Les plaines, lacs et forêts, chemins et autres cailloux de Zenith sont recouverts d'une poudre blanche. Bien que l'on puisse se croire en territoire de Nifl, il n'y fait pas aussi froid et même le plus svelte des ours aurait envie de s'en tondre la fourrure. Je suis bien au chaud emmitouflée dans ma couette, plongée dans un profond sommeil. Sommeil toutefois agité. Je vois du blanc partout, au sol, dans l'air, qui tourbillonne et se soulève ainsi que de grandes vagues rouges ondulant tout autour de moi. Je crois commencer à en avoir des sueurs froides.
*toc* *toc* *toc*
Ce sont des bruits que je qualifie de particulièrement violents alors qu'il est encore trop tôt pour me lever – seulement onze heures – qui me font brusquement ouvrir les yeux. Mon corps roule dans mon lit et c'est une douleur vive qui m'arrache une expression peu flatteuse qui termine de me réveillée lorsque je tombe sur le tapis de ma chambre. Une de mes orbes échappée de mon coffre s'est logée entre mes omoplates. Aïe.
Me frottant nonchalamment la tête et replaçant ma capuche qui engloutie littéralement mon visage et fort heureusement mes cheveux me donnant l'allure d'un genêt en fleur, je vais ouvrir la porte pour découvrir qui sont les énergumènes qui osent me réveiller si sauvagement en cette heure très matinale. Mais, je crois déjà savoir de qui il s'agit…
—Un bonbon ou un sort !
Une gamine pas plus grande qu'une tige de cartoufle accompagné d'un mâle dont la tête est décorée de cornes. Les deux affublés de tenues qui ne les rendent ni discrets, ni… discrets. Heureusement pour eux, je me suis jurée d'obtenir la collection toute entière de héros venus de leur monde.
Le lutin aux cheveux verts dont on pourrait empailler la bonne humeur part toquer à l'autre porte suivie par son âme liée, moins enthousiaste, récolter d'autres victuailles – qu'ils n'obtiendront sans doute plus – lorsqu'ils comprennent que je n'ai rien d'autre à offrir que ma tronche déconfite. Je n'ai pas encore osé dire à Sothis qu'elle tondait la banquise et que les bonbons d'Halloween ne se récoltaient qu'en cette fameuse nuit. Depuis, elle ne cesse d'entraîner son partenaire dans sa chasse aux gourmandises, à toute heure du jour et de la nuit au plus grand dam de certains héros… Au moins, de cette façon, et au risque de me faire taper sur les doigts, ces deux là ne s'ennuient pas comme des croutons de pain derrière une mâle. Ho, et puis, pourquoi serait-ce à moi de trouver une occupation à tout le monde ? Zut alors !
Je referme la porte et m'apprête à me recoucher lorsque j'entends le même bruit que quelques minutes auparavant. Bon sang, vais-je pouvoir finir ma nuit ou bien les dieux eux-mêmes ont décidé de m'en priver ? Et ce n'est pas peu de le dire. Moi qui pensait pouvoir prendre un peu de vacances maintenant que les conflits en Niðavellir sont terminés me leurrais complet ! C'est que se faire enlever par un prince rendu fou – ou plutôt un fou et un devenu psychopathe – n'est pas de tout repos ! Combien de fois va-t-on devoir échapper à la mort ? Et cela, sans parler du pire : les histoires d'amour de Nótt. Paix à son âme. Encore une que je vais devoir invoquer. Elle mais aussi Eitri, juste pour lui tirer les oreilles !
—Je venais m'assurer que vous étiez prête pour la réunion stratégique, Ruby.
L'homme aussi raide qu'un poteau de sens interdit, les bras solennellement croisés dans son dos, me regarde comme si j'étais sa source d'inspiration dans ce monde. Bon, c'est qu'il m'a déjà dit de tels mots, en fait. Entre d'autres mots plus gênants mais très flatteurs, de quoi gonfler mon égo bien plus que nécessaire. A force je risque de m'envoler comme une baudruche et de finir par errer à la dérive dans le ciel de Zenith. Bref, quoiqu'il en soit, mes yeux bordés de cernes démontrant une fatigue injustifiable s'égarent sur son uniforme nuit orné de jolies dorures – je rêve de revêtir le même – avant de s'amarrer à ses orbes de Jade.
—Tout va bien ?
