De son point d'observation, il sourit. La voir si détruite est un plaisir sans nom. Il l'avait cherché, traqué pendant des années. Son désir de vengeance avait été plus fort que tout ; c'est ce qui l'avait maintenu en vie. Au fond de lui, bien enfoui, une pointe de tristesse apparaît mais il l'assomme avec toute cette rancœur, cette colère qui le remplit de joie, qui le maintient en vie. Il a réussi à mettre son plan en place, à lui donner vie. De nouveaux corps seraient bientôt retrouvés. Et au fur et à mesure, elle verrait son monde s'écrouler. Et il serait là pour contempler le spectacle de sa descente aux enfers. Si jouissif.


Le Capitaine Smith rejoint immédiatement Emily après l'annonce de Rossi. Quand elle le voit, elle sort de la voiture et tombe dans ses bras. On entend ses pleurs, ses supplications, ses cris. Elle tente de dire quelque chose mais les mots ne lui viennent pas ou alors tout est trop confus pour tenir un discours cohérent. Chacun jette des regards furtifs en essayant d'être discret ; cette détresse est dure à voir mais chacun veut apporter un peu de réconfort à la jeune femme. Malheureusement personne ne la connaît suffisamment pour pouvoir l'aider à traverser cette épreuve. Rossi soupire, sachant que rien ne peut apaiser dans une situation pareille. Elle a beau être forte, la carapace peut être percée un jour ou l'autre, de manière plus ou moins violente. Lorsqu'il avait perdu son fils - dans des conditions totalement différentes - il s'était senti perdu, absent de son propre corps. Il vivait, et pourtant c'est comme s'il ne pouvait plus rien ressentir. Il était mort en même temps. Avec les mois et les années, il avait réussi à surmonter la perte - bien que son mariage ait viré au drame. Personne n'avait pu l'aider, il avait eu besoin de se reconstruire seul, loin des proches trop compatissants et présents. Loin des mots soi-disant réconfortants qui vous écrasent dès qu'ils sont prononcés. Il sait alors que la jeune femme va avoir besoin de s'isoler, de trouver la force au fond d'elle-même pour (sur)vivre.

Plusieurs voitures de police arrivent et personne ne comprend l'état d'Emily. Tout cela agace Rossi: ses propres collègues l'ignorent chaque jour et ont presque l'air de la détester. Et dans un moment pareil, personne ne cherche à savoir ce qu'elle peut avoir. Ils l'ignorent superbement et se dirigent vers l'équipe du FBI. L'un des agents les salue en hochant la tête. Morgan commence à expliquer la situation: "-L'une des vic…"

Dave saisit son bras en marquant une pression: "-Laisse!". Il ne souhaite pas leur donner cette information ; de toute façon, tout le monde la découvrirait bien assez tôt. Il souhaite pour l'instant laisser cette jeune femme loin des ragots et cancans que nombre de ses collègues pourraient divulguer dans la ville ; et donc loin des regards insistants des habitants. Elle n'avait pas besoin de ça. Pour le moment, il prend la tête des opérations et dispatche les agents présents sur des tâches précises de récolte d'indices et prise de photos de la scène, en attendant la venue du médecin légiste.

Rossi est en binôme avec JJ. La jeune femme blonde ne dit rien, comprenant que la situation est aussi compliqué pour lui. Retrouver des victimes dans ces conditions pouvait bouleverser plus d'une personne… Elle savait qu'il avait des problèmes de sommeil, l'ayant surpris un matin au bureau habillé comme la veille et des valises sous les yeux. En prenant le temps de l'observer, elle comprend que sa nuit a été - une fois de plus - écourtée. Elle voit également comment il regarde Emily. Il semble hésitant.

"-Tu penses que c'est elle qui est visée?"

La question la surprend. Il semblait tellement pris dans ses pensées. Elle prend le temps de réfléchir: "-C'est assez troublant. Le coup de fil est assez déstabilisant.

-Comment il a pu savoir?

-J'ai vérifié, son nom n'est pas sorti dans la presse… toute cette enquête a eu le droit à un maigre article du journal local.

-Quoi?

-Ils n'ont pas communiqué."

Rossi passe une main sur son visage, soupirant en même temps: "-Il va falloir l'interroger."

Elle hoche la tête et regarde en arrière. Emily est toujours dans les bras de son patron: "-Vous devriez la ramener chez elle."

