Platypus mes zoziaux ! Je ne sais pas quoi dire, alors je ne vais rien dire. À part ça. Et ça. Chut.

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Dans le chapitre précédent : Mathis s'étant mis en tête d'aller trouver Morgana Lefay sur Avalon, ne trouve rien de mieux à faire que d'attaquer le Palais du Consortium pour s'y introduire de force et prendre le dernier Tunnel de Transportation en service sur Paris, afin de se rendre au Bourg Enchanteur pour y retrouver Thomas, avant d'aller à… ce qu'il reste de Brocéliande. Là-bas, face à l'arche que Rogan a restaurée, la petite bande se retrouve à affronter une Harab Serapel. La Duchesse Infernale est très puissante, mais ne fait pas le poids face à quatre sorciers, une vampiresse et deux néogiciens armés jusqu'aux dents. Enfin, Mathis réactive l'arche, et ouvre un tunnel vers l'île astrale d'Avalon.

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Dans ce chapitre : euh… ? Des trucs bizarres ?

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3) Tuer des immortels

L'île astrale n'était pas très grande, mais Mathis eut l'impression qu'atteindre le campus de l'Université Druidique prit une éternité. Cela tenait à deux choses somme toute simples : la forêt était totalement à l'état sauvage, et il était totalement aveugle. Il avait passé plus de temps le nez par terre, les chevilles entortillées dans les ronces, qu'à avancer.

Justine venait de lui signaler que le château était en vue, et il commençait à presser le pas quand elle le retint. Il s'agaça et tenta de la forcer à avancer, mais il ne faisait pas le poids face à la vampiresse.

– Qu'est-ce que tu fous ? On y est presque !

– Mathis, nous ne sommes…

– Vous ne ferez pas un pas de plus, intrus !

– … plus seuls.

– Humph, grogna l'aveugle. Qui va là ?

– C'est des dryades, répondit Mauvia, juste derrière lui.

– Ah, parfait ! s'exclama Mathis. Il se dégagea de la poigne de Justine, et s'avança en direction de la voix qui l'avait invectivé.

– Recule, immonde démon ! gronda une autre voix féminine.

La surprise l'arrêta net, plus encore que la lance qui pointait entre ses côtes.

– Qu'est-ce que… Oh ! réalisa-t-il. Ahta. C'est une abomination alchimique, faites pas attention. Je suis un Loup d'Argent. L'une d'entre vous serait-elle Oriande MeľŬoĝ ?

Il y eut un silence. Celles qui les menaçaient devaient digérer ce que Mathis venait de balancer comme des banalités. Mais il touchait son but du bout des doigts, il n'avait pas le temps d'y mettre les formes.

– Oriande est morte, cracha la dryade à la lance. Arakiel a tué toutes les sœurs MeľŬoĝ.

– Que fais un Loup d'Argent ici ? demanda une troisième. Comment êtes-vous arrivés ici, et que cherchez-vous vraiment ?

Mathis se tourna dans la direction approximative d'où émanait la voix, et demanda :

– Si je vous dis la vérité, je dois obtenir une garantie. Acceptez-vous un serment d'honneur, fille de la forêt ?

– Il n'y a plus de forêt, Brocéliande a brûlé ! grinça celle qui le tenait en joue.

– Pas vos arbres, sinon vous seriez mortes aussi, fit remarquer Mathis. Vous êtes les esprits d'Avalon. Le serment a toujours de la valeur.

– Que veux-tu, jeune Loup ?

– La vie sauve pour moi et mes amis, et votre aide.

– Je veux absolument tout savoir.

– Moi, Mathis Devaux, j'en fais serment.

– Moi, Ṅerenc Egha, j'en fais serment également. Tu sembles au courant de nos coutumes, mais je vais inclure tes amis dans la discussion : la monstruosité aveugle qui se comporte comme votre chef vient de prononcer l'équivalent épigéen d'un serment inviolable. S'il ne tient pas parole, la forêt le dévorera, et nous répandrons votre sang sur les racines des chênes centenaires.

– Mathis, pourquoi t'as fait ça ?! s'écria Justine. Ce n'était pas vraiment nécessaire d'aller si loin !

– Je crois que si, répliqua Mathis. Parce que j'ai le sentiment profond qu'il est temps d'en finir.

Il hésita un instant à masquer la vérité. Peut-être que le serment à la forêt se laisserait berner.

– Mes amis se sont rendus ici dans le but de rencontrer le druide Rogan Brisebois.

– Rogan Brisebois est mort, annonça platement Ṅerenc.

Thomas eut un hoquet de stupeur, mais elle reprit presque immédiatement :

– Tu as dit que tes amis étaient là pour ça. Et toi ?

Mince. Raté.

– Ma première mission était de mettre à l'abri les Loups restants : Justine Levallier, Duneska Henry, Mauvia Staarleit, et moi-même. La mort d'Isadora Castilho a été une terrible perte, celle de Danielle Bourgeois plus encore.

– Tu sais que tu ne peux pas me cacher d'information. Le mensonge par omission ne te sauvera pas. La magie n'aime pas les tricheurs, et moi non plus.

– Ma seconde et principale mission… C'est de rencontrer Morgana Lefay.

Des cris de colère retentirent de toutes part, et Mathis sentit deux lances s'ajouter à la troisième déjà reportée sur sa gorge.

– Vous aviez fait le serment qu'il ne nous arriverait rien s'il disait la vérité ! gronda Justine.

– CETTE IMMONDE CRÉATURE M'A PIÉGÉ ! hurla presque Ṅerenc.

– Ouaip, mais elle a raison quand même, fit remarquer Mathis, que les lances ne semblait pas importuner. Vous nous devez sécurité et assistance.

– Je peux le tuer, tu serais libérée du serment ! proposa une dryade, dont la voix semblait plus jeune.

– Non, elle ne le serait pas, répondit Mathis à sa place. Si tu me blesses, elle sera forcée de sacrifier son âme éternelle pour sauver mon corps. Ce qui ne fonctionnerait probablement pas, à cause d'Ahta.

– Qui est Ahta ?

– La chimère qui a fusionné avec ma colonne vertébrale quand je suis entrée ici. Quand je repartirai sur Terre, lui restera ici.

– Une ancre astrale vivante ?! s'étonna la dryade. Mais qui a fait…

– Une horreur pareille ? Un grand mystère que je cherche à résoudre.

– Il a raison, déplora Ṅerenc. Qu'est-ce que vous voulez ?

– Rendez-moi l'usage de mes yeux, et indiquez-moi où trouver Morgana. Nous nous débrouillerons pour le reste.

– L'île n'étant plus ancrée, la magie élémentaire n'a aucun effet sur Avalon, fit remarquer la première dryade à la lance.

Mathis l'ignora, et s'adressa directement à Ṅerenc :

– Le mensonge par ommission ne vous sauvera pas. Ahta sent le nexus.

Ṅerenc gueula quelques ordres en Épigéen, et les dryades s'agitèrent. Mauvia informa son demi-frère qu'une des dryades venait d'apporter un bâton druidique. Ṅerenc chanta une litanie en l'agitant dans la direction de Mathis. Puis, sans prévenir, le frappa brutalement à la tête.

– Mais vous êtes folle ?! s'écria Justine.

– Aïeuh ! gémit Mathis, qui se releva en chamboulant. Pourquoi tu… Oooooh.

Sa vue était floue, mais en train de revenir.