Je me demande pourquoi il me pose la question. Est-ce parce que je viens de bailler gueule grande ouverte oubliant mes manières et devant qui je me trouve ? Ou bien car j'ai le teint aussi frais qu'une loche de Teutates décongelée depuis des semaines ?
—Oui, je faisais juste un horrible cauchemar.
Ou bien était-ce un doux rêve ? Je ne sais plus trop mais l'homme est interloqué. Je réponds seulement au second de l'archevêque de Garreg-Mach que je serais présente à ladite réunion que j'avais d'ailleurs oubliée.
—Que la déesse vous protège.
Ouais, ouais, cette même déesse qui m'a réveillée à l'aube – ou presque – pour deux trois friandises.
Je referme enfin la porte et l'entends partir avant de me replonger dans les souvenirs de mon étrange rêve, je ne dormirai plus de toute façon. Bon sang, j'en suis encore émoustillée, les poils tout hérissés. J'ai pendant si longtemps espéré ne pas voir de version d'Edelgard de Noël apparaitre, mais maintenant que j'en visualise une, les épaules à peine recouverte d'une petite cape de velours rouges qui se soulèverait sous les flocons… Mes orbes pleurent, mais mes joues rougissent alors qu'un petit filet de bave s'écoule de mes lèvres étrangement étirées…
Ha, mes orbes, parlons-en d'ailleurs ! Je me prive depuis si longtemps, économisant scrupuleusement, que celles-ci débordent de mon coffre ! Je ne parlerais pas du nombre qu'elles représentent, au risque de faire des jaloux, mais je ne sais plus où les ranger quand celles-ci ne se logent pas entre mes côtes, mes omoplates, ou même ailleurs… Ma chambre ressemble presque littéralement à une cage à hamsters ! Ma foi, j'ai un petit projet qui demande une certaine quantité de ces magnifiques boules si tant soit est que de nouveaux héros intéressants – ou plutôt jolies héroïnes – ne soient pas choisis le mois prochain. Je me demande d'ailleurs comment ces derniers sont sélectionnés, ou bien s'il existe une sorte de tombola pour distribuer des pass d'avance. Si seulement, mais les tickets, quand ils existent, sont bien trop rares.
Bien décidée à enfin sortir de ma chambre pour aller reluqu- errer dans les couloirs du QG, je me souviens à l'instant que dans toute bonne fiction, il y aurait une description des lieux. Bon, j'ai parlé de la cage à hamster, il y a des murs, un lit. La table est en bois, je crois… Voila, c'est fait ! Et puis la porte claque derrière moi.
C'est à contrecœur que je me dépêche de passer devant l'impératrice dans les escaliers qu'elle remonte pour sans doute, rejoindre sa chambre. Celle-ci tire une mine non réjouissante en me voyant, certainement qu'elle ne m'a toujours pas pardonné de l'avoir utilisé au tournoi pour remporter Seiros. Tournoi que l'on a finalement perdu, en plus. Une déception qui n'est toujours pas digérée puisque l'Archevêque a nécessité l'incendie total de mes orbes, et pas seulement. J'observe une énième fois la cape vermeille se soulever, puis part rejoindre le hall pour affronter une autre héroïne contrariée…
Dans la grande pièce décorée comme depuis des mois aux couleurs des Aigles de Jais, la professoresse aux cheveux bleuet tourne en rond comme un cochon malade. J'approche lentement de celle-ci, je sais que c'est ma faute. Je suis coupable, à quoi faire l'autruche plongeant la tête profondément dans la terre chaude… ou froide en cette saison d'ailleurs !
—Quelque chose ne va pas, Profeseure ?
Celle-ci braque son regard accordé à sa chevelure désordonnée comme si elle était armée d'un fusil. J'ai laissé Breidablik dans ma chambre : ouf !
—Cela dépend de vous, Invocatrice. J'ai entendu dire que vous comptiez faire une armée de Hegie. Avez-vous seulement idée de l'énergie et de l'organisation qui m'ont été nécessaires pour calmer la première ?
Oui, j'en ai en effet une petite idée mais comme cela est l'objet d'un autre texte, je préfère rester évasive. Et puis, il ne s'agit pas vraiment d'une armée. D'ailleurs, en y repensant, en sacrifier neuf pour en renforcer une parait d'une certaine façon cruel… Mais bon !
