il était incapable de le formuler. Dès que cela touchait Diluc, la vérité s'imposait d'elle-même sans qu'il puisse y faire quoi que ce soit.
"Je... Si c'est ce que tu désires..."
"Est-ce que c'est ce que tu désires?" Insista le garçon dont les yeux rouges reflétaient une sincère inquiétude.
Il n'y couperait pas. Pas cette fois. Il pouvait encore faire l'impasse sur ses propres sentiments. Mais il n'arrivait pas à contrer ses désirs. Plus maintenant alors que Diluc se présentait aussi délicieusement à lui après des années de frustration et de restriction. Que les archons et autres divinités lui pardonnent: il avait fait de son mieux pour bien se comporter depuis son arrivée à Mondstatd, mais un jour ou l'autre, sa vraie nature de pêcheur devait refaire surface. Au pire moment, très certainement. Mais pouvait-on le blâmer de convoiter un fruit interdit qu'il côtoyait depuis si longtemps, et finalement saisir ce dernier dans une chute qui allait de toute façon être inévitable depuis son arrivée à maturité?
Oui, très certainement, mais au moins se sentirait-il moins coupable de céder à la tentation.
"Oui."
"Alors rien ne te retient. Ni moi, ni le reste. Si tu as si peur que ça des répercussions, nous ne le dirons à personne. Alors s'il te plaît..." Affirma le plus âgé d'une voix murmurant contre son oreille. "Faisons-le. Cela fait si longtemps que j'attends..."
Les mains du rouquin commençaient déjà à caresser les pectoraux palpables sous la veste d'uniforme que portait son cadet. Ses mains étaient si petites, si fines... Et pourtant déjà aventureuses. La chaleur corporelle qui émanait du possesseur d'oeil divin pyro se diffusait déjà, donnant l'impression à Kaeya de baigner dans un feu de cheminée. Ce dernier trouva juste assez de self-contrôle pour saisir les poignets avant qu'ils ne descendent dans un terrain plus dangereux. Il prit une inspiration alors que la confusion et la déception se lisaient dans les iris rouges.
"Pas ici. Pas maintenant. Laisse-moi juste un peu de temps -quelques jours- pour préparer ça... Et je te promets que je me donnerais à toi."
Ces paroles firent réaliser à Diluc qu'ils étaient loin d'être seuls et isolés. C'était l'après-midi au domaine de l'Aurore, et même si cette partie du jardin était la moins fréquentée, il n'était pas impossible qu'un domestique passe par là. Sans compter tous les autres présents au manoir Ragnvindr. Même lui, à travers les flammes de passion qui le dévoraient, comprit que ce n'était pas une bonne idée de faire cela ici, surtout s'ils voulaient rester discrets. Même le faire une fois la nuit tombée risquerait d'attirer l'attention sur eux s'ils n'étaient pas assez discrets. Et il s'était engagé à la discrétion.
"D'accord... Mais ne me fais pas trop languir."
Sur ces paroles murmurées, Diluc se sentit assez téméraire pour déposer un baiser taquin sur le lobe non percé de l'oreille de Kaeya. Puis il le relâcha, fier d'avoir déclenché une réaction de gêne chez ce dernier. Il comptait aussi là-dessus pour que la petite frustration qu'il avait initiée n'incite son cadet à se préparer plus rapidement pour le moment.
Il était très tard à la Queue de Chat.
Margaret avait l'habitude de faire les veillées assez régulièrement, ne serait-ce que pour voir son concurent et entretenir l'esprit de compétition. Si sa taverne était moins réputée pour son vin, les dames appréciaient davantage venir passer du temps dans son établissement, ce qui rendait sa clientèle plus appréciable que celle du Cadeau de l'Ange. Cependant, cette nuit-là, c'est un autre genre de clientèle qu'elle attendait. La somme de la nuiter était déjà réglée depuis quelques jours, un extra rajouté pour son silence. La somme généreusement versée ainsi que le statut de celui qui lui avait réservé la chambre la plus isolée l'avait dissuadée de chercher plus loin, quand bien même elle trouvait la démarche étrange. Après tout, ce n'était pas la première fois qu'un Chevalier, ou même un citoyen de Mondstadt, louait ses chambres pour des affaires personnelles.
Cependant, en voyant son client spécial entrer encapuchonné, accompagné d'une personne tout aussi couverte que lui, sa curiosité revint au grand galop.
Il n'y avait plus grand monde au réez de chaussée, juste un ou deux ivres mort qui avait profité de sa permanence pour enchaîner les coupes. Aucun d'eux n'aurait pu décrire, même vaguement, les deux individus qui venaient d'arriver, contrairement à la tenancière qui avait l'oeil affuté. Pendant que Sir Kaeya réglait les formalités, elle remarqua très nettement les cheveux rouges qui dépassaient de la capuche, cachant une appréhension qu'elle pouvait elle-même palper d'ici. Bien sûr, il y avait plusieurs personnes aux cheveux flamboyant à Mondstadt, mais celles que côtoyait Kaeya étaient peu nombreuses.
Quand bien même beaucoup de scénarios lui passaient par la tête, il lui était impossible d'en confirmer un seul, alors elle se contenta de leur indiquer leur chambre, les regardant monter à l'étage avec le sentiment d'avoir participé à une affaire assez importante. L'excitation redescendue, elle put enfin mettre dehors les saoûlards présents, et fermer son établissement pour aller elle-même se reposer, son imagination vaguant encore à ce qui pourrait se passer actuellement dans la chambre qu'elle venait de laisser à ses invités.
Ces derniers étaient loin de tout ce qu'elle pouvait se représenter actuellement.
Après avoir allumé la bougie sur le bureau, Kaeya s'était assis sur la chaise de ce dernier, la tournant vers Diluc qui lui-même était sagement assis sur le lit, ses mains reposant entre ses jambes serrées. Son visage était déjà légèrement rouge d'embarras, ayant senti le regard de la gérante de la Queue de chat sur lui. Il n'avait pas honte de ce qu'il s'apprêtait à faire avec son partenaire, mais cela l'embarrassait plus qu'il ne l'aurait pensé qu'une personne extérieure soit au courant de sa vie intime. Et puis le fait que la chambre ne lui soit pas un cadre familier ne l'aidait pas à se sentir à l'aise. Il aurait aimé que cela se passe dans ce lit qu'ils avaient partagé pendant des années, qui avait vu grandir leur sentiment.
