Mirobolia, chers pétunias ! (ouais un peu marre des ornithorynques, à l'époque je variais les plaisirs). J'ai écris un tiers de ce chapitre en quelques mois, et les deux autres tiers hier et aujourd'hui. Soudain pic d'inspiration dont je vous fais profiter.

Dans le chapitre précédent :

Mathis se réveillait de ce qui ne semblait finalement n'être qu'un cauchemar… Pour se rendre compte qu'il était en quelque sorte prisonnier dans une aile spéciale de Notre-Dame des Orages. Là-bas, il retrouva Justine Levallier qui se réveilla du même cauchemar que lui, le faisant douter de l'irréalité de ses souvenirs déjà fuyants. Piégé entre deux réalités terrifiantes, Mathis décidait alors de fuir, traînant Justine derrière lui, pour tenter de reprendre le cours de sa vie. Organisant pour cela une évasion d'un hopital.

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Dans les reviews :

d'abord, l'Amiral ! Toujours un plaisir bien sûr.

Hola, Tiph ! Si tu crois que je ne peux pas tuer Mathis, tu me sous-estimes ! Je n'ai aucune limite, personne n'est à l'abri de ma cruauté.
Oui, il a vieilli et mûri de façon condensée dans sa tête, et ça l'affecte beaucoup. Mais en même temps, il a du mal à appréhender ça, et son cerveau devient une vraie passoire, ce qui va lui jouer des tours. Entre ce qu'il oublie, ce qu'il ne peut pas situer dans le temps, et ce qu'il associe à la mauvaise timeline, ça va de mal en pis.
En l'occurence, c'est un TV trope que j'avais lu sur Supernatural, et ce genre de séries où ils arrachent toujours brutalement leur catheter, et où ils se tranchent la paume en deux pour faire couler du sang. Avec des explications sur les risques et la démarche. En plus, j'ai déjà eu un catheter et effectivement il est d'abord désuturé, il n'est pas arraché de la main…

Platypus, Allan, et pavé César !
Je crois te l'avoir dit en MP, mais je te renvoie aux Wiccans de Salem où Salem fait appel à Hypollinaire d'Armonval pour essayer d'atteindre l'esprit des élèves maudits.
Ahta est une expérience alchimique destinée à transmettre des pouvoirs non-héréditaires à quelqu'un. Les raisons peuvent être multiples, mais je suppose que ça pourrait être utilisé pour donner la magie à un moldu, par exemple ? C'est de l'alchimie très noire, Ahta étant basiquement une chimère humaine avec un ADN compatible (je ne te dis pas comment c'est possible).
Bien sûr, il s'agit d'une version commerciale de basse qualité de l'hémothaumatogrammeur, loin des véritables oeuvres d'art et de précision artisanales japonaises. Ceux-là sont basiquement des DEL où la diode s'éclaire si le courant magique est suffisamment puissant. Rien de bien sofistiqué.
C'est plus compliqué que ça. Je ne pense pas spoiler en le disant vu que je l'ai déjà dit explicitement, mais Justine va mourir. Si elle ne fait rien, elle est condamnée à coup sûr. En plus maintenant qu'elle est une louve, les conséquences de sa mort seraient graves. Elle n'a pas encore conscience de son sceau, et ne peut donc pas le transmettre.
Je sais parfaitement qui est l'Alchimiste des Vents. Et si je compte le mentionner dans le DP sur la Chine, j'ai même carrément un projet de fic avec lui comme antagoniste. Une fic pour le prochain cycle, donc pas avant quelques années IRL.
Oui, Mathis a notamment gardé une partie de sa maîtrise d'Ahta sans savoir ce que c'est, et il connait des sortilèges qu'il n'a jamais appris à l'école mais qu'il apprendra dans le futur.
Bah Christian est là parce qu'il s'est fait abattre par Bash avant qu'il ne puisse passer la Faille. Il a donc été placé en hospitalisation surveillée. La famille Bourgeois négocie avec le gouvernement français pour le faire extrader vu qu'il est dans le coma donc pas un danger.
Servan est dans le spectre autistique, et les situations de stress le déstabilisent beaucoup. En tant que sorcier, il n'a eu droit à aucun support adapté (déjà que pour les moldus c'est la merde…), et c'est basiquement un gosse perdu qui a épousé la première jeune femme qui s'est montrée patiente et attentionnée avec lui (enfin je dis ça de manière très cynique, mais en vrai leur histoire d'amour est super mignonne). Mathis, qui a la délicatesse d'un Gryffondor, est une tornade malvenue dans sa vie.
Tu commences à comprendre pourquoi le cauchemar, continue…

Par Merlin Emmaiwenn, merci beaucoup !
Je fais ce que je peux pour le rythme de publication. En plus de la vie "normale" d'un malade chronique, je dois composer avec la dépression.
Et ne t'inquiète pas, je n'ai aucune intention d'abandonner Renouveau. La preuve, il y a eu deux chapitres depuis ta review, na !

Et… Bienvenue Athenos ! Désolé pour cette mort totalement gratuite (mais pas inutile).
Je peux comprendre le traumatisme que ça a causé.
MER-CI BORDEL DE M… Pardon. Merci d'être la première personne à explicitement comprendre mes intentions derrière le tome 4. Merci de me prouver que je n'ai pas rêvé, que c'est vraiment ce que j'avais essayé de transmettre et que j'ai en partie réussi. D'ailleurs c'est ta review qui m'a autant boosté au point de finir ce chapitre en un jour et demi, alors je te le dédie.
Erwin était amer parce qu'il se sentait rejeté par ses amis, et intégré par ceux qui le manipulaient. Il en avait conscience, mais ils (surtout Amara) en voulaient à sa position, et sa position étant indissociable de sa personne, il ne pouvait pas la perdre de toute façon alors autant en profiter hein.
J'adore Nilüfer, elle est dans mon Top 3 de mes persos préférés, mais Erwin a clairement été la victime d'un bout à l'autre.
Nilüfer a été élevée dans le monde Moldu par son père, et ils voyageaient beaucoup pour suivre sa mère qu'elle a pourtant à peine connue à cause de son travail. Ses frères n'étaient guère plus exposés à la magie, et ensuite ils sont allés en pensionnat permanent en Égypte. Passant l'essentiel de leur temps en appartements de fonctions en quartiers moldus ou presque, elle n'a jamais été exposée à la société magique, et ne connaissait la magie que par l'usage quotidien de ses parents puis tardivement du seul frère qu'elle a pu voir majeur (Ahmet, vu que Haydar a été enlevé par les Sorciers Musulmans puis vendu à Samaël durant sa 17ème année).
Et toutes ces questions seront répondues ! Même une en grosse partie dans ce chapitre d'ailleurs.

