Bonjoir ! Il s'est passé tellement de choses depuis la dernière fois que je ne vais pas les raconter… ou peut-être que si ? Je me suis créé un Twitter "pro" à l'occasion du Lexember, Senesterium (comme mon site), et ça se passe super bien. Mon travail a été repéré par des sommités du milieu, les followers s'additionnent, des gens "célèbres" m'ajoutent sur Facebook…

Le Lexember, c'est un défi de création de vocabulaire pour les langues construites tout au long du mois de décembre. C'est aussi la raison pour laquelle j'ai tant de "retard" sur la publication de ce chapitre : j'ai tout simplement pas le temps. Je vous le dis tout de go, le chapitre 3 n'est pas fini, et habituellement je ne publie jamais sans chapitre d'avance, donc vous pouvez considérer que c'est le dernier chapitre que je publierai de l'année. Toutes fics confondues, donc toujours pas de chapitre de Renouveau 6 (mais no stress je ne vais pas la remettre en hiatus, en fait le chapitre est presque prêt mais je dois à tout prix valider mon Lexember en priorité parce que j'ai été approché par le Conlangery Podcast pour figurer dans une rétrospective à condition que je le valide…).

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Dans le chapitre précédent, nous retrouvions Mathis Devaux dix ans après la sortie de Gamaliël des Terres d'Argent, alors que le pays ravagé par les démons est parcouru par des gangs de tueurs de sorciers. En compagnie de Justine Levallier (la fille de l'infirmerie) et Mauvia Staarleit (une sorcière néerlandaise), il quitta les catacombes de Paris contrôlés par les elfes libres pour rejoindre un contact dans le Jardin du Luxembourg, traversant une zone très dangereuse. Ce contact s'avèra être Orianne Vasset, la néogicienne dont le père s'est occupé de Thomas Devaux après sa fuite.

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Réponse aux reviews :

Bienvenue parmi nous, Miss Gotthelf ! Nous avons tellement parlé de ces fics, ça me fait immensément plaisir que tu aies décidé de te lancer.
Je te rassure, ce tome est aussi déroutant et dénué de repères pour les anciens lecteurs. C'est très drôle de voir qu'avec un regard extérieur, t'en capte autant voire plus qu'eux, parce que tu n'as pas d'à prioris.
Nous avons déjà longuement parlé du reste, donc je n'y reviendrai pas… Mais merci encore, tes mots me touchent au cœur, et de toi plus que de n'importe qui me touchent à l'âme.

Hello Tiph ! Ahta, le plocame anotérodiastasique ? Ha ha, pourtant il le dit. Mais tu en sauras plus dans ce chapitre, et le suivant… J'y reviens souvent. Mais non, aucun rapport avec Justine.
À Grand-Trou, il n'y a que Duneska. Comme sous-entendu (peut-être trop subtilement), Mathis et ses amies ne sont là que grâce à Orwell, l'elfe des Niafasen-Castle. Grand-Trou n'est plus tant un refuge qu'une cachette.

Salut Allan ! Je vois difficilement comment tu aurais pu le lire, vu que je ne l'ai montré à personne avant de le publier. Tu sais à quoi t'attendre parce qu'on en a effectivement parlé, mais j'aime garder un peu de mystère. Même avec Océ, quand on lit nos chapitres mutuels du crossover nous nous surprenons. L'idée c'est de compartimenter au maximum pour que globalement, personne ne sache rien même si individuellement chacun en sait beaucoup.
Le plocame anotérodiastasique, c'est sans nul doute ma fierté de ce chapitre. Il m'a fallu plusieurs HEURES de recherches étymologiques sur le latin et le grec ancien, la construction des noms vernaculaires et la taxonomie scientifique… Tout ça pour en arriver à quelque chose d'à la fois clairement descriptif et en même temps scientifiquement obscur.
Il y a des cendres partout et il pleut, mec. Le plan n'existe plus.
Je t'ai déjà dit oui.
Elle a pris dix ans dans la gueule en quelques mois de hiatus. Ça fait vachement mal.
Les deux sont possibles, mais paradoxalement, plus un démon est puissant, plus il a de mal à conserver sa forme corporelle sans posséder un corps. C'est une question d'incompatibilité énergétique, à cause de l'Éther.
Par contre, anatomie si proche des humains ? Sur quoi tu te bases, sachant que je donne genre 8 détails physiques dont 6 clairement non-humains ? Parce qu'ils ont des bras ?
Qui sait, chat retardé (heh).

Yo Ice ! Alors je ne m'inspire pas directement de Dante, mais son oeuvre se situe à la fois en amont et en aval de mes inspirations. Tant en amont de Devil May Cry (c'est pas pour rien que le héros s'appelle Dante…) pour l'apparence des démons mineurs, qu'en aval de la Qliphoth et de la Kabbale en général (ainsi que l'Ars Goetia et le Lemegeton Clavicula Salomoni) pour les démons majeurs et tous les mythes autour de l'Opus Tenebræ.

Hey Miss Hiwatari ! Si je pouvais oublier ton pseudo (non), je ne pourrais pas oublier ton image de profil, qui me fascine toujours autant.
Toutes les réponses viendront, y compris la raison de cette ellipse soudaine. Mais la suprise était nécessaire pour vous mettre en bonne condition.
Oui, c'est bien elle.
Non, en effet. C'est un peu abrupt, mais effectivement, ç'en est définitivement fini des Augures. Je ne peux pas en dire plus, sinon vous rassurer qu'ils ne sont pas juste tous morts.
J'aime pas les gens impatients, mais je te pardonne parce que tu me fais plein de beaux compliments (et que tu reviewes, tu ne te contentes pas de te plaindre, ça compense).

