Elle avait l'air d'aller bien. Intérieurement il fulmine. Il l'avait vu s'écrouler, plus tôt dans la journée. Elle pleurait, sans discontinuer. Elle était à ramasser à la petite cuillère. Et voilà que maintenant elle faisait sa vie, comme si de rien n'était. Elle était rentrée chez elle et s'occupait maintenant de ses animaux. Elle semblait apaisée. Il jette son mégot sur le sentier, de rage. Il frappe l'un des arbres et se brise sans doute quelques os. Il secoue sa main, se rendant compte qu'il ne sert à rien de laisser ses émotions prendre le dessus. Il fallait faire encore plus fort. Elle était coriace. Des années à accumuler des horreurs l'avait sans doute rendu insensible à bon nombre de choses. Il l'observe parler avec cet agent du FBI, et fouille dans sa mémoire ce qu'il connaît d'elle et ce qui pourrait l'atteindre encore plus. Soudain un visage apparaît devant lui. Il allait rendre la traque un minimum drôle, pour qu'elle pense pouvoir sauver cette personne à qui elle tient. Et au dernier moment, il briserait ses espoirs et sa vie. Si jouissif.


"-Vous êtes complètement inconsciente! A quel moment vous avez cru que ce serait une bonne idée de faire de la rétention d'informations?"

A l'instant même où les mots sortent de sa bouche, il se traite d'idiot intérieurement. L'attaquer de front comme ça ne l'aiderait pas à percer la carapace de la jeune agent. Au fil des années, elle s'était blindée de sorte que personne ne puisse la connaître réellement, et ne cherche à la connaître. Elle éloignait tout le monde, de manière totalement volontaire, pour ne pas à avoir à vivre un sentiment de rejet, d'abandon, de critique. Il avait bien remarqué qu'on la jugeait sur son travail, parce qu'il n'y avait rien d'autre à attaquer. Elle s'était enfermée dans un monde qui n'appartenait qu'à elle. La seule personne capable de la comprendre devrait s'armer de patience… elle avait tout enfoui, et il aurait fallu une grande confiance envers autrui pour qu'elle accepte de s'ouvrir un peu.

Il prend le temps de la regarder. Elle est accoudée à la clôture. Le cheval s'approche d'elle et s'arrête derrière elle, comme une forme de protection. Il prend le temps d'observer cet instant hors du temps. La relation entre la femme et l'animal est au delà des mots. Il est subjugué par la force qui émane de l'animal. De par son regard, il force à baisser le ton, à être moins dur. Il protège Emily. Bien que cette dernière n'en ait pas vraiment besoin… son regard à elle est noir, impénétrable. Elle montre bien qu'elle n'a pas besoin de ses remontrances. Il saisit immédiatement l'erreur qu'il a faite. En l'attaquant de la sorte, elle s'est refermée un peu plus - et ce qu'elle était sur le point de lui confier va se perdre une fois de plus dans son jardin secret. Pour réussir à découvrir ses secrets, il devrait user de beaucoup de stratagèmes. Il soupire. Se frotte le front. La regarde dans les yeux: "-Ecoutez… vous êtes une emmerdeuse!"

Elle est prête à lui sauter au cou. Il lève les mains, en signe d'excuses: "-Vous ne pouvez pas le nier! Mais je ne peux pas non plus vous forcer à me confier vos secrets… quand vous serez prête, n'hésitez pas.

-Vous êtes profileur. Vous devriez trouver ce que vous cherchez."

Sur ces derniers mots, elle retourne dans l'enclos et recommence sa discussion silencieuse avec l'animal. Aucun fouet, lasso ou autre matériel n'est présent. C'est à cet instant qu'il remarque que l'animal répond aux demandes silencieuses d'Emily. Il lui suffit de faire un geste pour que l'animal comprenne ce qu'il doit faire, quelle direction il doit prendre. Il ne comprend pas très bien ce qui se passe. D'abord cette seconde vie qu'elle a et qui semble complètement décalée avec son métier. Ensuite cette affaire qui ne semble apporter aucune réponse - et avec une actrice-clé aussi muette que indéchiffrable. Il s'éloigne quelque peu du spectacle et contacte ses autres équipiers: "-Morgan? C'est Rossi.

-Du nouveau?

-On va devoir se débrouiller seuls sur cette affaire… Réunis tout le monde. On se rejoint dans 30 min."


