Chapitre 25

Malva émergea doucement du monde des rêves. Sa joue cognait quelque chose de dur et froid et elle se rendit compte qu'un des monstres la portait en travers de son épaule recouverte d'une couche de crasse aussi dure qu'une armure. Elle bougea lentement la tête et vit Zelda, elle aussi portée comme un vulgaire sac. Le cœur de la fillette se serra à la vue du visage de son amie. Ses cheveux habituellement si magnifiques étaient plein de boue et de sang séché. La poussière recouvraient chaque centimètre de sa peau.

Malva sentit son porteur pivoter sur lui-même. Bien que sa vue était limitée, la petite fille devina que le chef des monstres parlaient à sa troupe. Son porteur se mit à courir très vite. Celui de Zelda également. Ils parcoururent plusieurs couloirs avant d'arriver devant une grande porte en bois sur laquelle étaient dessinés des rosaces et toutes autres formes géométriques. La porte s'ouvrit toute seule et ils entrèrent.

La fillette reposa ses yeux sur Zelda qui avait repris connaissance et qui lui souriait tristement. Ensuite, Malva regarda autour d'elle. La pièce était richement décorée. Des tentures de toutes origines avaient été accrochées aux murs. On ne voyait plus le plancher tant il y avait de tapis. Des sculptures qu'on aurait cru vivantes tellement elles étaient colorées reposaient tout autour d'eux.

L'immonde bête posa brutalement Malva par terre. Zelda subit le même traitement de choc. La petite fille vint instinctivement se placer à côté de la princesse qui la serra contre elle. Les monstres sortirent, laissant les deux filles seules.

- Ca va, tu n'as rien ? demanda Zelda tout prenant la fillette par les épaules.

- Je vais bien, répondit-elle d'une voix claire, mais toi, tu n'as pas l'air de bien te porter.

C'était bien vrai. Zelda était sur le bord de l'évanouissement tellement elle état exténuée et tellement elle s'était débattue. Mais elle faisait tout son possible pour rester consciente. Pour Malva. Et aussi parce qu'elle n'était pas sûre de se réveiller si elle fermait les yeux…

- Zelda ? Qu'est-ce qu'il y a ?

La princesse se tourna vers la fillette, et lui sourit.

- Tout va bien ma puce. Mais…

Un point lumineux attira l'attention de Zelda. Elle se dirigea vers la source de lumière puis s'arrêta brusquement, le souffle coupé.

Devant elle se dressait un autel, en pierre, recouvert de velours bordeaux. Et dessus reposait un cristal octogonal, et pas plus grand qu'une main d'enfant. Mais pourtant, c'était de lui qu'émanait toute cette lumière... C'était le Cristal des Déesses.

- Oh, par toutes les déesses de tous les mondes…

- Zelda ? Qu'est-ce que tu…

Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase. Un homme encapuchonné venait d'entrer dans la salle, et il s'avançait vers elles. L'Hylienne prit la main de Malva et la serra, comme pour la rassurer. La petite leva les yeux vers elle et dit dans un souffle :

- Qu'est-ce que c'est sur ta main ?

Zelda baissa les yeux sur sa main gauche. Le signe de la Triforce brillait tellement qu'elle devait plisser les yeux pour bien voir. Son regard passa de sa main à l'inconnu. Mais qui était-il ?

- Nos chemins se recroisent enfin, princesse de la Destinée, dit l'homme d'une voix grave. Quelle joie de vous revoir, toi et ta Triforce Sacrée…

Les sourcils de la jeune femme disparurent dans les mèches de cheveux qui recouvraient son front. L'allusion à la Triforce de la Sagesse ne prévoyait rien de bon.

- Qu'est-ce que vous nous voulez ? Et puis qui êtes-vous ?

L'inconnu éclata d'un rire qui rendit Zelda perplexe. Non, cela ne pouvait pas être vrai… Il n'était plus dans leur dimension… L'homme se débarrassa de sa cape et Zelda ne put s'empêcher de pousser un cri. Ce teint mat, cette chevelure rousse, ces yeux flamboyants de haine et ce rictus cruel… Non, c'était impossible !

- Ganondorf !

.oOo.

Link, Liliane et Liros suivaient Zelda, Malva ainsi que les monstres. Ceux-ci faisaient tellement de bruit que ce n'était même pas la peine de se montrer discret. Les trois compagnons auraient pu chanter à tue-tête que cela ne se serait même pas entendu. Liliane fit soudain signe aux deux autres de s'arrêter et elle se plaqua contre le mur. Leurs ennemis venaient de s'arrêter, car ils avaient été rejoints par un de leur semblable, qui leur parlait à toute vitesse. Les porteurs de Zelda et Malva passèrent tout près des trois amis ( qui faillirent être découverts ) et coururent sans plus attendre.