Quand il partagea ce sentiment à son frère d'armes, ce dernier lâcha un soupire avant de répondre:
"On ne peut pas laisser quiconque du manoir l'apprendre."
"Qui te dit qu'elle n'ira pas le répéter ?"
"Je l'ai payée grassement, et nous étions tous les deux cachés. Personne ne sait que nous sommes là: ce sera sa parole contre la nôtre. Et même au-delà de ça... Elle n'a aucun intérêt à nous dénoncer, la philosophie de la Queue de Chat est de faire se sentir bien tous ses clients, même ses concurrents, et garder leurs secrets. C'est pour ça qu'elle a autant la confiance des gens, et c'est pour ça que je l'ai choisie."
Kaeya avait raison, comme toujours. Il n'y avait aucun autre endroit où ils pouvaient faire cela. Mais cela rendait l'héritier Ragnvindr nerveux, car c'était loin de ce qu'il s'était imaginé pour sa première fois. Une chambre louée dans une taverne à l'abri des regards à une heure tardive lui faisait se sentir plus comme une fille des bas fonds de Mondstadt récupérée par un chevalier ivre et avide de passer du bon temps. Sentant sa déception, le garçon à la peau mate se leva enfin pour le rejoindre sur le lit, s'asseyant juste à côté de lui pour poser une main sur son genou.
"Je sais que tu aurais préféré autre chose pour ta première fois, et si vraiment ce n'est pas le souvenir que tu veux, nous pouvons toujours..."
"Non!" Répondit rapidement Diluc en attrapant sa main. "Je veux dire... Bien sûr, je suis un peu déçu, mais tant que c'est toi, tout me va."
Bien sûr, ce n'était pas comme dans ses rêves, mais il préférait cela à n'importe quelle fille dans les décors le plus somptueux. Son partenaire acquiesça et vint caresser délicatement sa joue crémeuse. Le soupire de joie qui sortit de la bouche du garçon aux cheveux flamboyant les surpris tous les deux. Le plus jeune se mordit la lèvre pour réfréner un sombre désir en lui: il se demandait si Diluc pourrait sortir des sons encore plus délicieux s'il le torturait davantage avec l'attente. Il ne devrait pas penser à cela, pas alors que ce dernier plaçait totalement sa confiance en lui pour l'initier.
Il se rendait compte que des deux, il était le plus tendu, et cela ne manqua pas à son ainé.
"Je ne sais pas comment m'y prendre." Fit-il timidement en rapprochant son visage. "Mais j'apprends vite."
Les lèvres du jeune homme aux cheveux rouges se posèrent sur celles de son homologue avec la légèreté d'une bise nocturne. C'était sûrement le baiser le plus chaste qu'ils aient échangé, mais il suffit à allumer l'étincelle de ce qui serait bientôt un brasier. Kaeya l'embrassa à son tour, plus longuement pour goûter le jus de raisin qu'il avait bu plus tôt. Ce fut Diluc qui prit l'initiative de plonger dans sa bouche pour toucher sa langue, aussi maladroitement que la première fois. Celui aux mèches bleues le guida tout en laissant ses mains descendre le long de ses épaules. Ils finirent par se tenir les deux mains pendant l'échange, un sentiment de nostalgie les envahissant d'un temps où ils avaient dormit dans cette position.
Le plus jeune rompit le baiser, et trouva la fougue de se déplacer jusqu'à son oreille.
"On devrait se déshabiller, et s'installer sur le lit." Chuchota-t-il avant de la picorer légèrement.
Le souffle chaud sur cette partie de son corps encore vierge de toute stimulation fit tressaillir Diluc, qui ne put qu'acquiescer avec un visage de la même couleur que ses cheveux. S'il n'avait pas été aussi anxieux, Kaeya aurait sûrement eu un sourire mi-moqueur, mi attendrit de voir son grand frère adoptif, d'ordinaire si fier et si dur, devenir si effarouché après quelques baisers. Cependant, il se sentait lui-même encore très incertain de ce qui allait advenir, sentant le double poids de la responsabilité des actes de cette nuit. Il fallait que ce soit un bon moment pour son partenaire.
Ce dernier s'était débarrassé de couches superficielles, et ne portait désormais qu'une chemise bouffante lacée et son pantalon, et l'attendait sagement au bout du lit.
Le garçon au cache oeil se ressaisit devant cette vision, et se débarrassa à son tour de ses chaussures, sa veste d'uniforme de chevalier, ainsi que tout accessoire esthétique qu'il aimait ajouter pour son plaisir personnel. Puis il s'installa à genoux sur le lit, en face de son frère d'armes qui semblait perdu tout autant que lui. Ils avaient la même chose en tête, mais aucun n'arrivait à trouver le courage de le formuler. Il fallait pourtant que quelqu'un mette ce sujet sur le tapis avant de continuer, pour qu'ils sachent au moins ce qu'ils allaient faire.
Après un silence embarrassant qui dura une éternité, Kaeya prit l'initiative:
"Diluc, est-ce que tu veux que je le fasse, ou tu es plus à l'aise pour le faire."
Face à ces mots assez implicites pour suggérer plusieurs choses, le concerné monta d'une teinte dans la rougeur.
"Je... Je préfère te laisser faire."
Cela étonna à moitié le jeune homme à la peau mate qui pensait, vu le tempérament impulsif de son partenaire, que ce dernier voudrait prendre les devants. Il semblait cependant lucide sur son inexpérience, et son innocence naturelle reprenait aussi le dessus. Kaeya acquiesça et sortit de la poche interne de sa chemise ce qui ressemblait à un flacon d'huile parfumée pour la poser sur la table de chevet juste à côté pour un futur besoin. Cela venait sans doute de la fleuriste, mais même en connaissant sa provenance, Diluc ne put s'empêcher de regarder avec interrogation, voire suspicion, son cadet.
Ce dernier se frotta la nuque, clairement embarrassé comme un enfant pris en faute alors qu'il n'avait rien fait de mal.