Pendant le trajet le menant à la ville, il s'insulte intérieurement. Il s'en veut de lui avoir parler si durement, de ne pas avoir chercher à comprendre ce qu'il se passait. Il s'en veut également de ne pas avoir compris, dès le début, qu'elle cachait quelque chose. Il lui en veut d'être aussi secrète. Il se doute que des événements passés l'ont amenée à être si discrète mais il ne comprend pas qu'on puisse dissimuler des informations qui pourraient être capitales dans une enquête de cette ampleur. Au rythme où allaient les choses, le tueur pourrait passer à l'acte dans les jours à venir. Qui pourrait savoir combien de personnes seraient assassinées cette fois-ci ? Peut-être est-il en train de les tuer à l'instant T… C'est la première fois, depuis des années, que son bras montre sa peur ; des frissons apparaissent à cette idée.

Il arrive dans la grande - et unique - rue de la ville. Le soleil commence à se coucher, rendant le paysage magnifique. Des mélanges d'orange, jaune et rouge se confondent dans les montagnes. De nombreux habitants sont présents dans la rue mais personne ne semble s'arrêter pour admirer le doux tableau. Tout le monde passe devant des boutiques, s'arrête pour se saluer et se demander des nouvelles. Certains entrent dans la petite épicerie à l'angle, d'autres entrent dans le bar-restaurant. La vie suit son cours, comme si rien d'étrange ne se passait là, à quelques kilomètres de là. Peut-être le suspect se mélange même aux habitants, discutant avec certains, dînant avec d'autres, riant avec un tel ou un tel…

Il saisit son ordinateur et quelques dossiers, et sort de l'habitacle de la voiture. Il rejoint le restaurant, en face du commissariat. Dès qu'il franchit les portes, tout le monde se tourne vers lui, silencieux. Il sait l'impact des petites villes, là où tout le monde se connaît et colporte toutes les rumeurs possibles. Il sait le sentiment ressenti lorsqu'un étranger arrive et cherche à modifier des choses. En l'occurrence, ici, ils cherchent à sauver cette population, mais leur façon de voir trop étriquée ne semble pas prête de changer et de les accueillir comme il se doit. Du regard, il cherche son équipe ; il prend le temps d'observer le restaurant. Les murs sont dans les tons blanc et lin, recouvert par de nombreux cadres noirs de différentes tailles. Des tables sont disposées un peu partout, et sont presque toutes remplies. Le comptoir est directement face à l'entrée, de sorte que les serveurs peuvent voir immédiatement les personnes franchissant les portes. Il aperçoit l'équipe, réunie sur une table ronde dans le fond de la pièce. Il les rejoint en les saluant. Il ne cherche même pas à cacher sa fatigue, son agacement: "-On a un problème… de taille.", attaque-t-il direcetement.

Tous le regardent, attendant qu'il développe. Il soupire: "-Cette affaire est centrée sur elle… je ne sais pas pourquoi mais tout ramène à Emily Prentiss.

-Elle vous a dit quelque chose ?

-Je lui ai… coupé l'herbe sous les pieds."

Morgan laisse échapper un petit rire, qu'il essaye de camoufler dans une quinte de toux. Il ne cherche même pas à reprendre son collègue, la situation le ferait rire également s'il n'était pas au centre de tout ça.

"-Il va pourtant falloir la forcer à nous parler." suggère Reid.

"-Je te dis bon courage ! Cette femme est insupportable."

JJ le regarde avec un sourire et Morgan se retient de rire encore plus. Il est épuisé, la fatigue commence à le gagner, et il n'est pas prêt à lutter contre ses collègues: "-Quoi?", demande-t-il, las.

JJ le regarde et hésite: "-À vous entendre… on croirait presque que…"

Ils sont coupés par un carnet de notes. Rossi aperçoit un crayon et un carnet dans son champ de vision. Il soupire et lève les yeux pour se retrouver nez à nez avec Leanne. Elle lui sourit et lui lance un clin d'oeil: "-Alors beau gosse, ça va comme vous voulez?"

De nouveau, il soupire. Il passe une main sur son visage: "-Votre amie est une emmerdeuse!"

Elle lui frappe l'arrière de la tête avec son calepin: "-Vous ne l'avez pas écouté, pas vrai?"

Il ne peut même pas nier. Il la regarde: "-A quoi bon? Elle cache des informations depuis trop longtemps.