Link fut soudain pris d'une rage sans nom. Zelda, sa Zelda, venait d'être enlevée, ainsi qu'une fillette qui n'avait jamais demandé à avoir un don de résurrection et qui n'avait jamais rien fait à ces montres ! Le héros d'Hyrule dégaina son épée et fonça vers ses ennemis, sans réfléchir. Il fallait qu'il frappe quelqu'un, qu'il atténue la fureur qui emplissait son cœur. Liliane et Liros le regardèrent passer, et, instinctivement, sortirent eux aussi leurs armes.

- Rejoins-le, je vais les tuer à distance. Et … Fais attention à toi.

- Promis ! s'écria la jeune fille avant de partir au secours de son frère.

Liliane sauta sur un des montres et le trancha en deux. Elle fit un bond de côté pour éviter un coup et décapita son agresseur en hurlant.

Link divisa en trois le monstre le plus près de lui. Du plat de son épée, il en assomma un deuxième et hurla tout en se jetant près de Liliane avant de tuer un troisième ennemi, sauvant la vie de sa sœur.

Dès que Liros n'eut plus de flèches, il dégaina et fonça aux côtés de ses amis.

Quelques minutes plus tard, aucun des monstres n'étaient vivants. Liliane, essoufflée, enleva la sueur de son front et rengaina, avant de se tourner vers son frère. Celui-ci était dans une rage sans pareille. Pendant la bataille, il avait lutté comme aucun homme n'aurait jamais lutté Ce n'était plus lui qui se battait, mais un animal, oublieux des règles tant de fois apprises à l'entraînement, frappant du poing, du pied, dans la mêlée furieuse d'un combat à mort, sans même essayer de savoir si Liliane était encore vivante. Link était devenu ce que les hommes appelaient un « berserker », un fou de guerre, inconscient du danger, insensible aux assauts de ses ennemis.

- Link !

La voix tremblante de Liros brisa le silence, et Link se tourna lentement vers lui. L'Elfe recula, pris de frayeur. Les yeux de Link, habituellement bleu, avait pris une couleur jaune. Une aura de puissance entourait l'Hylien, et sa Triforce brillait intensément sur sa main. Même Liliane n'osait l'approcher.

- Venez, dit le héros d'Hyrule d'une voix tranchante, il faut les retrouver.

.oOo.

- Non ! C'est impossible ! Ton esprit était scellé, Ganondorf ! Tu ne pouvait pas t'échapper !

Zelda recula, comme sous l'effet d'un coup de poing. Malva serra sa main dans la sienne, inquiète du comportement de son amie.

- Ici, on ne m'appelle pas Ganondorf, Zelda.

- Ah oui ? On t'appelle « Seigneur de Terres d'Hyrule », peut-être ? dit-elle sarcastiquement.

Ganondorf se contenta de sourire.

- Oh non. On m'appelle Tritian.

Là, Zelda perdit instantanément son sens de l'humour, ainsi que son sourire. Elle fixa Ganondorf avec de grands yeux, ce qui le fit éclater de rire. Il plongea la main sous sa cape et en ressortit un médaillon en or, sur lequel la Triforce avait été gravée.

- Tu ne dis plus rien maintenant, hein ?

Il rit encore et s'approcha de l'autel. Instinctivement, Zelda s'interposa, ainsi que Malva.

- Tu ne toucheras pas à ce cristal, espèce de démon !

Ganondorf sourit, avec un air qui ne présageait rien de bon. Il leva la main gauche, où sa Triforce brillait, et la princesse se sentit soulevée dans les airs. Elle flottait à quelques mètres du sol. Le sourire de l'homme s'élargit et il abaissa brusquement la main. Zelda s'écrasa par terre et s'évanouit pour de bon.

- Zelda !

Malva se précipita près de la jeune Hylienne. Elle lui prit la main. Celle-ci était glacée. Ganondorf les observa un moment et tendit la main pour prendre le cristal.

- Non !

La fillette avait suivi l'homme des yeux. Sans réfléchir, elle avait couru et lui avait sauté dessus. Elle n'était pas lourde, au contraire, c'était un poids plume, mais elle s'en fichait. Elle voulait lui faire du mal, elle voulait lui faire payer. Malva, accrochée au cou de Ganondorf, cria et le mordit jusqu'au sang. Celui-ci, surpris, poussa un grognement et essaya de la faire tomber. En vain. Mais la petite fille avait réussi : il ne s'intéressait plus au cristal.

