Bonsoir… vous ! Ça faisait sacrément longtemps, hein ?

Quoi de neuf depuis tout ce temps ? Hmmm, déjà, je suis officiellement membre de la Language Creation Society, dernière étape faisant de moi un vrai créateur de langue professionnel ! Sinon j'ai fait un tas de choses, avancé un tas de projets dans lesquels j'ai pu me laisser dissiper, tout ça en faisant face à de trop nombreux problèmes administratifs et de santé (j'ai notamment dû commencer un traitement cardiaque hein, parce que faut varier les plaisirs). Mais du coup là maintenant je peux enfin souffler, m'occuper des choses moins vitales mais qui me tiennent plus à coeur, évidemment le Multivers en fait partie !

Niveau Multivers, donc, ELM 5 va reprendre à un rythme lent mais va bien reprendre. D'ici le prochain chapitre, je vais publier un OS qui raconte l'histoire des Ducs avant qu'ils ne soient des Ducs, à la manière d'un épisode des Enquêtes Impossibles. Le DP sur Banff a encore un peu avancé, il ne m'inspire guère mais il finira bien un jour. Renouveau me bloque totalement, mais comme pour ELM je me suis arrêté à un bon endroit, je sais que vous voulez tous savoir ce qu'il advient d'Albus et que vous n'allez pas partir. C'est sadique, j'aime beaucoup.

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Dans le chapitre précédent, dans le futur post-apocalyptique qu'est devenue la France, Mathis et ses amis découvraient que la clef de tout se trouvait à Beauxbâtons et ils prenaient d'assaut l'académie. L'assaut, bien qu'une mission suicide, était tout de même catastrophique, et si Mathis est parvenu à trouver ce qu'ils cherchaient, ce fut pour finir décapité par Gamaliël.

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Je ne sais plus à qui j'ai répondu en MP pour les reviews donc je vais juste tout reprendre ici en évitant les spoils :

Bienvenue Jack Sherlock Black-Londugbat, et bravo pour ta lecture expresse ! J'espère que depuis, tu t'es intéressé au reste du Multivers !

Hello Tiph ! Effectivement, il est beaucoup fait référence à des évènements qui n'ont pas encore été racontés, et c'est assez difficile à suivre. Les explications ne vont pas tarder.

Salut Allan ! Oriande est la plus jeune soeur MeľŬoĝ, elle est étudiante à l'UD. Elle apparaît dans le chapitre sur la résurrection de Morgana.
Oui hein, surtout quand tu sais que c'est ce que tu crois que ça n'est pas.
Morgana n'est pas un démon du tout, c'est une dryade qui a été piégée : une dryade est techniquement immortelle tant que son arbre subsiste, sauf que Merlin lui a fait faire un horcruxe pour l'y piéger en la tuant. Mais malgré son penchant pour le meurtre et la nécromancie, elle reste 100% une dryade.
Alors en ce qui concerne le plan astral, non à tout. En fait faut l'imaginer comme un océan déchaîné : le fait d'appeler les portails des "ancres" n'est pas anodin : en remontant le long de l'ancre on peut accéder à un navire astral, qui peut être aussi petit que l'intérieur du sac d'Hermione ou aussi grand qu'Avalon. Mais en dehors, il n'y a rien du tout, et aucune cohérence géographique. Si tu te déplaces dans le plan astral, tu te perds définitivement. En outre il n'est pas possible d'ouvrir un portail depuis le plan astral, donc aucun retour possible si le portail n'existe pas déjà.
Le pyjama de chair, ça vient totalement de Supernatural. Sur terre il faut un corps aux démons alors que les créatures démoniaques n'en ont pas besoin, alors qu'en enfer ils peuvent s'en passer ou y garder leur pyjama de chair indépendamment.
Pour le démon-globe, c'est un peu un mélange de tout. Pour l'aspect dans ma tête je me suis surtout inspiré de Hermaeus Mora j'avoue.

Coucou…Coucou ! Bienvenue. Oui. Voilà la suite hé hé.

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4) La dure réalité

Mathis se réveilla en sursaut, portant les mains à son cou. Il fut gêné dans son mouvement par la perfusion dans sa main, et le tube d'oxygène passant derrière ses oreilles. Là où Marmiadoise l'avait touché, sa peau le brûlait, mais il ne sentit aucun relief, aucune cicatrice.

Sa tête était toujours rattachée à son corps, et elle tournait atrocement. Sa langue n'était que carton, et sa bouche, douleur. Il regarda autour de lui, et fut étonné de se trouver dans une chambre médicalisée, les hôpitaux ayant été les premiers endroits ravagés par les hordes infernales.

Mathis tatonna autour de lui et fouilla, nauséeux, jusqu'à trouver une pissette dans un tiroir non verrouillé. Elle devait probablement contenir de l'eau déminéralisée, ou un philtre magique assainissant selon la nature de l'endroit. Il s'en arrosa le gosier, et fut heureux de découvrir qu'il semblait s'agir d'eau.

Il s'en arrosa également les paupières, frottant ses yeux encollés, et sa vue déjà hésitante se troubla, accentuant son mal de tête. Malgré tout il se leva, et se servant de son pied à perfusion comme déambulateur, quitta la chambre d'un pas chancelant.

Le couloir était désert, et aussi propre que sa chambre. Il entendit des éclats de voix au loin, et s'avança prudemment. Il était mal en point et désarmé, mais Ahta le protégerait.

Il passa devant plusieurs chambres dont la porte était ouverte, et fut étonné d'y voir des gens allongés, inconscients comme il l'avait été, arnachés de machines moldues.