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2) Ouvrir des portes

Grâce aux elfes, rejoindre le palais du Consortium depuis Grand-Trou fut plutôt aisé. Après être retournés dans la ville souterraine des elfes libres, Ils avaient récupéré Duneska et s'étaient faufilés jusqu'aux catacombes creusées sous l'hôtel des Invalides, dans lesquelles était suspendu le palais du Consortium. On y accédait par le "toit" du palais inversé, par un escalier en colimaçon perçant à travers la plus "haute" tour (Mathis n'avais jamais compris en quoi le fait que les bâtiments soient sous terre justifiait de les avoir construits à l'envers). Escalier qui avait été remplacé par un monte-charge rudimentaire, et gardé comme les diamants de la reine.

– Tu vois, je te l'avais bien dit que ce serait trop bien gardé ! râla Mathis.

– Je t'ai connu plus courageux, le titilla Orianne.

– Plus impulsif, corrigea le sorcier. J'ai suffisamment mûri pour accepter que nous n'avons aucune chance.

– Tu crois vraiment que je n'ai pas prévu de distraction ?

– Mmmh ?

– Attends un peu, tu verras…

Mathis patienta alors. La néogicienne avait toujours eu des plans extravagants pour se sortir de situations désespérées. Un petit truc hérité de son obsessionnel de père. Encore quelque chose qu'ils avaient en commun…

Soudain, un vrombissement se fit entendre de l'autre côté de la grotte, s'amplifiant. Plusieurs des sentinelles quittèrent leur poste pour aller voir de quoi il retournait, quand l'un d'eux marcha sur une mine de stase. L'onde de choc magique stupéfia tous ceux dans leur rayon. Une autre partie des sentinelles alla leur prêter main forte, pour déminer le terrain et réveiller les stupéfiés. Certaines restèrent à leur poste, surveillant attentivement les alentours, leur baguette à la main, mais le danger qu'ils représentaient était moindre.

Mathis fit mine de se précipiter, mais Orianne le retint par le bras.

– Attends !

Une des sentinelles improvisée démineur repéra une mine, et jeta un sort de dissipation. Mais, technologie néogicienne, le sort n'eut pour effet que de neutraliser l'enchantement qui maintenait la détente mécanique en place. La mine, explosant, pulvérisa le cristal de poudre d'obscurité instantanée du Pérou qu'elle renfermait, plongeant toute l'autre moitié de la grotte artificielle dans le noir total.

– On y va ! ordonna la néogicienne. Justine !

Mathis et ses trois compagnes de voyage lui emboîtèrent le pas. Justine, de loin la plus rapide, pris les devants. Les sentinelles donnèrent l'alerte, mais dans la noirceur magique avait été déclenchée une mine sonique, dont le vacarme grave et sourd couvrait leur voix sans pouvoir être perçue comme une alarme par les renforts à l'intérieur du palais. Personne ne les entendit donc.

Justine esquiva un sort, et asséna un uppercut au gendarmage le plus proche. Ceux-là n'étaient que des pantins, ils n'avaient pas à mourir pour la folie des lâches. Mauvia jeta une fiole de gaz somnifère au pied de l'escalier, et le corps rapproché s'effondra. Une sentinelle qui surgissait des ténèbres se prit un Petrificus Totalus de Duneska de plein fouet. La vue astrale permanente de la benjamine du groupe était un gros avantage. Tandis que ses compagnons se débarrassait de la dernière poche de résistance autour de l'accès, elle visa les auras errant dans la poudre d'obscurité pour pétrifier les derniers gardes.

– C'est quoi la suite ? s'enquit Mauvia.

– On grimpe jusqu'au troisième étage, à la salle de transfert. Si Rogan a effectivement rétabli un tunnel, ça sera celui-là. L'accès est réputé inviolable, car la porte alchimique est liée à un sceau de Heimling fait du sang du passeur, un homme sans famille. Sont complètement paranos, c'est probablement ce qui les a sauvés des démons.

– Et c'est quoi le plan, concrètement ?

– Si le passeur refuse d'ouvrir, on l'égorge et tu forces le sceau, résuma Mathis.

Ils en étaient là. Si tuer les sentinelles n'était pas nécessaire, il n'hésiterait cependant pas à détruire tout obstacle qui s'avérerait impossible à contourner. Le destin du Monde était peut-être en jeu.

– À quel moment sommes-nous passés du côté obscur ? râla Justine.

– À peu près au moment où une mage noire psychopathe revenue d'entre les morts au bout de mille ans est devenue notre seule espoir.

– Touchée.

Accéder à ladite porte fut beaucoup moins difficile que prévu. Outre les effectifs fortement réduits interdisant les patrouilles dans les couloirs, l'essentiel du pouvoir (ou du moins ce qu'il en restait) avait été concentré dans les étages supérieurs, et à part quelques archivistes à stupéfixer, il n'y eut aucun obstacle.

Puis ils arrivèrent devant la salle de transfert, et les choses se compliquèrent légèrement. La grande porte magique blanche était fermée… et le passeur était absent de sa loge.