– La magie brute, c'est comme un bon médicament, résuma Ṅerenc. Plus c'est désagréable, mieux ça marche. Tu vas avoir une vilaine bosse.

– Je m'en remettrai. Maintenant, je dois voir Morgana.

– Qu'est-ce que tu lui veux, au juste ?

– Je te le dirai en route, allons-y. Seuls.

– Mais Mathis…, commença Justine.

Il la fusilla du regard, et adressa un signe de tête à Ṅerenc, qui transmit l'ordre à ses semblables. Ils s'éloignèrent tous les deux en direction de l'arrière du château.

– … Et nous ? lâcha Orianne.

– Suivez-moi, ordonna une des dryades. Je m'appelle Aadrakhy. Bienvenue dans le dernier bastion exempt de tout démon… À part Morgana bien sûr !

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– Qu'attends-tu de Morgana, au juste ? s'enquit Ṅerenc.

– Je n'en sais rien du tout, avoua Mathis. Je ne sais même pas comment je sais qu'elle est là… En fait, je ne sais même pas comment je sais qu'elle est en vie.

– Je ne sais pas comment je sais où elle est enfermée, avoua la dryade. Je ne me rappelle même pas qu'elle l'ait été.

Mathis acquiesça silencieusement.

– Il se passe quelque chose d'étrange, et j'ai le très fort pressentiment que Morgana aura des réponses à me fournir. Pourquoi ? Pourquoi elle ? Je ne sais pas. J'ai le sentiment que ce qui est à l'œuvre est une force très ancienne, et elle est ce que je connais de plus ancien en ces mondes.

– Alors allons lui demander.

La prison n'était pas loin. À l'origine conçue comme salle de retenue pour les apprentis druides récalcitrant, la geôle avait été abandonnée, puis changée en débarras, puis abandonnée à nouveau avec le reste de l'université. Ṅerenc, qui avait été jadis professeure ici, ne se souvenait pas à quel moment la prison avait été remise en service, ni qui s'y trouvait prisonnier hormis Morgana.

Il y avait un avant, un après… Et un gouffre immense entre les deux. Le vide total pendant quoi… des mois ? Des années ? Des siècles, peut-être… Plus rien n'était comme avant, et plus elle y pensait, plus elle avait mal à la tête.

– Ça sert à rien d'y penser, sourit Mathis. Je ne sais pas pourquoi… J'ai le sentiment qu'il n'y a rien à penser.

– Comment ça ?

– C'est précisément ce que je vais demander à Morgana.

L'entrée de la prison était à l'abandon. Les geôles étaient à l'abandon. Tout était vide. Mathis s'apprêtait à faire une remarque, quand Ṅerenc posa la main sur un pan de mur, qui s'enfonça dans le sol. Au-delà, il y avait d'autres cellules, vides également. Sauf la dernière.

Dans la cellule, une voix douce chantonnait. Quand Mathis se râcla la gorge, elle s'interrompit.

– Je serai à votre disposition prestement ! répondit une voix étonnamment lointaine.

– Vous êtes Morgana Lefay ?

Aucune réponse. Elle se remit à fredonner, de plus en plus fort. Ṅerenc haussa les épaules. Mathis dessina machinalement une rune protectrice du bout du pied dans la poussière.

– Me voici ! s'exclama soudain la voix.

Surgit de l'ombre une dryade richement vêtue, et d'apparence étonnamment jeune pour une femme de 80 ans. Ou plus de 1500 ans, si on comptait le temps écoulé depuis sa naissance. À en juger par sa parure impeccable, elle était en train de se changer pour accueillir ses visiteurs. Mathis supposa qu'elle avait une coiffeuse dans le recoin de sa cellule, ou au moins un miroir. L'importance de ces détails lui échappait.

– Vous êtes Morgana Lefay ?

– Nous n'avons pas beaucoup de temps, Mathis Devaux.

– Co…comment connaissez-vous mon nom ?! s'étonna le jeune homme.

– Nous n'avons pas beaucoup de temps, répéta-t-elle. Vous devez trouver Gamaliël et le tuer. C'est le seul moyen de réparer ce qui n'a pas encore été fait.

– De quoi vous parlez ?

– De la rupture. Tuez Gamaliël. Mettez fin au cauchemar !

L'air se mit à vrombir. Mathis se couvrit les oreilles, mais le son semblait venir de partout à la fois, y compris de l'intérieur de sa tête. La réalité toute entière vibrait.

– Comment puis-je le tuer ? cria-t-il pour s'entendre.

– La clef ! répondit Morgana. Tu dois trouver l'anti-ne…

La pression était trop forte. Mathis perdit connaissance.

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Mathis se réveilla sur un sol de pierre glacé. Il avait une épouvantable migraine, et un filet de sang sorti de sa narine avait séché, collant ses lèvres. Il les écarta en grimaçant, et regarda autour de lui. Il était dans ce qui ressemblait à un couloir de prison, mais ne se souvenait pas comment il était arrivé là. Il avisa une femme étendue à ses côtés. Il la fit pivoter pour voir son visage. Ses grands yeux sans iris qui l'identifiaient comme une dryade était grand ouverts : elle était morte, depuis des heures à en juger par la rigidité de son corps. Mathis lui ferma les paupières, et se releva. En s'étirant, il toucha Ahta de la main, et s'adressa à la créature :

– Hé bien mon vieux, je ne sais pas ce qui s'est passé ici, mais nous avons une tâche à accomplir.

Il jeta un regard désolé à la dryade. Il hésita à la faire sortir, mais se dit qu'il ferait mieux de trouver ses amis le plus vite possible. Un sentiment d'urgence grandissait en lui.

Il quitta la geôle, et se rendit compte qu'il se trouvait derrière un château blanc envahi de lierre, au milieu d'une forêt de chênes immenses.

– Où sommes-nous, Ahta ?

Le plocame lui envoya une vague de pur sarcasme.

– Certes, concéda Mathis. Le fait que tu sois là tend à confirmer que nous sommes sur le plan astral. Et à en juger par la forêt qui nous entoure, je suppose que nous sommes sur Avalon ? Oh, c'est bon, n'en rajoute pas non plus ! Une idée d'où peuvent se trouver mes amis ? Bah je n'en sais rien, moi, c'est ton plan d'existence ! T'as peut-être un super-flair qui ne marche qu'ici ! Non ? Pfeuh ! Celui qui t'as créé aurait pu penser à ça… Mais attends, je ne devais pas poser cette question à quelqu'un, justement ?

Mathis réfléchit, mais rien lui venait. Pas même le mal de crâne auquel il s'était habitué, qui poindait à chaque fois qu'il tentait de se souvenir de son passé. Là il n'y avait rien du tout.

– M'enfin, peu importe. Allons par là…

Il entreprit de contourner le château, pour se rendre à la tour du directeur. De là-haut, il aurait peut-être une meilleure vue ? Mais heureusement pour lui, il n'eut pas à escalader la tour. Il aperçut tout un groupe de dryades au loin, accompagnées de ses amies. Il courut à leur rencontre.

– Hé, les filles ! Est-ce que vous savez pourquoi…

– Halte-là, créature démoniaque ! cria une dryade, qui jeta un javelot d'argent à ses pieds.

Mathis la regarda avec étonnement.

– Qu'est-ce que… Ah, vous parlez d'Ahta ? C'est mon abomination alchimique de compagnie. Une ancre astrale vivante.

– Comment te croire, démon ?

– Ce n'est pas un démon, c'est mon petit frère, intervint Thomas.