Au bout du couloir, il poussa la double porte en trébuchant, et tomba nez à nez avec trois infirmières en train de plaisanter. Le bruit attira leur attention, et l'une d'elle se précipita sur lui.

– Oh par Merlin ! Mais que fais-tu ici, mon garçon ?! Marielda, un des envoûtés s'est réveillé !

Mathis allait demander où il se trouvait, mais il reconnut le logo de Notre-Dame des Orages, au sol. Ça n'avait aucun sens… Cependant c'était un lieu sorcier.

– Où est ma baguette ? demanda-t-il d'une voix rauque, qu'il ne reconnut pas.

Celle qui avait appelé "Marielda" s'était précipité sur lui, et le tirait tout en le soutenant.

– Il faut retourner te coucher, mon garçon ! Tu aurais dû sonner !

Comment ça, "mon garçon" ? Mathis essaya de se dégager, mais il était épuisé, et l'infirmière avait une poigne de fer.

Il plongea alors sa conscience dans celle d'Ahta, et transperça le cœur de l'infirmière.

Elle sursauta d'effroi.

– Où est ma baguette ? répéta Mathis d'un ton douloureux, qu'il aurait voulu plus ferme.

– Elle… elle est dans le bureau ! couina l'infirmière. Ta mère a gardé tes autres affaires, mais la Loi du Secret interdit de laisser une baguette à des moldus même dans ce cas de figure.

Les autres ne voyaient pas ce qui se passaient, mais comprenaient que le garçon utilisait une forme de magie sur leur collègue, parce qu'elle n'avait pas le droit de révéler cette information.

Marielda Carbouche avait vu dans sa longue carrière de nombreux patients déroutés après un coma magique. Elle sortit sa baguette, et stupéfixia le gamin.

– Ramenez-le dans sa chambre et donnez-lui un somnifère ! ordonna Marielda.

Elle se précipita sur la collègue que Mathis avait ensorcelée :

– Gigi, tu vas bien ?!

– Ça… ça va, déglutit l'intéressée.

– Que s'est-il passé ? Il t'as envoûté sans baguette ?!

– Je ne sais pas. Il m'a juste regardée dans les yeux… Et je me suis à avoir peur, si peur.

– Peur de lui ?

– Non ! C'est ça, le pire. Je n'avais peur de rien en particulier. Juste… peur. Et quand il a répété sa question, j'étais prête à tout pour que cette peur cesse.

– Je vois…, soupira Marielda qui ne voyait pas du tout.

Quand Mathis se réveilla quelques heures plus tard, il avait toujours la tête cotonneuse, mais il se sentait mieux. Il sentit quelque chose dans sa main, et essaya de voir ce quoi il s'agissait. Mais il constata avec horreur qu'il avait été attaché !

Il tâta le contenu de sa main, et comprit qu'il s'agissait du bouton d'appel. Il le pressa encore et encore, jusqu'à ce que Marielda entre dans sa chambre.

– Pas la peine de martyriser ce pauvre bouton, ça ne re-sonne pas tant qu'on n'a pas éteint manuellement la petite lumière.

– Détachez-moi et rendez moi ma baguette ! ordonna Mathis.

Sa gorge ne le brûlait plus, elles avaient dû lui faire avaler quelques gouttes d'essence de dictame, après avoir entendu sa voix cassée.

Mais le plus choquant était que sa voix muait.

Marielda l'ignora, et releva les informations des moniteurs.

Elle sortit une clef de sa poche, ouvrit un des tiroirs, et en sortit un tensiomètre, qu'elle passa autour du bras entravé de Mathis.

– Où sommes-nous, qu'est-ce que je fais ici, et pourquoi je suis attaché ?

– Nous sommes à la clinique sorcière de Notre-Dame des Orages. Tu as perdu connaissance dans la cuisine de chez ta mère, et tu as été amené à l'hôpital moldu. Ne trouvant pas ce que tu avais lors des examens préliminaires, l'hôpital t'as fait une prise de sang, qui a été soumis à l'hémothaumatogrammeur¹ par un employé du Secret tel qu'on peut en trouver dans tous les laboratoires d'analyses médicales.

– Donc vous avez su que je suis un sorcier, et vous m'avez rapatrié ici, comprit Mathis.

– En effet, confirma l'infirmière. Ce service a été aménagé spécialement pour les gens dans ton cas.

– Comment ça, dans mon cas ?

– Ce qui t'es arrivé est arrivé à plusieurs personnes. Évanouissement soudain, état analogue à un sommeil profond, et aucun moyen même magique de vous réveiller. Mais ce qui justifie l'existence ce ce service est que vous… ou du moins ceux qui dorment toujours dégagent un champ magique extrêmement étrange, qui rend inopérable tous les instruments magiques. Nous en sommes réduits à utiliser du matériel moldu… Il n'est d'ailleurs pas impossible que tu sois le patient zéro, tu as été admis à l'hôpital moldu avant que nous ne trouvions le premier patient de notre côté. Tu aurais un début d'explication ?

– L'anti-nexus, marmonna Mathis.

– Pardon ?

– Pourquoi je suis attaché ? détourna-t-il.

– Parce que tu as agressé ma collègue.

– Je… je suis désolé, j'étais confus… Elle va bien ?

– Oui oui, ne t'inquiète pas. Tu lui as juste fait très peur. Littéralement. Qu'as-tu fait, au juste ?

– J'ai…

Mathis se tut. Pour la simple raison qu'il n'en savait rien.

– Pourquoi ma voix est comme ça ? Vous m'avez fait boire quelque chose ?

– Une potion anti-inflammatoire, ta gorge était très sèche et tu as bu du désinfectant…

– Je… je croyais que c'était de l'eau.

