SCENE 5

UNDERGROUND MAGIC

Il était très tôt le lendemain lorsque Ron et Hermione se retrouvèrent dans la salle commune des Gryffindors. Ils revirent encore une fois le plan qu'ils avaient élaboré la veille et n'y trouvèrent pas de faille apparente. Hermione sortit d'un grand sac de toile brune deux petits flacons qu'ils débouchèrent simultanément. D'un air solennel, elle proposa un toast : 'A Harry ! Et que Merlin nous assiste !' et tous deux vidèrent leur flacon d'un trait. Il fallait désormais sortir au plus vite de l'école, avant que la potion de vieillissement ne commence à faire effet et qu'on ne leur demande des comptes. Ils prirent par des raccourcis connus d'eux seuls, aimaient-ils à penser, et se retrouvèrent rapidement hors du territoire du terrible Filch.

Vêtus d'amples capes sombres, les traits changés par le poids des années accordées par la potion d'Hermione, ils étaient parfaitement méconnaissables. Et c'est d'un pas rapide et décidé qu'ils se dirigèrent vers Hogsmeade, ou plutôt vers une sordide masure qu'ils savaient se trouver à la lisière du village, dans un sombre petit vallon abrité des regards et bien connu pour ses marécages traîtres et nauséabonds. Ils suivirent avec précaution le chemin glissant qui les conduisit chez le vieil Azermius, lequel se tenait assis sur un banc de bois devant chez lui, maugréant dans sa barbe comme à son accoutumé.

Ron fit la grimace et se pinça le nez, tant il lui semblait que l'odeur des marais environnants émanait de la vieille carcasse du propriétaire des lieux. Hermione fronça les sourcils d'un air hautement réprobateur, lui signifiant ainsi qu'il ne fallait en aucun cas s'attirer les mauvaises grâces du bonhomme, bien au contraire. Ron fit tant et si bien pour afficher un large sourire avenant qu'Hermione sourit, amusée, et déposa du bout des doigts un baiser sur la bouche de son compagnon. 'Haut les cœurs,' se dit Ron, et il héla gaillardement le vieux.

'Bonjour, mon brave homme ! Etes-vous bien Azermius, le grand sorcier ?'

Le vieux ne bougeait pas d'un pouce. Avait-il seulement entendu ? Ron s'éclaircit la voix et réitéra sa demande. Cette fois, le vieux sembla l'entendre. Il tourna la tête.

'Qui le demande ?' chevrota-t-il.

'Vous ne me connaissez pas. Je suis Norald Arquebuse et voici ma femme, Mina. On nous a dit que vous pourriez nous aider.' Mina était le petit nom que Ron susurrait à l'oreille d'Hermione dans les moments d'intimité et il espérait qu'elle ne lui tiendrait pas rigueur de cette déclaration publique spontanée.

'Et que lui voulez-vous, à Azermius, Norald je-ne-sais-quoi ?' bougonna le vieux en guise d'invitation.

'Nous avons désespérément besoin d'aide et nous pensons qu'Azermius seul est à même de nous l'apporter,' continua Hermione sur le ton le plus aimable et le plus persuasif qu'elle put prendre.

Le vieux la détailla de la tête aux pieds sans mot dire. Il se gratta la barbe, qu'il avait fort sale et emmêlée, puis non moins élégamment se gratta l'entrejambe. Hermione ravala son dégoût et sourit de l'air le plus contrit possible.

'Je vous en prie, Monsieur, si vous savez où se trouve Azermius, veuillez lui dire que deux malheureux ont grand besoin de ses services et qu'ils sauront récompenser généreusement l'aide qu'il voudra bien leur apporter dans cette affaire …extrêmement délicate,' ajouta-t-elle.

'Délicate ? Vraiment ?' marmonna le vieux. 'Délicate comme …illégale ? C'est ça ? Azermius s'est retiré des affaires louches depuis longtemps et ne veut pas finir ses jours à Azkaban.' Subitement, son attitude se fit franchement agressive : 'Partez ! Il n'est pas là ! Ouste! Déguerpissez !'