-Mais ce n'est pas possible d'être un crétin pareil. On vous apprend quoi au FBI?"

Il soupire: "-Je ne vois pas en quoi la laisser mentir encore une fois était utile. Des gens meurent par sa faute."

Le restaurant entier s'arrête de respirer. Tout le monde regarde en direction de leur table. Leanne a soudainement les joues rouges. Comme si elle était gênée que tout le monde les regarde. Ou plutôt comme si elle allait lui coller une droite. Il se rend compte que ses mots ont dépassé tout le reste. Il a sans doute sur-réagit, mais sur le moment il en a marre d'être pris pour un imbécile en l'espace de seulement deux jours. Le tueur jouait avec eux et ce n'est pas prêt de se terminer, encore plus s'ils n'ont pas toutes les informations disponibles. L'un des agents locaux faisait maintenant de la rétention d'information et tout ça pour quoi? Il réalise qu'il ne sait même pas pourquoi. Il baisse les yeux: "-Ok… j'aurais dû l'écouter mais… elle ne vaut pas mieux que ce tueur d'accord? Elle joue avec nous, bon sang.

-Profileur hein?", dit-elle en le regardant droit dans les yeux. "-Psychologie de comptoir ouais!"

Elle range son calepin et stylo dans sa poche arrière. Resserre sa queue de cheval. Elle observe un client derrière lui et hoche vaguement la tête, avant de reprendre: "-Vous prétendez tout régler avec vos profils et vos machins. Mais si vous ne cherchez pas à comprendre les gens, ça ne marche pas votre truc. Si vous l'aviez écouté… mais bon dieu que vous êtes crétin!"

Elle le laisse là, avec toute l'équipe, sans expliquer davantage. Reid la regarde partir: "-Pas commode…

-De toute évidence, quelque chose nous échappe dans cette histoire.", souligne Morgan.

Il sortent les documents relatifs à l'enquête. Sur leurs ordinateurs, ils essayent de déterminer l'importance des lieux, le pourquoi d'un jeu de piste. Ils appellent également Garcia pour essayer de trouver un point commun avec tous ces victimes. Il y a forcément quelque chose qui leur échappe.

"-Si Emily connaît plusieurs victimes, le dénominateur commun doit avoir un lien avec elle.", remarque JJ.

"-Mais ce serait quoi? Un lieu? Une année scolaire?

-Impossible. Elle a voyagé aux quatre coins du monde avec sa mère.", relève Rossi. "-Il y a autre chose…

-Vous avez dit qu'elle avait bossé sur plusieurs enquêtes avec différents bureaux… ça pourrait être des indics ou quelque chose dans ce goût-là.", note Morgan.

Rossi hoche la tête. Et les mots de son ami Joe lui reviennent en mémoire: "-Elle a un goût prononcé pour la justice.

-Quoi?

-Elle a collaboré sur plusieurs enquêtes et la dernière… elle a fait tomber plein de gens… parce qu'elle a la justice chevillée au corps.", développe-t-il.

"-Ça ne peut pas être un hasard s'il s'est lui-même nommé Justice.", décrète JJ.

Avec ces infos en tête, ils donnent des directives à Garcia: essayer de retrouver toutes les personnes tombées lors de cette enquête, les retombées pour les familles/amis des coupables, les décisions suites aux différents procès. Ils savent qu'ils lui en demandent beaucoup ; la jeune femme les rassure, elle a de quoi tenir en caféine et s'est aménagée un endroit pour dormir dans son antre. Elle leur apprend d'ailleurs que leur patron est de retour.

"-Comment va-t-il?", questionne Reid.

"-Tout est ok. Et pour vous? Comment les choses se passent?", demande Hotch.