– Génial, comme si on n'avait que ça à faire que de le chercher dans tout le bâtiment ! râla Mauvia.

– Je peux le pister à l'odeur, annonça Justine.

– Ah ? s'étonna Orianne.

– L'enchantement de la porte doit maintenir du sang à l'état liquide pour pouvoir comparer avec celui du passeur, expliqua Mauvia. Le sceau de Heimling est prévu pour sceller, pas pour verrouiller une porte régulièrement ouverte.

– Oh d'accord ! lâcha Orianne, impressionnée. Mais je croyais que ta spécialité c'était l'alchimie, pas la Magie Rouge ?

– Elle triche, glissa Mathis. Sa meilleure amie est la descendante de Heimling.

– Qu'est-ce qu'elle est devenue ? Elle n'est pas…

– Elle est en vie ! confirma Mauvia. Du moins l'était-elle la dernière fois que je l'ai vue. Ensuite, sa famille est partie se réfugier en Norvège.

– Ah, bon, ça va. Hé, attendez… Où est Justine ?

Tous furent étonnés de sa disparition. Enfin, tous… Mathis un peu moins.

– Foutue tête brûlée, soupira-t-il.

– On fait quoi ? s'enquit Duneska.

– On l'attend. Avec un peu de chance, elle aura l'idée de ramener le sang du bonhomme sans le reste…

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Voyant le groupe s'ancrer dans une discussion vaine, comme si tout allait bien, Justine s'éclipsa pour suivre la piste. C'était étrange de se dire qu'elle était certainement celle du groupe qui avait vécu le moins d'aventure. Mais elle avait vécu la plus grande de toute : elle était morte. Ou presque. Parfois, elle se demandait pourquoi elle avait accepté. Quand elle y pensait, elle avait comme une vague impression, une vague sensation de tiraillement dans la nuque. Elle avait accepté tout ceci pour une raison précise, mais impossible de se souvenir laquelle. C'était comme si… ça ne s'était pas encore produit.

Profitant de sa vitesse et de sa faible capacité à courber les ombres, elle se déplaça aussi furtivement que possible en suivant la piste de l'odeur de sang. Cela la mena à une double porte surveillée par deux sorciers, au bout d'un couloir rectiligne. Elle viendrait facilement à bout de ces guignols, Mais malgré sa rapidité ils auraient le temps de donner l'alerte avant qu'il ne les atteigne. Avoir sa baguette lui aurait bien servi, mais elle avait été brisée lors d'une attaque trois ans auparavant. Du moins, c'est ce dont elle pensait se souvenir. Au-delà de ces dernières semaines, la chronologie des évènements était très floue.

La suite le fut encore plus. Elle entendit un déclic à côté d'elle, et la porte s'ouvrit toute seule. Dans la petite pièce se trouvait un bureau en bois clair. Sur le bureau était perché un corbeau aussi gros qu'un pygargue. Il observait Justine avec curiosité, penchant la tête pour la regarder de son œil latéral à la manière d'une poule.

Soudain, le corbeau poussa un cri rauque qui résonna dans le couloir.

– Qui va là ?! s'écria un des gardes.

Le corbeau choisit évidemment cet instant pour surgir hors du bureau dans une brutal envolée de plumes noires, attirant l'attention des sorciers sur l'intruse.

– Hé, vous là bas ! Plus un geste !

Justine se figea, et tenta en vain de resserrer les ombres autour d'elle.

– Hé merde.

– Avancez lentement, les mains en l'air. Pas de geste brusque.

Justine s'exécuta. Ils n'avaient pas prévenu les occupants de ce qui devait être une salle de réunion, et s'ils n'étaient pas à l'écoute des bruits extérieurs, elle avait encore une chance de jouer l'effet de surprise.

Malheureusement, le garde qui avait parlé lança un Lumos Sagitta au plafond, et l'éclat bleuâtre de la lumière magique fit étinceler les iris rouge sang de la blonde.

– C'est une putain de vampire ! s'écria l'autre.

AVADA KEDAVRA !

Justine plongea dans le bureau qui s'était ouvert tout seul, juste à temps pour éviter le sort. D'ailleurs, s'était-il vraiment ouvert tout seul ?

– Argh, génial !

Les sorciers était stupides. De la stupidité des minorités majoritaires, pour reprendre l'expression consacrée. Mécontents d'être traqués par les moldus et massacrés par les démons, ils avaient en toute logique décidé de reporter toute cette haine sur les créatures magiques qui n'avaient rien demandé dans tout ça. Enfin, sauf Sathariel, mais c'était là une autre histoire. Une histoire de centaures terroristes.

L'histoire du jour, c'était celle d'une jeune vampiresse désarmée face à deux gardes bien décidés à la zigouiller sans négocier. Après avoir tué un démon supérieur, elle ne s'attendait pas à mourir comme ça.

– Non, je vais m'en sortir ! se motiva-t-elle.

Elle attrapa le bureau dont elle arracha la tablette, renversant tout se qui était dessus, et le porta en bouclier.

AVADA KEDAVRA ! lança à nouveau le garde.

– Non mais ça suffit à la fin, râla Justine.

Confringo ! répliqua l'autre, embrasant la planche.

– C'est vous qui l'aurez cherché !