—J'ai déjà tellement à faire ! Ne pouviez-vous pas vous contenter d'une armée de Brave, ou bien de Legendary Edelgard ? Au moins, celles-ci ne risquent pas d'anéantir le château !
Je me gratte nerveusement la tête et me retiens de lui dire que c'est aussi en projet… Que j'aimerais une armée de chacune, une pluie, une tempête, une inondation ! Des El à perte de vue ! A en perdre la raison ! A s'en noyer, sourire aux lèvres et sans regrets ! Ha, mais je m'égare. De toute façon, il me faut aussi penser à mes orbes. De elle à moi, Hegie ou non, toute Edelgard est capable de détruire le château si contrariée, Brave, Légendaire ou bien Déchue… Edelgard reste Edelgard ! La femme qui lui est réservée ! Heureusement que Rhea est trop occupée à courir après sa mère et l'homologue masculin dans leur chasse aux bonbons pour se soucier de la vie sentimentale de Byleth… Je ne saurais plus où donner de la tête, déjà que je la perds devant toutes ces héroïnes, héhé.
Ha, mais qu'entends-je à l'instant ? C'est qu'on frappe aux grandes portes ! J'ignore de qui il s'agit mais cette personne me sauve la vie puisque je m'excuse auprès du Professeur pour aller ouvrir ces immenses portes !
En parlant de portes, c'est qu'il m'a d'ailleurs fallu les faire agrandir avec le livre des nains et les géantes ! Des travaux longs et coûteux ! Sans parler du garage qu'il a fallu construire à côté des écuries pour l'entretien des étranges machines de Niðavellir. Je me demande si Reginn et Sharena y sont actuellement. Rien n'avance entre elles et cela me désespère, je suis une fan-girl après tout et il va me falloir leur donner un petit coup de main… Mais ça, c'est également l'objet d'un autre texte et j'en souris déjà !
Quoiqu'il en soit, j'accueille avec joie le héros venu me saluer. Ce n'est pas la première fois, et sans doute pas la dernière.
—Je m'appelle Ashe, fait le garçon dont je connais déjà le nom. Mijoqui vous transmet des salutations estivales !
Estivales ? Je regarde dehors. Il n'y a rien d'estival au climat actuel et j'ignore comment fait ce jeune homme pour résister au froid avec sa seule chemise ouverte sur son torse dépourvu de poils et même de duvet ! De quoi toutefois plaire à quelqu'un de très particulier…
—Ashe ! je le salue. Pourrais-tu dire à Mijoqui que j'organise une soirée pizza ce vendredi ?
Mon collègue et moi aimons la pizza, mais je crois l'avoir déjà dit dans le premier chapitre.
—Je m'appelle Ashe. Mijoqui vous transmet des salutations estivales !
Bon, peut-être que ce garçon n'est plus tout à fait étanche à force de voyager entre les mondes, ou bien, il a gelé à cause du temps, qui sait. Je n'irai pas jusqu'à dire que son cerveau baigne dans de la confiture de coing. Loin de moi l'envie de me faire taper sur les doigts et de me prendre les foudres de son invocateur alors je préfère en rester là. De toute façon, c'est le cas de tous les héros qui viennent frapper à cette porte, ils finissent avec du cambouis de collé aux méninges.
—Je vais prendre ça pour un oui.
Puis je referme les portes avant d'avoir un calvaire sous la voute.
Byleth n'est plus dans le hall. J'ai donc le temps de errer dans le château jusqu'à ma réunion de ce soir. Un conseil stratégique ? Boarf, le dernier livre est terminé, inutile de me presser. Je me demande cependant de quoi nous allons bien pouvoir discuter. Je sais devoir préparer la nouvelle paire pour le voyage en duo, réviser un peu les règles des pions de Loki. De petits détails qui ont sommes toutes leur importance pour récolter plus d'orbes ! Toujours plus !
Sur le chemin entre nulle part et ailleurs, certaines rumeurs du monde de fer me viennent aux oreilles. Une nouvelle héroïne ? Aux cheveux blancs ? Par tous les saints ! Je pleure, je vois déjà fondre mon petit paquet d'orbes. Ha, mais qu'entends-je ensuite ? Une héroïne gratuite ? Je retrouve le sourire ! Mais ?! Pardon ? Des oreilles de poudreuse et une petite cloche ? Une vache sacrée ensuite ?! Oui ! Mais une vache gratuite !