Tandis que Ganondorf se débattait avec Malva, la porte s'ouvrit silencieusement. Liliane, Liros et Link entrèrent dans la salle sur la pointe des pieds, leurs armes tachées de sang en mains. Link se précipita au côté de Zelda, sans se soucier d'autre chose. Liliane le rejoignit sans jeter un regard à Malva et Ganondorf. Quand à Liros, contrairement à ses amis, il reconnut l'homme qui était devant lui. Ses yeux s'agrandirent de stupeur. Il savait qui était Ganondorf. Il avait déjà vu son visage. Il ne s'en souvenaitque trop bien. Les yeux de l'Elfe se brouillèrent, et il sentit ses émotions le rattraper à vitesse grand V. Il battit des paupières pour chasser les larmes qui lui montaient aux yeux et s'approcha en silence de l'autel. Le cristal n'avait pas bougé. Liros hésita, puis s'en empara.

- Tu as perdu, Ganondorf.

Instantanément, Liliane et Link se tournèrent vers lui, ainsi que Zelda, qui venait de se réveiller. Malva descendit du dos de Ganondorf et celui-ci se tourna vers l'Elfe.

- Tu en est sûr ? Je pourrais très bien le reprendre.

Les deux s'affrontèrent du regard. Link et Liliane n'en revenaient pas. Comment Ganondorf pouvait-il être ici ? Zelda s'approcha d'eux et leur expliqua la situation en quelques mots. Puis tous trois reportèrent leur attention sur Liros et Ganondorf.

- Cela faisait tellement longtemps, dit Liros, un rictus effrayant aux lèvres. J'ai tellement attendu de pouvoir les venger. Aujourd'hui, Elina pourrait dormir en paix dans son cercueil, et Gael n'aura plus aucune honte.

- Tu crois pouvoir les venger ? Leurs… parents ? dit Ganondorf en désignant les faux jumeaux, qui étaient ébranlés. J'ai le médaillon sur moi. Je suis le chef d'une armée. Tu ne peux rien contre moi.

Si la révélation troubla Liros, il n'en montra rien. Il lança à Liliane et à Link un regard d'excuse. Mais la jeune fille, prise par un vague de fureur, se planta devant eux et s'exclama :

- Non mais c'est quoi ce bordel ? Toi, donne-moi ça ! continua-t-elle en prenant le cristal des mains de l'Elfe.

Elle se tourna ensuite vers Ganondorf.

- Et toi, espèce de décérébré mental bon pour l'asile psychiatrique des seigneurs des ténèbres déchus, je te jure que si tu ne rentre pas dans le sceau des sages tout de suite, ta tête ne restera pas longtemps sur tes épaules !

Si la situation n'était pas aussi dramatique, tout le monde aurait éclaté de rire. Mais Liliane était très sérieuse et ses amis savaient parfaitement que son avertissement n'avait pas été dit en l'air. Néanmoins Ganondorf sourit, ce qui fit enrager la jeune Gerudo. Elle poussa un cri inhumain et envoya son poing dans la figure de l'ex seigneur des ténèbres. Son poing qui tenait le cristal. Celui-ci écorcha la peau de Ganondorf avec l'un de ses sommets, et un long filet de sang coula sur sa joue. D'une voix tremblante de fureur, Ganondorf dit :

- Tu as un courage sans pareille, Liliane, descendante de Morigan, première elfe sur terre. Mais cela ne suffit pas. Sais-tu te servir de ton médaillon ?

La jeune Gerudo s'immobilisa. Non, elle ne savait pas se servir de son médaillon. Elle ne connaissait pas ses pouvoirs. Mais Ganondorf n'eut pas le temps de remarquer son trouble, car Liros cracha avec rage et dégoût :

- Comment oses-tu prononcer le nom de Morigan ? Comment oses-tu souiller son nom, sale chien de Karia ?

Link se releva et fit signe à Zelda et Malva de s'éloigner. Liros tremblait de fureur et les yeux de Liliane passait de son visage à celui de Ganondorf. Celui-ci, avec un sourire démoniaque, claqua des doigts. Aussitôt, plusieurs monstres apparurent aux côtés des cinq compagnons. Ceux-ci se défendirent tant bien que mal, mais leurs ennemis étaient trop nombreux et bientôt ils furent chacun encerclés. Ganondorf s'approcha de Liliane, lui arracha le cristal et plongea son énorme main sous la chemise rouge de la jeune fille, qui se débattait comme elle pouvait. Mais les monstres lui tenaient les bras. Ganondorf sourit encore, d'un sourire avide et pervers, et balada sa main avant de la remonter. Il avait trouvé le médaillon. Il approcha son visage de celui la Gerudo et son sourire s'élargit.