Il rentre du restaurant assez tard. La maison est allumée, comme elle lui avait expliqué. L'endroit étant assez reculé de toute civilisation, cette lumière amène un côté chaleureux et accueillant quand on prend le chemin de terre pour rejoindre le ranch. Il gare la voiture et prend le temps d'observer les alentours. Les montagnes ne sont pas visibles mais il sent leur puissance. Le vent est frais mais vivifiant à cette heure avancée. La maison semble gigantesque et les hennissements environnants apportent encore plus de bienveillance à l'endroit. Il prend son temps, dans la nuit noire, pour se ressourcer et trouver la force de ne pas lui hurler dessus dès qu'il la verra. Il sait qu'elle n'a pas voulu - du moins l'espère-t-il - cacher des informations d'une telle ampleur. Elle semble assez terre à terre et pas du genre tête brûlée. Le fait d'avoir pu échanger avec l'équipe et Hotch l'avait quelque peu apaisé. Il voulait avancer et il était conscient qu'il devrait faire abstraction de ses mensonges pour comprendre et avancer un peu plus. Ils n'avaient pas encore de profil. Tout était encore trop vague. Il fallait maintenant la faire parler, afin de - peut-être - réussir à ressortir un élément, une information majeure sur sa dernière enquête. Ils s'étaient lancé dessus, pensant que c'était la plus grosse affaire à laquelle elle avait participé. Vrai ou faux? Il allait devoir chercher des explications avec elle pour voir si leurs théories étaient plausibles.

Il soupire, en regardant le feu crépiter depuis la fenêtre du salon. C'était ce genre d'endroits qui lui correspondait. Il était très sociable et aimait organiser des soirées dans son manoir. Seulement la solitude lui était aussi bénéfique. Il aimait pouvoir se retrouver seul avec lui-même, devant un feu de cheminée et un verre de scotch pas très loin, écarté de cette foule agitée, de cette atrocité humaine. Cette maison avait ce côté refuge. Il appréciait le fait qu'Emily l'ait gardé dans son jus, témoin d'une autre époque et d'une autre vie. Il ne comprend pas comment une femme aussi brillante a pu choisir de s'enterrer ici. Il devait y avoir une explication. Un attachement au lieu, aux gens. Il rit à cette idée. Elle semble si peu acclimatée aux habitants. Certes elle connaît du monde mais depuis qu'il est là, personne n'a appelé, n'est venu la voir après la nouvelle du décès de son père. Brillante mais solitaire. Exclue. Ou reclue.

Il rejoint le porche et trouve porte close. Il essaie plusieurs fois de l'ouvrir en tournant la poignée, rien n'y fait. Emily lui a pourtant dit qu'elle ne fermait jamais sa maison à clé… Il fait le tour de la maison, pour essayer de voir à travers les fenêtres et lui faire signe. Seulement il n'y a aucun signe de vie. Il soupire. Elle devait lui en vouloir. Mais elle agissait comme une véritable enfant en l'empêchant de rentrer. Il s'assied sur l'un des bancs, à l'arrière de la maison. Il se voit déjà passer la nuit ici quand il entend un hennissement. Il se retourne. Dans la brume, il aperçoit une silhouette qui avance vers lui. Il sourit. L'image est magnifique. Le cheval et elle ne font qu'une personne. Ils avancent au même rythme, le regard droit. Il suppose qu'elle l'a emmené se balader, se défouler. Elle devait elle-même en avoir besoin. Il passe un main derrière sa tête, comme un enfant penaud qu'on a pris en train de faire une bêtise. Il la salue. Elle lui sourit. A l'unisson, ils prennent la parole: "-Je suis désolé/Je suis désolée."

Timidement, ils sourient. Elle lui lance la clé pour ouvrir la porte et fait signe qu'elle va rapidement amener l'animal dans son box. Il acquiesce. Il profite de ces quelques minutes pour faire un café, prendre quelques biscuits dans les placards. Il essaie de trouver une bougie et de quoi l'allumer. Il saisit les plaids disponibles sur le canapé, et amène le tout dehors. Il franchit la porte quand elle revient. Surprise, elle l'interroge du regard pour savoir ce qu'il fait: "-C'est une belle nuit, vous ne trouvez pas?"

Elle lève les yeux pour observer les étoiles. Il remarque qu'elle prend le temps d'observer cette immensité, de s'imprégner de cette ambiance. Il prend toujours le temps, quand il était chez lui après une enquête, de se poser sur sa terrasse et d'observer les étoiles. Cela a le don de l'apaiser, de lui rappeler qu'il fait ce travail pour quelqu'un, pour rendre justice et honneur à des êtres disparus. Pourquoi ne pas le faire ce soir? Ils en avaient besoin. Tous les deux. Il lui tend alors un plaid, qu'elle saisit et qu'elle enroule sur ses épaules. Elle lui offre un petit rire et s'installe à même le sol. Il rentre de nouveau dans la maison pour prendre deux tasses de café fumantes. Elle l'accueille avec le plus grand sourire qu'il soit, reconnaissante de cette attention.