– Tu semblais très confus. Tu parlais tout seul, et tu regardais par-dessus ton épaule comme si tu t'adressais à quelqu'un derrière toi…

– Je veux dire, pourquoi ma voix mue ?

– Ha ha ! C'est normal, à quatorze ans ! Nous ne pouvons rien y faire, c'est la nature qui veut ça.

– Je n'ai pas… En quelle année sommes-nous ?!

– Allons, mon garçon ! gloussa l'infirmière. Tu n'es resté dans le coma que quarante-sept jours, nous sommes toujours en 2019 !

Mathis hoqueta de surprise.

– 2019 ?!

– Nous sommes le samedi 17 août 2019, pour être précis, confirma Marielda. Tu es sûr que ça va ?

– J'ai un peu la tête qui tourne…

L'infirmière sortit une petite lampe de sa poche, et la projeta dans ses yeux. Mathis grimaça.

– Les pupilles sont réactives. Je vais augmenter un peu le débit de la perfusion hydratante. On t'apportera à boire après quelques examens. Je peux te détacher pour t'ausculter, tu ne vas pas causer de problèmes ?

– Non, madame ! assura Mathis. Encore désolé pour votre collègue…

Marielda appela tout de même une infirmière à forte carrure en renfort. Celle-ci resta dans l'encadrement de la porte, sa baguette à la main.

Elle détacha Mathis, et l'ausculta minutieusement. Elle lui posa de nombreuses questions, mais tout était flou. Elle l'avertit alors qu'il resterait en observation pendant 48h, puis que si sa mémoire n'était pas revenue il recevrait une potion d'Aiguise-Méninges avant d'être interrogé par le Gendarmagium, qui constituait un dossier sur l'affaire.

Dix minutes à peine après que les infirmières furent parties, Mathis arracha son cathéter avec peine et douleur, et quitta discrètement sa chambre.

Si ce service avait été ouvert exprès pour les gens endormis par Gamaliël, alors Justine avait dû être transférée ici. Peut-être que les autres Louves aussi ? Où vivait Mauvia, déjà ?

Il fouilla donc plusieurs chambres, et fut étonné de voir le nombre important de sorciers qui étaient encore inconscients. Certains étaient agîtés, et Mathis comprit enfin que s'il dormait, tout ça n'avait été qu'un cauchemar. Il se souvint qu'il savait dans son rêve que Gamaliël avait ce pouvoir… Mais comment pouvait-il avoir appris des choses qu'il ignorait auparavant si ce n'était qu'un rêve ? Et comment un rêve pouvait durer plus de dix ans ?

C'est sur ces questionnements que Mathis trouva la chambre de Justine Levallier. La jeune sorcière atteinte par la chorée de Huntington était branchée à un nombre effarant de machines et était même intubée.

Elle était si jeune… Ses cheveux étaient plus court, et son visage encore exempt de cicatrice. Mathis eut envie de pleurer. Dans son rêve, ou son cauchemar, elle était une vampiresse, presque immunisée à la maladie… Mais ici, c'était une adolescente qui mourrait avant d'atteindre l'âge qu'ils semblaient avoir "là-bas". Et rêve ou non, il se souvenait l'avoir aimée de toute son âme, et de la voir dans cet état…

De rage, Mathis arracha toutes les prises des appareils du mur. Il se souvint vaguement de ce qu'il avait fait à son réveil, et plongea dans l'éther de toute son âme. Pour la première fois dans cette vie, il vit sa propre aura, dorée et vibrante de tentacules, telle que l'avait décrite la jeune caribéenne Duneska Henry. Il vit celle de Justine, bleue pâle et chancelante. Se concentrant de toutes ses forces, sans vraiment savoir ce qu'il faisait, il projeta sa conscience vers elle, et les tentacules répondirent à l'ordre mental en se déployant vers l'aura de Justine, qu'ils entourèrent. Mathis y insuffla tout ce qu'il pouvait. Il y projeta sa force physique, sa force mentale, sa volonté, sa rage, cet amour surgi d'un cauchemar…

Justine se réveilla en sursaut, regardant autour d'elle avec panique. Elle reconnut Mathis, le visage de son cauchemar se superposant à celui du garçon maladroit qu'elle avait connu à l'infirmerie de Beauxbâtons… Beauxbâtons où elle était morte ?!

Elle essaya de parler, mais sa gorge était tellement sèche qu'elle fut prise d'une quinte de toux. Mathis, qui avait prévu le coup, ouvrit le tiroir. Cette fois-ci il ne se trompa pas, et délaissa la pissette de désinfectant pour celle d'eau déminéralisée. Inutile pour la soif, mais hydratante pour les muqueuses.

– Que s'est-il passé ? put enfin dire Justine. Où on est, là ? … Pourquoi t'es si jeune ?!

– Notre-Dame des Orages…, commença Mathis.

– Mais elle a été détruite en 2024 après la chute du Gendarmagium !

– C'était juste un cauchemar, tenta d'expliquer Mathis. En fait, nous sommes toujours en 2019, et…

– C'était un putain de cauchemar, ouais… Attends, comment ça juste un cauchemar !? s'écria Justine. 2019 ?! Ça n'a aucun sens, on a passé des semaines à planifier cet assaut. Et puis d'abord, comment tu pourrais savoir de quoi je parle si ce n'était qu'un cauchemar ?

– Chhhhuuut ! la tança Mathis. J'ai pas le droit d'être ici normalement, les infirmières se méfient de moi !

Justine fronça les sourcils.

– J'y suis ! T'es un putain de polymorphe et t'essaies de m'embrouiller !

Justine tenta de se jeter sur le garçon pour planter ses griffes dans sa gorge. Mathis attrapa son poignet au vol, et la repoussa brutalement.