Rossi la regarde, interrogateur. Il pose alors son regard sur ce que fixe JJ: "-Je ne suis pas sûr d'être la bonne personne.

-Au contraire...", et elle laisse ça là, en suspend. Elle reprend: "-Vous pourriez l'interroger dans un autre contexte.

-Hm. Je ne sais pas si tu as remarqué mais elle n'est pas du genre causante."

JJ rit: "-Ses collègues ont un problème avec elle.

-J'avais cru voir.

-Elle est si… je ne sais pas mais elle ne semble pas vouloir se lier.

-J'ai demandé à Garcia de faire des recherches."

Il capte le regard désapprobateur de sa collègue et sourit: "-Elle aurait pu, ou plutôt dû, travailler chez nous ou dans une autre agence de ce pays. Elle est douée. Vraiment douée.

-Qu'est-ce qu'elle a fait pour se retrouver ici?

-De ce que j'ai vu, c'est son choix.

-Elle aurait pu avoir une grande carrière et… elle a atterrie ici? Il y a un os."

Il sourit et hoche la tête: "-De grandes interrogations se posent… mais si on se fixe sur elle, j'ai peur qu'on se perde."

Il s'arrête et reprend: "-Le tueur veut peut-être qu'on se focalise sur elle, mais c'est peut-être juste une coïncidence.

-Vous n'avez pas l'air sûr de vous…"

Il opine. Cette affaire le déstabilise complètement. Rien ne lie les victimes. Aucun indice n'est suffisamment probant. L'assassin a une certaine maîtrise puisque rien n'est laissé au hasard. Rien ne ressort de tout cela. A l'heure d'aujourd'hui, ils n'arrivent pas réellement à sortir un profil... trop d'hypothèses, pas assez d'éléments significatifs.

"-Garcia est sur le coup… apparemment l'appel est brouillé mais elle espère pouvoir trouver quelque chose.", souligne JJ.

"-Tout ce qu'on peut faire… c'est croiser les doigts pour l'arrêter rapidement."


Sur les conseils de JJ, Rossi ramène Emily chez elle: il arrête la voiture à côté de la maison et se tourne vers sa passagère. Aucun des deux ne descend de l'habitacle. Emily a le regard rivé sur les montagnes, elle semble perdue dans ses pensées. Le trajet s'est fait en silence, mais dès qu'il a proposé de la raccompagner chez elle, elle s'est arrêtée de pleurer. Elle a embrassé son patron sur la joue et est remontée en voiture. Smith avait proposé de contacter une amie, ce qu'Emily avait accepté. Elle devait les retrouver au ranch - de toute évidence elle n'était pas encore arrivée.

Il sort de l'habitacle, mais la jeune femme ne le suit pas. Il se dirige alors vers son côté et lui ouvre la portière: "-Venez!"

Elle le regarde et saisit la main tendue. Il la soutient pour descendre ; sa main se dirige vers le bas du dos pour la guider et la faire avancer. Il pressent qu'elle pourrait rester dans la cour durant la journée s'il ne la force pas un minimum à bouger.

Une fois rentrés dans la maison, il l'installe dans le salon et rejoint la cuisine pour lui préparer une boisson chaude. Il lui apporte un thé, et attend qu'elle en boive quelques gorgées. Dans des moments pareils, on a tendance à rester apathique si personne n'est là pour nous forcer à effectuer les gestes et habitudes quotidiens. Soudain il l'entend rire. Un vrai rire. L'un de ceux qui viennent du cœur, qui respire le bonheur et la joie de l'instant. Et aussi vite, elle se met à pleurer. Il saisit la tasse, la pose sur le côté. Il s'assoit sur la table basse, face à elle, saisissant ses mains pour lui signifier sa présence. A travers les larmes, elle prend le temps de le regarder dans les yeux, en signe de remerciement songe-t-il. Elle pose sa tête sur les genoux de David. Il est d'abord surpris mais sait que la présence d'autrui peut être rassurante. Bien qu'on ne veuille voir personne dans ces moments-là, on a également besoin de se sentir entourer et compris. Il la laisse pleurer, exprimer ses émotions les plus dures.

Durant de longues minutes, la maison est remplie d'un silence où seuls les pleurs d'Emily sont perceptibles. Elle se calme peu à peu, Rossi lui tend donc une boîte de mouchoirs trouvés sur le côté. Elle lui sourit faiblement, remarquant soudain la tâche que ses pleurs ont formé sur son jean: "-Je suis désolée…

-Ce n'est rien.