"Que ce soit toi ou moi, ça fera mal si on ne se prépare pas..."
"Tu as l'air d'être bien renseigné. Tu as déjà fait... ça?" Demanda l'héritier Ragnvindr d'un ton méfiant.
"Non! Bien sûr que non!" Se défendit celui à l'iris marine qui comprit que cela devait paraître étrange qu'il en sache autant.
Comme ça, il pouvait avoir l'air expérimenté, surtout aux yeux de Diluc qui avait fait son éducation sentimentale avec les lingères du manoir, mais le fait est qu'il avait autant d'expérience pratique que lui sur la chose.
Ce qui marquait la différence entre eux était surtout sa connaissance, Kaeya fréquentant plus étroitement les adolescents et jeunes adultes de Mondstadt, ces derniers ne se privaient pas de partager avec lui, et leurs autres camarades masculins, leurs découvertes et aventures sur le sujet. Le fils adoptif des Ragnvindr avait ainsi eu une formation très rapide et très explicite sur beaucoup de sujets concernant le sexe.
Il connaissait aussi les meilleurs points de la ville pour rencontrer les prostituées en échappant aux patrouilles de Favonius. L'amour entre hommes, bien que tabou aux yeux de la religion, l'étant beaucoup moins au sein d'un groupe essentiellement masculin dans la découverte de leurs limites, avait aussi souvent été abordé. Certains pratiquaient même régulièrement, tout en se défendant de quelconque sentiments bien sûr.
Mais cela n'intéressait pas Kaeya bien sûr.
La seule chose qui l'intéressait à ce moment précis était de satisfaire Diluc.
Ce dernier acquiesça, gardant malgré tout un air contrarié. En voyant cela, son cadet soupira et s'approcha de lui pour replacer une mèche de cheveux derrière son oreille.
"Diluc, je t'assure qu'il n'y a jamais eu personne. Tu étais... " Il se mordit la lèvre d'appréhension sur ce qu'il allait dire. "Tu es la seule personne dont je me préoccupe."
"Tu me le promets?"
"Je te le promets." Fit celui au cache oeil avec un petit sourire avant d'embrasser de nouveau son compagnon.
D'abord timide comme le premier, l'échange s'intensifia rapidement sous la passion retenue, et les sentiments qui se dévoilaient petit à petit. Cela faisait peur à Kaeya de se rendre compte qu'il pouvait petit à petit s'ouvrir à celui qui avait partagé sa vie jusque-là, car après les bonnes choses arriveraient forcément les mauvaises s'il continuait à se dévoiler. Diluc le rendait incapable de mentir, et tout ce qu'il avait dit n'était que pure vérité. Depuis qu'il était devenu chevalier, seul son frère d'armes avait compté, et ce malgré quelques filles qui étaient venues l'aborder, attirées par sa beauté exotique et l'aura mystérieuse qu'il dégageait. Mais aucune n'était arrivée à lui décrocher du désir, ou même un désir. Il avait tout gardé pour Diluc.
Et ce soir, il allait enfin pouvoir libérer cette passion, alors que ses mains venaient pour la première fois réellement toucher la peau crémeuse qui l'avait tant hypnotisée dans sa jeunesse.
Cela faisait un moment qu'ils avaient fini, mais ils n'arrivaient pas à dormir.
Dénués depuis longtemps de tous leurs vêtements, ils reposaient l'un sur l'autre dans leur simple pareil, transpirants mais encore sous le coup de l'euphorie de l'orgasme. La tête rouge reposait sur le torse développé de Kaeya qui caressait sans fatiguer la tignasse bouclée à sa portée. La bougie éteinte, ils savouraient la présence l'un de l'autre dans le noir sans rien dire. Ils n'avaient pas besoin de parler pour le moment, juste apprécier ce moment intime qui leur rappelait ceux qu'ils avaient partagés dans leur jeunesse. Une douceur d'enfance à laquelle se rajoutait le goût d'une aventure adulte et interdite. Ce qu'ils venaient de faire était blâmable à bien des égards, mais ils n'en tiraient qu'une satisfaction similaire à celle d'avoir volé des bonbons sans se faire prendre.
Cette pensée tira un sourire sur les lèvres de Kaeya, qui savait qu'il aurait droit à bien pire qu'une correction si jamais cela se savait au manoir.
Malgré le risque qu'il encourait, il n'arrivait pas à ressentir autre chose qu'une joie et une fierté d'avoir été la première fois de Diluc, et que ce dernier soit également la sienne. C'était un écart de comportement qu'il se permettait, essayant de se convaincre lui-même que ce serait le seul. Au fond cependant, il savait rien qu'en regardant les grands yeux de feu le dévorer d'une sincère affection que ce ne serait pas la dernière fois. Le garçon aux cheveux bleus se connaissait assez lui-même pour savoir que s'il avait craqué une fois, il craquerait les fois suivantes. Diluc le rendait beaucoup trop confiant sans le savoir, lui faisant ressentir un climat de sécurité lorsqu'il était avec lui.
Ce n'était pas bon, alors qu'il avait été élevé justement avec cette idée précise que rien, ni personne à Mondstadt ne serait sûr pour lui.
"À quoi tu penses?" Coupa la voix de son aîné dans ses pensées.
"À rien en particulier." Répondit le plus jeune d'un ton distrait. "Je me disais juste que j'étais bien avec toi."
Cela sembla satisfaire Diluc, qui sourit timidement avant de se redresser pour tourner sa tête afin de le regarder. Sa main vint chercher celle de son cadet pour entrelacer leur doigt. Bien qu'ils venaient de faire l'amour, Kaeya se rendit compte que ce genre de toucher lui avait terriblement manqué, alors que des picotements lui tiraillaient le ventre. Il caressa le dos pâle de la main avec son pouce, bien plus sombre alors que l'héritier Ragnvindr le fixait toujours d'un air plus sérieux, comme s'il avait réfléchi lui aussi à quelque chose. Il n'eut cependant pas besoin de lui poser la question, car le garçon aux cheveux rouges aborda le sujet lui-même.
"Kaeya. J'ai réfléchi à tout ça... À nous et je pense... Je pense Je pense que je vais dire mes sentiments à père."