Profitant de la bonne hauteur de plafond du bâtiment législatif, Justine propulsa la tablette comme un javelot. Quand il s'écrasa sur un des gardes, elle avait déjà atteint l'autre, dont elle brisa la nuque et vola la baguette. Hé, il avait essayé de la tuer deux fois, la clémence a ses limites !

Au passage, elle acheva l'autre, qui agonisait avec sa cage thoracique renfoncée et le sang bullant à son nez, d'un sortilège de découpe à la jugulaire.

– Rock'n'roll, baby ! s'exclama-t-elle avant de faire exploser la double porte d'un Bombarda Maxima bien senti.

À l'intérieur, c'était la panique. Une dizaine de vieillards étaient en panique. Les plus proches de la porte avaient été projetés, et était probablement blessés ou mort. Les plus éloignés étaient tétanisées, tel un infarctus collectif, à l'exception du moins décrépi du lot qui sortit calmement sa baguette et la pointa sur la nouvelle venue.

– Vous avez la moindre idée de ce que vous faites, jeune femme ? Voulez-vous vraiment donner raison à ceux qui reportent le problème démoniaque sur les vôtres ?

– Les miens sont à forte majorité des sorciers. De tous les horizons, avec des talents particuliers… plus ou moins utiles. J'ai même une amie néogicienne, qui m'attends à quelques couloirs d'ici.

Un des vieillard avala de travers si fort qu'on eût dit qu'il ravalait sa pipe.

– Comment avez-vous osé faire entrer une moldue ici, vile créature ?!

– Nous tentons de sauver l'Humanité, le sectarisme est une perte de temps.

– En tuant ce qui reste du gouvernement français ?

– Je ne suis pas venu vous tuer, mon bon monsieur. J'ai juste besoin du passeur.

– Les tunnels de transportation sont tous condamnés et le réseau de cheminette est saturé de démons du feu ! cracha celui qu'elle sentait (littéralement) être l'intéressé. Il n'y a aucune raison pour que j'accepte d'ouvrir cette foutue porte !

– Un ami druide a réussi à rétablir le tunnel entre ici et le Bourg Enchanteur. Je crois savoir que ça a été le premier condamné, il ne s'est pas effondré. Ça expliquerait pourquoi il a choisi celui-là, la trame astrale devait avoir été préservée…

– Vous mentez ! C'est impossible qu'un druide ait survécu à l'incident de Brocéliande !

– Comment ça, quelle incid… Peu importe ! J'ai juste besoin de votre sang pour ouvrir cette foutue porte. Alors vous avez le choix entre accompagner ledit sang ou le laisser partir seul.

– Jamais je ne…

Diffindo !

Justine fit une balafre sur le bras du vieux barbu, donc elle put d'un sort d'attraction attirer assez de sang pour en remplir un encrier qui avait miraculeusement survécu à l'explosion de la porte (et qu'elle avait pris un malin plaisir à renverser sur le tapis persan). Elle reboucha la fiole, et adressa un signe de tête à celui qui la tenait en joue, mais n'était toujours pas intervenu.

– Bonne journée, messieurs. Mes excuses pour le dérangement. Si nous survivons, je reviendrai réparer cette porte.

Elle fit mine de s'en aller, mais un léger sentiment de culpabilité la retint.

– Oh, et euh, vous ne devriez pas rester ici. J'ai malheureusement dû tuer vos deux gardes, et j'ai croisé un corbeau trop gros pour être vrai. Si ce n'est pas un animagus de vos collègues, je soupçonnerais un démon polymorphe… Bon bah salut !

Devant la porte ensorcelée attendait toujours le groupe entier, fort heureusement. Il y avait un corps pétrifié de plus, probablement un gratte-papier s'étant retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment.

– C'est bon ? s'enquit Mathis.

– C'est bon, confirma Justine en sortant l'encrier de sa poche. J'en fais quoi ?

– Verse-le dans la bouche du serpent, indiqua Mauvia en pointant la poignée gauche de la double porte.

Justine s'exécuta. Il y eut un déclic, et Mauvia ouvrit la double porte à la volée.

La pièce était grande, et dans un état franchement lamentable. Les traces des évènements passés étaient partout : les cendres jaillies des cheminées en même temps que les démons, les arches de tunnel brisées par l'afflux massif de fuyards qui avait provoqué l'effondrement, les carcasses de rats messagers qui emplissaient la pièce d'une atroce odeur de pourri…

– Hé ben, c'est joyeux tout plein ! commenta Orianne. C'est laquelle ?

– Celle-ci, pointa Mathis, désignant une arche brisée. Reparo.

– Comment on va faire pour la franchir ?

Mathis se concentra sur l'arche, et appela mentalement Ahta. Le plocame lui confirma, avec des sensations plutôt que des mots, qu'un tunnel magique avait été tissé autour de la trame astrale, et qu'il pouvait établir le lien. Comme la veille, Mathis se servit du corps de la créature comme canaliseur pour ouvrir un portail. Mais au lieu de tisser pour le rattacher à sa destination, il s'ancra sur le tunnel existant.

Dans le monde physique, un portail sombre s'ouvrit dans l'arche.

– T'as réussi, bien joué ! acclama Mauvia.

– On y va !

Ils plongèrent tous les cinq dans le tunnel, et ressurgirent quelques secondes plus tard à des centaines de kilomètres de là, en Bretagne. La grand Gare Centrale de Transportation était à peu près dans le même état que la salle des transferts du palais du Consortium, à la différence près qu'elle était plus vaste que le palais entier (bien que moins haute).