-Je vous paierai le pressing."

Il sourit en hochant la tête: "-Ce n'est…"

La porte d'entrée s'ouvre soudainement, allant claquer sur le mur. Rossi se lève, la main sur son arme. Emily saisit sa main, pour l'arrêter. Elle s'empresse de rompre le contact et se dirige vers l'entrée où une femme la prend dans ses bras: "-Franck m'a appelé… je suis désolée chérie."

Rossi les observe brièvement et rejoint la cuisine pour préparer plus de thé et du café. Ils en auraient tous besoin. Emily n'était pas du genre à se lier, mais cette femme semblait être l'une des seules personnes ayant l'amitié de la jeune femme. Il est rassuré de ne pas l'entendre pleurer de nouveau ; au lieu de ça, elle rit. Depuis la veille, il l'avait vu peu expressive. Les événements font que tout est différent, mais rire… il ne s'y attendait pas. Et pourtant en l'espace de quelques minutes, c'est la deuxième fois qu'il entend ce son si réconfortant. Il tend l'oreille pour les entendre discuter.

"-T'es bouffie tête d'œuf!"

Il est surpris mais une fois encore Emily se met à rire: "-Mais je t'aime tellement que j'accepte cet état… quoique… il va falloir faire quelque chose."


Il avait pris la décision de se retirer, préférant laisser les deux femmes discuter. Il avait senti qu'Emily était plus apaisée avec cette amie. La personne s'était présentée comme la seule amie d'Emily au monde. Il avait trouvé cela prétentieux, mais face au sourire d'Emily, il avait compris que c'était vrai et qu'elle seule pouvait la comprendre. Et puis Leanne, la dite amie, avait un sourire collé au visage, signe que c'était une forme d'ironie, et il s'était tout de suite senti mieux. Cette femme avait comme un don pour redonner de la joie aux gens. Emily était maintenant plus apaisée, plus déterminée et plus joyeuse. Il avait peur qu'une rechute soit à prévoir dans la soirée mais pour le moment elle allait bien. Pour cela, il pouvait la remercier vivement.

La rencontre avait été brève mais il savait qu'il laissait son hôte entre de bonnes mains. Il avait profité de son temps libre pour marcher dans les plaines, en suivant un chemin indiqué. Il avait parcouru plusieurs forêts, senti des dénivelés costauds pour arriver au sommet d'une montagne. Il sentirait les courbatures le lendemain - l'âge avançant… - mais il était époustouflé par la vue. On pouvait voir la ville en contrebas, puis plusieurs plaines s'offraient droit devant. Il avait une impression d'immensité et aurait voulu rester ici pendant des heures. Seulement il savait que le travail passait avant tout et qu'il devait prendre le temps d'interroger Emily. Il n'était pas sûr de la coopération de la jeune femme mais il devait essayer. Il prend alors le temps d'enregistrer ce paysage dans sa mémoire. Qui pourrait dire quand il pourrait revenir ici ? Il a besoin de ce temps pour se retrouver avec lui-même. De nombreux mois étaient passés et il a l'impression d'être trop âgé pour ce travail. Plus il voit de crimes, moins il a foi en l'humanité. Il est presque... dégoûté. Et le mot est trop violent pour lui. Il veut croire qu'il existe encore de belles personnes. Seulement le mal qui l'entoure au fur et à mesure des enquêtes obscurcit son jugement. Il en est conscient. Peut-être est-ce l'affaire de trop...


Sur le chemin du retour, il prend le temps de contacter son ami, qui aurait collaboré avec Emily dans le passé.

"-Un revenant! Qu'est-ce qui t'amène David?

-J'ai des questions à te poser. Sur Emily Prentiss."

Un blanc suit ses paroles, si bien que Rossi pense que la communication a été coupé. Il regarde l'écran de son téléphone: "-Joe? Tu es toujours là?

-Oui… hm… pourquoi tu t'intéresses à la p'tite?

-Une affaire en commun dans le Montana."

Il perçoit un léger murmure, comme s'il était surpris de la savoir dans cet état des USA. "-Qu'est-ce que tu veux que je te dise?

-Et bien, elle a pas mal collaboré avec toi. Comme tu es le chef de la police de Los Angeles…

-Ouais… et bien écoute, c'est une chic fille! Je n'ai jamais connu d'officiers aussi méritants.

-A ce point?