Ils se retrouvent dans un silence complet. Par moments, le bruit des sabots qui cogne contre les box se fait entendre. Des bestioles volantes passent au dessus de leurs têtes. Ils se regardent, complètement perdus dans le regard de l'autre. Il saisit qu'elle veut lui parler, qu'elle veut lui dire quelque chose. Les mots doivent être trop durs à dévoiler. Elle soupire: "-Je suis désolée… pour tout ça… Je…

-J'ai été injuste avec vous. Je ne vous ai pas laissé une chance de vous expliquer…"

Elle acquiesce et un voile de tristesse apparaît dans ses yeux: "-Je ne veux pas que… enfin ne pensez pas que je veux dissimuler… et bien quoique ce soit.

-Et si vous m'expliquiez?"

Elle lui sourit en replaçant une mèche de cheveux derrière son oreille. Elle semble si vulnérable. En une journée, son ressenti est totalement modifié. Quand ils étaient arrivés avec l'équipe, elle avait été très distante et froide dès le départ. Mais il avait remarqué qu'elle avait de nombreuses capacités. Elle avait souligné des évidences, qui avaient pourtant été manqué par nombre des officiers présents. Son dossier lui avait apporté quelques informations et de nombreuses énigmes. Et maintenant il la voyait si fragile, si incertaine. L'opposé extrême. Il la regarde ; son regard est perdu sur les montagnes. Elle se mord la lèvre inférieure comme si elle était inquiète, comme si quelque chose la tourmentait mais qu'elle ne savait pas à qui se confier. Il se rapproche d'elle et pose sa main sur son genou. Il émet une légère pression pour lui signifier qu'il est là, qu'elle peut avoir confiance. Elle tourne le visage vers lui et lui sourit: "-J'ai grandi ici vous savez… avec mon grand-père… tout ça c'était à lui."

Il prend le temps de regarder aux alentours: "-Vous ne viviez pas avec vos parents?

-Hm… mes parents… la carrière de ma mère est la seule chose qui compte vous savez?"

Elle marque une pause, songeuse: "-Je ne sais pas pourquoi ils ont décidé d'avoir un enfant… ce n'était clairement pas dans son plan de carrière… mais ça devait faire beau sur la photo sans doute.

-Vous semblez un peu amère…

-Non! enfin oui sans doute." Nouvelle pause. "-A mes 4 mois elle a eu une proposition de poste à l'étranger et m'a déposé ici… j'y suis restée jusqu'à mes 9 ans… et ceux qu'on nomme parents sont venus 4 ou 5 fois."

Il est surpris par la révélation. Il connaissait l'ambassadeur Prentiss, certes pas personnellement, mais jamais il n'aurait pensé qu'une femme comme elle puisse abandonner son enfant de la sorte, comme un vulgaire objet que l'on peut oublier sur un coin de table. Il réalise que tout n'est que façade. Le monde de la politique peut être cruel, surtout pour une femme. Mais elle avait pris le système à son avantage. Elle s'était montrée cruelle et dure, au détriment de sa fille.

"-Tout ça pour dire que… tout a un lien avec mon enfance… je suis sûre de ça.

-Qu'est-ce qui vous fait dire ça?

-Les victimes… certaines sont liées à mon enfance et… on a repris contact quand je suis revenue… J'ai lu vos livres, vous savez? Ce tueur fait une fixette sur moi. Il veut me faire payer quelque chose.

-Une idée?

-Une personne que je n'ai pas contacté? Une connaissance qui se sent mise de côté? Je n'en sais rien… mais ce n'est pas pour rien qu'il m'a appelé.

-Hm… et votre père? Vos parents ont divorcé et vous avez coupé tout contact avec votre famille…"

Elle le regarde, interloquée: "-Comment vous savez ça?"

Il s'insulte mentalement. Emily est une solitaire, elle ne veut pas que les gens connaissent sa vie à moins de se confier à eux d'elle-même. Il la regarde dans les yeux et y perçoit un voile de tristesse. Son action a dû la blesser, et il comprend cela puisqu'il réagit de la même façon si les rôles étaient inversés. Lors d'une affaire, l'équipe avait dû faire des recherches sur lui pour comprendre son attachement à des personnes ; cela l'avait rendu fou. Il ne voulait pas qu'on puisse s'infiltrer dans sa vie de la sorte, sans y être invité. Il comprend que cela puisse l'agacer.