Hermione recula d'un pas mais Ron la retint par la manche :

'Il faut qu'il accepte de nous aider ! Tu imagines les gros titres des journaux dans quelques temps : ''Harry Potter compromis dans une affaire de Potion d'Amour Contraignant'' ! C'est ce qui se produira si on ne fait rien !

Une Potion d'Amour Contraignant, et Harry Potter qui en serait la victime ! Le vieux sorcier qui feignait d'avoir l'oreille dure eut du mal à rester impassible à ces mots. Voilà une nouvelle dont il allait pouvoir tirer parti, s'il jouait finement. Ces deux sorciers n'étaient-ils pas plutôt des élèves de Hogwarts déguisés ? Des enfants qu'il pourrait manipuler assez facilement ? Mais comment faire maintenant pour les mettre en confiance ?

Ron lui épargna cette peine. Il s'était approché de la masure, arborant une attitude suppliante. Sa voix vibrait d'un sincère désarroi alors qu'il confiait au vieux les raisons précises de leur venue.

'Nous ne pouvons pas décemment amener nos deux amis à St Mungo en avouant de quoi ils souffrent !' ajouta-t-il, à court d'idées. 'Je vous en prie, vous seul pouvez nous aider !'

'Une Potion d'Amour Contraignant, rien que ça ! La dernière fois qu'elle a été essayée, c'était il y a bien longtemps… à la Renaissance si je me souviens bien. Qui a pu être assez idiot pour se l'administrer ?'

'Un idiot de première, je vous l'accorde. Le cas est grave, comme vous le voyez, et vous êtes réputé pour être le sorcier des cas désespérés. Aidez-nous, s'il vous plaît,' supplia Ron.

Le vieil homme hocha la tête un moment, semblant hésiter, puis sur le ton de celui qui se ravise par pure bonté d'âme, il les invita à s'asseoir et à lui raconter ce qu'ils savaient dans le détail.

'Il me faudrait un échantillon de cette potion, ou simplement le flacon vide… Je pourrais travailler à partir de là. Mais je ne vous promets rien !' ajouta-t-il. 'Cette potion est un vrai poison, ça c'est sûr !'

Ron se souvenait avoir vu un flacon vide dans la malle d'Harry. Il pouvait l'apporter le jour même. Il restait à espérer que ce serait le bon. La potion de vieillissement durerait encore quelques heures --Hermione avait tenu à prévoir large-- et voilà que maintenant cette précaution s'avérait être un handicap. Mais c'était les vacances et il se pourrait qu'il ne rencontre personne sur son chemin. Et puis il serait toujours temps de trouver une explication si nécessaire. Ron fila donc seul vers le dortoir et la malle d'Harry. Il trouva le flacon, qui contenait un reste de liquide rouge sang, et repartit pour Hogsmeade. Il ne rencontra que Filch à qui il bredouilla qu'on lui avait joué un mauvais tour et s'en tira ainsi à bon compte. Le vieil Azermius reçut ce qu'il avait demandé et se montra optimiste.

'Laissez moi une semaine, le temps de consulter certains anciens grimoires,' leur promit-il, 'et je pense pouvoir trouver une solution acceptable à votre problème. Quant au paiement, quelques galions suffiront pour un ingrédient coûteux auquel je pense. Le reste est offert par la maison.'

Pleins d'espoir, Ron et Hermione s'en retournèrent sans trop de hâte, attendant que le surplus de leurs années fonde comme neige au soleil.

Une fois seul, Azermius se mit à ricaner de l'universelle naïveté de la jeunesse. Il était autrefois tombé en disgrâce auprès du Maître des Mangemorts, qui l'avait jugé trop sénile pour le servir efficacement. Or, non seulement il tenait sa revanche sur le temps mais Lord Voldemort serait bien forcé d'admettre devant le fait accompli que le moyen mis en œuvre pour se débarrasser du jeune Potter était un pur chef d'œuvre de génie. Sur ces pensées revigorantes, il se mit aussitôt au travail.