Mathis avisa la présence de son aîné. Il fronça les sourcils.

– Qu'est-ce que tu fous ici, toi ?

– Je cherchais Rogan, mais ces dryades m'ont appris qu'il est mort. Et toi ?

– J'en sais rien du tout. C'est justement ce que j'allais demander…

– Nous avons senti comme une vibration, et nous avons toutes perdu connaissance, expliqua une dryade. À notre réveil, vos amis étaient ici, et votre… frère nous interrogeait sur le vieux Brisebois. Il est mort le mois dernier, un rampant a franchi le portail qu'il a rouvert dans la forêt.

– Un portail pour retourner sur Terre ?

– Hum. C'est probablement de là que vous venez. Où étiez-vous, d'ailleurs ?

– Dans les geôles. Je n'en sais pas plus que vous. Auriez-vous l'obligeance de baisser vos armes, et de nous laisser partir mes amis et moi ?

– Fichez le camp, et ne revenez jamais ! l'invita cordialement la dryade.

– Trop aimable. Les filles ?

Mathis chercha du regard. Mauvia, sa demi-sœur biologique, avec qui il était devenu bien plus proche qu'il ne l'avait été avec Thomas depuis l'incident. Justine, son âme sœur, sa raison de se battre. Et Duneska, la petite orpheline qu'il considérait comme sa petite sœur. Sa petite sœurIl avait déjà une petite sœur biologique, non ?

– Oh, salut Orianne ! la remarqua-t-il. Nous nous serions pas vus à Paris, par hasard ?

– Salut Mathis ! Je crois… Je ne me souviens plus à quelle occasion… Nous n'avions pas tué un démon ensemble ?

– Si ! Le crameur dans le Jardin du Luxembourg ! Ha ha, une belle chasse, ouais ! C'était quand, il y a un mois ou deux, non ? J'ai l'impression que c'était hier… Hum bon, ravi de t'avoir revue, mais nous sommes un peu pressés. Les filles, vous venez ?

– Quelqu'un a vu Ṅerenc ? demanda une des dryades.

Mathis apperçut du coin de l'œil les dryades qui se dirigeaient vers le château. Il était sûr à soixante-dix pour cent qu'il n'avait pas tué la dryade, mais ses sœurs étaient trop hostiles envers lui et son plocame pour qu'ils ne survivent à un quiproquo. Il était temps de filer.

Justine salua Orianne, tandis que Mauvia serrait une première et dernière fois son demi-frère aîné dans ses bras.

– Je ne me souviens pas d'avoir quitté Grand-Trou, déplora Duneska. Nous sommes sur le plan astral ?

– Hum, confirma Mathis. Avalon. Comment tu…

– Je ne vois plus l'éther, expliqua Duneska. J'avais oublié à quel point les forêts sont belles.

– Cet endroit est malsain, répliqua Mathis. C'est pas sa beauté qui me saute aux yeux.

– Qu'est-ce que tu veux dire ? intervint Justine.

– Depuis mon réveil, Ahta exhale de peur. Tu sais ce que ça fait de sentir la peur de quelqu'un d'autre ?

Justine le toisa avec un sourcil levé.

– Oui, non, mais, c'est pas ce que je voulais dire ! bafouilla Mathis.

– Je te taquine. Pas de cette manière, non, mais je comprends que ça t'affecte.

– Je n'ai pas peur, insista Mathis. Mais Ahta n'est pas du genre à ressentir des choses par lui-même, c'est un avertissement. Il y a une énergie bizarre, ici.

Justine allait répondre, quand Mauvia lui tapa sur l'épaule.

– Alors, on va où les gens ?

Mathis hésita un instant. Il n'en avait aucune idée. Et puis soudain, il savait, comme si l'idée avait été poussée dans son cerveau. Il avait tellement l'habitude de sentir les pensées d'Ahta qu'il ne s'en étonna même pas. Il s'étonna en revanche de la réponse.

– Beauxbâtons, répondit sombrement Mathis. On a un roi à détrôner.

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Les préparatifs pour mener l'assaut de Beauxbâtons prirent plusieurs semaines, pendant lesquelles la tension était telle que Justine faillit se battre avec un elfe. Il fallut contacter les autres cellules, pour les convaincre de se joindre à eux. Et convaincre ceux qui refusèrent de leur fournir au moins du matériel.

Et ils étaient là, au pied d'un sentier de randonnée de niveau 4 où les avertissements sur les risques d'éboulements et d'avalanches tous les deux-cents mètres repoussaient les curieux bien plus efficacement que les repousse-moldus depuis longtemps étiolés. C'était le seul moyen d'accéder à Beauxbâtons à pieds, et ce sentier ne faisait que les mener au pied du pic décapité. Il leur faudrait escalader à même la roche jusqu'au plateau du lac, et "à la moldue" pour ne pas avertir les démons ayant investi Beauxbâtons de leur présence.

Ils étaient treize. Treize, contre plusieurs dizaines des démons les plus puissants ayant jamais foulé la Terre. Treize pour affronter la forteresse des Maîtres Infernaux, et pour tuer le Roi.

Mathis cracha de mépris, et ajusta les bretelles de son sac à dos d'un geste sec.

– On y va.

Pendant la randonnée, il prit le temps de juger ses compagnons du regard. Il n'en connait la plupart que via le réseau de la résistance. Hors de son quatuor, la personne dont il était le plus proche était Phénicia Fontaine, une Lonicera de sa promo. Il n'osait pas se l'avouer, mais ses amis lui manquait. Les Augures, Sertorius, Mydian… Cette dernière, au moins, il était sûr qu'elle était encore en vie. Du moins l'était-elle quand les Appelbaum de Belgique étaient partis se réfugier en Norvège. Si le blocus magique avait pu maintenir les démons en France, les pays frontaliers étaient la proie des autres Ducs, notamment le Samaël le Destructeur, et la chasse sauvage du centaure noir Sathariel.

Émeraude était morte dans le cataclysme qui avait ravagé Brocéliande, de ça il était sûr, même s'il ne parvenait pas à se souvenir de la nature de celui-ci. Nilüfer l'était probablement aussi, car personne n'avait plus quitté la Giraglia depuis l'évasion de Chaigidel. Sertorius et Camille étaient partis en Ukraine, et n'étaient jamais revenus.

Bien sûr il restait les jumeaux ErKa, mais le comportement de la famille Castle face aux évènements avait attiré un mépris plus que mérité. Ses alliés du réseau auraient fort mal pris le fait qu'il leur eût préféré la compagnie de ces couards.

Il s'interrogea sur le destin de ses compagnes.

Mauvia, une amie de Cytra Appelbaum et Marie-Alice Sirtesente, semblait au cœur d'une tempête d'étranges coïncidences. La dernière cible désignée d'Azazel, la fille cracmole du Loup septère et la demi-sœur du Mauvais Augure, devenues amies par hasard ? Mathis ne croyait pas au hasard. Ce qu'on appellait hasard ou chance n'était rien de plus qu'une conséquence des la convergence des effets papillons. Il était lui-même au moins responsable d'une chose : il avait choisi d'être Mauvais Augure, et avait choisi de se rapprocher des forces en conflit, ce qui l'avait fait rencontrer Marie-Alice. Marie-Alice, fille du septère que Carter lui avait fait rencontrer. Carter, membre de la Légion d'Argent, dont une autre membre Skye Ingram avait pris en charge Marie-Alice et avait choisir de la cacher à la NS2H, où se trouvaient Mauvia, et Cytra qui avait quitté Beauxbâtons suite à l'assassinat de sa meilleure amie par Azazel. Marie-Alice, cousine de Gabriel Sirtesente, qui par son nom angélique était une des cibles arbitrairement désignés par Zomiel pour semer la discorde autour de la rafle, faisant croire à des attaques aveugles tout en brouillant les pistes autour des vrais Ducs. Du moins était-ce son plan initial, mais c'était sans compter sur un certain Mauvais Augure, Mathis lui-même, qui avait fourré son nez dans l'Opus Tenebræ et fait révéler le pot-aux-roses au Gendarmagium.