Cette déclaration n'avait rien de si surprenante, encore une fois, après ce qui s'était passé. Kaeya savait qu'en franchissant aussi cette ligne, cela renforcerait ce que son cadet ressentait pour lui, et il l'avait quand même fait en connaissance de cause. Maintenant, il devait aussi assumer ce qu'il avait engendré, et les conséquences de ses actes. C'est pourquoi il acquiesça silencieusement, laissant Diluc perplexe face à cette réponse, s'attendant sûrement à ce que son frère adoptif s'oppose encore une fois à tout ce qui pourrait donner un indice sur leurs relations.
"Je ne dirais rien sur nous." Assura Diluc en resserrant sa prise sur sa main. "Mais je veux que Père sache qu'il y a quelqu'un dans mon coeur parce que... Parce que j'ai surpris une conversation il y a quelques jours. Il veut organiser une rencontre avec plusieurs filles à marier et à haut statut, en vue de fiançailles et d'un mariage. Je veux qu'il comprenne que je ne me marierais pas sans amour, alors quand j'aurais ma majorité, je lui dirais tout. Je serais indépendant, et légalement adulte, je n'aurais rien à craindre."
"Je ne comprends pas pourquoi tu tiens tant à lui dire." Fit finalement Kaeya.
Il se rendit compte après coup que les mots avaient dépassé sa pensée lorsqu'il fit face au visage surpris de son partenaire. Après un soupire, il reprit:
"Mais pourquoi tu veux qu'il sache alors que ça risque de mettre en péril votre relation et ton statut social. En plus tu assumes à moitié, tu lui dis que tes sentiments, mais pas que nous avons... une relation."
Le dire fit réaliser à Kaeya que c'était effectivement le cas. Ils avaient une relation. Ils se fréquentaient, s'embrassaient, et maintenant ils avaient des relations sexuelles. Il se dépêcha de reprendre pour ne pas avoir à réfléchir plus profondément sur ce que cela impliquait pour eux, mais surtout pour lui.
"Quitte à lui dire, autant tout lui dire, non? "
"Je ne veux pas te causer de problèmes. Si jamais il apprend ce que nous avons fait, et qu'il le prend effectivement mal, ce n'est pas contre moi, mais contre toi qu'il va être furieux. Il va penser que tout sera de ta faute, que tu m'as séduit, corrompu... Et je ne veux pas qu'il te fasse du mal."
Le plus jeune comprenait cette logique, mais si Crepus était déterminé à préserver l'image innocente qu'il avait de son fils, il aurait été capable le penser coupable de cet émoi plutôt que son propre enfant. Il était toujours plus facile de blâmer quelqu'un qui n'avait rien fait si cela permettait de continuer à ce leurre, surtout quelqu'un que l'on aimait. Entre la chair de sa chair et un gamin adopté et aux origines louches, peu importe le temps passé ensemble, la balance penchera toujours quelque part.
"Peu importe sa décision, cela me va tant que je suis avec toi."
"C'est ton père, Diluc."
"Justement, c'est mon père. Depuis que je suis enfant, je lui ai toujours tout dit, même mes bêtises, et il m'a toujours pardonné et comprit. Il m'a toujours montré que je ne devais pas avoir peur d'être honnête avec lui, alors maintenant... Je veux lui faire confiance. J'estime que je lui dois la vérité après tout. Qu'il l'accepte ou non, c'est un autre problème, mais au moins il saura."
Kaeya était assez impressionné par l'intégrité de Diluc malgré tout ce qui s'était passé. Même maintenant, nu et allongé dans le même lit qu'un bâtard comme lui, il restait encore innocent sans le savoir. Le jeune homme à la peau mate pris une inspiration en collant Diluc contre lui pour déposer un baiser dans ses boucles rouges. Elles sentaient les fleurs fraîches qui poussaient au Domaine de l'Aurore, une senteur accentuée par la transpiration sécrétée dans leur dernière activité. Il pourrait humer ce parfum tous les jours, et ne jamais s'en lasser tant elle était enivrante.
"Tu as raison. On lui doit la vérité après tout ce temps passé à se cacher. Moi aussi... Moi aussi il y a quelque chose qu'il faut que je te dise. Un secret."
"Un secret?"
Il acquiesa, alors que sa raison lui hurlait de ne pas faire ça sous le coup de l'émotion. Il allait le regretter plus tard, et il ne sera plus possible de revenir en arrière, mais cette idée lui trottait déjà en tête depuis un moment. Depuis qu'il avait embrassé Diluc, et qu'il avait promis de lui donner une réponse sur ses sentiments. Jusqu'ici, il s'était toujours restreint à s'engager dans quoi que ce soit à cause de son identité secrète, mais son compagnon le repoussait sans le savoir dans ses retranchements, approfondissant cette relation dans laquelle ils s'enlaçaient et se tiraient l'un l'autre sans vouloir en sortir. Cela faisait des années qu'il se torturait sur ce statut de traitre qu'il portait, qu'il n'arrivait plus à supporter, surtout en face de ce statut de traitre qu'il portait, qu'il n'arrivait plus à supporter, surtout en face de Diluc.
"Oui. Quelque chose d'important. Si tes sentiments ne changent pas après ce que je te dirais, alors je viendrais avec toi pour mettre Père au courant."
"Et quel est ce secret?"
"Je te le dirais le jour de ton anniversaire."
Diluc protesta bien sûr, la curiosité le dévorant, mais Kaeya resta inflexible. Il ne voulait pas gâcher ce moment magique avec quelque chose d'aussi lourd. Pour l'instant, il voulait juste profiter de l'amour que son partenaire lui portait, et fit taire ce dernier avec un doux baiser. Si cela fonctionna, il vit dans les yeux rouges une passion allumée, et il sut qu'ils n'allaient pas en rester là. Ce qu'il accepta avec allégresse, car il avait loué la chambre pour la nuit, et même s'ils devaient être rentrés avant l'aube, ils avaient encore beaucoup de temps devant pour explorer des parties de leur corps qu'ils ne connaissaient pas encore.
Le lendemain, ils étaient tellement fatigués qu'on les congédia exceptionnellement pour qu'ils puissent se reposer.