"-Qui vous a renseigné?", demande-t-elle froidement.

La question le surprend: "Le FBI sait où chercher.

-Non. Des signaux auraient dû se déclencher. Comment êtes-vous passé entre les mailles du filet?

-Je ne comprends pas…

-Vous savez quoi?" Il ne répond pas, elle reprend. "-Sur moi. Vous savez quoi?"

Il décide de ne pas relever les questions assez étranges qu'elle lui pose. Il se doute qu'il aura une réponse prochainement: "-Notre analyste a récolté tout ce qu'elle pouvait… j'ai le dossier sur mon ordinateur si vous voulez."

Elle se lève et attend qu'il fasse de même. Il pose sa tasse sur le côté, avec le plaid, et passe devant pour rejoindre le salon. Il saisit son ordinateur sur la table basse et commence à lui montrer les différents renseignements qu'il a à son sujet. Elle est surprise par quelques coupures de presse qu'elle ne connaissait pas. Les différentes informations personnelles la perturbe plus. Elle réitère sa question pour savoir d'où viennent tous ces renseignements: "-Je vous l'ai dit, notre analyste est la meilleure du pays.

-Non, ce n'est pas ça… elle n'aurait pas pu avoir accès à certaines informations… c'est impossible.

-Vous voulez qu'on l'appelle?

-On peut?"

Il acquiesce et compose le numéro de Garcia. Après plusieurs sonneries, l'analyste répond: "-Garcia, je suis avec Emily Prentiss, et elle a différentes questions.

-Comment ça des questions?

-Bonsoir madame. Je… je veux savoir d'où viennent les informations que vous avez eu sur moi…

-Euh… quand on sait où chercher, vous savez…

-Non je comprends mais mon travail à Los Angeles est censé être classé, scellé. Tout comme mon enfance.

-Non. C'est consultable si on sait où regarder.

-Est-ce que tout le monde peut avoir accès à ces informations?

-Comment ça tout le monde? Vous savez, une bonne connexion et avoir des aptitudes de hacking aide beaucoup.

-Donc tout le monde peut le faire?

-Ça demande pas mal de… de niveau on va dire.

-Et… hm… le travail de ma mère…

-En hackant l'ambassade, tout se trouve.

-Merci."

Elle raccroche et regarde Rossi: "-Les différentes informations sur mon enfance ne devraient pas pouvoir se trouver aussi facilement qu'elle le dit. Les ambassades ont un service dédié et performant. Si elle a réussi, notre homme a pu les trouver.

-Excusez-moi mais vous me perdez depuis tout à l'heure. Qu'est-ce qui vous perturbe comme ça?"

Elle s'enfonce un peu plus dans le fauteuil, croise les bras sur sa poitrine - signe de protection et de sécurité. Il ne veut pas la brusquer mais comprend que quelque chose la chiffonne et qu'elle a compris certains éléments: "-Notre homme fait une fixation sur moi. Pour savoir comment m'atteindre, il a dû faire des recherches mais… normalement il ne devrait rien savoir… je veux dire que des zones d'ombres sont présentes dans mon dossier.

-Une protection?

-Oui, grâce au travail de ma mère, je bénéficie d'un minimum de sécurité… et avec mes différents employeurs également.

-Comment ça?

-J'ai travaillé dans différents services… À Los Angeles, vous ne devriez rien avoir… l'affaire a fait grand bruit mais le dossier est scellé normalement…

-Hm… j'ai appelé Joe Nelson pour avoir plus d'informations.

-Vraiment?"

Il acquiesce et réfléchit rapidement. Garcia savait toujours où chercher pour trouver les informations dont ils avaient besoin. Ici, le tueur faisait preuve de sang froid et de maîtrise mais le fait de vouloir attirer le regard sur lui pouvait trahir un esprit tourmenté et donc peu logique. Il ne pourrait pas faire des recherches et établir des scènes de crimes aussi marquantes. Quelque chose ne colle pas avec tout ça. Soudain, il semble avoir une idée: "-A moins que ce soit quelqu'un que vous connaissez… que vous connaissez bien.