Bien sûr, il y avait toujours des zones d'ombre. Pourquoi Azazel avait cherché à tuer Cytra, le jour où Léonie Millefleurs avait pris un Avada pour elle ? Quel rôle jouait Armin Heriaas dans tout ça ? Armin, le mystérieux sorcier allemand qui avait semé des enfants partout derrière lui, dont plusieurs se retrouvaient étrangement mêlés à cette histoire de démons. Ou peut-être pas si étrangement, peut-être était-ce lui, le Duc manquant, et Mathis n'avait été jusqu'alors que l'instrument de son géniteur… Si c'était là son plan, il avait sacrément réussi.

Duneska, un cas plus étrange encore. Quel était son lien avec tout ça ? Pourquoi une orpheline de L'île caribéenne de Sainte-Lucie se retrouvait dotée d'un sceau de Louve d'Argent ? Était-elle elle aussi une fille de Heriaas ? envisagea cyniquement Mathis. Ça ferait beaucoup, tout de même. Toujours était-il que cette jeune fille qui ne semblait avoir de lien avec personne, n'ayant ni argent ni nom, des notes moyennes et un handicap visible indubitablement dû à son caractère irresponsable, s'était retrouvée sélectionnée pour le Projet Rosa, destiné à l'élite des élèves. Qui voulait à ce point qu'elle vienne en France l'année où Gamaliël s'était libéré de la Prison d'Argent ? Pas de coincidence, uniquement la convergence des effets papillons. Mais alors, à qui était ce papillon-ci ?

Mais la palme du cas le plus étrange revenait à Justine. Le dernier souvenir qu'il avait d'elle avant le trou béant dans ses souvenirs, c'était celui d'une jeune sorcière suivant sa scolarité depuis l'infirmerie de l'école, mourant à petit feu d'une maladie incurable. Aujourd'hui c'était une vampiresse en pleine santé, avec la marque de l'esclavage chinois scarifiée sur sa joue. Esclavage des créatures magiques instauré par l'Alchimiste des Vents, une mystérieuse figure aux pouvoirs immenses dont le lien avec les évènements en Occident semblait difficile à établir. Pousserait-il le vice à chercher un lien entre cet alchimiste et la professeure Skye Ingram ? Ce serait capillotracté, se dit Mathis. Mais il y avait bel et bien un lien entre ça et Justine. Comment une sorcière française se retrouvait dans un camp de concentration pour créatures magiques en Chine ?

– Tu fronces encore les sourcils, fit remarquer l'objet de ses pensées. Tu penses à quoi ?

– Au destin.

– … Je peux te poser une question directe ?

Mathis jeta un regard circonspect à Justine, et plissa les yeux.

– Depuis quand tu poses des questions pas directes, toi ?

– Roh, la ferme, je suis sérieuse.

– Mais moi aussi !

– Humphf, bon… Comment sais-tu que Gamaliël est à Beauxbâtons ?

– C'est logique. C'est le plus haut symbole de la magie en France. En étant là-bas, il assoit symboliquement la domination des démons sur notre nation. En outre, je sais grâce à l'Opus Tenebræ qu'il a du goût pour l'esthétisme et la culture de la Renaissance et des Lumières, et pour la politique féodale. Qu'est-ce qui incarne mieux ce paradoxe que le château de marbre blanc aux toits d'ardoise bleue icône culturel de la médiévale Prévôté de France ?

– C'est vachement précis. C'est à se demander si on ne te l'a pas soufflé…

– C'est pourquoi je ne doute pas. Je ne sais pas ce qui s'est passé dans cette geôle, mais je sais qu'en y ressortant j'avais ces convictions. Peut-être sorties de nulle part, mais logiques, implacables.

– Et si c'est un piège ?

Mathis haussa les épaules. À quoi bon survivre dans ces conditions ? Maintenant c'était quitte ou double. Justine comprit.

– Ce qui m'emmène à ma question suivante : qu'est-ce qui va se passer, si on tue Gamaliël ? Même si on y parvient, on ne ressortira probablement pas vivants.

Mathis pinça les lèvres. Il sortit discrètement sa baguette de sa poche, et jeta une bulle de silence autour d'eux.

– J'ai menti. Nous n'y allons pas pour tuer Gamaliël.

Justine s'arrêta net, sortant de la bulle de silence.

– Quoi ?!

– …, répondit Mathis, toujours dans la bulle.

– Qu'est-ce qui se passe, Juju ? s'enquit Duneska.

– Rien rien, une conversation intime, mentit la vampiresse. Je suis sortie de la bulle de silence.

– Urgh, je veux pas savoir. Retourne-y vite.

Justine glissa jusqu'à Mathis.

– Je disais donc… Quoi ?!

Mathis sortit la clef biscornue de sa poche.

– Je me suis trompé. Ce n'est pas une clef des geôles de l'UD. C'est la clef d'un coffre gobelin.

– Du genre… un coffre de banque de Gringotts ?

– Pas forcément. J'en doute. Je pense que Gamaliël possède quelque chose ayant une immense valeur, peut-être un immense pouvoir, et qu'il l'a enfermé dans un coffre gobelin qu'il protège à Beauxbâtons. Et que c'est ça, qui résoudra tout. Pas tuer le Roi.

– Et tu le sais parce que… ? Ah oui pardon. Évidemment.

– Je crois que c'est lui qui nous a endormis, à Avalon. Mais comme nous sommes ici, je crois aussi que son pouvoir est limité, ou trop dangereux pour lui-même. Je pense qu'en l'en privant, il sera inoffensif. Mais c'était trop hasardeux, et personne ne m'aurait suivi. Je suis désolé.

– Moi aussi, Mathis. Tu sais, je t'… Je te suivrais jusqu'au bout du Monde, mais je commence à avoir du mal à défendre tes folies. Même toi tu n'y crois plus, parfois.

– Je sens que cette fois-ci c'est la bonne, assura le jeune homme.

– Cette fois-ci c'est la dernière, répliqua Justine. Si tu as tort, nous mourrons tous, et ils ne le savent même pas.

– Même si j'ai raison, la plupart mourra probablement, répliqua froidement Mathis. C'est un sacrifice que je suis prêt à faire.

– Tes intentions sont louable, mais la fin ne justifie pas toujours les moyens.

Mathis fit rageusement exploser la bulle de silence.

– Si ! répliqua-t-il sèchement en pressant le pas.

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Escalader la falaise fut rude, mais entrer dans le domaine de Beauxbâtons fut étonamment facile. Les aristos démoniaques, se croyant intouchables, n'avaient même pas pris la peine de faire surveiller les grilles argentées. Celles-ci ne laissaient de toute manière passer que les personnes autorisées, et les démons n'en faisaient pas partie. Ils étaient arrivés par le Tunnel de Transportation.