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Dans ce chapitre : beaucoup de questions, un peu moins de réponses.

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5) Un pacte avec les diables

Mathis hurla de douleur. Sa gorge le brûlait atrocement, mais lorsqu'il plaqua ses mains contre celle-ci pour ralentir l'hémorragie, il se rendit compte qu'il n'avait que le relief d'une cicatrice ancienne. En face de lui, assis sur la chaise de Madame Maxime dans laquelle il semblait minuscule, Emrys souriait.

– Te voilà de retour parmi nous, jeune sorcier !

– Que… qu'est-ce qui s'est passé ?! s'écria Mathis, d'une voix plus grave.

– Tu as eu comme qui dirait… une régression ! ricana le démon.

– Je me souviens ! s'écria soudain Mathis. Tout ceci n'est qu'un cauchemar !

Emrys fit nonchalamment tourner la poignée de son épée sur le bout de son ongle noir, dans un impressionnant numéro de jongle. Il ne semblait pas prêter attention à Mathis, qui tenta de se jeter sur lui. La chaîne qui retenait sa cheville cliqueta, tandis que le jeune sorcier s'écrasait brutalement au sol en trébuchant.

– Évidemment que c'est un cauchemar, soupira Emrys d'agacement. Je suis Gamaliël le Maître des Cauchemars, pas le Marchand de Sable.

– Alors je dois me réveiller !

Mathis se mordit le bras au sang, mais rien n'y fit.

– Tu n'as rien compris, hein ? se moqua le démon. Tu ne dors pas. C'est un cauchemar certes, mais ça n'en est pas moins réel.

Dans une série de gestes si rapides que Mathis ne vit qu'une masse floue s'approcher, Emrys se leva, attrapa son épée à pleine main, et trancha le poignet droit de Mathis.

– AAAAAAAAAAH !

– Ça te semble suffisamment réel comme douleur ?

– Je… Comment ? couina Mathis.

– Comment tu peux être à la fois ici et là-bas ? Dix ans dans le passé, dix ans dans le futur ? Avant et après ton échec cuisant ? Comment est-ce possible ?

Emrys fit un grand geste circulaire, désignant la pièce inexistante du château de Beauxbâtons où ils se trouvaient, qui ressemblait à une petite salle de bal. Mathis constata que le coffre-fort contenant l'anti-nexus avait disparu.

– La réponse est simple : tout ceci, c'est de ta faute. Enfin, pas la tienne seule bien sûr, ce serait te donner trop d'importance. Même si je dois te concéder que tu es le plus malfaisant des Loups d'Argent. Enfin, je suppose. Je n'ai pas la chance de vous connaître tous les six.

– Six ? s'étonna Mathis.

– À ma grande surprise, avoua Emrys. Je suppose que c'était ça, l'erreur que la prophétie mentionnait.

Mathis perdait énormément de sang par le poignet, et sa baguette avait disparu. Il commençait à voir flou.

– Co… comment vous pouvez être au courant pour la prophétie ?

"Par sept fois le maître s'est brisé, l'erreur des douze est la même. Le sacre des chiffres est la signature de la Mort qui vole. L'enfant qui traverse le désert brisera le fratricide. La clef est dans le passé de celle qui n'est qu'un écho, et pour l'oiseau seule la cadette d'un jour peut s'en emparer.", récita posément le démon. Je suis dans ta tête, gamin, je te rappelle…

– Humphff…

– C'est amusant. Les Ducs ont fait la même erreur que Tom Jedusor, et toi la même erreur que Harry Potter : ils ont créé un sceau de trop en ignorant qu'une des gardiennes des Portes avait un frère jumeau, et toi tu es devenu le sixième Loup en t'appropriant une prophétie qui ne t'était pas destinée.

Emrys rit à gorge déployée. De ses crocs acérés coulait une substance rougeâtre et écumeuse.

– Quelque chose que nous avons en commun. Ça et le fait de faire souffrir tout le monde autour de nous pour atteindre nos objectifs.

– Je… Je ne suis pas comme v…vous ! grogna faiblement Mathis.

– Ah, tu crois ça ?

Emrys s'approcha de Mathis, et lui attrapa fermement le poignet, avant de cracher sur le moignon. La plaie cessa immédiatement de saigner, et Mathis ne ressentit plus aucune douleur.

– Qu'est-ce que…

En fait, il ne ressentit plus rien. Il ne pouvait plus respirer, mais n'en souffrait même pas. Sa vue se brouilla, et la dernière chose qu'il entendit fut le démon qui chantait.

Elle descend de la montagne à cheval ! Elle descend de la montagne à cheval !

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Le lendemain, Mathis se réveilla tout endolori. Il avait beaucoup trop forcé sur son corps hier, fait des choses dont il s'ignorait capable, et avait soutenu de son énergie vitale à la fois son corps fatigué et celui mourant de Justine.

JUSTINE !

Alors qu'ils étaient prêts à partir, elle avait perdu connaissance. Andrea et Rogan l'avait portée dans la chambre d'Enora. Personne ne savait où trouver Jeanine Chevallier, l'infirmière de Beauxbâtons qui s'occupait d'elle.