Le Bourg Enchanteur était totalement désert. Le peu qui avait survécu au cataclysme (quel cataclysme, déjà ? se demanda-t-il à son tour) avaient fui les lieux lors des premiers raids. Ils passèrent silencieusement devant la boutique des Brisebois, qui avait été réduite en cendres.

– Une idée d'où on peut trouver ton frère s'enquit Justine.

– Il doit être…, commença Orianne.

– Oh, je sais très bien où il est, coupa Mathis, se dirigeant droit vers l'allée des artistes.

Au bout de cette allée, dévastée comme le reste, se trouvait une boutique qui avait déjà l'air délabré avant tout ça, et qui de ce fait semblait exceptionnellement bien préservée. L'enchanterie de Runecorne, le vieux fou membre des Initiés aux Arcanes du cœur de Byeong-Su. Oh, il était bel et bien mort. Mais peu de gens savaient que les meilleurs artéfacts de sa boutique étaient dans une cave secrète protégée par des moyens indétectables. Aucune magie, sinon celles assez puissantes pour raser la boutique, n'aurait pû mettre à jour le trésor des néogiciens.

Mathis entra dans la boutique, et s'annonça de la manière la plus mature possible :

– HÉ TÊTE D'ENCLUME T'ES LÀ ?!

Il entendit de remue-ménage en-dessous d'eux. Le grincement de la trappe fut suivi de l'apparition de Thomas Devaux, pointant le groupe avec un revolver énorme, qui semblait taillé dans l'obsidienne. Il toisa Mathis, puis Orianne, et revint sur son frère en ignorant les autres.

– Comment puis-je être certain que c'est vous ?

– Je suis Mathis Philibert Devaux, fils de la moldue Marianne Devaux, et de la raclure de fond de chaudron qu'est Armin Heriaas. Le premier sorcier à être venu chez nous est Olivier Fauchet, et j'adore la glace à la prune dirigeable. Oh, et je suis devenu illusionniste suite à une greffe alchimique.

Illustrant ses dires, Mathis fit apparaître une réplique parfaite de Thomas adolescent, qui fit un doigt d'honneur à son alter-ego.

– Je suis Orianne Églantine Vasset, fille des moldus Josiane et Martin Vasset, et néogicienne depuis que j'ai treize ans. Ce revolver que tu tiens s'appelle Пэпэл, et c'était l'arme d'un chasseur de démon russe. Runecorne l'a donnée à mon père quand tout a commencé, et il te l'a transmise quand tu es parti chercher Rogan Brisebois en Irlande.

– C'est bon, on peut discuter, maintenant ?

– C'est bon, grogna Thomas en abaissant l'arme.

– T'es toujours aussi agréable, à ce que je vois, grinça son petit frère.

– Va chier. Présente-moi plutôt tes amies ?

– Hé bien tu connais déjà Justine, il me semble ?

– On s'est croisés une fois à Poitiers, confirma la vampiresse.

– La petite rasta aux yeux fluos ici présente, c'est Duneska, une autre Louve. Nous avons décidé de nous regrouper après… Enfin, voilà. Et Mauvia…

Celle-ci s'avança, tendant la main à Thomas :

– Je m'appelle Mauvia Staarleit. Je suis votre sœur.

– Que… hein ?

– C'est la fille d'Armin aussi, expliqua Mathis. C'est Marie-Alice qui m'a permis de la retrouver.

– Marie-Alice est en vie ?!

– Autant que faire se peut. Quand les Appelbaum sont partis, elle a rejoint Ingram. Elle ne peut être qu'en sécurité avec le dragon blanc.

– Bon, ça va. Mais je ne vous ai pas fait venir pour échanger des banalités. Vous voulez aller à Brocéliande ?

– Oui, mais ce n'est pas…, commença Mathis.

À nouveau, il ressentit cette tension dans la nuque, et cette impression de malaise.

– Rogan a restauré une des arches. Le tunnel est instable, mais il reste sur place pour le sécuriser. C'est un enchanteur à la base, pas un astronaute.

Ce mot avait un sens totalement différent pour les moldus et les sorciers. Il s'agissait ici d'un mage, souvent un druide, habitué à se déplacer physiquement dans l'Astrum. Le plan astral avait la capacité d'accueillir la matière et même la vie, mais ce qui provenait du monde physique n'y avait guère sa place. Pourtant, les sorciers avait continué à y envoyer tout et n'importe quoi. Du moins jusqu'à ce que l'enfer se déchaîne sur Terre.

Un jour, un druide de Brocéliande eut l'idée d'utiliser un objet envoyé là-bas comme ancre pour ouvrir un portail vers l'Astrum. S'effondrant sur lui-même, le tunnel se rouvrit en plein Océan Atlantique. Ce fut le premier tunnel de transportation, accidentel. Et le premier raz-de-marée en pleine forêt non côtière, un beau gâchis.

Depuis, la technomagie de la transportation avait été améliorée, mais c'est à la technique d'origine que Rogan Brisebois avait fait appel pour rétablir ce portail entre l'arche continentale de la forêt de Brocéliande et l'île astrale d'Avalon. Du moins, c'est ce que leur expliqua Thomas sur le chemin entre le Bourg Enchanteur et Brocéliande.