Toute histoire d'amour, même la plus heureuse, connaissait ses moments sombres.
Cela aurait dû être une journée placée sous le signe de la bonne fortune. Kaeya et Diluc étaient de service, mais ils avaient pu s'éclipser un petit moment pour fêter l'anniversaire de l'aîné à leur manière, impliquant un torride baiser et un bouquet de Lys Cailla et d'herbe à lampe qu'il avait lui-même cueillit à l'aube. Si le geste paraissait enfantin pour leur âge, il toucha néanmoins Diluc qui promit de trouver le plus beau des vases pour son bouquet. Le reste de la journée se passa tout aussi bien, la fête à la taverne battait son plein, Crepus heureux de fêter la majorité de sa plus grande fierté, pour que le duo père et fils finissent par prendre la calèche pour rentrer se préparer pour une fête plus formelle et plus prestigieuse.
À l'issue de cette dernière, les deux jeunes hommes avaient prévu de se présenter à leur père en tant que partenaires, ayant déjà préparé tous les cas de figure pour lui répondre et se défendre.
Tous, sauf un.
Kaeya n'aurait jamais pensé que le destin lui ferait un rappel à l'ordre aussi violent. Il se sentit tout d'un coup bien stupide de penser qu'il aurait pu vivre une idylle innocente avec le garçon qui avait partagé la moitié de sa vie actuelle. Les choses n'auraient pas pu être aussi faciles que d'annoncer à Crepus leur relation, recevoir la bénédiction de ce dernier, avouer ses sombres origines en promettant fidélité à Mondstadt, et repousser les sombres plans des abysses lorsque ces derniers se manifesteront. Bien sûr que non. Comment avait-il pu espérer une seule seconde qu'il aurait droit à une famille aimante et à une seconde chance, alors que son destin était maudit depuis sa naissance. On ne combattait pas une telle chose avec de l'amour et quelques intentions bienveillantes.
Il suffisait de voir où cela l'avait mené: son père adoptif était mort, et son frère d'armes était aussi traumatisé qu'inconsolable.
Mais ce que Kaeya détestait plus que son bonheur qui venait de lui être volé, c'est sa propre réaction en voyant le corps ensanglanté et sans vie de celui qui l'avait recueilli, aimé et élevé sans condition. À savoir une froide fascination lorsqu'il comprit que l'homme avait cédé à la tentation de l'oeil maléfique pour combattre Ursa, au prix d'une douleur si horrible qu'il du demander à son propre fils de mettre fin à ses jours. Il chercha au plus profond de lui la tristesse, la colère, le désespoir qu'il devrait ressentir, et partager avec Diluc, mais il ne trouva rien de tout ça. Le seul sentiment qui le traversait était ce qui s'apparentait à un vague et lointain soulagement, car la mort de Crepus ne signifiait que deux choses pour lui.
Ils n'avaient plus besoin de lui avouer leurs relations avec Diluc, et son propre dilemme par rapport à son secret n'avait soudain plus aucun sens.
Le chevalier aux cheveux bleus n'arrivait pas à comprendre pourquoi il pensait à cela, alors que le prix à payer était la santé mentale de Diluc. Même la plus violente réaction de son père l'aurait moins blessé jusqu'au plus profond de son être que sa mort. Mais le fait est qu'une partie de lui, la plus laide et la plus honteuse, était rassurée de ce retournement de situation qui assurait un minimum sa sûreté. Cela appuya la violence du dégoût qu'il avait de sa propre personne, culpabilisant de ne pas compatir un minimum à la douleur de son frère adoptif qui était actuellement dévasté.
Tous deux occupés à leur manière à encaisser le déchaînement de mal être que ce deuil leur subjuguait, ils ne se rendirent pas compte que les Chevalier de Favonius étaient partis depuis longtemps avec le corps. Sûrement ils avaient essayé de les raisonner pour qu'ils rentrent au moins au manoir afin de se mettre à l'abri de la pluie, mais Diluc était resté inerte, plongé dans un état second comme s'il n'arrivait pas à accepter la réalité cruelle qui s'offrait à lui. Kaeya était resté non loin de lui, admirant sa propre misère, et imperméable à tout ce qui lui avait été proposé.
Il fut le premier à remettre les pieds sur terres, et s'approcha doucement de son frère pour poser une main sur son épaule.
"Diluc, on doit rentrer maintenant."
Ce dernier sortit à son tour de sa torpeur en entendant sa voix, et tourna son visage déformé par le chagrin vers lui.
"Rentrer pourquoi faire Kaeya? Il n'est pas... Il n'est plus là! Papa... Papa est mort! Qu'est-ce que nous allons devenir? Qu'est-ce que je vais devenir?"
Le jeune homme aux cheveux bleus ne put s'empêcher de hausser un sourcil perplexe face à aux angoisses de son homologue. Lui qui avait toujours clamé fièrement que s'il était rejeté du manoir, il pourrait toujours s'en sortir tout seul, qu'il était assez dépendant pour cela. Pourquoi était-il alors autant en détresse de se retrouver sans son père, s'il s'était préparé à cette éventualité? C'est l'expression déchirée de ses yeux reflétant une solitude nouvelle qui le frappa. Il connaissait cette expression. C'est la même qu'il avait ressenti le jour où son propre père biologique l'avant abandonné. Une autre réalisation le frappa, encore plus malsaine.
Lui et Diluc ressentaient enfin la même chose.
C'est une douleur qu'il n'aurait jamais souhaitée à son pire ennemi, et pourtant de la même façon avec Crepus, il ressentit un étrange réconfort de voir que Diluc comprenait désormais ce que c'était de ne plus avoir de famille et de se retrouver seul au monde... Enfin, seul, c'était un bien grand mot. Diluc avait encore son héritage familial, le manoir, ses domestiques, son titre au sein de l'Ordre Favonius et la moitié de Mondstadt à ses pieds. Il était loin d'être sans aucune ressource, il s'en sortirait aisément une fois qu'il aura compris comment reprendre l'affaire de son père.
Ah, peut-être voulait-il dire émotionnellement.
"... est-ce que tu comprends ce que je dis, Kaeya!" Gronda l'héritier Ragnvindr. "Il ne reviendra plus jamais! Nous allons devoir vivre sans lui!"