– Saloperie de démon, qu'est-ce que tu m'as fait ! gronda Justine, en tentant une nouvelle attaque.

– Arrête, tu vas te faire mal ! Tu n'as plus tes réflexes vampiriques !

Justine tira sur le barreau du lit médicalisé pour l'arracher. Mais le barreau résista. Elle chercha autour d'elle une autre arme, et avisa un instrument en métal sur une tablette.

Elle tenta de bondir pour bousculer Mathis et attraper l'arme. Mathis, presque soupirant, la repoussa sèchement, et lui asséna une violente gifle.

Justine retomba sur le lit, sonnée. Elle porta la main à sa joue, interdite.

– CALME-TOI ! ordonna Mathis. Je ne suis pas un démon… et tu n'es plus une vampiresse. Pas encore. Je m'y perds. Je suis désolé pour la gifle.

– Que… qu'est-ce qui s'est passé ?

– Elles m'ont dit que nous nous sommes évanouis il y a quarante-sept jours. Le 1er juillet 2019. Depuis, nous avons été dans le coma.

– … Tu veux dire que ce n'était qu'un rêve ?!

Mathis secoua la tête. Il passa machinalement les doigts sur son cou.

– Je ne sais pas… Non… C'était trop réel, je ressens encore la douleur de mes blessures… Je ne sais pas ce que tu te rappelles de là-bas, moi-même je commence à en oublier la plupart, donc je vais t'expliquer tout ce que je sais depuis le début.

Mathis lui parla alors de l'Opus Tenebræ, des Ducs Infernaux, et de Mauvais Augure. Il tenta tout de même de parler de ce dont il se souvenait du cauchemar. Les choses de délitait déjà, et Justine, plus confuse mais dont les souvenirs étaient plus frais, l'aida en complétant son histoire, ce qui leur confirma qu'ils avaient fait le même cauchemar… Et qu'ils devaient retrouver les autres pour en parler. Il conclut par le fait qu'il ne devait surtout pas être interrogé par le Gendarmagium, pour des raisons qu'il n'était pas sûr de comprendre. Mathis savait par Angela qu'ils ne rechignaient pas à faire usage du Véritasérum, et que parler du futur post-apocalyptique qu'ils avaient vécu les feraient passer pour des fous. Visperi lui avait parlé du service psychiatrique de la Giraglia où elle avait été enfermé toute son enfance 0par son propre père. Elle aussi à tort, parce qu'elle était incomprise des adultes. On ne pouvait pas leur faire confiance.

– Tu saignes ! s'horrifia soudain Justine.

Mathis regarda sa main écarlate.

– Ah oui, merde. J'ai arraché mon cathéter comme un bourrin.

Justine roula les yeux au ciel. Elle ouvrit le plus fin tiroir de la desserte, et en sortit un ciseau plat au manche démesuré mais à la lame minuscule. Elle détacha précautionneusement l'adhésif sur sa propre main, et tendit la peau avec le bout de son nez. Louchant, elle entreprit de couper les petites traces noires qui dépassaient.

Se redressant, elle expliqua.

– Les cathéters sont maintenus en place par des points de suture.

– Ah.

– T'es toujours aussi catastrophique, en tout cas.

Mathis ne savait pas quoi dire. Il voyait de quoi il s'agissait, mais n'y aurait jamais pensé. Durant toutes ces années qui n'avaient pas existé, il était devenu trop sorcier pour réflechir comme un moldu.

Justine appuya fort sur le dessus de sa paume avec l'autre pouce, et tira précautionneusement le tuyau avec ses dents. Quand le bout de l'aiguille sortit, elle se servit du liquide jaillissant de la perfusion pour nettoyer la plaie. Elle ordonna ensuite à Mathis d'en couper l'arrivée, tandis qu'elle pressait son pouce sur l'orifice, et lui demanda de sortir le désinfectant du tiroir.

Elle s'en aspergea la main, et reprit la pression sur le petit trou d'un bon millimètre de diamètre par lequel un peu de sang sortait encore.

– Voilà, comment on retire un cathéter en douce pour se barrer d'un hôpital, pavana l'adolescente. La force de l'habitude…

– Ouais ouais, c'est ça ! lâcha Mathis. Aaaïeuh !

Il s'était versé du désinfectant sur la main pour nettoyer le sang. Sa plaie était beaucoup plus large et irrégulière, et se remit à saigner presque aussitôt.

– Tssss, désapprouva Justine.

– Boarf, un Episkey et c'est parti ! répliqua Mathis. Même moi je le louperais pas, celui-là…

– Même toi ? Pourtant j'ai souvenir que t'étais un soigneur plutôt doué ?

– Te fie pas à ces "souvenirs". On ne sait pas de quoi il s'agit, mais ce n'était pas le passé en tout cas.

– Tu m'embrouilles.

– Je m'embrouille tout seul, je te rassure.

– C'est quoi le plan, Chef ?

Effectivement, là-bas c'est toujours lui qui trouvait les meilleurs plans. Faut dire que c'était aussi lui qui trouvait les meilleurs plans pour Mauvais Augure. Et les Augures en général… Et tout le temps. C'était pas très bon pour son égo, d'être objectivement doué pour quelque chose. Même si c'était pour mettre des plans bancals en place.

– T'as un plan ? douta Justine.

– Euh… *Hum*. Ouais. Faut qu'on récupère nos baguettes, et qu'on prenne la cheminette visiteurs pour se rendre chez les Brisebois.

– Les vendeurs de baguettes ?! s'étonna Justine.

– Les parents de ma meilleure amie, surtout, répliqua Mathis. Ils ont une cheminée allumée toute la journée pour les clients.