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Après avoir quitté ce que Mathis réalisa être la presqu'île de Quiberon (lui indiquant la location précise du Bourg Enchanteur, ou du moins ce qu'il en restait), ils récupérèrent une voiture à Carnac pour parcourir les quatre-vingts et quelques kilomètres les séparant de la forêt magique. Dans la voiture, un silence pesant régna. Il y eut quelques tentatives pour le briser, mais aucune ne prit.

– Alors comme ça, t'es notre demi-sœur ? s'enquit Thomas.

– Ouaip, confirma Mauvia.

– Toi aussi, il t'a abandonnée ?

– En fait, je ne l'ai jamais connu. Tu es bien du 30 juillet 2002, c'est ça ?

– 2001, corrigea Thomas. Toi ?

– Ah, je te croyais plus jeune ! 27 mai 2004.

– Mathis est né en janvier 2005. Ça veut dire qu'il a trompé notre mère avec la tienne.

– Euh, désolée, je suppose ? Enfin, techniquement, il n'était marié à aucune des deux, donc…

– Mouih.

– Hum.

– …

Ce fut là la plus longue discussion des presque deux heures de trajet.

Le Morbihan était étrangement calme, après tout ce qu'ils avaient vécu un peu partout, spécialement à Paris. Partout, mais où ?

– Vous vous souvenez de ce que vous avez fait le mois dernier ? demanda soudain Mathis.

– Qui ?

– Tout le monde. Justine, ça fait des années que nous voyageons ensemble, c'est ça ?

– Euh…, oui ?

– Alors où étions-nous le mois dernier ?

– Bah nous étions… Euh, nous étions… Je…

– Je ne m'en souviens plus non plus. Et il y a autre chose. Thomas, pense à ce moment où Martin t'as transmis Пэпэл ? Tu dois bien t'en souvenir, non ?

– Bien sûr, pourquoi ? Qu'est-ce que tu…

– Pense-y fort !

– Ok, ok ! Alors, quoi ?

– Tu t'en souviens ?

– Euh, non… Non ! Pourquoi je ne me souviens plus de ça ?!

Mathis réflechit. Il y avait quelque chose qui n'allait pas, pour sûr, mais il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus.

– … Duneska, tu te rappelles à quel moment tu as quitté Sainte-Lucie ?

– Je crois que c'était… C'était…

– Il y a un problème.

– À quoi tu penses ?

– Je ne sais pas. Mais il y a pour sûr un truc anormal. Je sais des choses que je ne me souviens pas avoir apprises. J'ai des souvenirs que je ne me souviens pas avoir vécu. Des cicactrices que je ne peux associer à aucune blessure. C'est comme si on avait altéré ma mémoire. Mais visiblement, je ne suis pas le seul… C'est comme si nous étions sous le coup d'un filtre de perception…

– Mouais, bah c'est pas tout ça mais nous sommes arrivés, intervint Thomas. Tout le monde descend, on doit finir à pied.

Mathis fronça les sourcils. Ça ne faisait pas déjà une heure, si ?

Il regarda par la fenêtre.

– Qu'est-ce que…

La route s'arrêtait presque net. Au-delà, tout n'était qu'un immense cratère dévasté, comme si une météorite avait frappé la tête à cette endroit-là. Mathis sentit qu'il devait savoir ce qui s'était passé, mais c'est comme si sa mémoire lui répondait : "aucun cataclysme trouvé, veuillez essayer d'autres mots-clefs". Plus il cherchait, plus la nausée augmentait. Il dût ouvrir la portière de la voiture en catastrophe pour vomir.

– Bah alors qu'est-ce qui t'arrives ? ricana Thomas.

– Bleuargh… J'aimerais bien le savoir, répliqua son frère. T'as d'autres questions stupides ?

– Pas la peine d'être grognon, Philibert.

Mathis marmonna dans sa barbe, et quitta brutalement la voiture, sautant purement et simplement dans le cratère. Dans la voiture, ses amies le regardait partir, interdites. Une fois encore, Mauvia brisa le silence :

– Il y a comme une tension, entre vous deux.

– Noooon, tu crois ?

– Pourtant, quand Mathis m'a raconté vos histoires de jeunesse, vous aviez l'air super proches, que s'est-il passé ?

– Il a pris… Nous avons tous les deux pris des mauvaises décisions, qui nous ont fait prendre conscience à quel point nous étions différents.

– Pourtant vous voilà ensemble, à travailler pour le même objectif…

– Je ne vais pas l'aider à libérer Morgana.

– Comment tu sais…

– … Que mon irresponsable de frère a pour projet de libérer une mage noire ? Oh, je sais pas, peut-être parce qu'il pense que la fin justifie les moyens ? Ou parce qu'il a fait des choses aussi horribles qu'elle ?

Cette dernière révélation eut l'effet d'une claque sur la métisse néerlandaise.

– Qu'est-ce qu'il a fait, au juste ?

– Oh, un peu de tout ! badina Thomas. Meurtres, torture, nécromancie, esclavage, … Ce garçon est plein de surprises !

– Mais pourquoi tu lui en veux personnellement ? insista Mauvia.

