Cher Harry,
Si j'ai réellement compris ta dernière lettre, tu me demandes de me comporter comme si tout allait pour le mieux, comme si je t'écrivais pour te faire oublier le calvaire que tu vis chez ton oncle. Pourtant, en voyant s'envoler la chouette qui portera ce parchemin, je saurais parfaitement que sa destination sera tout autre. Dois-je en déduire que tu n'es plus si sûr d'accepter ce que tu vis en ce moment ?
Tu me demandes une chose et je l'exécute, parce qu'au fond de moi, je garde cette envie de t'offrir une vie plus belle. Et pourtant, je n'ai pas grand-chose à te relater, des moments banals dans une vie qui l'est tout autant, alors je te ferais grâce des détails.
Je ne pensais pas que maman serait au courant de ce qui fut notre relation, et pourtant, il apparaît que ce fut le cas. Elle ne me l'a pas dit, non, mais elle me le fait comprendre. Je ne doute pas que les mères puissent ressentir ce genre de chose. Mais ce que je sais, c'est que pas une fois depuis mon retour ton prénom a été prononcé devant moi. Finalement, je me demande si c'est réellement le mieux, car comme tu l'as si bien compris, j'aurais tendance à me réfugier dans le passé. Tu es bien là, et la voir se comporter différemment me rend mal à l'aise.
Les jumeaux reviennent de plus en plus souvent par ici, et il n'est plus question pour Ron d'avoir leur chambre. Sans doute ont-ils prit conscience que les moments en famille sont plus que précieux… Finalement, tout est peut-être comme avant… Une famille unie et des pièces rapportées. Même Fleurk me paraît plus humaine… Et puis entre tout ce bonheur, il y a une tache noire et indélébile : Percy. Lui ne semble pas prendre en compte ce changement, il se terre dans les non dit et autre ainsi soit-il. Encore un nom que l'on évince de nos conversations, pour mon plus grand bonheur, je dois bien l'avouer.
Et puis il y à Ron… Plus protecteur que jamais, il est devenu un chef dans l'art de la négociation. Son but est, tu le sais, de te rejoindre dans ta quête. En vain… Pourtant, il est tellement déterminé, qu'il serait bien capable de passer outre les recommandations de maman. Maman qui est bien la seule à être au courant. Elle nous répète sans cesse que papa a bien assez de soucis au ministère pour lui en ajouter d'autre. Des soucis dont on ne sait rien.
On peut dire en somme que tout est comme avant… On se plaît à imaginer un monde parfait en passant au-delà des défauts pourtant visibles. Mais finalement, petit à petit les détails deviennent trop conséquents pour nous conforter dans cet état d'esprit.
Voilà tout ce que mon frêle courage du moment me permet de t'écrire. Alors je t'embrasse en attendant de tes nouvelles… Et peut-être un peu plus de détails sur tes « activités ».
Ginny Weasley.
Ma chère Ginny,
Est-ce la peine de te remercier une fois de plus pour ce moment d'attention ? Tu te demandes si je suis réellement sûr d'accepter ce que je vis en ce moment. Mais qui pourrait supporter de vivre ça ? Je n'ai jamais pu me résoudre à ce qui est ma vie, même mes plus intenses moments de bonheur étaient entachés par cette épée de Damoclès penchant dangereusement au dessus de ma tête et menaçant à tout moment de vous toucher à votre tour. Mais encore une fois, je fais tout cela en espérant pouvoir éloigner à jamais le danger en m'en approchant le plus possible. Suicidaire ? Non, juste plein de rêves et d'espoir.
Mais pourquoi insinues-tu que ta vie est banale ? Peut-on dire qu'une vie l'est ? Avec tous les rebondissements qu'elle nous offre, je ne pense pas. Tu as la chance d'avoir une famille unie, ou presque, des frères qui sont prêts à tout pour te protéger et des parents dévoués au simple bonheur de leurs enfants. Ca en soit, c'est une denrée plutôt rare dans ce monde que la présence d'une simple personne est en route à détruire.
Sacré Ron, je me tues dans mes lettres à lui expliquer que je ne lui demande rien… Je ne le force pas à me suivre, et parfois je dois avouer que je préférais même qu'il ne vienne pas. Parce que sans doute égoïstement, ce combat reste le mien. Mais il faut que je me rende à l'évidence, que ce soit lui ou Hermione, tous deux semblent décidés à prendre la même route.
Ne t'inquiètes pas pour moi, je perçois encore la limite du raisonnable. Et puis, je ne suis pas seul, loin de là. Il y a des choses que même les meilleurs sorciers ne peuvent savoir, c'est dans ces moments là que l'on dit : « l'union fait la force ». J'apprends petit à petit, à mettre ma vie moins en danger, au fur et à mesure en fait, que mon esprit accepte le fait qu'il faut être patient. La patience… Si vraiment la vie m'en avait doté, le choipeau m'aurait mis à Poufsouffle non ?
Tout est loin d'être excitant en fait. Je me contente d'apprendre et d'observer. De temps à autre, de nouvelles informations nous parviennent et alors, j'ai parfois le droit d'aller vérifier par moi-même leur véracité. Ce n'est pas une tache facile, on prône le : « tout le monde est coupable avant preuve du contraire ». Les gens ont peur et se cachent dans des maisons closes, fermant les volets et privant leurs yeux de la moindre trace de lumière. Est-ce ça la vie ? Nous sommes arrivés à une telle extrémité que même le soleil n'est offert qu'au plus courageux, ou inconscients. Les rues sont tellement désertes que lorsque l'on croise quelqu'un on ne peut s'empêcher de se dire qu'il s'agit sûrement d'un mangemort.
Sur ces mots, je t'envoie un peu de mon cœur pour te rendre ce courage défaillant.
H.P.