Émeraude avait suggéré d'appeler le Dr Beauxbatons, mais Mathis avait fait remarquer que contrairement à Madame Chevallier qui la considérait comme sa fille et aurait pu comprendre le danger qu'elle y courait, le Docteur n'aurait aucun scrupule à ramener Justice à Notre-Dame des Orages.

– Quel danger ? s'était étonné Émi qui n'avait pas eu toute l'histoire.

Alors Mathis lui avait raconté ce qu'il pouvait. Il se rendit compte qu'il avait encore oublié de nombreux détails, et sans Justine pour compléter ses souvenirs, son histoire était très décousue. Mais le lendemain matin, aucune évolution. Justine ne répondait à aucun stimulus, elle était comme morte.

Au petit-déjeuner, Mathis observa son poignet. Il s'était réveillé avec une sensation de brûlure, et une marque circulaire rosâtre, similaire à celle qui barrait son cou, était apparue. Sa main, elle, était toute endolorie et ses doigts peinaient à se mouvoir.

– Je crois que j'y suis retourné cette nuit, hésita Mathis. Je m'en souviens encore moins.

Soudain, il réalisa :

– Elle doit être là-bas ! Tant qu'elle n'y meurt pas, elle ne peut pas se réveiller !

– Qu'est-ce qu'on peut faire alors ? s'enquit Émi. Nous ne pouvons quand même pas aller la tuer dans sa tête pour qu'elle se réveille.

– Nous, non, concéda Mathis. Mais je sais qui pourra. Je me souviens d'un détail : Gamaliël m'a rappelé que la prophétie n'était pas à propos de moi, mais de " l'enfant qui traverse le désert". J'ai eu beaucoup de mal à comprendre cette partie du fleuve, mais cette histoire de fratricide est plus claire, après coup. Ce qui traverse le plus grand désert du Monde, c'est le Nil ! Nilüfer, celle qui a brisé le fratricide, Erwin qui a tué son frère Haydar ! C'est de Nilüfer dont on a besoin !

Tout le monde prit un air déconfit autour de la table du petit-déjeuner. Mathis, jubilant, se sentit freiné dans son élan.

– … Bah quoi ?

– Pour ce qu'elle a fait à Erwin, Nilüfer a pris six mois à la Giraglia, rappela Émi.

Mathis fronça les sourcils.

– Et alors ? Elle sortait ce mois-ci, justement ?

– Mathis, personne n'a eu de nouvelle de la Giraglia depuis mai, révéla Rogan. Le seul accès de l'île a été fermé de l'intérieur.

– Mais l'île n'est pas incartable ? Puisqu'elle est sur les cartes moldues ! Si on ne peut pas transplaner dessus, on n'a qu'à y aller en bateau ?

– Comment ça y aller ?!

– Nous avons besoin de Nilüfer, insista Mathis. Si elle n'a pas pu quitter la Giraglia, nous allons devoir aller la chercher.

– Tu comptes sérieusement t'introduire dans une prison ultra-sécurisée pour en faire évader une prisonnière ? s'écria Émi.

– Si elle a déjà purgé sa peine, ce n'est pas une évasion, fit remarquer Mathis. Et je ne compte pas y aller seul !

Malgré les mises en garde des Brisebois, Mathis prépara son plan tout seul. Il traça des schémas, établit des listes, discuta longuement à voix haute tout seul… Ou du moins, de son point de vue, il racontait son plan à Justine. Car il se trouvait dans la chambre d'Enora, ne supportant pas de quitter sa jolie blonde plus que nécessaire.

– Je vais vite revenir, et nous te sortirons de là, promit Mathis.

Il lui embrassa le front… Elle était brûlante.

Pour s'introduire à la Giraglia, Mathis avait besoin de quelqu'un connaissant le terrain. Il contacta donc Visperi et Camille, respectivement une ancienne prisonnière et la fille d'un gardien.

Visperi débarqua en première, accompagnée de son petit frère Sertorius. Mathis leur expliqua son plan, et au grand désespoir d'Émi, les adelphes Glazkov le trouvèrent parfaitement raisonnable.

Quand Camille les rejoignit enfin et approuva à son tour le plan de Mathis, Émi explosa :

– Mais vous êtes complètement irresponsables ?! Vous allez vous faire tuer, là-bas !

– Mon père est là-bas aussi, rappela Camille. Et ma mère a disparu depuis des mois, après avoir été apparemment possédée par une entité extrafaillière. Personne n'a la moindre idée d'où elle peut être. Lui au moins, mort ou vif, je sais où il est.

– Je comprends pour ton père… Nil est ma meilleure amie, ma compagne de chambre depuis quatre ans, mais… Je n'ai pas envie que vous mourriez alors que je ne sais même pas s'ils sont vraiment en danger !

– C'est quoi le scénario le plus probable ? répliqua sèchement Sertorius. La prison est en mutinerie, et si elle n'est pas déjà morte nous devons la sortir de là. Et puis s'ils ne sont pas en danger, nous ne le seront pas non plus. C'est logique.

La relation entre ces deux-là n'avait guère tenu, depuis que Sertorius avait pris ouvertement position pour défendre le camp des puristes mené par Amara Quidma suite à l'agression d'Erwin Niafasen. Pour lui, Nilüfer méritait la peine qu'elle avait purgée. Et il avait beau être prêt à risquer sa vie pour l'en sortir, Émi le tenait partiellement pour responsable.

Les cheveux de la métamorphomage virèrent au noir, mais elle choisit de l'ignorer.

– Vous allez faire quoi, contre des prisonniers assez dangereux pour avoir volé la prison la plus sécurisée du Monde ?

– Ils n'ont pas réussi à s'en évader, constata Mathis. Ça veut dire qu'il n'ont pas le contrôle total, et que la seule entrée-sortie représentait un danger pour eux. Il nous faut un moyen de rentrer, mais une fois dedans je pense qu'on pourra circuler librement, et ressortir par la grande porte. On pourrait même laisser la zone de transplanage ouverte pour que le Gendarmagium intervienne.