"Je suis désolé... Je n'arrive pas à réaliser..." Fit l'interpellé, encore confus.
Cela sembla calmer un peu Diluc qui prit une respiration pour tenter de récupérer son sang-froid.
Il se sentit soudain mal d'avoir parlé en des termes si cruels alors que chacun avait sa manière d'agir face au deuil, et qu'il réalisa que son frère adoptif avait déjà vécu une situation similaire. Sans doute était-il en train de cacher sa peine pour ne pas en rajouter une couche. Ils devaient être encore plus présents l'un pour l'autre, et soutenir mutuellement plutôt. Il avait perdu son père, il n'arriverait pas à l'accepter avant un moment, mais tant que Kaeya resterait à ses côtés, alors il pourrait traverser ça. Ensemble, ils surmonteraient ce drame. Pour le moment, il ne voyait que la peine, mais tout irait bien. Kaeya était là pour lui, là pour le soutenir.
"Rentrons nous sécher, on en parlera après."
Lorsqu'ils furent de retour au manoir, trempé et gelés de la tête aux pieds, les domestiques furent prises de panique.
Elzer s'occupa de remercier les invités présents pour la fête d'anniversaire de Diluc, et en très peu de temps, le manoir se vida de tous ses résidents, même les domestiques qui comprirent qu'il valait mieux laisser les deux frères seuls. Ce fut au milieu de la nuit que Kaeya, se trouvant incapable de dormir après cette nuit d'horreur, et encore torturé par ses pensées. Crepus était mort. Son père adoptif était mort. Celui qui l'avait élevé et intégré dans cette ville où il était censé trahir. Cela faisait des années maintenant, son père biologique pourrait revenir n'importe quand, il le savait. Il pensait qu'après cette nuit avec Diluc, il avait fait son choix. Il se rendait compte que non.
Jamais il ne pourra prétendre être du côté de Diluc tant qu'il lui cachera la vérité.
Le poids de la culpabilité deviendrait insoutenable, au point qu'il n'arriverait plus à regarder Diluc dans les yeux à terme. Crepus était mort, et il n'arrivait pas à ressentir ce chagrin que tout le monde semblait éprouver, et pourtant son frère d'armes continuait de penser qu'il était digne de confiance. C'était beaucoup trop à supporter. C'était sans doute le pire moment, mais s'il ne le disait pas maintenant, il savait qu'il ne le dirait jamais. A chaque fois qu'il verra le visage de Diluc, il ne pourra pas s'empêcher de penser à son défunt père, et se sentirait incapable de briser de nouveau sa famille. Il fallait qu'il le fasse maintenant.
Il s'habilla assez pour être à l'aise dans ses mouvements, et prit son épée avec lui avant de sortir de sa chambre pour rejoindre Diluc dans la sienne. Cela faisait peu de temps qu'ils avaient désormais chacun leur chambre, Crépus ayant à l'époque totalement suivi Kaeya lorsqu'il avait exprimé son besoin d'intimité, et ainsi il avait récupéré la chambre d'amis. L'héritier Ragnvindr n'avait rien dit pour protester, conscient que cela serait louche, mais cette nouvelle barrière érigée entre eux l'avait beaucoup déçu. Cela ne l'avait pas empêché de tenter de rejoindre son cadet de temps en temps, mais ce dernier s'était toujours tenu à ses principes.
Ce soir, ces principes étaient mis à épreuve.
Il frappa trois fois et attendit l'autorisation avant d'entrer. Comme il s'y était attendu, son frère d'armes n'était absolument pas en train de dormir. Ses yeux étaient injectés de sang, signe qu'il avait longuement pleuré, même après être rentré, et sans doute après son bain. Son lit était néanmoins défait, et il put apercevoir l'oreiller qui présentait des signes d'usure. Le garçon aux cheveux rouges s'était certainement enfouis la tête dedans pour éviter qu'aient l'entendre hurler sa peine. Ce spectacle désolant fit vaciller la détermination de Kaeya, mais il trouva la force de rester.
"Je suis désolé de te déranger à une heure aussi tardive, mais il y a quelque chose que je dois te dire. C'est à propos de ce secret dont je t'ai parlé."
"Kaeya, je suis fatigué." Répondit son homologue d'une voix lasse et brisée."Tu me diras tout ce que tu veux demain..."
"Non, je veux te le dire tout de suite. C'est important."
Diluc, qui s'apprêtait pourtant à fermer la porte de sa chambre, se figea pour regarder son cadet figé dans le couloir, une expression grave sur son visage d'ordinaire si léger et si souriant. Il sut, rien qu'à l'intonation de la voix de Kaeya, confirmé par l'expression froide de son seul oeil visible, qu'il voulait parler de quelque chose de grave. Il s'agissait de ce secret qui l'avait tant travaillé, dont il avait passé des heures à essayer de deviner sans jamais réussir. Maintenant il s'agissait de la dernière préoccupation de l'héritier Ragnvindr, mais son instinct lui disait qu'il devait se préparer sérieusement à ce qui allait suivre, car jamais son partenaire n'avait été comme cela.
"Je t'écoute."
Kaeya prit une inspiration, puis déclara:
"Ce jour où j'ai été abandonné par mon père, j'ai menti quand j'ai dit que je ne savais pas pourquoi. En fait, je le savais très bien, je l'ai toujours su."
"Pourquoi alors?" Demanda Diluc, la voix extrêmement tendue, comme s'il savait qu'il n'allait pas aimer la réponse.
"Parce que lui comme moi sommes originaires de Khaenri'ah. Tu en as entendu parler n'est-ce pas? Cette cité disparut depuis des siècles... Eh bien, des gens ont survécu. Nous étions un petit groupe quand je suis né, nous vivions sous terre, dans l'ombre, et nous n'avions qu'un objectif: reconquérir la surface. Mais pour cela, il fallait être discret et savoir comment fonctionnait Teyvat, alors il a été décidé de placer des espions dans les différents pays pour les analyser de l'intérieur et connaître leurs stratégies et leurs points faibles. Et moi... Je faisais partie de ces espions. Ce n'est pas par hasard si j'ai rencontré Crepus et atterrit au manoir, en fait... Tout était calculé depuis le début pour que je puisse m'intégrer et endormir la vigilance de Mondstadt jusqu'à ce que mon père revienne. J'étais leur dernier espoir."