-C'est impossible…

-Ecoutez… ces mises en scène sont là pour attirer l'œil, pour qu'on n'oublie jamais ce qu'il a fait. Il veut marquer les esprits. Le vôtre en particulier. Il n'a pas besoin d'avoir fait des recherches. Il les savait déjà. Il sait comment vous réagissez, il n'a pas besoin des infos que vos dossiers pourraient lui apporter. Il se fiche de ça. C'est vous, votre personne qui l'obnubile.

-Quoi!? Non. C'est impossible.

-Regardez-bien. Ces informations sont impossibles à avoir, à moins de vous connaître, de vous côtoyer. Je peux demander à ma collègue d'essayer de trouver tous ceux qui ont fait des recherches sur vous. Mais il est fort probable qu'il n'en est pas eu besoin. C'est quelqu'un proche de vous."

Il saisit son téléphone pour demander quelques recherches complémentaires à Garcia. Cette dernière promet de faire aussi vite que possible, ce qui le fait sourire. Il aimerait que la jeune femme prenne du temps pour elle. Lors des enquêtes, elle est toujours sur le qui-vive pour être un maximum présente pour eux tous. Il apprécie son dévouement mais ne serait pas étonné de la voir craquer de plus en plus souvent. Son propre état lui fait prendre conscience qu'ils ne sont pas infaillibles. Il y aurait un jour l'affaire de trop et, au fur et à mesure, chacun déciderait de quitter cette vie, trop effrayé par ces horreurs. Il soupire et reporte son attention sur son hôte. Elle est perdue dans ses pensées ; elle doit sans doute réfléchir à qui pourrait lui en vouloir autant, jusqu'à mettre au point un jeu de piste avec différents cadavres, avec un M.O. des plus glaçants.

"-Ecoutez, on va aller dormir et essayer d'y voir plus clair demain, d'accord?" Il attend une réponse qui ne vient pas. "-La nuit porte conseil, vous savez bien."

La sonnerie du téléphone fixe interrompt son discours. Emily rejoint la cuisine et reste plusieurs minutes au téléphone. Rossi finit par la rejoindre et la trouve assise sur le plan de travail, le téléphone coincé entre son oreille et son épaule. L'une de ses mains est posée sur bouche, ses yeux montrent une peur soudaine. Il s'approche d'elle rapidement et pose ses mains sur ses cuisses. Sans voix, il lui demande ce qu'il se passe. Elle raccroche, en remerciant son interlocuteur. Dans la seconde elle s'écroule. Elle se réfugie dans ses bras, sa tête se cache dans son cou et elle éclate en sanglots. Il savait que ça finirait par arriver, le trop plein de nouvelles pour la journée est largement dépassée. Il la laisse pleurer, la prenant dans ses bras, passant une main dans son dos dans de lents va-et-vient. Petit à petit, elle se calme mais elle est incapable de parler.

Ils restent ainsi, dans le noir de la cuisine silencieuse, pendant de longues minutes. A un moment donné, elle se redresse et essuie sa chemise. Il sourit: "-Quoi? Encore une note de pressing?"

Elle éclate de rire et pose sa tête sur son épaule: "-Je suis désolée… je ne sais pas ce qui m'arrive…

-Hé!" Il prend sa tête entre ses main, pour qu'elle le regarde dans les yeux. "-Ne vous excusez pas! Vous traversez une journée vraiment pourrie."

Encore une fois, elle rit ; et il est content de la voir ainsi. Il a déjà été dans cet état et il comprend que la journée n'est pas évidente. La personne forte qu'elle s'efforce d'être voudrait montrer son côté sûre d'elle, sauf que dans une situation pareille elle doit laisser ses émotions prendre le pas, les laisser s'exprimer pour s'en vider et revenir plus forte.

Il se détache d'elle, pour lui laisser un peu d'espace. Elle essuie ses joues, remplis de larmes. Elle regarde tout autour d'elle, perdue, désemparée.

"-C'était le médecin légiste… le téléphone, c'était le médecin.

-Que se passe-t-il?"

Il se rapproche d'elle, se calant entre ses jambes. Il enroule ses bras autour d'elle, rejoignant ses mains derrière son dos. Elle se perd dans ce contact, enfonçant sa tête dans son cou. Elle s'accroche à lui, tremblotante.

"-Les corps… ils… certains sont enterrés depuis… très longtemps… ils…

-Quoi?

-Cet homme… m'en veut depuis… longtemps… des années…"