Justine regarda autour d'elle. La chambre n'avait aucune fenêtre.

– C'est peut-être le milieu de la nuit…

– Il se passe quoi, si on essaie de rejoindre une cheminée éteinte ?

– Euh… Je crois que le feu n'a pas vraiment d'importance pour les arrivées, il est surtout là pour les départs. Mais elle est sûrement verrouillée, en dehors des heures d'ouverture, supposa Justine.

– Et il se passe quoi quand on essaie d'entrer dans une cheminée verrouillée ?

Justine haussa les épaules.

– On verra bien. Au pire on sera renvoyés ici.

Elle se redressa sur le lit, mais marqua soudain une pause.

– Il y a un problème ? s'enquit Mathis, soucieux.

– Je… Et ensuite ?

Mathis hésita. C'était une excellente question.

– Tu as déjà eu cette sensation de devoir aller quelque part, mais une fois que tu es dans cet endroit tu ne sais toujours pas pourquoi tu devais y aller ?

Justine lui jeta un regard amusé.

– Je te rappelle que la Chorée de Huntington me ronge le cerveau. Ce que tu décris est un comportement parfaitement normal pour moi.

– Ah oui, pardon. J'avais oublié…

– Moi aussi ! plaisanta l'adolescente. Alors, tu dois aller où ?

– Sur l'île d'Avalon. Je dois parler à Morgana.

Justine ouvrit la bouche, prête à lui demander comment il comptait se rendre dans un lieu mythique pour parler à un personnage fictif. Et puis elle se souvint qu'elle y était déjà allé pour la même raison.

– Et comment tu comptes d'y rendre ?

– Le grand-père d'Émi est druide, il peut nous ouvrir une arche.

– Donc nous devons aller chez les Brisebois pour trouver le patriarche druidique, puis sur Avalon, afin de parler à quelqu'un qui n'est pas censé exister à propos de… quelque chose que tu as oublié ? résuma Justine.

– Ça a peut-être un rapport avec Merlin, supposa Mathis. Avec toutes ces histoires de "démons", le cambion de service devait forcément être impliqué…

– Le quoi ?

– Cambion. Mi-humain, mi-démon.

– Mais d'après ce que tu m'as dit, les Ducs Infernaux ne sont pas des vrais démons ?

Mathis haussa les épaules.

– Tout est une question de symbole. De toute façon, la mère d'Émi a un téléphone portable avec les numéros de ma mère et de mon frère. Ça a beau être des moldus, ce n'est pas normal qu'ils n'aient pas le droit de venir me voir. Je crois que nous sommes autant prisonniers que patients. Raison de plus pour fuir.

– Mais si nous sommes en quarantaine, comment allons-nous sortir ? répliqua Justine.

– Euh… J'ai mal à la tête.

– Ce n'est pas une excuse valable pour esquiver la question.

– … Si ? tenta Mathis.

Justine secoua la tête.

– Moi, j'ai une idée.

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Mathis maintenait Justine debout avec les tentacules d'Ahta. Symboliquement, insuflant sa propre énergie vitale dans l'organisme affaibli de l'adolescente. Lui-même venait de passer quarante-sept jours dans le coma, mais était bien portant avant ça. Justine, elle, était déjà aux portes de la Mort, et ne pouvant contrôler l'avancement de ses symptômes, son traitement palliatif pour la chorée n'avait pas été ajusté.

Il ne savait pas trop ce qu'il faisait et comment il y parvenait, mais il se souvenait l'avoir déjà fait. Il espérait juste que ça ne finirait pas par tuer l'un d'entre eux, à fortiori lui.

Elle, elle était fichue de toute façon.

Justine passa seule la porte, et fut immédiatement interpelée par les infirmières.

– Une autre s'est réveillée, prévenez le médecin ! ordonna Marielda, qui était probablement la cheffe des infirmières. Jeune fille, tu dois retourner dans ta chambre.

– Je… je… où-suis-je ? surjoua Justine.

– Tu es à la clinique médicomagique de Notre-Dame des Orages, à Bordeaux. Tu étais dans le coma. Il faut vraiment que tu retournes t'allonger, c'est dangereux.

Justine vit qu'une autre des infirmières faisait mine d'approcher pour l'y forcer.

– J'ai la tête qui tourne !

C'était le signal. Caché derrière la porte, Mathis resserra son aura. Il entendit un bruit sourd, et des cris de surprise. Comme prévu, Justine s'était effondrée, et les infirmières s'étaient précipitées sur elle. Elle avait probablement même perdu connaissance, mais ce n'était pas grave. C'était prévu.

Il poussa violemment la porte, et courut droit sur la porte du bureau des infirmières. Quand il passa à leur niveau, avant qu'elles ne réagissent, il déploya les tentacules d'Ahta et y projeta tant d'énergie que l'air sembla crépiter autour de lui.

L'effet de surprise suffit à empêcher les infirmières de l'arrêter. Il plongea presque dans le bureau, chancelant, et fouilla frénétiquement. Il trouva la boîte de baguettes magiques, un simple carton où elles étaient entassés comme de vulgaires bouts de bois. Cette aile sans fenêtre n'était décidément pas aux normes de sécurité ni de respect des patients…

Il attrapa la sienne, et en avisa une autre qui lui sembla familière. Il la prit également, se disant que ça devait être celle de sa compagne d'évasion.

– Repose ça ! ordonna une infirmière en menaçant Mathis de sa baguette.

– À quoi vous jouez, dans cet hôpital ? répliqua le jeune homme.

Il attrapa la chaise de bureau roulante, et la poussa vers la porte. L'infirmière secoua la tête l'air agacée, et leva juste le pied pour l'arrêter.

