SCENE 9
AD ASTRA
Azermius paradait devant le Seigneur des Mangemorts. Il allait enfin savourer la victoire de sa vie, l'apogée de sa carrière. Il avait raconté dans le détail comment il avait concocté la potion qui devait accélérer encore les effets du philtre d'amour, et puis aussi la merveilleuse idée de cette incantation qui devait lier les deux malheureux amants dans des souffrances éternelles. Il avait bien vanté ses exploits et attendait avec impatience la récompense due à son intelligence. Mais elle tardait.
Pourtant, Voldemort avait daigné écouter le récit des vantardises du vieil imbécile avec une patience qui ne lui ressemblait guère. Il s'ennuyait sans doute et la vue d'un vil flatteur de plus le divertissait toujours. Mais au fur et à mesure que le vieux fou expliquait sa 'géniale tactique pour en finir avec Potter', un brin d'intérêt naquit, qui se mua peu à peu en inquiétude. A la fin du récit, Voldemort resta muet de stupéfaction. Il fixait le vieux, qui continuait de lui sourire béatement. 'Redis-moi l'incantation que tu as donné à lire à Potter !' La voix du maître Mangemort était devenue un sifflement menaçant. Le vieux s'exécuta, d'une voix moins sûre tout à coup.
Alors Voldemort leva sa baguette et envoya un Crucio qui fit rouler Azermius à terre, hurlant de douleur, puis un autre et encore un autre. Voldemort hurlait maintenant comme un forcené. Sa rage ne connaissait plus de bornes. Il frappait encore et encore. Très vite, le pauvre vieillard n'eut même plus la force de hurler. Ses forces le quittaient rapidement. Enfin, épuisé par tant de souffrance, il serra une dernière fois les mains sur ses côtes et rendit son dernier souffle. La douleur insupportable à laquelle il venait d'être soumis serait sa seule récompense : son cœur venait d'exploser dans sa poitrine.
Bras tendus vers le ciel, Voldemort vociférait maintenant des imprécations sans fin. Sous ses pieds déjà le sol tremblait. Au dessus de lui commençaient à rouler d'énormes masses noires, zébrées d'éclairs immenses. Les éléments se déchaînaient : il ne pourrait pas les arrêter. Ni lui, ni personne. Azermius, ce vieux fou, avait accompli sa dernière folie.
A peine Harry eut-il fini de prononcer l'incantation que d'étranges crépitements se firent entendre. Stupéfait, Ron venait d'apercevoir de petits arcs électriques claquer entre les deux garçons. L'atmosphère semblait soudain chargée d'électricité. D'ailleurs, d'énormes nuages apparaissaient subitement dans le ciel. Le tonnerre gronda. Le sol se mit à frémir. Devant lui, Ron vit Draco s'écrouler lentement, le corps raidi, pris de tremblements. Harry se mit à hurler. Il tentait de relever Draco dont les yeux, fixés sur lui, semblaient brûler d'un feu glacé. Il tomba à genoux à ses côtés, l'enlaça pour le soutenir. Alors Draco ouvrit la bouche. Mais ce n'était plus une bouche : c'était un gouffre aveuglant, un puits de lumière qui s'ouvrait jusqu'à ses entrailles. Sa poitrine se déchira de l'intérieur, déversant un souffle incandescent vers Harry. D'immenses flammes vrombissaient autour du couple et Harry hurlait toujours. 'Ron ! Qu'est-ce que tu nous as fait ? Ad astra: vers les étoiles ! Nous sommes en train de nous changer en étoile, Ron ! Regarde ce que tu as fait ! Draco ! Ensemble éternellement : nous…' Un torrent de feu étouffa ses derniers mots. Son dos s'ouvrit comme les volets d'une fenêtre en plein midi.
Ron reculait en hurlant, s'appuyant aux murs pour tenter de garder l'équilibre. Il s'accrocha à Hermione qui venait d'apparaître et, les yeux écarquillés d'effroi, avait assisté à la scène. Draco et Harry étaient visiblement en train de muter : leur chair se changeait en feu dévorant. Ron protégea ses yeux de l'embrasement des deux corps. Il aperçut un instant les visages des deux amants penchés l'un vers l'autre, il crut voir leurs lèvres se joindre en un dernier baiser, ou l'avait-il imaginé… L'instant d'après, les corps des deux garçons disparurent à jamais dans la lumière. Ils se consumaient pour renaître sous une autre forme : ils devenaient une étoile double, liés l'un à l'autre pour l'éternité du cosmos. Jusqu'à la fin des temps, leur destin s'accomplirait, tel qu'Harry l'avait énoncé quand il avait prononcé l'incantation. Leur amour était en train de les emporter pour toujours dans un autre monde, sublimés par le feu dévorant de leur passion.
Partout la terre tremblait sans relâche. De mémoire d'homme, jamais la vieille Albion n'avait subi de séismes de cette importance. Phénomène tout aussi inexpliqué, une tempête titanesque ravageait le nord des îles britanniques et s'étendait de minute en minute au reste de l'Europe. Depuis la station Mir, les spationautes français et leurs collègues russes et américains s'intérrogeaient, inquiets, sur l'éventualité d'une attaque terroriste nucléaire dont l'épicentre se serait situé quelque part en Ecosse. Ils n'eurent hélas pas le loisir de creuser la question. Trouant l'épaisseur phénoménale de nuages en furie qui s'entrechoquaient sous eux, un pilier de lumière aveuglante les frappa de plein fouet. Mir disparut, vaporisé par l'astre nouveau-né. A peine une heure plus tard, la réaction en chaîne s'étendait jusqu'à la lune qui se sublima à son tour, puis à Mars et Vénus. Prisonnier de l'attraction du nouveau-né, tout le système solaire fut ensuite englouti, avalé goulûment par le feu nouveau. Puis tomba le soleil.
La Voie Lactée venait d'accoucher d'une étoile double, dont les cœurs entrelacés brûlaient maintenant d'un feu magique, tournoyant sans fin l'un autour de l'autre, sans que jamais ne s'éteigne l'amour d'Harry et de Draco, les deux enfants qui, malgré eux, s'étaient épris d'un amour cosmique.
FIN