– Tu sais comment ouvrir une zone de transplanage, toi ? releva Camille.

– Non, avoua Mathis. Mais ce sera une formalité, une fois notre pacte avec le diable signé.

– De qui tu parles ?

– Il parle de Morgana Lefay, intervint Rogan. Tu veux toujours y aller, Mathis ?

– Aller où ? demanda Sertorius.

– Sur l'Île d'Avalon, révéla le druide.

Soudain, Camille bondit de sa chaise.

– Je peux venir ? s'écria-t-elle.

– Hum, je ne suis pas sûr que…, hésita Rogan.

– Elle vient, confirma Mathis. Camille est…

Camille acquiesça, mais Mathis l'invita à continuer d'un geste.

– Nous pensons que je suis à moitié dryade, avoua l'adolescente. J'ai beaucoup fait de recherches sur le sujet… Et il est possible que ma parente dryade vive toujours à Avalon. C'est peut-être la seule occasion pour moi de la rencontrer.

– Et bien soit, accepta le druide, qui tendit son bâton. Attrapez-le, il servira de portoloin. Portus.

Le portoloin était instantané, et Mathis et Camille eurent à peine le temps de toucher le bout de bois noueux qu'ils furent aspirés par le vortex.

Dans la boutique, l'onde de choc renversa des dizaines de boîtes. Sortant de l'arrière-boutique, Servan Brisebois poussa une couinement de terreur.

– PAPA NON QU'EST-CE QUE T'AS FAIT ?!

– Ça va aller, nous allons t'aider à ranger, le rassura Émi, en jetant un regard appuyé à Sertorius.

– Euh, oui oui.

– … Où est ta sœur ?

Au milieu de la forêt, quatre silhouettes s'écrasèrent de façon plus ou moins gracieuse, à proximité d'un tumulus.

– Vipère ?! s'étonna Mathis.

– Bah quoi ? Je voulais venir aussi mais personne ne m'a demandé, minauda l'adolescente.

– T'es… Mais…, bafouilla Mathis. C'est dangereux ! Et pis qu'est-ce que tu veux faire là-bas d'abord ?

– Je vais faire partie de ton équipe d'invasion de la prison, fit remarquer Visperi. Aucun plan d'extradition ne se fera sans moi, même si c'est avec le diable en personne. Je te rappelle que je me suis déjà introduite dans la zone A-0. D'ailleurs, c'est qui cette Môrgiana ?

– Morgana Lefay, erronément appelée "la fée" Morgane, est une dryade millénaire qui était l'amour de Merlin, expliqua Mathis. Ensuite elle est devenue folle et il l'a tuée.

– Et pourquoi avons-nous besoin d'elle ?

– Parce que c'est la seule personne que je n'ai jamais rencontrée de ma vie, ni celle-ci ni dans le Cauchemar, dont je me souvienne. Je ne peux pas me souvenir de quelqu'un que je n'ai jamais rencontré… à moins que ce "souvenir" soit un genre d'appel.

– J'ai rien compris, avoua Visperi.

– Et c'est probablement une des seules personnes au Monde à avoir vu un démon, ajouta Rogan. Il existe une légende druidique selon laquelle Myrddin, "Merlin", était un cambion. Un être mi-humain, mi-démon, et que Morgana et lui auraient chassé son père de la surface de la Terre.

– Et vous y croyez vraiment ? s'étonna Camille.

– Myrddin a vraiment existé, et Morgana est revenue d'entre les morts plus de mille ans après qu'il l'ait effectivement tuée comme le conte sa ballade, répliqua Rogan. Le père de Myrddin n'est pas la variable la plus étrange de cette histoire. Morgana n'est pas une légende, elle est déjà venue plusieurs fois à l'Université Druidique dans le cadre de ses "recherches" en magie noire.

– Elle a l'air charmante ! ricana Visperi.

Rogan les invita à le suivre en silence jusqu'au campus de l'Université Druidique, l'UD, et de là suivre le chemin balisé menant de la tour du directeur au repaire de Morgana. Mathis aurait préféré éviter le lieu public, leur présence devant rester la plus secrète possible, mais Rogan répliqua qu'approcher Morgana autrement qu'en pleine lumière était suicidaire, avant d'ajouter que les dryades les avaient déjà repérés depuis longtemps de toute façon.

Ils se rendirent donc sur le campus de l'UD. Mathis se souvenait vaguement l'avoir vu dans le cauchemar, mais il fut impressionné, par la perception de sa taille d'adolescent, par l'immensité du château de pierres blanches, et des plus immenses encore chênes millénaires.

Il n'y avait heureusement personne à cette heure-ci pour les arrêter, et Rogan les dirigea vers le sentier barré d'un avertissement morbide. Ils n'avaient pas fait cent mètres qu'une jeune femme échevelée leur barra le passage. Elle avait plusieurs brindilles coincées dans ses cheveux frisés verts, et la poussière couvrait sa peau dorée. Elle posa des yeux sans iris sur tout le groupe, et Camille hoqueta de surprise.

– Où croyez-vous aller, druide Brisebois ? Et qui sont ces mioches ?

– Qui tu traites de mioches, sale gamine ?! répliqua sèchement Mathis, piqué au vif. Tu te prends pour qui, à nous bloquer le passage ?

La dryade plissa les yeux d'un air circonspect.

– Je me prends pour Oriande MeľŬoĝ, la sœur de l'archidruidesse Sylphide MeľŬoĝ. Ton ignorance des dryades est sidérante, si tu penses que je suis aussi jeune que vous. Et toi, tu te prends pour qui, le mioche ?

– Oriande MeľŬoĝ ?! répété Mathis, ahuri.

– Non, ça c'est mon nom, je te demande le tien. Je n'ai pas l'habitude qu'un humain prononce mon nom aussi bien, apprécia Oriande. Puis-je tout de même savoir quelle en est la raison ?

Mathis fronça les sourcils.

– Je… je connais ce nom. Je m'appelle Mathis.