– Ça ne te regarde pas. Bon, Allons-y maintenant. À force de discuter dans le vent, Rogan va mourir de vieillesse en nous attendant…

Le cratère, si immense que l'autre bord à l'horizon ressemblait à une chaîne de montagnes, était tout ce qu'il restait de Brocéliande. De temps à autre, un îlot de verdure trônait là, un débris qui avait été projeté dans les airs avant d'atterrir plus loin. Quelques arbres, souvent brisés, avait même pu survivre. Cependant, pour l'essentiel, la forêt avait été désintégrée. Mathis, que le groupe peinait à rattraper, se demandait comment un des dolmens qui servaient de portails aux druides avait pu subsister.

Au bout de presque trois heures de marche encore plus pénibles et ennuyeuses que le trajet en voiture, ils trouvèrent enfin le portail. Il s'agissait d'un simple trilithe d'à peine plus d'un mètre de haut, et Mathis soupçonna que le vieux druide l'avait construit lui-même, à partir de rochers récupérés des débris des portails. C'était très rudimentaire, mais ça pouvait marcher.

Sur le trilithe était perché un énorme corbeau. Quand celui-ci croassa en agitant ses ailes, Justine fronça les sourcils :

– On dirait le même corbeau qu'au ministère…

Le corbeau tourna son œil vers elle comme s'il avait compris ce qu'elle venait de dire, et s'envola. En l'air, il explosa dans un tourbillon de plume, et devint trois corbeaux de taille normale, qui tourbillonnèrent à toute allure. Chaque plume noire qui se détachait de l'un d'entre eux se changeait en un nouveau corbeau, jusqu'à ce qu'une tornade noire se forme.

La tornade explosa à son tour dans une germe de plumes, et au centre de la nuée de cauchemar était apparue une femme brune à la peau pâle.

– Ce n'était pas moi, mais je me souviens de toi, vampiresse. Nous ne sommes qu'une, et nos souvenirs également.

– Une Harab Serapel ! cracha Mathis. Génial, manquait plus que ça…

– Toi aussi, je me souviens de toi, garçon de la Giraglia ?

– Comment ça ? Je n'ai jamais mis les pieds à la…

– Ça suffit ! l'interrompit Thomas, qui pointait Пэпэл sur la tête de la Duchesse Infernale. Nous sommes pressés.

– Je t'en prie, jeune moldu. Tire donc !

Thomas ne se fit pas prier, et lui tira une balle en plein front. Il y eut quelques instants de flottement, pendant lesquelles le corps resta figé. Puis, au lieu que le corps de la Serapel s'écroule, sa tête se changea en corbeau qui lui tomba au sol, et une nouvelle tête lui poussa. Elle sourit.

– Une très puissante arme magique. Un néogicien, je présume ?

– Tu présumes vachement bien, tête de piaf ! confirma Thomas, tirant une seconde balle.

Mais d'une vitesse ahurissante même pour Justine, elle esquiva la balle, combla la distance qui la séparait de Thomas, le désarma d'un coup violent sur le poignet, avant de lui asséner un uppercut qui l'envoya valser.

Ce fut le signal des hostilités. Ou du moins, du massacre, car tous sauf Justine et Mathis se retrouvèrent au tapis. La première était un peu moins rapide mais un peu plus forte que la Serapel. Mathis, lui, n'avait pas encore été attaqué. Il essaya de trouver une ouverture, mais la lutte entre les deux femmes était si rapide qu'il eut peur de toucher Justine. Cette dernière feinta, faisant lever la garde à son adversaire, et lui planta les griffes dans l'estomac. La Serapel hoqueta de douleur mais sourit, et se changea en nuée de corbeaux dans une explosion de plumes.

Les corbeaux se mirent à tournoyer, et à les becqueter et les griffer avec violence. Mauvia parvint à sortir une bombe alchimique de sa poche, et la jeta en l'air. Un des corbeaux l'attrapa au vol, et s'éloigna à toute allure du groupe pour être le seul à mourir dans l'explosion.

– Elle les invoque ou ils font partie d'elle ? demanda Orianne, qui cherchait une solution rapide.

Mathis abattit un corbeau qui fonçait droit sur lui d'un Avada Kedavra, et répondit :

– Le deux, je crois !

– Ça fera l'affaire ! Bombe hurlante !

Tous comprirent le signal, et se plaquèrent au sol en se bouchant les oreilles.

Pour éviter qu'un corbeau n'emporte la bombe sonique au loin, Orianne la garda à la main, et la déclencha en arrachant la goupille et en levant le bras à la dernière seconde. Quand la très faible charge de poudre explosa et embrasa la poudre alchimique, l'enchantement se libéra, et une onde de choc sonore balaya la zone.

L'onde eut deux effets sur les corbeaux : le son en lui-même était tellement fort que leur petits tympans explosèrent, et l'onde de choc créa une zone de dépression où les corbeaux ne pouvaient plus se maintenir en l'air. La plupart s'écrasa dans une zone en cercle autour d'Orianne et celle-ci, du sang coulant abondamment de ses deux oreilles, entreprit de les écraser de ses bottes.

Mathis qui avait eu le réflexe de créer une bulle de silence autour de Justine et lui leva le sort, et libéra un feudeymon pour s'occuper des survivants. Quand la zone fut purifiée, il se débarrassa de la créature éthérée et entreprit de soigner les oreilles de la néogicienne.

Encore sonnée, Mauvia se redressa, et vit un corbeau s'éloigner.

– Euh les amis ? Je crois que la harpie se fait la malle…

– Peu importe, assura Duneska. Euh… Peu importe, hein ?