Mais alors que la chaise arrivait à son niveau, Mathis la pointa :

Incarcerem !

La chaise roulante se changea en une arachnide de plastique et de métal, qui referma ses pattes autour de l'infirmière, que Mathis bouscula d'un coup d'épaule.

Stupéfix ! lança-t-il sur Marielda.

Il projeta son aura en Justine pour la réveiller, attendit une seconde et demi, et lui jeta ce qu'il espérait être sa baguette. Justine la manqua, et la baguette roula.

– Merde !

– Qu'est-ce qui se passe ici ?! s'écria le médecin, accompagnée de Gigi, l'infirmière qui était allée la chercher.

– Des patients récalcitrants, déplora Mathis. Mais la situation est sous contrôle.

– Mais enfin, vous…

Stupéfix ! Stupéfix ! … Stupéfix !

Le troisième était destiné à la troisième infirmière qui se débattait avec la chaise-cage. Mathis vérifia que Justine avait récupéré sa baguette, et l'aida à se relever.

– Sans un accroc ! assura Mathis.

– Ce plan était particulièrement foireux, même pour toi.

– Hééé ! J'ai une bonne excuse, pour une fois !

– Laquelle ?

– J'ai quatorze ans.

– T'as toujours eu quatorze ans dans ta tête…

– Étant donné que toute cette histoire s'est passée dans ma tête, ça paraît logique, philosopha Mathis.

– Qu'est-ce que tu fais ?

– Je lui pique sa carte d'accès, expliqua Mathis en fouillant les poches de la femme en blouse. Ah, la voilà. Carte à puce RFID. Technologie de pointe.

– … Ce qui signifie ?

– Que nous sommes bien dans une zone étanche à la magie. Sinon ça ne fonctionnerait pas.

Mathis fronça les sourcils, comme il faisait toujours quand il réfléchissait intensément. Il pointa sa baguette vers le mur immaculé :

Flipendo !

Le sort turquoise fut absorbé par le mur dans un silence assourdissant.

– De la peinture paramagie, comme à La Giraglia. C'est à peine flippant.

– Ou à l'Étage Blanc, rappela Justine.

– Étage destiné au combat, pas à la médicomagie, répliqua Mathis.

– Pourquoi construire une aile anti-magie dans un hôpital magique ? réalisa Justine.

– Parce que c'est une prison médicalisée. Seuls les gardiens détenteurs de baguettes doivent être capables d'utiliser la magie.

Ils atteignirent la porte, et Mathis passa le badge du médecin. La porte s'ouvrit automatiquement. Mathis progressait voûté, en position d'attaque, comme en situation hostile en milieu urbain. Peut-être avait-il conscience de ce qu'il faisait. Peut-être que ce rêve qui n'en était pas un l'avait doté d'une mémoire musculaire… Justine, elle, se traînait derrière en se tenant au mur.

Ils passèrent un autre couloir similaire à celui où se trouvaient leurs chambres. Mathis regarda rapidement à travers chaque hublot, au cas où quelqu'un d'autre soit conscient. Il se figea devant une des portes.

– Qu'est-ce qu'il y a ? s'étonna Justine.

– J'ai l'impression de connaître cet homme.

L'adolescente s'approcha, et regarda par le hublot. Sur le lit médicalisé, un homme était relié à encore plus de machines qu'elle-même ne l'avait été. Même à cette distance, elle pouvait voir qu'il était en nage. Sa peau noire était pâlie par l'anémie, et ses traits étaient creusés. Il devait souffrir terriblement. Une barbe pas entretenue mangeait son visage. Malgré tout, ses traits lui était aussi familier.

– Moi aussi… Tu crois qu'on l'a vu là-bas ?

– Non, je suis presque sûr de ne pas le connaître, mais il ressemble beaucoup… Oh, par Merlin.

Mathis venait de voir le dossier médical accroché au pied du lit. Sa vue n'était pas mauvaise, et il put il lire le nom figurant en tête : Christian V. E. Bourgeois.

– C'est le père de Danielle Bourgeois ?!

– Dany ?! Mais… elle est morte, non ? se souvint Justine.

Mathis réfléchit.

– Elle était déjà "morte" là-bas. Je crois qu'elle a juste réussi à s'échapper du cauchemar par ses propres moyens. Elle est très forte mentalement, elle a peut-être battu Gamaliël. Tu y es morte aussi, non ?

– Ouais, j'ai été prise dans l'effondrement du hall. Après, j'ai perdu connaissance, et tu m'as réveillée. Et toi ?

– Décapité par Gamaliël. Je me suis réveillé aussitôt.

– Ah, dur.

Mathis grimaça à l'attention de Christian, et progressa jusqu'à la porte suivante. Il passa à nouveau le badge, attentit que la porte s'ouvre à moitié, et se glissa entre les battants en faisant signe à Justine d'attendre.

Comme il s'y attendait, il y avait un vigile, qui réagit au quart de tour, et dégaina sa baguette.

– Code bleu, aile Morphée ! s'écria-t-il en portant sa main libre au talkie-walkie accroché à sa poitrine.

Stupéfix ! tenta Mathis.

Le vigile répliqua en faisant quelque chose que Mathis n'avait jamais vu : il prit sa baguette entre deux mains, comme s'il allait la briser en deux, et repoussa son sort comme un palais. Mathis eut à peine le temps de voir le minuscule charme déflecteur arqué entre ses deux mains, avant que son propre Stupéfix ne le frappe de plein fouet.

– Code bleu annulé, annonça le vigile. Le fuyard est maîtrisé. Faites venir le médecin.

Il se pencha au-dessus de Mathis.

– Comment t'es arrivé jusqu'ici, toi ?

Petrificus Totalus ! lança Justine derrière lui.