Au fur et à mesure qu'il parlait, le visage de Diluc se décomposa, d'abord dans l'incompréhension, puis la réalisation, et enfin la stupefaction. Il venait d'apprendre en quelques phrases que le petit garçon qu'il avait chaleureusement accueilli chez lui, que tout le monde avait trouvé louche dès le départ sauf lui, avait réellement eues de mauvaises intentions. Que les adultes de l'époque avaient eut raison, et que c'est lui, enfant naïf, qui s'était laissé tromper par la détresse apparente de l'orphelin. Et tout ce qu'ils avaient partagé par la suite, les évènements qui s'étaient succédé, débouchant sur l'adoption de Kaeya au sein de sa famille, ne furent que le fruit d'une sombre manipulation.
Les mains du jeune homme aux cheveux rouges commencèrent à trembler alors qu'un sourire désespéré s'étira au coin de sa lèvre.
"Kaeya... Il vient de se passer quelque chose d'horrible, ce n'est pas le moment de plaisanter! Tu fais peut-être ça pour me changer les idées, mais ça ne marche pas alors s'il te plaît..."
S'il te plaît, dis-moi que tu plaisantes. Même la plus sombre de tes moqueries te sera pardonnée face à cette odieuse vérité.
"Je dis la vérité, Gege." Le surnom, d'ordinaire affectueux, sonnait désormais comme une insulte. "Mon seul et unique but était de m'intégrer à Mondstadt pour le bon déroulement du plan de mon père."
"Ça ne peut pas être possible... C'est un cauchemar..."
Ce fut désormais le corps entier qui palpita de haut en bas. Il ne voulait pas y croire. Il ne voulait pas croire que ce garçon, cet homme qui avait partagé plus de dix ans de sa vie, les bons comme les mauvais moments, les plus insignifiants et les plus intimes, n'avait fait ça que pour une mission ennemie. Qu'il était lui-même un ennemi. Et qu'il l'avait utilisé comme un vulgaire pion juste pour arriver à ses fins. Il ne voulait pas croire qu'il avait donné tout ce qui lui avait été possible de donner juste pour revoir Kaeya sourire, alors que ce dernier devait sûrement se moquer de lui dans l'ombre. Il ne voulait pas croire que tout ça n'était que mensonge.
Mais l'expression immuable de Kaeya le força à y croire, et réaliser qu'il avait en effet donné ses sentiments à un traitre qui en avait profité pour le poignarder par-derrière.
"Comment... Comment as-tu osé?" Commença Diluc d'un ton dangereusement bas où une fureur était palpable. "Nous t'avons tout donné... Nous t'avons logé, nourrit, donné une éducation, de l'amour, t'aider à t'intégrer dans Mondstadt, défendu contre tous les citoyens qui te détestaient... Mon père t'a donné son nom de famille pour que tu te sentes vraiment comme chez toi et moi... "
Ses émotions prenaient de plus en plus le pas sur sa voix, il du reprendre sa respiration, et releva la tête pour révéler ses yeux baignés dans d'autres larmes qu'il avait pu couler pour la mort de son père. Des larmes de rage.
"Tu as été mon premier baiser, ma première fois! Je t'ai aimé comme je n'ai jamais aimé personne. Tu étais le seul qui comptait! Comment as-tu pu jouer avec moi comme ça!"
Sa claymore se matérialisa entre ses mains, déjà enflammée, sous le regard vide d'émotion de Kaeya, comme si tout ce que venait de dire Diluc ne l'atteignait pas. Ou plutôt qu'il l'acceptait sans broncher, sans contester quoi que ce soit dans ce qu'il venait de dire. Comme s'il n'y avait rien d'autre à dire. Cette absence de défense, de justification ne fit que renforcer le sentiment de trahison de Diluc. Beaucoup de mots, de moments et de scènes se mirent à tourner dans sa tête, comme un film en accéléré. Les plus percutants furent immédiatement remis en question. Le talent naturel de Kaeya pour le combat à l'épée. Ses connaissances poussées sur les créatures des abysses. Peut-être même n'avait-il pas été vierge lorsqu'ils avaient fait l'amour...
Tout se bouscula et se mélangea dans l'esprit perturbé de Diluc, encore noyé sous le chagrin du deuil et l'horreur de la révélation. Il était beaucoup trop fragile mentalement pour réussir à faire le tri et la part des choses, et pour le moment, un seul sentiment le guida: la colère. Une colère brûlante qui l'embrasa dans un torrent de flammes que personne n'arriverait à éteindre.
"Tu m'as trahis... Tu as trahi père... Tu as trahi Mondstadt..." Énuméra sombrement Diluc alors qu'il saisit son arme de ses deux mains et arrondit son dos...
"Je sais." Répondit enfin Kaeya d'une voix qui ne tremblait pas.
"COMMENT AS-TU PU!"
Sur cette explosion de colère, Diluc s'élança avec une vitesse rarement vue, surtout vu le poids de l'arme qu'il tenait, pour bondir sur Kaeya et lui asséner un coup vertical. Voyant son assaut arriver, ce dernier eut juste le temps de se décaler pour éviter le coup qui fit trembler le sol aux alentours et laissa une grande trainée de poussière. En voyant la marque laissée par l'épée qui creusait une bonne dizaine de centimètres sur le sol, fragilisant le bois du parquet assez pour craindre que cette partie de l'étage ne s'efondre, le chevalier à la peau mate confirma que Diluc l'avait attaqué avec la réelle attention de le tuer. Il sortit sa propre arme, même s'il savait que le combat était perdu d'avance.
Diluc manipulait une arme plus puissante que la sienne, il possédait un oeil divin qui était actuellement déchaîné, et surtout, il avait la plus puissante source de pouvoir de ce monde, selon Kaeya: la haine. C'était la seule flamme qu'il pouvait lire dans les yeux rouges: l'héritier Ragnvindr le haïssait, comme il n'avait jamais haï quelqu'un. Personne, même pas la plus basse des vermines, n'avait eue droit à un regard aussi intense, mais était-ce surprenant? La haine et l'amour étaient deux faces d'une même pièce après tout, et Kaeya savait à quel point Diluc l'avait aimé, il le lui avait lui-même dit.