C'est dans cette direction que Mathis se dirigea. Le château, lui, était solidement gardé. En revanche, personne ne semblait porter attention à la cabane de jardin où se cachait l'entrée du Tunnel. De toute manière, le réseau avait presque intégralement été détruit, terminal par terminal. Mathis jeta une bulle de silence sur la porte de bois pour étouffer les grincements, et l'ouvrit délicatement. Une fois tout le monde à l'intérieur, il referma la porte et put parler librement.

– Voici le plan : les anciens élèves de Beauxbâtons vont se servir du Tunnel pour entrer dans leurs pavillons respectifs. Les enchantements des arches fonctionnent probablement toujours, les pavillons sont donc logiquement hors de portée des démons.

– Et si tu te trompes ? demanda Clovis Cortot.

Mathis l'ignora.

– Chacun se rend dans son pavillon, et essaie de rejoindre la statue des Résistants à pieds. Quand nous nous serons tous retrouvés là ou que les démons nous auront repérés, nous entrerons par l'arrière. Notre objectif peut se trouver n'importe où. Ne faites pas dans la dentelle. Tuez tout le monde. Partout.

– Et nous autres ? s'enquit Mauvia.

– Ceux qui n'ont aucun droit de pavillon attendront ici. Si les démons nous attaquent à l'arrière, vous profiterez de la confusion pour entrer par l'avant. Si nous réussissons, vous couvrirez notre fuite. Sinon, si vous n'avez pas de nouvelles dans quinze minutes, vous entrerez en force. Tu as un chronomètre, il me semble ?

– Toujours, confirma Mauvia en le sortant. C'est indispensable pour l'alchimie !

– Lance-le maintenant.

L'écran du chronomètre électronique grésilla quand elle l'alluma. Il se lança, mais l'affichage fluctuait comme il on passait un aimant dessus.

– Trop de flux magiques ici, râla l'alchimiste.

– Espérons que ça tienne le choc, répondit Mathis en attrapant un jeton poussiéreux dans la coupelle.

Il se tourna vers l'arche du portail, et hésita un instant.

– Lonicera, prononça-t-il en jetant la petite pièce.

Puis il se précipita sous l'arche. Sa vision s'assombrit un instant, et il se retrouva dans le pavillon bleu, maison commune des Lonicera. Il sortit sa baguette, et regarda autour de lui. Personne.

Phénicia Fontaine apparut à ses côtés.

– Wow, cet endroit est exactement comme dans mes souvenirs !

– Je n'ai aucun souvenir de cet endroit, répliqua Mathis. Je suis un Aloysia. J'étais… Je ne…

– Comment tu aurais fait pour rentrer ici si tu n'es pas un Lonicera ? réfléchit Phénicia. Et pourquoi tu aurais ouvert l'arche sur Lonicera, si tu pensais vraiment être un Aloysia ?

Mathis ne répondit pas. Trois autres apparurent, et Mathis s'apprêtait à donner l'ordre de sortir, quand une quatrième silhouette se profila devant eux.

– Duneska ?! s'étonna Mathis. Mais comment…

– Le Projet Rosa, répondit l'intéressée. Nous étions logés dans le pavillon bleu, je te rappelle. Je me suis dit que ça passerait.

– Et si ça n'était pas passé ? râla Mathis. Tu aurais déclenché l'alarme !

– Hé, il n'y a pas que toi qui a le droit de faire des trucs impulsifs !

– Touché, marmonna Hector Bazalgette.

– Toi ta gueule.

Duneska tira la langue à l'ex-Lonicera. Mathis haussa les yeux au plafond. Elle avait vingt-trois ans, tout de même… Mais avec sa petite taille, ses dreadlocks massives cachant son visage et son comportement puéril, il avait facilement tendance à la traiter comme une enfant. Faut dire qu'elle n'avait pas changé d'un iota en dix ans, c'était presque à se demander si elle vieillirait un jour.

Il ouvrit la porte du pavillon bleu aussi discrètement que possible, et jeta un œil aux alentours. La zone était dévastée et les trois pavillons trônaient intactes au milieu de la terre brûlée. À droite, il vit les Aloysia sortir du pavillon rouge. À gauche aucun mouvement, mais Mathis savait qu'Urtica disposait d'une sortie de secours souterraine qui débouchait à l'arrière du pavillon, aussi ne s'attendait-il pas à les voir.

Les ponts avaient été détruits, mais quelque chose avait été jeté en travers de la rivière comme pont de fortune.

Avec horreur, Mathis constata qu'il s'agissait de la statue des Résistants. Bien sûr le point de rassemblement restait géographiquement le même. Mais c'est la chute du symbole qu'il déplorait. La statue avait été érigée en l'honneur des jeunes sorciers qui après l'instauration du régime de Vichy avait brisé toutes les lois prévôtaires comme magiques et avaient refusé de retourner à Beauxbâtons dès 1940 pour s'engager dans les maquis. C'était probablement la plus grosse violation du Secret magique de l'Histoire de la Prévôté, et celle-ci avait été scandalisée quand l'Académie avait décidé d'ériger une statue en leur honneur afin de rappeler aux jeunes générations qu'elle apprenaient la magie pour servir un peuple et non un état. Les étrangers se faisaient de fausses idées sur Beauxbâtons à cause du décorum et de la politique étrangère propagantiste de la Prévôté via le Rayon Culturel, mais en vérité l'école française avait eu une longue histoire d'Anarchisme derrière elle. La philosophie de Mélusine Desmarez ne sortait pas entièrement de son chapeau fleuri !

Et puis par la suite d'autres noms avait été rajoutés. Les victimes des attentats, ceux qui avaient tenu tête à Samaël, aux premières vagues de démons, jusqu'à ce que l'école soit abandonnée. La Faille était trop proche, c'était trop dangereux…

Ils se retrouvèrent tous les neuf devant l'entrée arrière du château. Toujours aucun signe de vie. Pourtant, les lumières à l'intérieur du château étaient allumées, et elles ne l'étaient qu'en présence de sorciers à l'intérieur. De sorciers, ou du moins de pyjamas de chair pour démons supérieurs.

Mathis jeta une bulle de silence autour d'eux. C'était un peu devenu son sort fétiche…

– Nous devons couvrir le plus de terrain possible en un temps record. Je propose que nous nous séparions.

– Individuellement, nous sommes moins fort ! déplora Isaïes Crusella.

– Individuellement nous sommes plus discrets ! répliqua Duneska.

Mathis hocha la tête. Il eut un instant d'hésitation. Malgré ce qu'il avait dit à Justine, il avait une conscience. Il mesurait la conséquence dramatique de ses choix. Mais c'était nécessaire. Il ne pouvait pas reculer. Il pouvait juste préserver Duneska…

– Il faut éviter le Grand Réf. Il en est probablement de même pour l'administration. Nous devons nous déployer dans les étages. Vous deux au troisième. Phénicia, je doute que Griselda soit toujours là, mais tu dois trouver un moyen d'entrer dans le Pavillon de Chasse. Si tu le peux, vas-y, sinon rejoint Noémie à l'Observatoire. Si ça part en couille, il nous faudra un moyen de prévenir les renforts extérieur. Faites sauter ce qui reste du dôme s'il le faut, j'en ai rien à foutre.

Noémie Rapace approuva gravement.

– Vous deux, le deuxième. Gaffe à l'amphi. Hum… C'est peut-être plutôt toi qui devrait y aller, Justine. Tu es plus… adaptée à l'échelle des lieux.

– Plus rapide, tu veux dire.

