Cher Harry,

Je peux dire que cette fois, tu m'as bien eu. Je ne m'attendais pas du tout à cette réponse. Bien sûr que je l'espérais, ce serait mentir que d'assurer le contraire, mais je ne m'y attendais pas. Néanmoins, je pense ne pas me tromper en disant que je ne devais pas être la seule. Je soupçonne Ron d'être au courant de cette intention qu'était celle de t'inviter, c'est simple, depuis hier il cherche à mettre la main sur chacune de tes lettres. Mais pour qui me prend-il ? Est-ce qu'il croit réellement que je vais les garder à la vue de tout le monde ? La vie dans une famille nombreuse m'a appris bien des choses : comme l'utilité des vieux livres à la couverture déchirée. Ne jamais juger un livre sur son apparence.

Je m'étais promis de ne pas t'écrire avant ta venue samedi, mais encore une fois, j'ai failli à cette promesse intérieure. On a beau se dire que deux jours ce n'est rien, s'est toujours de trop lorsque l'on attend cette chose avec impatience. Qui aurait cru que je serais si euphorique en parlant du mariage de mon frère avec cette fille venue d'un pays où les crapauds ne se transforment pas en prince mais en succulent repas quatre étoiles ?

Finalement, c'est ça la vie : la permanente attente d'une chose précise. On vit chaque jour en attendant un autre, je comprends mieux pourquoi cette expression « carpe diem » et si dure à tenir. Qui peut oser prétendre le faire ? Même en aimant ce qu'est notre vie, l'instinct de l'homme le pousse à espérer quelque chose de meilleur encore. L'espoir… l'espoir et ce qui nous fait vivre et nous surpasse de tel manière que parfois, on l'oublie.

Pour ne pas démordre à la tradition, je vais te parler un peu de ce qu'il se passe ici. Bien qu'il n'y ait pas grand-chose à en dire. Tout est de pire en pire, plus on avance vers ce jour fatidique et moins on est prêt. Maman continue à nous faire goûter des plats plus farfelus les uns que les autres, il faut se rendre à l'évidence, soit nous ne sommes pas de fins gourmets, où soit tout se mange réellement. Finalement, la première proposition me semble plus facile à digérer.

Le plus dur concerne tout ce qui est sécurité… Je ne pensais pas que quelqu'un ait pu avoir l'idée de se marier en de telles conditions. Je ne me rendais pas bien compte du danger mais finalement, c'est la peur des autres qui me l'a fait ressentir. Encore une fois, soit Fleur est inconsciente, soit elle est réellement amoureuse. L'un et l'autre me font peur. Mais maman à raison, on ne doit pas s'arrêter de vivre pour un seul homme et pourtant, il y a des jours ou j'ai réellement l'impression que c'est lui qui tient notre destin entre ses mains.

Je t'embrasse, et attends patiemment ce jour ou je te verrais de mes yeux et pourrais enfin croire que tu vas bien.

Ginny Weasley.

Ma chère Ginny,

Mes yeux restent cernés sur les derniers mots que tu m'as envoyés. Comme je les comprends, quoique tu en dises, la peur de cet homme est tellement ancrée dans nos vies qu'elle en devient presque nécessaire. C'est bien ça qui est triste. Mais sur ce sujet, je pense que vous vous trompez. Soyons sérieux, Voldemort a une telle fierté en lui que ce serait une injure d'arriver là où on l'attend de pied ferme. Voilà tout son secret, créer la surprise pour aiguiser la peur. Je ne dis pas qu'il faut baisser sa garde, loin de là, mais simplement, oublier un peu le danger et croire qu'il est possible de vivre une soirée sans la crainte d'une nouvelle attaque.

Ca va peut-être te sembler bizarre, mais je pense réellement que Fleur sait tout ça. Elle est sincèrement amoureuse de ton frère, à un tel point que l'attente lui devient insupportable. D'autant plus qu'elle n'a sans doute jamais réellement rencontré cette personne qui sans le savoir met un frein à leur amour. Soyons sérieux, c'est aussi ça la guerre : du noir dans chaque bout de bonheur quotidien. Réfléchi un instant à ce que tu aimes, et tu verras que bien vite une crainte viendra si mêler. Alors certes, on peut passer outre tout ça… en façade seulement car quoi qu'on en dise, on garde cet espoir de pouvoir revivre des moments intenses. Pourtant, je me demande s'il nous sera possible d'effacer tout à fait ces peurs et regrets. Car le noir arrive comme une tache mais ne disparaît pas tout à fait, il se dissipe peu à peu, non sans laisser quelques traces.

En ce qui concerne Ron, je te confirme tes doutes. Il m'assaille de hiboux pour enfin avoir la réponse à cette question de haute importance. Bon, je sais, peut-être pas à ce point là, mais des fois j'en viens à me demander s'il ne serait pas amener à parier sur ma venue comme sur la victoire des Canons de Chudley au prochain championnat. Il y a de ça une chose agréable : il ne parle plus de cette idée de me rejoindre la où je suis. Je dois avouer que j'en suis rassuré mais… la déception est un sentiment qui ne s'explique pas n'est-ce pas ? Car oui je suis un peu déçu… Non finalement, je suis totalement ravagé par ce sentiment de solitude. Bien sûr que je ne veux pas le voir se mettre en danger. Mais j'espérais tellement qu'il soit si sûr de lui que je n'ai pas à me poser la question. J'aurais voulu ne pas avoir le choix, en quelque sorte. J'en viens vraiment à penser des choses idiotes.

Je vais te laisser sur ses mots avant de dire d'autres choses si pitoyables. Mais c'est le cœur léger que j'imagine cette lettre atteindre le Terrier, car c'est sans doute la dernière avant qu'enfin tes yeux puissent se poser sur les miens et emplir mon âme d'une agréable sensation de privilège.

H.P.