– On s'en fiche, confirma Mathis, qui déjà étudiait le trilithe. Nous sommes pressés.

Duneska allait répondre, mais Justine lui fit signe de se taire. Le sorcier posa les mains de chaque côté de la minuscule arche, et prit une grande inspiration. Le tour de ses iris se mit à luire, et des larmes de sang coulèrent sur ses joues, mais il maintint sa concentration.

Après d'interminables secondes, le portail s'ouvrit enfin dans une brutal aspiration qui fit trébucher Mathis. Il tremblait comme un épileptique en crise, et ses orbites s'emplissaient de sang. Mauvia sortit sa baguette, et une bande de tissu noire.

Vulnera Sanentur. Tergeo.

Elle aida ensuite Mathis à nouer le bandeau autour de ses yeux, pour les protéger de la lumière.

– C'est malin, t'es aveugle maintenant, râla Justine. Tu sais pertinemment que les sorts de guérison ne fonctionnent pas sur les brûlures d'Éther.

– Tu t'en prendras à Rogan, son pont astral est aussi solide que de la cancoillotte. J'ai dû tisser comme un bourrin, Isa aurait eû honte de moi…

– Bon du coup, qui passe en premier ?

– J'y vais ! décida Thomas, qui avait ramassé son arme et la tenait de la main gauche.

– Thomas, ton poignet est cassé ! s'écria Orianne (un peu fort, son ouïe était toujours en convalescence).

– Mais non, ça va.

– C'est dégueulasse, confirma Duneska. Episkey !

– Je ne… Aïeuh ! couina Thomas. Ça fait affreusement mal, ton truc !

– Fallait bien que l'os se remette en place, gros malin. Et j'ai juste remis les choses en place, le recul de ton arme suffirait à briser l'os à nouveau alors fais pas le malin.

– Je vais passer en première, décida Mauvia.

Elle détacha une fiole d'aqua fortis de son ceinturon, et s'accroupit pour passer la petite arche.

De l'autre côté, elle eut la surprise de déboucher d'un gigantesque dolmen en plein milieu d'une forêt verdoyante. C'était si beau qu'elle eut envie de pleurer. La plupart des forêts qu'elle avait vues avaient été ravagées par les démons, incendiées par les moldus qui cherchaient à débusquer les créatures magiques, ou avaient pourri à cause des miasmes infernaux autour des portails d'obsidienne.

Elle observa les alentours, mais ne vis absolument rien. Elle ramassa alors une pierre, qu'elle jeta dans le dolmen pour faire signe aux autres de la rejoindre, et entreprit d'explorer la zone.

L'île d'Avalon, une gigantesque demi-sphère qui avait été conçue à l'image de Brocéliande par Merlin en personne, était en permanence surmontée d'un ciel parfaitement clair, d'un bleu roi le jour, et éclatant d'étoiles la nuit. Il s'agissait bien sûr d'une illusion, la projection d'un ciel vieux de 1500 ans sur la toile infinie de l'Astrum.

Thomas et Orianne suivirent. Ce n'était pas la première fois que le premier utilisait un Tunnel de Transportation, mais la sensation de changer de plan d'existence était comme un grand vertige, comme une impression que le ciel lui tombait sur la tête.

Duneska passa à son tour. Avec sa masse capillaire, personne ne découvrit le changement brutal qu'elle avait subi avant qu'elle ne s'écrit :

– Mes yeux ! Je vois normalement !

– C'est normal, tu ne peux pas voir le plan éthéré alors que nous sommes au-dessus, expliqua la voix de Mathis derrière eux.

Totalement aveuglé par le bandeau, il était guidé par Justine qui le tenait par le bras. Deux traînées de sang marquaient ses joues : ses yeux saignaient à nouveau.

– Ça ne s'arrange pas, s'inquiéta sa demi-sœur.

– Attends, il y a pire, soupira Mathis.

Il y eut quelques secondes de battements, durant lesquelles Mauvia attendit une réponse.

– Qu'est-ce que…

Elle fut interrompue par un bruit de tissu qui se déchire. Il provenait de Mathis, dont le haut du dos enflait et se déformait, formant un amas de tumeurs violacées, dont surgit des tentacules.

– C'EST QUOI CE BORDEL ?! s'écria Orianne.

– Je te présente Ahta. Mon compagnon de voyage astral.

Mathis tapota la bosse, qui lui mit un coup de tentacule derrière la tête en retour.

– Au risque de me répéter… C'est quoi ce bordel ?!

– C'est une greffe alchimique, expliqua Mauvia. Une créature artificielle qui a été ancrée à l'aura de Mathis pour lui donner un pouvoir l'illusionnisme, et accidentellement de manipulation émotionnelle.

– Qui a fait une chose pareille ?

– Il ne sait pas vraiment, mais…

– J'ai ma petite idée, cracha Mathis, amer. On y va. Tout de suite.

Il tira brusquement le bras de Justine, l'obligeant à avancer. Celle-ci l'excusa du regard auprès des autres, et l'empêcha de percuter un chêne de plein fouet.

– Euh. D'accord. J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?

Quelqu'un a fait quelque chose qu'il ne fallait pas, répondit sombrement Mauvia. Quelqu'un qu'il traque depuis plus de quinze ans.

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C'est moche et ça pique. Comme la moutarde.