– Je me souviendrais si nous nous étions déjà rencontrés, beau gosse ! se moqua Oriande. Avec une aura pareille, franchement…

– À moins que celle-ci ne soit notre première rencontre… marmonna Mathis, pensif.

– De toute évidence, lâcha Oriande qui ne suivait pas ses pérégrinations mentales.

Rogan se fit insistant :

– Nous devons aller voir Morgana au plus vite. Il s'agit d'une affaire très grave.

– Une affaire très grave concerne nécessairement le Cercle de Brocéliande, fit remarquer la dryade. Vous ne voyez donc aucun inconvénient à ce qu'ils soient prévenus de vos intentions ? Ah, j'interprète à cette grimace que ce n'est pas le cas. Hum, si vous voulez passer, il va falloir me donner quelque chose en échange.

– Tu nous voles déjà notre temps, ce n'est pas assez pour toi ? s'agaça Camille, qui était jusqu'alors restée physiquement en retrait.

Les deux regards sans iris se croisèrent, et les yeux de la dryade s'équarquillèrent de surprise.

– Voilà qui est intéressant !

Elle s'approcha, et observa Camille d'un peu trop près à son goût. Elle tenta de lui toucher le visage, mais Camille repoussa la main terreuse et Oriande cracha comme un chat. Soudain elle sourit, fit deux pas en arrière, et tourna la tête pour siffler entre ses dents. Il ne fallut pas trois secondes avant d'une dryade apparaisse.

Sȧc ema·liam aľİ aSuchii ŏma, ordonna Oriande à la dryade qui acquiesça silencieusement avant de disparaître dans les fourrées.

– Bon bah au temps pour la discrétion, hein ! râla Camille.

– Pourquoi Suchii ? s'étonna Rogan.

Oriande l'ignora, barrant toujours ostensiblement le chemin.

– C'est qui Suchii ? s'enquit Mathis.

– Ma sœur, consentit à répondre Oriande.

Voyant qu'ils ne pourraient rien tirer d'elle, les jeunes sorciers trépignèrent d'impatience jusqu'à l'arrivée de la dénommée Suchii, qui semblait-il déciderait de leur sort.

L'intéressée arriva assez rapidement. À croire que les dryades se téléportaient d'arbre en arbre, ou que toute la forêt retenait son souffle en les observant à moins de cinquante mètres…

Suchii était une très grande femme habillée élégamment, ce qui jurait un peu au milieu de la forêt, surtout à côté de sa sœur menue et débraillée. Elle portait un chapeau en cuir, et une pince à cheveux en or et diamants. Sur son visage, elle semblait avoir une marque discrète, comme un tatouage pâle représentant une vigne. Elle ignora tout le groupe, et se dirigea vers Camille.

– Tu es la fille d'Aimée-Lyne ?

– Ou… oui ? hésita Camille. Vous savez où elle est ?!

– J'espérais que tu me le dises, avoua Suchii. Camille, je… je suis ta mère. Aussi.

S'en suivi un long et incongru quasi-monologue sur la reproduction entre une dryade et une femme humaine, et sur invitation d'Oriande le reste du groupe abandonna Camille sur place puisqu'elle semblait être le prix du passage. Quand Mathis se retourna avant que le sentier ne tourne, il vit que Camille n'avait même pas remarqué leur départ, ou du moins ne s'en formalisa pas. Ils s'engagèrent donc sous la canopée épaisse.

Si le campus de l'UD était étrangement calme, le silence de cette partie de la forêt était carrément angoissant. La présence de Morgana, ou peut-être ses actes, avait chassé toute vie de ces bois. La marche fut longue, peut-être un kilomètre ou deux, mais personne n'osa piper mot.

Ils arrivèrent au camp de Morgana. Au camp, effectivement : hormis ce que Rogan révéla d'une voix étouffée être une maison traditionnelle de dryade chantée dans le tronc d'un chêne, il y avait également des tentes autour, ainsi qu'un four en pierre et des équipements de laboratoires sorciers et moldus. À leur approche, une silhouette pour le moins inattendue sortit d'une des tentes. Un homme pas si grand si on ne comptait pas la paire d'ailes noires immenses dans son dos, et pas si effrayant si on ne comptait pas le tiers d'un vert morbide de son visage, recousu très grossièrement au reste.

L'étrange homme-oiseau resta paralysé de stupeur devant les visiteurs. L'un, en particulier, qui lui rendait son regard ahuri.

– Mathis Devaux ?!

– Étienne Duncan ?! répliqua Mathis de même, sortant sa baguette.

– Mais… Qu'est-ce que vous faites ici ? demandèrent-ils presque en cœur.

– Vous êtes censés être morts ! gronda Mathis, invitant par son hostilité à adjoindre ses amis à la menace.

Duncan leva les mains en signe de paix :

– Je suis mort, râla l'ancien Duc. Bien joué, le coup de l'augurey en embuscade, d'ailleurs…

– Vous me semblez assez en forme pour un mort, fit remarquer Rogan.

– Morgana m'a ramené à la vie, expliqua Duncan. En quelque sorte. Je suis…

– … Mon premier essai de réincarnation par transposition circulaire d'âme ! compléta une voix juvénile sortant de l'arbre. Du moins, dans cette vie.

Et, suivant la voix, une magnifique dryade surgit de l'ouverture dans le tronc distendu. Morgana était l'image qu'on se faisait d'une princesse médiévale, hormis la couleur de sa peau et de ses cheveux. Et le fait qu'elle avait arraché les volants de sa magnifique robe et portait des jambières de cuir en-dessous.

– Que me vaut cette visi… Mathis Devaux !

– Tout le monde semble te connaître, fit remarquer inutilement Visperi.

Mathis opta pour la familiarité polie.

– Bonjour, Morgana. Je réponds à votre appel.

– Je vois ça. Approche, mon enfant.

Mathis rengaina sa baguette et fit mine d'approcher. Rogan l'arrêta d'un geste, mais Mathis le rassura d'une main sur l'épaule. Il se planta juste devant la dryade, qui posa les mains sur ses épaules, obervant son cou. Puis elle lui fit lever les bras, et observa son poignet.