Le vigile s'écroula sur Mathis, dans un couinement sourd.

Enervatum, lança-t-elle sur Mathis.

– Aouch, merci ! grinça Mathis, qui peinait à se dégager du corps inerte du vigile. Je l'avais un peu trop chargé, celui-là…

– La meilleure arme pour vaincre un ennemi est sa propre arme, philosopha Justine.

– C'est pas vraiment le moment, Sun Tzu.

– C'est une référence aux Indestructibles, gamin inculte.

– Aide-moi à chercher la cheminée, au lieu de dire des conneries.

Justine jeta un regard empreint de désespoir à Mathis, et se contenta d'un signe du menton. Presque derrière lui, il y avait une porte avec un pictogramme de cheminée d'où sortait un sorcier. Un gros pictogramme, en relief, comme ceux à l'entrée des toilettes.

– Qui dit des conneries ? ironisa l'adolescente.

– Ah… euh… bien joué.

Mathis s'efforça de se relever, et ils entrèrent dans la salle des transferts. Fait très étrange, la salle était entièrement vide et les feux éteints. Personne ne pouvait entrer dans la clinique.

– Il se passe quelque chose d'étrange ici, grogna Mathis.

– Ou alors nous sommes juste en dehors des heures de visite, répliqua Justine. T'es trop parano, regarde : si nous étions vraiment prisonniers, ils n'auraient pas laissé du bois dans la cheminée et la poudre de cheminette en évidence !

– … Certes. Incendio ! Prête ?

– Bien sûr que non ! grinça Justine en attrapant une poignée de poudre.

– On s'en contentera. Bourg Enchanteur, Baguettes Brisebois !

Mathis plongea dans les flammes vertes. Ébloui, il avança à l'aveugle, et le bas de sa robe d'hopital s'accrocha dans quelque chose. Il s'effondra en avant, le nez dans la cendre et les fesses à l'air.

Il redressa la tête, et croisa le regard de Servan Brisebois qui bricolait derrière le comptoir.

– Bonjour Mathis Émeraude est avec Papa dans la forêt ils reviennent à 19h45 et Andrea est dans l'arrière-boutique tu vas bien ?

– Bonjour M. Brisebois ! salua Mathis en tentant de décrocher son seul vêtement du garde-feu en fer forgé.

– Il ne faut pas toucher au garde-feu la boutique est fermée !

– Il aurait mieux fallu verrouiller la cheminée, souligna Mathis. J'ai une amie qui arrive.

Justine franchit la barrière des flammes à cet instant.

– Mais la boutique est fermée, répéta Servan, perplexe.

– Nous ne sommes pas là en tant que clients. Tu faisais quoi ? s'étonna Mathis.

– J'ai caché le vigile dans la salle d'attente et placé un charme d'eau suspendu face à la cheminée, histoire de gagner un peu de temps.

– Ah. Tu veux voir Émeraude ? Elle est avec Papa dans la forêt ils reviennent à 19h45.

– En fait, je viens voir votre père, et demander un service à votre femme.

– Andrea est dans l'arrière-boutique.

– Alors commençons par Andrea ! confirma Mathis.

Il fit mine de contourner le comptoir. Servan fronça les sourcils et tendit le bras.

– L'accès à l'arrière-boutique est interdit aux clients.

– Nous ne sommes pas là en tant que clients, lui rappela Mathis. C'est une visite d'amis.

– Il est 19h26. Vous resterez pour dîner ?

– Avec plaisir !

Servan hésita un moment, et laissa retomber son bras. Mathis et Justine franchirent le rideau, attirant l'attention d'Andrea Brisebois qui était en train de graver des motifs floraux sur une baguette d'ébène. En voyant Mathis, ses yeux s'écarquillèrent, et elle bondit pour le prendre dans ses bras :

– Oh par Merlin ! Tu es réveillé, Mathis ! Tu vas bien !? Pourquoi tu ne portes pas de vêtements ?

– Bonsoir ! la salua Justine, gênée.

– Bonsoir jeune fille ! Qui es-tu ?

– Justine Levallier, Madame.

– Nous nous sommes évadés de Notre-Dame, expliqua Mathis.

– Évadés ?!

– Il se passe des choses bizarres là-bas, confirma l'adolescent. Tous les gens inconscients comme nous sont regroupés dans une aile bardée de paramagie et de sécurités électroniques. Nous étions totalement coupés du Monde. En parlant d'être coupés, vous avez des nouvelles de ma famille ?

– Ta mère et moi discutons régulièrement, elle va relativement bien compte tenu des circonstances. Elle a temporairement déménagé chez sa soeur en Normandie, pour être plus proche d'ici.

– Et Thomas ? Il va bien ?

Andrea pencha la tête, l'air incrédule.

– Thomas a disparu depuis des mois. Il n'était déjà plus là quand tu es rentré de vacances et que tu es tombé inconscient.

Mathis essaya de se souvenir. Il était à Beauxbâtons en train de faire ses valises, il rentrait chez sa mère, faisait la vaisselle… et le trou noir. Il manquait des jours entiers, peut-être même des semaines. Les souvenirs du cauchemar, flous et entremêlés, n'aidaient pas. Il chancela.

– J'ai besoin d'une chaise.

Andrea en fit apparaître deux.

– Tu as surtout besoin de me lâcher, le gronda fermement Justine.

Mathis se demandait de quoi elle parlait. Andrea était complètement larguée.

– Ahta, insista Justine.

Mathis écarquilla les yeux de surprise. Il se connecta à son aura et ordonna à la créature astrale de briser le lien entre lui et Justine. Cette dernière hoqueta de surprise, et dut se retenir au bord de la table pour ne pas basculer de sa chaise.