Il avait donc une bonne idée à quel point il devait le détester désormais.
Le deuxième coup manqua de le toucher au torse, et Kaeya du reculer vivement pour ne pas se retrouver avec une blessure grave. Il profita du temps que Diluc mettait à relever son arme pour sauter de l'étage et s'enfuir par la porte du manoir. Son adversaire le suivit au pas bien sûr, et Kaeya se prit un violent coup dans les omoplates dans sa fuite alors qu'il passait le palier de la porte. Ne jamais tourner le dos à un adversaire, il le savait. Mais inconsciemment, il faisait encore confiance en Diluc, même quand ce dernier essayait de mettre fin à ses jours. Son épée para misérablement les coups enflammés de l'énorme claymore alors qu'il reculait dans le jardin du Domaine de l'Aurore, sous la pluie.
Malgré l'inégalité du combat, celui sans oeil divin n'arrivait pas à se sentir terrifié à l'idée de mourir sous la rage de son partenaire.
Pour la première fois de sa vie, il ne portait aucun masque, il n'y avait aucun faux-semblant entre eux. De la même manière que Diluc laissait parler toute la fureur qui le consommait à travers les flammes destructrices, Kaeya se présentait sous son vrai jour. Celui d'un traitre et d'un usurpateur. S'il devait périr dans cette bataille qui ne lui laissait aucun répit, au moins il partirait le coeur serein. Il avait trouvé une famille. Il avait connu l'amour, même éphémère et tabou. D'une certaine manière, il pouvait dire qu'il avait été heureux. Et le fait de ne pas avoir à choisir lorsque son père reviendra le soulageait aussi. Finalement, ce n'était pas une si mauvaise chose de mourir par la main de la personne qui représentait tant pour lui, n'est-ce pas?
Alors pourquoi une partie de lui n'arrivait pas à s'y résoudre?
Désespérément accroché à la moindre étincelle de vie, il continuait de parer les coups de plus en plus violents, à esquiver et même riposter. Il refusait d'abandonner. Il refusait de mourir. Alors qu'il venait enfin de se libérer d'un poids et de dire la vérité à son frère d'armes, alors que son père adoptif était mort, alors qu'il avait fait son choix entre son devoir et sa loyauté. Tout ce qui venait d'arriver n'était pas censé marquer sa fin alors qu'il lui restait encore tant de choses à faire. C'est alors qu'il réalisa la raison pour laquelle il continuait de se battre dans ce combat qui le mettait face aux conséquences de ses actes.
Il n'était pas venu dire la vérité à Diluc dans le but de mourir.
Mais de revivre.
Au moment où cette pensée le traversa et qu'un coup fatal allait lui être porté, une énergie élémentaire le traversa dans l'entièreté de son être. Un bouclier se forma autour de son corps endolori et envoya une vague glacée repousser les flammes de Diluc qui allaient l'achever. Une explosion élémentaire les repoussa tous les deux avec une violence qu'ils n'avaient jamais vue, les séparant immédiatement. Si Diluc s'en remis immédiatement, bien que sonné par le contrecoup, Kaeya au contraire en ressortit mal en point, mais en vie.
Et avec un oeil divin qui brilla juste à côté de lui.
Lorsqu'il vit le bijou magique briller avec le symbole cryo, le visage déjà pâle du garçon aux cheveux rouges se décomposa.
"C'est une plaisanterie..."
Un cadeau des dieux venait d'être fait à Kaeya. Les dieux venaient de récompenser un traitre qui devait mourir en lui sauvant la vie. Quelle sorte de plaisanterie cruelle les archons pouvaient-ils imaginer pour le faire souffrir davantage. Pensaient-ils que cela allait sauver ce damné? Il suffisait au fils de Crepus de reprendre sa claymore, et lui asséner un dernier coup, maintenant qu'il était hors d'état de se battre. Et c'est exactement ce qu'il comptait faire, alors qu'il se releva pour s'approcher dangereusement de lui, trainant son arme d'une seule main dans la boue. Son adversaire le regarda s'approcher sans faire un seul geste, encore sous le choc de ce qui venait d'arriver.
Cependant, lorsque Diluc fut en face de lui, il comprit ce qui l'attendait. Il était prêt malgré tout. Si même la volonté des dieux ne pouvait pas le sauver, alors il accepterait son destin.
Pourtant, le coup qui était censé l'envoyer en Enfer ne vint jamais. L'arme tomba au sol, lâchée par un Diluc fatigué qui le regarda avec un mélange de mépris et de rancoeur. Ils se fixèrent longtemps comme cela, laissant la pluie les inonder de nouveau, et pleurer pour ce lien qui venait de se déchirer entre eux. Plus rien ne sera jamais pareil désormais. Kaeya avait trahi Diluc. Diluc avait failli tuer Kaeya. Comment pouvaient-ils espérer reprendre une vie et une relation normale après cela, surtout après la mort de l'homme qui les avait lié?
"Pars." Fit l'héritier Ragnvindr au bout d'une éternité. "Pars du Domaine de l'Aurore, et ne revient jamais. Tu n'es plus la bienvenue ici. Je ne veux plus te revoir."
Sur ces mots glacés, le plus âgé se détourna de son cadet pour retourner à l'abri du bâtiment qui avait été témoin de leur autodestruction.
Laissé seul sous la pluie, Kaeya baissa les yeux sur son oeil divin nouvellement acquit pour le prendre entre les mains afin de l'admirer. Il venait de perdre son père adoptif. Il venait de perdre son frère d'armes. Il venait de perdre une deuxième fois sa famille. Il était de nouveau abandonné sous la pluie, livré à lui-même. Mais cette fois, il ne ressentait pas le désespoir qu'il avait eu étant enfant, car pour la première fois de sa vie, il se sentait réellement libre. Il n'était plus attaché à personne. Il n'avait plus de compte à rendre. Il était enfin bel et bien libre dans la Cité de la liberté.
Libre et seul.
Pour lui, c'était le début d'une nouvelle vie. Encore une fois.