– Tu en as d'autres ?

– Juste les deux-là, confirma Mathis.

– Emrys est un démon très patient.

– Emrys ? releva Rogan. Ce nom…

– Il doit vous être familier, n'est-ce pas ? ricana Morgana, avant de se retourner vers Mathis. Bien sûr, il s'est présenté à toi sous ce nom absurde de Gamaliël, mais je reconnais la signature d'Emrys. Si ce nom vous est familier, maître druide, c'est peut-être parce que vous avez pu lire le nom de Myrddin Wyllt Ap Emrys dans quelque grimoire.

Rogan hoqueta de surprise en comprenant.

– Emrys est le père de Myrddin, confirma Morgana. Félicitations, vous vous attaquez à un des démons les plus puissants de l'existence.

– Alors Merlin était bien un cambion ! s'exclama Visperi.

– Vous dites qu'il est patient, rappela Mathis. Pourquoi ?

– Ce n'est que le début. Laisse-moi deviner, la décapitation date de ton premier réveil, et le poignet a suivi ta première nuit hors du coma ? À chaque fois que tu t'endormiras, tu retourneras là-bas, et il te blessera à nouveau jusqu'à ce que ton corps ou ton esprit ne puisse plus le supporter.

– Comment pouvez-vous le savoir ?

– Tu ne te souviens pas parce que j'ai dû t'effacer la mémoire pour me protéger, mais nous nous sommes rencontrés avant. Ou après ?

Morgana gloussa à sa propre blague.

– Il ne fallait pas qu'Emrys sache que je m'étais introduit dans son piège mental pour vous aider à vous réveiller. Je suis d'ailleurs étonnée de n'avoir trouvé que quatre d'entre vous, et plus encore de vous trouver ensemble.

– Qu'est-il arrivé aux deux autres ? demanda Mathis, qui avait deviné qu'elle parlait des Louves d'Argent.

– L'une s'est réveillée peu de temps avant mon arrivée. Sa… signature énergétique était très ténue, comme si elle se trouvait à une très grande distance.

– Isadora vit au milieu de la forêt Amazonienne, révéla Mathis.

– L'autre, nulle trace. C'est étrange… C'est comme si Emrys ne l'avait jamais atteinte.

– Vous parlez de piège mental… ça se passait donc dans notre tête ?

– Difficile à dire, avoua Morgana. Mais c'est ma théorie la plus plausible.

– Alors c'est logique, conclut Mathis. Danielle Bourgeois a un genre de super-talent mental. Elle peut lire les pensées de n'importe qui.

– Je suppose que le corollaire est aussi vrai, et que personne ne peut lire les siennes, déduit Morgana. Très intéressant ! Alors, c'est quoi le plan ?

– Le… plan ? hésita Mathis.

– Vous voulez nous aider ? s'étonna Visperi.

– C'est pour ça que vous êtes venus, non ? fit remarquer Morgana. Vous vous attendiez à quoi ?

– À devoir… négocier ? avoua Mathis.

– Pactiser avec le diable, hein ? Satanée ballade ! grogna la dryade. On me donne toujours le mauvais rôle. Quel est l'adage déjà, Étienne ?

– "L'Histoire est écrite par les vainqueurs", Madame, énonça Étienne Duncan.

– Myrddin ne s'est pas gêné d'effacer toutes les parties de notre vie où j'ai dû l'aider à contenir la part de démon en lui, et où j'ai dû effacer les traces de ses massacres… Foutu enchanteur sociopathe !

L'ange déchu ne semblait pas plus à l'aise que Rogan. Visperi semblait vouloir regarder dans toutes les directions à la fois, tandis que les regards de Mathis et Morgana été cloués l'un à l'autre.

– Nous devons faire évader une amie de la Giraglia.

– Ha ha, voilà une belle ambition ! Mais ce n'est pas un plan, ça…

– Nous entrons, nous la trouvons, nous ressortons, répliqua Visperi.

– Ah, voilà ! c'est un plan ! Très basique, très efficace. J'approuve ! se moqua Morgana. Et je suppose que vous venez me demander de l'aide pour… la puissance de feu ?

– Vous semblez avoir autant à cœur que nous de défaire les Ducs Infernaux…, supposa Mathis.

– Non non non ! Tu te trompes sur mes intentions, mon jeune ami. Je me moque de vos querelles d'humains. Mais Emrys n'est pas un humain, et j'ai un grief personnel contre ce salaud. Et contre son fils, mais je ne peux pas tuer Myrddin deux fois… Ou alors je peux ?

Morgana se fit pensive, envisageant sérieusement la question.

– Vous pouvez nous aider, alors ? insista Mathis.

– Moi, non. De toute manière, je doute qu'une approche brutale soit des plus intelligente. Ce qu'il vous faut, c'est quelqu'un qui s'est déjà évadé de la Giraglia.

Morgana émit un bruit d'oiseau qui semblait impossible pour une bouche (presque) humaine.

– Vos clefs de prison arrivent, confirma la dryade d'un ton faussement mystérieux.

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Dans les hauteurs de la colline surplombant le camp, trois personnes autour d'une table jouaient à un jeu de cartes faites d'écorce. L'un d'eux avait la peau presque aussi jaune que celle des dryades, de longs cheveux argentés, et des yeux aussi noirs que des perles d'obsidienne. Il était très grand et très maigre, et les longues cartes semblaient minuscules dans ses mains démesurée.

L'autre était un quadragénaire brun, mal rasé. Bien humain, et un peu trop bien coiffé par rapport à l'aspect usé de sa tenue qui avait un jour été blanche.

Ses yeux bruns rencontrèrent ceux verts, cerclés d'azur, de la femme qui jouait avec eux. Rousse aux cheveux bouclés, le sourire en coin, Joséphine Lupin soutint le regard de celui qui se faisait appeler "Loki", et refusait toujours de leur révéler son vrai nom.