– Vous, le premier. Isaïes, je sais que tu te débrouilles bien avec les potions…

– Débrouilles ?! s'offusqua l'espagnol. Je suis un génie, oui !

– Attorney cachait toujours un double de la clef de la réserve dans sa salle de cours. Dans le coin en haut à gauche… Troisième pierre en partant du haut, septième en partant de la droite. Il y a un simple sort de glu perpétuelle, qui n'est probablement même plus actif. Je suis sûr qu'elle a quelques merveilles, là-dessous.

– D'accord. Et vous ?

– Je vais voir s'il y a du matos à récupérer à l'infirmerie. Duneska va me couvrir, le temps que je fouille, et ensuite elle te rejoindra. Moi je remonterai rassembler les autres, et on fera entrer nos quatre outsiders par la grande porte avant de s'attaquer au bureau directorial. On n'entrera dans le Grand Réf qu'en dernier, et si possible tous les douze par la porte arrière.

– Tous les treize, corrigea Clovis.

Mathis secoua la tête.

– Mauvia va faire sauter le pan du hall. Nous, on leur coupe toute retraite.

– Et on ressort de l'administration comment, au juste ?

– Le bureau directorial a un statut particulier dans les enchantements de protection de l'Académie. Seule la directrice peut transplaner pour y rentrer, mais n'importe qui peut en sortir. Et au pire on bricolera un portoloin.

– Et si on meurt dans le souffle de l'explosion ? intervint Noémie.

Mathis la regarda droit dans les yeux :

– Alors ils seront morts aussi.

Elle acquiesça silencieusement, et fit signe aux autres de se déployer autour de la porte tandis qu'elle l'ouvrait.

Le hall semblait désert, mais on entendait des éclats de voix et de la musique de chambre provenant de la gauche. Apparemment Mathis avait raison quant à l'occupation du Grand Réf. Il fallait dire que l'immense salle du réfectoire avait le prestige qu'on pouvait attendre d'un château.

Les escaliers semblaient déserts. Mathis constata avec une pointe de tristesse que le tableau de St Renaud avait disparu.

Phénicia allait se précipiter dans l'escalier quand Justine la retint par le bras. De son ouïe surdéveloppée, la vampiresse avait capté quelque chose. Elle se concentra, et discrètement pointa du doigt une ombre.

Un volant perché, peut-être à l'affût ou dormant, mais qui ne les avait pas encore repérés. Clovis lui jeta un Glaceus informulé, et c'est Duneska qui le réceptionna au vol d'un Wingardium Leviosa. Elle le rapprocha d'eux. D'un geste sec, Justine trancha la tête gelée d'un seul coup de dague d'obsidienne, et Duneska se dépêcha de verser de l'Aqua Fortis dans la plaie du cou.

Mathis fit un signe de tête au groupe, toucha l'épaule de Duneska, et tout deux s'engagèrent dans le couloir à leur droite, tandis que les autres sauf Isaïes s'engageaient dans l'escalier.

Duneska se précipita vers la première salle d'études, tandis que Mathis rentrait en face. D'un habile sort de découpe, elle trancha la gorge des trois pyjamas de chair d'un coup, et se précipita pour verser de l'Aqua Fortis dans la plaie. Cela n'avait pas pour effet de tuer les démons. En fait, c'était techniquement impossible de tuer un démon majeur, et le bannir recquiérait une puissance phénoménale. Mais il était possible de les sceller dans le corps qu'ils possédaient, pour ensuite prendre le temps de les exorciser en toute sécurité. Bien sûr, l'élément de surprise était vital. Cependant, ce n'était pas si facile, en temps normal…

En face, Mathis était rentré dans la salle de répartition. Les bancs avaient été projetés contre les murs, mais l'étrange confessional à trois cabines était intact. Mathis entra dans celle du milieu, et s'assit tranquillement.

– Bonjour, Th'aleem.

Il y eut un instant de silence, pendant lequel Mathis craignit que l'esprit de Beauxbâtons s'en fût allé. Mais la voix si unique et familière du Sondeur résonna dans son esprit, neutre comme toujours, quoique laissant transparaître une pointe de surprise :

*Mathis Devaux, c'est bien toi ?*

– Sonde mon esprit, si tu n'acceptes ma seule parole.

*… Tu es bien celui que tu sembles être. Tu me vois ravi de te revoir.*

– Le plaisir est partagé.

*Le château est envahi d'êtres abominables. Tu n'aurais jamais dû revenir ici.*

– Je ne fais pas du tourisme suicidaire, Th'aleem. J'ai une mission, et j'ai besoin de toi.

*Je t'écoute.*

Mathis ouvra la bouche pour répondre, quand il entendit Duneska le héler dans un chuchotis sec.

– Mathis ! qu'est-ce que tu fous ?

– Je demande un coup de main ! répliqua le sorcier de même. Th'aleem, j'ai besoin de savoir si un coffre gobelin a été amené ici par les démon.

– De quoi tu parles ?! s'étonna Duneska en s'approchant, circonspecte.

*En effet*, répondit le Sondeur. *Un coffre de grande stature, à la densité phénoménale. Je ne peux pas sentir ce qu'il contient.*

– Où se trouve-t-il ?

*Dans le bureau de feue Madame Maxime. Il est très solidement gardé.*

– Évidemment. Merci.

Mathis se précipita hors de la cabine, mais Duneska lui barra la route.

– C'est quoi cette histoire de coffre ? Tu n'as jamais eu l'intention d'aller à l'infirmerie, n'est-ce pas ?

– Le temps presse, souffla Mathis en guise de réponse. Va chercher les autres dans la cabane du portail, nous avons besoin de Mauvia de toute urgence !

– Non ! s'obstina fermement Duneska. Tu vas me dire la vérité.

Mathis hésita, sa baguette délicate entre les doigts. Duneska ne lui en laissant pas le loisir, le désarmant d'un geste extrêmement précis avant de pointer la sienne droit sur le visage.

– Est-ce que tu es vraiment Mathis Devaux ?

– Le Sondeur te le confirmerait, assura posément le jeune homme.

– Toi, peux-tu me l'assurer ?

Mathis haussa les épaules.

– Entre le Projet Rosa où nous nous sommes rencontrés et la mort de Danielle Bourgeois, je n'ai aucun souvenir. Je pourrais bien être un clone maléfique, qui sait ?

– Je ne plaisante pas ! gronda la caribéenne.

– Moi non plus, répliqua Mathis, qui commandait mentalement à Ahta de se déployer. Bon, ça suffit maintenant, nous devons nous dépêcher.

– Nous dépêcher de faire quoi ?

– De trouver le coffre gobelin que cette clef ouvre, répondit Mathis en sortant l'objet.

– Et ensuite ?

– Ça dépend ce qu'il y a dedans.

– … Tu nous as tous menti, et tu ne sais même pas pourquoi ? Hé, qu'est-ce que tu fous ?!

Mathis avait oublié que Duneska voyait Ahta. Le tentacule doré claqua dans le vide, tandis que la jeune femme l'esquivait.

Elle jeta un sort de stupéfixion à Mathis, qui l'esquiva en roulant sur le côté. En se relevant, il avait sa baguette à la main.

Avada Kedavra.

Il serra les dents en se relevant douloureusement, et regarda son amie qu'il venait de tuer.

– Tout ce qui sera nécessaire. C'est nous ou le Monde.