Link essaya en vain de rejoindre sa sœur et de retirer la main de l'ex seigneur des ténèbres de sa poitrine. Cela le dégoûtait de voir Ganondorf mettre ses mains où il voulait. C'était …répugnant ! Et rien qu'à voir la tête de Liliane, on pouvait deviner ce qu'elle ressentait en ce moment. Elle qui avait vécu rien qu'avec des femmes, elle qui autrefois méprisait les hommes, elle, se faisait toucher par Ganondorf !

Le héros d'Hyrule tourna la tête vers Liros. Des larmes de fureur et de désespoir coulaient sur son visage, et il faisait tout pour échapper aux monstres qui le retenaient. Link fut surpris. Liliane devait vraiment compter pour lui. En désespoir de cause, Liros cria :

- Ote tes sales pattes d'elle, sale chien des enfers !

Ganondorf se tourna vers l'Elfe, et ricana.

- Tu n'aime pas que je fasse ça, pas vrai ?

Ganondorf se pencha vers Liliane et approcha une nouvelle fois son visage du sien. Mais la jeune fille lui cracha au visage et il la gifla si fort que si les monstres ne la retenaient pas, elle serait tombé par terre.

Si un regard pouvait tuer, Ganondorf serait mort. Liros le regardait avec tant de haine ! L'ex seigneur des ténèbres sourit et prononça quelques mots dans une autre langue. Mais la seule chose qui arriva, ce fut le rire de la jeune Gerudo.

- Ganondorf, tu es vraiment pathétique ! Tu as peut-être mon médaillon, mais tu ne sais pas contrôler son pouvoir…

Liliane avait dit tout ça d'une voix étouffée, comme si elle avait quelque chose dans la bouche. Ce qui était le cas. Ce qu'elle tenait entre ses dents … était le médaillon de Ganondorf ! D'un mouvement de tête, elle lança le médaillon à son frère qui, dans un énorme effort, avait sauté, se détachant des monstres. Il attrapa le médaillon et l'accrocha à son cou. Profitant de l'effet de surprise, Liros envoya balader ceux qui le retenait et arracha le cristal des mains de Ganondorf. Celui-ci dégaina et essaya de frapper l'Elfe, mais sans succès. Zelda frappait avec des boules d'énergie tous ceux qui s'approchaient d'elle et de Malva, et Liliane comptait le nombre d'ennemis qu'elle tuait.

Dans tout ce raffut, seul Link restait calme. Il n'y avait que ses yeux qui montraient sa colère. Il s'approcha tant bien que mal de Ganondorf et, soudainement, ses yeux se révulsèrent. Il ouvrit la bouche et dit :

-Byrnan nith !

Les monstres s'immobilisèrent tous, ainsi que leur chef. Il semblait aux bêtes que leurs corps se consumaient de l'intérieur. L'un d'eux voulut crier, mais ses cordes vocales brûlaient. Bientôt tous furent réduit en poussière. Ganondorf, lui, ne brûlait pas, mais ses muscles ne répondaient plus. Liros lui enleva le médaillon de Liliane et confia le cristal à Zelda. Link redevint normal et manqua de tomber par terre si Malva ne l'avait pas retenu. Quand Ganondorf put enfin bouger, il leva les mains au ciel et disparut, après les avoir maudit.

Les genoux de Link lui firent défaut, et il tomba par terre. Zelda accourut et lui releva la tête avant de l'enlacer et de l'embrasser longuement, tandis que Malva fermait les yeux, gênée. Liros s'approcha de Liliane. Celle-ci était épuisée, et se tenait à l'autel pour ne pas tomber. L'Elfe lui demanda de soulever ses cheveux et il lui accrocha le médaillon. Elle le regarda droit dans les yeux, puis le serra longuement dans ses bras, comme si sa vie en dépendait. Il lui rendit son étreinte, et l'entendit murmurer doucement : « je t'adore ». Le cœur de l'Elfe battait à une vitesse plus qu'anormale. Il releva la tête de la Gerudo et plongea son regard dans le sien. Elle pleurait presque. Ses yeux brillaient de larmes, et elle rapprocha son visage de celui de Liros, si près … mais une petite main tirait son pantalon. Elle baissa les yeux et vit Malva qui lui souriait timidement. Liliane se cala contre Liros et Malva se joignit à leur étreinte. Link sourit et refoula l'envie de poser toutes les questions qui lui traversaient la tête. Cela attendrait…