– T'as intérêt à ne pas bluffer, mon coco, parce que sinon tu vas pleurer !

Elle abattit ses cartes, et Loki grimaça devant la suite de figure.

– Joli, concéda-t-il. Mais je doute que ça fasse le poids face à ça.

À son tour, il posa ses cartes, révélant ce qui aurait dû être une moins bonne main que celle de Joséphine. Mais cet étrange jeu de carte que leur avait appris "Nico", "Apocalypse", l'étrange créature qui les accompagnait et dont nul hormis Morgana pouvait prononcer le nom correctement, voyait le score de certaines combinaisons de cartes changer selon les cartes des autres. Ainsi, ce que Nico s'apprêtait à jouer pouvait faire gagner n'importe lequel des trois.

Sans un mot, Nico échangea deux de ses cartes avec la réserve, et esquissa un sourire, avant d'abattre la meilleure main des trois, uniquement constituée de valeurs complémentaires n'induisant pas un changement des valeurs des autres cartes jouées.

Usze scupsucpamdph otsuna ! se moqua Nico.

Il emporta deux tiers des jetons de bois sur la table, laissant Joséphine récupérer sa mise.

– Mouais, ce n'est pas plutôt toi qui nous as mal appris à jouer, hein ? râla Loki. Afe śesam tchsıs otsu.

Otsu tchsıs, corrigea Nico.

– Tu vois que t'es un mauvais professeur ! triompha Loki.

– Et toi tu es d'une mauvaise foi légendaire, se moqua Joséphine. On en refait une ?

– Bah ouais ! Je veux ma revanche !

Śuceńc… Eśeńkcdamam ! s'écria soudain Nico.

Joséphine tendit l'oreille, et reconnut l'appel de Morgana.

– Zut, tant pis pour ma revanche, râla Loki qui reposa les cartes.

Ils emboîtèrent tous les trois le pas sur le sentier descendant, jusqu'à pouvoir voir les visiteurs sans être vu. Soudain, Loki hoqueta de surprise, se plaqua contre un arbre et sembla disparaître. Joséphine, qui ne se laissait plus avoir par ses illusions, s'arrêta et le toisa presque dans les yeux d'un air agacé.

– Qu'est-ce que tu fous ? La patronne nous appelle.

– Ce gamin… Il ne doit pas me voir !

– Toi aussi, t'as peur d'un gamin ? se moqua Joséphine. Quel gamin, d'abord ?

Elle se pencha pour distinguer les trois silhouettes, et l'apercevit à son tour. Sa réaction de surprise fut moins intense, mais tout aussi viscérale.

– Mathis Devaux ?! Mais que fous ce fichu gosse ici ?!

– Attends… tu connais Mathis ? s'étonna suffisamment Loki pour que son illusion flanche.

– Bah oui, c'est ce gamin qui traque les Ducs et qui a fait exécuter Duncan par un piaf, révéla Joséphine. C'est un vrai petit monstre.

– Vraiment ?!

– S'il est ici, ce n'est pas bon signe… Je croyais que l'avènement de Gamaliël signerait son arrêt de mort, mais visiblement il sait se faire des alliés puissants. Je suis impressionnée. Mais au fait… Toi, comment tu le connais ?

– Je… ne le connais pas.

– Alors pourquoi tu t'en caches ?

– Parce qu'il n'est pas prêt à me connaître.

– Qu'est-ce que tu racontes ?

– Dépêche-toi, Morgana déteste attendre.

– Elle va t'attendre, fit remarquer Joséphine, qui cependant renonça d'un haussement d'épaules.

En bas, Mathis et les autres virent l'himnikoyard approcher. Il n'était pas si différent d'un humain, mais en même temps si étrange, avec ses yeux noirs à glacer le sang et son étrange cicatrice sur le front…

– Je vous présente Eletheńq Nıkćachıśulı, annonça Morgana. Et l'accompagnant… Personne ? Où sont les autres ?

– J'arrive, j'arrive ! assura Joséphine, rougie par l'effort de son sprint.

Cette fois-ci Mathis bondit et ne se contenta pas de la menacer de sa baguette :

Everte Statum !

Joséphine prit le sort de plein fouet, et trébucha pour dégringoler jusqu'à leurs pieds. Mathis s'apprêtait à lui jeter un autre sort quand Morgana intervint.

– ÇA SUFFIT !

– Mais c'est la duchesse infernale Zomiel ! s'écria Mathis.

– Quoi ?! sursauta Rogan, qui se mit à la tenir en joue avec son bâton.

Visperi, elle, faisait un "combat" de regards curieux avec Nico.

C'était Zomiel, corrigea Morgana. Je l'ai débarrassée de son sceau.

– Comment ce serait possible ? hésita Mathis sans baisser sa baguette.

– Elle m'a tué, gros malin, grogna Zomiel en se relevant.

Son visage avait heurté une petite pierre, et sa lèvre était salement fendue. Le grand homme jaune posa la main sur son visage, marmonna quelques mots étranges, et quand il la retira, toute blessure avait disparu.

Il toisa ensuite Mathis, qui ne lui rendit pas son regard, focalisé sur Zomiel.

– Deux Ducs Infernaux ici ? Ça commence à devenir très louche cette histoire.

– Ex-ducs, actuels inferi, résuma Duncan.

– Vous me semblez très en forme pour des zombies. Vous en particulier, Zomiel.

– Appelle-moi Joséphine, l'invita l'intéressée. Joséphine Lupin.

– Joséphine est ma sixième expérience et la plus réussie ! Je suppose que la réussite est due au fait que je l'ai moi-même exécutée dans un environnement contrôlé et sans usage de manipulation mentale pour la convaincre à consentir, puisqu'elle était inconsciente, philosopha Morgana. Ces fichus archidruides du Cercle refusent de me laisser amener des moldus sur l'île pour mes expériences… C'était encore bien une idée stupide de Myrddin, ça, d'arracher ma forêt à son plan d'existence et d'en faire une île astrale pour empêcher mon âme de s'en échapper… Du grand n'importe quoi, moi je vous le dit !