Il quitta la pièce, et se précipita droit sur la porte d'entrée. Il l'ouvrit à la volée, et projeta les deux démons qui la gardait. Ils allaient très vite revenir, mais chaque dixième de seconde comptait. Mathis balança un Periculum droit sur la cabane, et attendit que ses amis en sortent pour leur faire signe.

Un des deux démons revenait déjà à grande vitesse. La fracture ouverte au bras de son pyjama de chair se refermait déjà d'elle-même. Mathis lui jeta un maléfice de brume acide, un sort très noir qui dissolvait le corps de chair tout en s'attaquant également à l'esprit démoniaque. Mais également aux réminiscences de l'esprit humain, et l'entité se mit à hurler à pleins poumons. Mauvia lui balança une grenade alchimique à la volée, et quand celle-ci explosa, Mathis s'aperçut que c'était une grenade dissolvante, qui changea le sol graveleux en boue goudronneuse.

– Je croyais que nous devions être discrets ? s'inquiéta Philomène Demeulemeester, une belge qui avait étudié à la NS2H.

– Plus le temps, souffla Mathis. Il faut que nous entrions dans le bureau de Madame Maxime immédiatement !

– Qu'est-ce qui s'est passé ? s'enquit Mauvia. Vous avez fini de nettoyer les étages ?

Mathis secoua la tête.

– J'ai vu Gamaliël entrer dans le couloir de l'administration. Nous avons essayé de les suivre, mais un retardataire nous a surpris…

– Il a donné l'alerte ?

– Non, j'ai réussi à l'abattre. Mais… Mais il a eu Duneska avant.

– Non… Non, pas elle…

– Je suis désolé.

Mauvia serra les dents. Des larmes de rage se mirent à couler sur ses joues, brouillant son losange rouge peint sur l'œil droit.

– Nous allons pulvériser cet enfoiré.

Alors que les quatre réservistes entraient dans l'Académie pour la première fois de leur vie, Isaïes remonta du sous-sol. Mauvia, prête à exploser, manqua de lui jeter un sort.

– Hé, je viens en paix ! souffla l'espagnol, les bras pleins de fioles. J'ai fait des elixirs de sens aiguisés, et de l'essence volatile somnifère.

Il en distribua une à chacun. Mathis ouvrit la fiole rouge, et en but le contenu cul sec. Les autres en firent de même, sauf Isaïes qui avait déjà bu la sienne.

Mathis aurait aimé avoir Justine à ses côtés en cet instant, mais ça aurait pu finir de la même manière qu'avec Duneska. Quoiqu'en fait, il n'aurait jamais eu le dessus sur elle. Il s'ébroua mentalement, et s'engagea dans l'étroit couloir longeant le grand réfectoire. Comme le tableau de St Renaud, ceux des anciens directeurs avaient été décrochés du mur de la galerie, alors étrangement vide et calme si on faisait abstraction du brouhaha provenant de l'autre côté du mur.

Ils marchaient en file indienne. Le couloir était juste assez large pour se croiser à deux, et ils souhaitaient conserver leur pleine liberté de mouvements. Au bout de la gallerie, Mathis entendit des voix, et fit signe de s'arrêter. Il prit la fiole de gaz somnifère de Mauvia, et lui pointa du doigt une grenade asphyxiante accrochée à sa bandoulière.

Une dernière hésitation, et il franchit la dernière arche, entrant dans ce qui avait été jadis la salle des professeurs. Elle semblait avoir été transformée en club privé pour le haut du panier démoniaque. Mathis balança une fiole de chaque côté de la pièce, et tandis qu'il s'écartait pour laisser à Mauvia le champ libre pour jeter sa grenade asphyxiante, il sortit sa baguette, et se mit à arroser la zone de sortilèges de découpe.

Un des corps humains fut tranché en deux au bassin. Mais tandis que les deux parties du corps se séparaient, une énorme masse noirâtre semblait en surgir. Avant que les six sorciers aient investi les lieux, une boule de chair ressemblant à un popcorn carbonisé géant occupait un quatre de la salle, écrasant ses camarades démons dont certains était encore vivants. Un énorme œil jaune s'ouvrit, et six autres autour. Philomène lança un maléfice transperçant, mais l'œil se referma, et le sort sembla absorbé par la masse de chair.

Mathis y jeta un Avada Kedavra, mais le sort se dissipa également. Soudain, à l'endroit où s'étaient ouverts les sept yeux, un orifice s'ouvrit, et une dizaine de tentacules couverts d'épines en surgirent. L'un d'eux claqua en direction d'Isaïes, lui arrachant la tête.

– Mauvia, la glace nitrique ! s'écria Mathis.

Sa demi-sœur comprit, et lui jeta une boule jaunâtre au bout d'un bâton de tantale, qui ressemblait à une très grosse sucette. Il la pointa entre sa baguette et le démon :

Aguamenti !

Au contact de la sucette, l'eau projetée magiquement contre la sucette d'anhydride nitrique se changeait en acide nitrique. Aqua fortis, une des seules substances non-magiques efficaces contre les démons.

La créature ouvrit se qui semblait lui servir de bouche (qui n'était pas l'orifice dont surgissaient les tentacules), et poussa un hurlement si strident que les fenêtre volèrent en éclat. Mauvia en profita pour jeter une grenade dans la bouche du démon.

Une grenade à fragmentation moldue.

– À terre ! cria-t-elle.

De toute manière, le hurlement du démon avait réduit à néant tout espoir de passer discrètement.

Quand la grenade explosa, la créature se dilata… et resta dilatée. L'explosion l'avait juste fait enfler, et la masse noire occupait maintenant un bon tiers de la salle, bloquant tout accès au bureau de la directrice. Le bon côté des choses était qu'il bloquait aussi l'accès au Grand Réf.

– J'essaie de rassembler les autres, et je fais sauter le hall ! lança Mauvia par-dessus son épaule.

– Pierre-Louis, avec elle ! ordonna Mathis.

– Où sont les autres démons ? s'étonna Philomène.

– Il les a probablement écrasés… Qu'est-ce qu'il attend, au juste ?

Les trois sorciers restants, à savoir Mathis, Philomène, et Prijañ Kerbellec qui venait de parler, toisaient le démon sphérique avec circonspection. La masse semblait inerte, depuis que la grenade avait explosé à l'intérieur, mais il s'agissait de la forme corporelle d'un démon : les démons ne pouvaient pas laisser de cadavre puisqu'ils étaient immortels. La créature était donc toujours vivante.

– Tu sais invoquer un feudeymon ? suggéra soudain la belge.

– Les deymons rendent les démons plus forts, répliqua Mathis.

– Uniquement ceux de leur affinité, fit remarquer Prijañ.

– Ce machin a avalé une grenade et l'explosion l'a fait grossir, ça te suffit pas comme indice quant à son affinité au feu ? ironisa Mathis. Dites, il n'y a que moi que ça perturbe, ce calme olympien ?

Il n'y avait plus aucun bruit. Mais surtout, il n'y avait plus de musique provenant du Grand Réf. Et aucun bruit de combat au loin, comme si leurs amis s'étaient évanouis dans le château.

Comme si les dernières secondes n'avaient jamais eu lieu, Philomène répondit à l'objection de Mathis :

– Justement. Si on le fait suffisamment grossir…

– Le sol va céder ! comprit Mathis.

Il n'était pas certain que les fondations soient suffisamment profondes, mais ça semblait être leur seule chance.

Ignis Maximus !

Une lueur intense sortit de la baguette de Mathis. Ébloui, il se protégea les yeux. Le sort avait dû échouer, car il ne sentait pas la volonté de l'esprit du feu lutter contre la sienne.