-C'est la meilleure que j'ai pu avoir sous mon commandement.

-Pourquoi la meilleure est-elle partie dans ce cas?

-Pourquoi tu ne lui demandes pas?

-Joe… je n'ai pas le temps de jouer aux devinettes, on vient de retrouver le corps de son père.

-Merde!

-Comme tu dis… Joe, qu'est-ce que tu peux me dire sur elle? C'est important.

-Elle ne lâche rien… c'est ce qui lui vaut le surnom de «monsieur».

-Monsieur?

-Elle se fiche pas mal de ses collègues. Elle n'est pas carriériste ou quoi, mais elle n'aime pas se mêler aux autres. Elle semble froide aux premiers abords, tu as dû t'en rendre compte.

-Hm… en effet.

-Elle est comme ça, et c'est comme ça qu'elle bosse le mieux. Tu sais, elle a permis d'arrêter des grands criminels. Elle est douée ; elle trouve la faille et elle l'exploite.

-Qu'est-ce que tu sous-entend?

-Dans une autre vie, elle aurait pu être une grande criminelle."

Ils rient tous les deux, mais cette phrase s'imprime dans l'esprit de Rossi: "-Est-ce qu'elle a eu des soucis avec des criminels?

-Je ne dirais pas ça. Écoute, elle a… enfin elle a compris qu'il y avait pas mal de flics ripoux dans le coin.

-Il y a eu des représailles.

-Emily a quelque chose avec la justice. C'est...viscéral pour elle. Elle ne conçoit pas l'injustice et le profit au détriment d'autrui.

-Joe, tu noies le poisson.

-Elle les a tous dénoncés. Elle a monté un tel dossier… elle a mis le bazar dans les bureaux.

-Tu peux me l'envoyer ce dossier?

-David…

-C'est important. J'ai peur que notre tueur se venge d'elle ou… dans tous les cas qu'il y ait un lien avec elle."


De retour de sa balade, il aperçoit Emily dans le manège couvert, en train de faire courir un cheval. De loin il prend le temps de la regarder. Elle semble apaisée, et si souriante. C'est ce qui le frappe. Elle sourit. Ses gestes sont souples et précis. Elle ne communique pas avec l'animal par des coups ou des mots. On dirait qu'ils se comprennent naturellement. Ils sont littéralement en symbiose. Et cette symbiose laisse planer un état de plénitude, de bonheur. Tout se ressent dans cette immensité.

"-Alors beau gosse, on espionne?"

Il sourit et nie: "-La vue est pas mal d'ici."

Leanne sourit à son tour: "-Comment vous faites ça?"

Devant son incompréhension, elle enchaîne: "-J'arrive par surprise et vous ne sursautez pas. C'est un truc de flics?

-Si on veut.

-Hm. Vous avez les mêmes réponses que la demoiselle.", dit-elle en désignant Emily.

Il continue de la regarder, ne la lâchant pas du regard. Il est comme attiré par ses mouvements. Il n'avait jamais pris le temps de souffler et de regarder ce que la nature a à offrir. Aujourd'hui, même la brise lui semble merveilleuse. Cet endroit a un côté apaisant sur lui.

"-Elle ne voudra pas vous parler mais… il faut que vous la poussiez dans ses retranchements.

-Que voulez-vous dire?

-Ce n'est pas à moi de le dire, mais… tout est lié. Emily c'est… c'est elle, le point central de l'affaire.

-Non. A l'heure actuelle, on ne peut pas le dire et…

-Forcez-la à vous parler. Vous comprendrez mieux."

Et avec ça, elle le laisse seul. Leanne se dirige vers Emily. Elle prend le temps de caresser l'animal avant d'embrasser Emily.

"-Allez! Salut beau gosse!"

Il se retourne pour la voir monter en voiture et quitter les lieux. Il sent tout de suite sa présence. Très vite Emily est à ses côtés: "-Il faut que je vous parle… mais vous n'avez pas le droit de me dessaisir."

Il la regarde dans les yeux: "-Qu'est-ce que vous avez dissimulé?"

Son ton est plus froid qu'il ne le devrait, mais il n'arrive pas à faire autrement. Entre les sous-entendus de Leanne et les désirs d'Emily, il saisit que quelque chose a échappé à tout le monde depuis le début.

"-Il est possible que je connaisse d'autres victimes de notre tueur…", explique-t-elle.


Pour Leanne, prenez les traits de Marcia Gay Harden :)