– … Pouvons-nous en revenir à notre affaire ? soupira Mathis, qui commençait à en avoir marre de tous ces rebondissements.

Morgana désigna les nouveaux venus :

– Ces trois-là ont réussi à s'évader de la Giraglia il y a quelques semaines.

– Ils sont deux, fit remarquer Visperi.

– Ces deux… Hé ! Où est Loki ?

– Il fait corps avec la nature ! ricana Zomiel.

Lokı rıpam ıtarupe, pns zape, répondit sérieusement Nico.

– Ouais ben je te prierais de ne pas utiliser mes subordonnées comme tes coursiers, l'elfe ! râla Morgana. Bref, je disais, ces deux-là et leur camarades aux bois promenant se sont évadés de la Giraglia il y a quelques semaines…

– Qu'est-ce que vous y fichiez ? coupa Mathis.

– J'y étais allée pour faire évader Chaigidel, avoua Zomiel. Mais il s'est avéré complètement fou, et…

ARRÊTEZ DE ME COUPER ! gronda Morgana.

Tout le monde se tassa de terreur face à l'autorité de la petite dryade, sauf Nico qui sembla se délecter de la réaction de peur collective.

– ILS SE SONT ÉVADÉS DE LA GIRAGLIA, répéta-t-elle pour la troisième fois, et ils se feront un plaisir de vous aider à en extrader votre amie.

– … Quoi ?! s'écria Joséphine. Il est hors de question que je… Urgh !

Morgana tenait ses doigts comme un marionnettiste, et devant elle Joséphine Lupin suffoquait de douleur, paralysée dans une pose étrange. Mathis se concentra pour ouvrir sa perception au premier plan éthérée, et il put apercevoir des fils de lumière reliant effectivement la main de la dryade à l'ex-duchesse infernale, dont un l'étranglait. Soudain tout disparut, et Mathis cligna douloureusement tandis que Joséphine toussait.

– Qu'ils y aillent à deux ou à trois… Je m'en moque. Mais ils seront à tes ordres jusqu'à ce que tu me les ramènes.

– Nous sommes un peu pressés par le temps. Je ne peux pas ne pas dormir, et Emrys va finir par me tuer, à ce rythme ! fit remarquer Mathis.

– Effectivement, concéda Morgana. Hé bien allez-y, tant pis pour Loki. Je lui rappelerai ses engagements quand il daignera rentrer au bercail.

– Je prends mes affaires, toussota Joséphine d'une voix cassée.

Nico se contenta de l'attendre.

Celle qui avait été Zomiel était désormais la marionnette de chair de la nécromancienne Morgana Lefay. Mathis repensa au fait que Nilüfer avait surnommé leur prof de musique, Harmonie LunisťEl, la "Vélane du Chaos". Elle aurait sûrement qualifié Morgana de "Dryade du Chaos"… Et après tout, se dit Mathis, le Chaos n'est pas le Mal. Donc cette alliance, bien d'étrange, ne le faisait pas basculer du côté des "méchants".

Sur le chemin du retour, Mathis ne put retenir une question qui le taraudait :

– C'est qui, ce "Loki" ?

– Un prisonnier du A-0 qui s'est évadé avec nous, révéla Joséphine. Ça devait être mon sésame de sortie, une monnaie d'échange à sacrifier aux gardes, mais ensuite nous avons trouvé ce gaillard.

Elle désigna Nico, aussi silencieux qu'une ombre.

– Qu'est-ce que c'est, au juste ? Morgana l'a appelé "l'elfe" ?

– Je n'en ai pas la moindre idée ! avoua la sorcière. Tout ce que je sais, c'est qu'il était considéré comme le second plus puissant prisonnier du A-0.

– Le second ? qui est le premier.

– Trop de questions, trop peu de réponses. Mais Chaigidel a libéré tous les autres prisonniers pour l'aider à faire libérer ce premier, et je me suis dit qu'avoir le second à mes côtés serait utile pour me tirer de ce traquenard. Grand bien m'en a fait, le bougre semble pouvoir modifier la réalité rien qu'en lui parlant.

– Comment ça ?

– Il a dit à la porte blindée du A-0 qu'elle était gazeuse, et nous sommes passés à travers comme un nuage. Il a dit à un gardien qu'il n'avait pas d'os, et son corps s'est effondré. C'était dégoûtant. Avec ses pouvoirs et les illusions de Loki, nous avons presque pu sortir, mais j'ai été mortellement blessée dans le hall d'entrée. Ensuite… Je me suis réveillée dans le laboratoire de Morgana, ayant perdu mon pouvoir de duchesse et la maîtrise de ma métamorphomagie, mais en vie. En quelque sorte.

– Attendez, attendez… Ses illusions ? Loki est un illusionniste ?!

– Je suppose que ça explique le surnom qu'ils lui ont donné à la prison, confirma indirectement Joséphine.

– C'est quoi son vrai nom ?! la pressa Mathis.

– Je n'en ai pas la moindre foutue idée. Il refuse de nous le dire, et même Morgana n'a pas pu briser ses défenses mentales. Nous savons que Nico lit dans les pensées de tout le monde en permanence, mais il a refusé de nous le dire.

Ph nachpcknenruı, ph darpseruı, lâcha l'intéressé.

– Qu'est-ce qu'il dit ?

– "Son secret, son problème", traduisit Joséphine.

– Il n'est pas très loquace…, constata Rogan. S'il n'est pas une liche de Morgana et qu'il est si puissant que ça, pourquoi vous accompagne-t-il ? Ne représente-t-il pas un danger ?

– Pour une fois, essayez de me poser une question à laquelle je saurai répondre, râla Joséphine.

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Voilà, un chapitre plus posé ou on prend le temps de faire des rétrospectives, de rappeler les faits, et de revoir de vieux ennemis.

Dans le prochain chapitre : bah encore une histoire d'évasion, logiquement hein.