Quand il rouvrit les yeux, la salle était entièrement vide. Plus de démon, plus de cadavres… plus de Philomène ni de Prijañ.

– Qu'est-ce que…

À sa gauche, il entendait que la musique avait repris. Mathis posa sa baguette à plat dans sa paume.

– Pointe à Justine !

La baguette ne bougea pas. Il essaya avec d'autres noms, même celui de Gamaliël, mais sa baguette resta inerte. Intrigué, Mathis traversa la pièce en direction de la porte azurée. Il hésita un instant, et la poussa.

À l'intérieur, il y avait bel et bien un coffre-fort massif. Au centre d'une grande pièce rectangulaire, qui n'était sûrement pas le bureau d'Olympe Maxime. Mathis s'y engagea prudemment, et balaya les alentours de sa baguette.

La porte claqua derrière lui, le faisant sursauter. Mais quand il se retourna, il n'y avait pas de porte. En revanche, il entendait la musique de chambre comme si elle venait d'au-dessus de lui. Il leva la tête, mais le plafond était semblable à tous les plafonds de Beauxbâtons, au détail près que cette pièce ne semblait pas en faire partie.

– Th'aleem ? appela au hasard Mathis.

Th'aleem… Th'aleem… h'aleem… aym… ay… L'écho semblait infini.

Mathis s'avança dans la pièce. Le bruit de ses pas résonnait à l'infini, créant une cacophonie sourde. Il atteignit le coffre, et sortit la clef gobeline de sa poche. Il l'inséra sans la serrure, dans laquelle elle rentra parfaitement. Un tour de clef. Un second. Un déclic. Il tira la lourde porte, mais constata avec horreur qu'elle était retenue de l'intérieur par une épaisse chaîne noire.

– Qu'est-ce que tu fais ici ?! demanda sèchement une voix où pointait la surprise.

Mathis se retourna, et tomba presque nez à nez avec un humanoïde immense à la peau blanche. De longs cheveux noirs et quatre sourcils encadraient une grosse gemme rouge sertie dans son front. Mathis plissa les yeux. La gemme lui était étrangement familière. Les yeux noirs de la créature semblaient vouloir sonder son âme, et Mathis sentit Ahta s'imposer à l'inquisition légilimancienne.

– Gamaliël, je suppose ? demanda Mathis d'une voix posée.

Il sentit à nouveau une poussée sur ses défenses mentales, mais Ahta déviait toutes les attaques. Le démon lâcha un grognement agacé, et dégaina son épée. C'était une épée gobeline en argent assez sobre, au pommeau hexagonal orné d'un glyphe.

Marmiadoise, lut Mathis. C'est un nom grec ?

– Tu peux lire les runes primales ? s'étonna franchement le démon. Qui es-tu ?

Il regarda derrière Mathis, et vit la clef dans la serrure. Une ombre de peur passa sur son visage.

– Où tu as eu cette clef ?

– Je me suis réveillé avec ça dans la main le mois dernier, assura Mathis. Qu'est-ce qu'il y a dans ce coffre ?

– Tu ne le sauras jamais ! gronda Gamaliël, abattant son épée sur l'humain.

Mathis plongea pour l'esquiver, et l'épée percuta le coffre, laissant une profonde entaille dans ce qui semblait pourtant être de l'acier alchimique.

Avada Kedavra ! lança Mathis, au hasard.

Il y avait peu de chance que ce sort, dont l'effet était d'arracher l'âme, ait la moindre efficacité contre un archidémon sous sa véritable forme, mais ça pouvait au moins l'affaiblir s'il s'agissait d'un démon du vide dont la puissance magique provenait des âmes piégées.

Mais Mathis n'eut aucune réponse à cette question. De son épée, le démon dévia le sort vert d'un revers rageux, et tenta à nouveau d'hémisectionner Mathis. D'un sort de poussée, celui-ci s'éjecta à l'autre bout de la pièce.

Malgré la distance, Gamaliël leva son épée. Mais au lieu de l'abattre dans le vent comme Mathis s'y attendait presque, il la jeta comme un poignard. Le temps sembla se ralentir pour Mathis. Il voyait l'épée s'approcher, tournant de plus en plus vite à mesure qu'elle s'approchait de lui. Il leva sa baguette, avec une lenteur terrifiante.

GLACIUS PUGIONIFORS !

Une myriade de dagues de glace filèrent vers le démon en un rayon concentré qui percuta l'épée de plein fouet. Ça ne suffit pas à l'arrêter, mais ça la ralentit suffisamment pour que Mathis l'intercepte au vol. Gamaliël dût esquiver les éclats de glace, et perdit sa concentration sur l'épée, qui ne revint pas à lui comme un boomerang.

Mathis courut à la porte entrebâillée du coffre, et abattit l'épée magique sur la chaîne, qu'elle trancha comme du papier.

Le démon hurla de rage, et hurla le nom de l'épée, qui s'arracha des mains de Mathis, et tenta à nouveau de le couper en deux. Mathis plongea dans le coffre.

Il était entièrement plongé dans le noir. Mathis se redressa et regarda derrière lui. Encore une fois, la porte semblait avoir disparu. Il leva sa baguette.

Lumos Sagitta.

La sphère de lumière monta bien plus haut qu'elle n'aurait pu s'il se trouvait véritablement dans le coffre. Aperçevant une étrange silhouette, il fit redescendre la sphère.

Une boule d'énergie tournoyait à dix mètres de lui. Mais au lieu de dégager sa propre lumière, elle semblait absorber celle provenant du sort de Mathis.

Lumos Sagitta Maxima.

La plus grosse sphère de lumière vint prendre place à côté de l'autre. La boule d'énergie noire émettait maintenant un crépitement sonore.

– Qu'est-ce que tu es au juste, toi ?

Il s'approcha, et tenta de la toucher du bout d'un tentacule. Il en ressentit mentalement une atroce brûlure de froid, comme s'il avait tenté de plonger la main dans une flamme froide. La sensation lui rappelait un peu celle qu'il avait ressentie quand il avait plongé son ami Erwin dans la Fontaine Flamel, mais en mille fois plus intense. Mathis se souvint alors de ce que Morgana avait essayé de lui dire.

– Un anti-nexus !

Mathis invoqua une troisième sphère de lumière, encore plus grosse que la précédente, et l'ombre se mit à siffler. Ahta lui suggéra une pensée.

– Un cri de douleur ? s'étonna Mathis. Tu crois que cette chose craint la lumière ?

Ahta confirma. Mathis haussa les épaules.

– Qu'un seul moyen de le savoir : Lumos Solem !

Il se protégea les yeux pour ne pas être aveuglé par son propre sort. Il ressentit plus qu'il n'entendit ce qu'il aurait décrit comme une anti-explosion. Pas une implosion, non. Plus… comme un soudain afflux d'énergie là où il n'y avait que le vide avant. Comme une repressurisation éthérique.

Il entendit un grincement derrière lui, et se retournant découvrit que la porte du coffre s'était rouverte. Nauséeux, il trébucha à l'extérieur, et tomba à genoux.

En face de lui, Gamaliël écumait de rage. Littéralement, de la bave rougeâtre dégoulinant sur ses joues.

– Qu'est-ce que tu as fait ?!

Il leva à nouveau son épée. Mathis leva sa baguette en réponse, mais son bras retomba d'épuisement.

D'un geste sec, Gamaliël décapita Mathis.

.


.

Fin… ?