Andrea, qui n'avait rien compris, demanda :

– Qu'est-ce que ça veut dire, "arta" ? Vous allez bien tous les deux ?

– Aucune idée, répondit sincèrement Mathis aux deux questions.

La vérité est qu'il avait beaucoup trop transféré d'énergie à Justine et qu'il ne savait même pas si ça suffirait. Tout ce qu'il savait, c'est qu'il l'avait enlevée d'un hôpital pour l'amener dans un endroit où elle n'avait pas accès à son traitement. Il en fit part à Andrea, et Justine suggéra d'appeler l'infirmière Jeanine Chevallier. Elle était en charge de son traitement à Beauxbâtons, et elle lui faisait confiance pour ne pas lui causer du tord.

Émeraude et son grand-père ne tardèrent pas à rentrer. En croisant le regard de son ami, Émi sourit, et ses cheveux violets étincelèrent de joie. Mathis, lui, resta interdit. Il savait qu'elle allait bien, il savait qu'elle allait venir… Mais en la voyant, les souvenirs lui revenaient, du futur ou du cauchemar. Il l'avait vue morte. Il l'avait lui-même enterrée.

– Bah alors, t'en fais une tête ! le taquina Émi. On dirait que tu as vu un fantôme.

– Hun hun, marmonna Mathis en lui rendant mollement son accolade.

– Ça me fait plaisir de voir que tu es réveillé ! Et toi… Tu es Justine, c'est ça ? Tu es la fille de l'infirmerie ! se souvint Émi. Qu'est-ce qui vous amène ici ?

– Je… En fait nous venions voir ton grand-père. Bonsoir, Rogan !

– Oh, désolée, je bavarde, je bavarde… Je vais prendre une douche, je vous laisse discuter entre gens sérieeeuuuuux !

Émi ricana de sa propre fantaisie, et papillonna vers les étages.

– Elle est sacrément de bonne humeur, remarqua Justine.

– Nous sommes allés déplacer une colonie de botrucs qui s'étendait sur le territoire moldu, et elle a caressé une biche, révéla le vieux druide. Mais dis-moi Mathis, que puis-je pour toi ?

Mathis fit un signe discret des yeux, et Rogan comprit tout de suite le message.

– Andrea, tu peux t'assurer que Servan range correctement la boutique, ce soir ? On vient de ramener des branches infusés et ça serait dommage qu'on se les fasse voler le soir même…

Andrea roula des yeux :

– Merci, beau-papa. Ni Émi ni Servan n'auraient pensé à me prévenir !

– Enora n'est pas là ? s'étonna Mathis.

– Elle a décroché un stage au musée de la Musique Magique de Paris, sourit Andrea, fière. Elle a gardé sa chambre d'étudiante pour l'été.

– Oh, cool !

Mathis attendit que la mère de son amie quitte la pièce, et se pencha vers le druide avec un air comploteur.

– Nous n'étions pas dans le coma, lâcha-t-il de but en blanc. Je ne saurais l'expliquer, mais je crois que nos consciences ont été projetés dans le futur.

En vérité il n'avait pas la moindre explication qui tenait la route. Mais celle-là semblait la moins farfelue.

Rogan accusa le coup.

– D'accord. Par qui ? Pourquoi ? Que puis-je faire pour toi ?

– Par Gamaliël, le troisième archiduc.

– Oh.

– Oh, confirma gravement Mathis. Je ne sais pas pourquoi. Mais il s'est passé quelque chose là-bas qui ne semblait pas avoir été prévu et qui nous as permis de nous réveiller, et nous aurions besoin de vous pour… Nous devons nous rendre sur Avalon pour rencontrer Morgana Lefay.

– Que… Quoi ?! Je ne peux pas emmener des enfants sur Avalon… Et puis d'abord comment es-tu au courant pour Morgana ?

– Je n'étais sûr de rien, mais merci ! grinça Mathis. C'est elle qui nous as aidé à nous réveiller. Donc tu nous confirmes qu'elle est bel et bien en vie ?

– Grmbl, je ne confirme rien du tout…

Mathis reprit son air grave :

– Rogan, c'est extrêmement sérieux. Dans le futur, le pays va être pris d'assaut par des hordes de démons et presque entièrement détruit. Brocéliande va être pulvérisée, et une partie des terres alentour.

– Je… Morgana est extrêmement dangereuse, hésita le druide. Même le Cercle l'évite, pour ne pas rompre l'accord fragile qu'ils ont passé ensemble.

– Rogan, j'ai enterré Émi moi-même, insista durement l'adolescent. Je ne veux pas recommencer ça.

– Et si tu te trompes ? Et si ce n'était qu'un cauchemar ?

– Je ne vois pas comment j'aurais pu rêver de Morgana sans jamais l'avoir rencontrée. Ou de Gamaliël, d'ailleurs. Cauchemar ou réalité, elle était vraiment là-bas, et elle nous as vraiment aidé. Si elle peut le faire maintenant, on pourrait gagner dix ans.

Rogan n'hésita qu'un instant.

– On part demain matin.

Puis Justine perdit connaissance.

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1. L'hémothaumatogrammeur est une invention d'Allan Eddem pour sa fanfiction La Voie de la Magie, qui fait partie du Multivers Parfum-Potter. C'est un appareil qui permet de mesurer le niveau de magie dans le sang de quelqu'un. Leur existence est plutôt tenue secrète parce qu'ils ont la facheuse idée de prouver que les sorciers sang-purs n'ont pas nécessairement une magie plus puissante que les autres.


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À dans six mois ! … Non je plaisante bien sûr. Mais reviewez tout plein pour me motiver à écrire plus vite.