Le questionnement

Alma Jr ouvrit les yeux et vit Kurt la regarder en souriant.

«Quoi?» lui demanda Alma en fronçant les sourcils.

«Tu es si belle quand tu dors.» se contenta-t-il de lui répondre.

Il restèrent un moment à se regarder dans les yeux. La jeune fille de vingt et un an se dit qu'il n'avait pas été si romantique depuis de nombreux mois. Ils étaient mariés depuis un peu plus d'un an. Elle brisa ce moment de tendresse en regardant l'heure affichée sur son réveil-matin.

«Trois heures du matin!» s'exclama-t-elle. «Ah seigneur! Je n'arriverai plus à m'endormir et je dois aller travailler demain... ou plutôt tout à l'heure!»

Kurt se contenta de la regarder en souriant avant de lui répondre:

«Pourquoi ne prendrais-tu pas une journée de congé? On pourrait se payer du bon temps tous les deux. On ne se voit presque plus!»

Alma devait avouer que c'était vrai. Ils projetaient de fonder une famille, mais ils devaient d'abord économiser alors ils travaillaient tous deux sans arrêt. Elle aurait aimé accepter sa proposition...

«C'est tentant, mais je ne peux pas. Mon patron est si sévère!»

Son époux fronça les sourcils.

«Qu'il aille donc...»

«KURT! Je te prierais de respecter celui qui m'a permis d'obtenir un bon travail. Sans lui je serais toujours en recherche d'emploi, mais ce n'est pas le cas. Grâce à lui, j'ai un bon travail.»

Kurt leva les yeux au ciel.

«On ne peut pas dire que secrétaire est un travail si... valorisant!»

Sa femme lui jeta un regard noir.

«Nous en avons déjà parlé. C'est ce que j'aime, j'ai encore plusieurs échelons à gravir et...»

«Des échelons à gravir... DES ÉCHELONS À GRAVIR! Quels échelons? Une secrétaire, ça reste une secrétaire!»

Alma avala durement cette dernière réplique. Elle se leva et sortit de la chambre sans dire un mot. Elle entendit Kurt lui crier:

«Je m'excuse! Je suis allé trop loin...»

Elle l'ignora et alla se préparer un café. Après tout, elle ne se rendormirais pas.


Il était six heures du matin lorsque Kurt sortit de la chambre. Alma était toujours assise au comptoir en train de siroter son troisième café.

«Tu es là depuis trois heures?» lui demanda-t-il.

Elle répondit d'un hochement de tête. Il soupira.

«Écoute, j'étais fatigué, j'avais peu dormi, je ne pensais pas ce que j'ai dis.»

«Je sais. Ça fait mal quand même.»

Il sourit tristement.

«Je suis désolé.»

Il s'avança et la prit doucement dans ses bras. Elle se sentit un peu mieux. Il est vrai que lorsqu'il était épuisé, il était susceptible. Il l'était encore plus lorsqu'il était soûl. Depuis trois mois, il revenait souvent soûl à la maison. au début, elle ne s'était pas inquiétée, mais cela la troublait de plus en plus. La nuit précédente, il était revenu dans son état normal. Elle en était réjouie, mais il avait tout de même eut une crise de colère. Elle ne savait plus quoi faire. Kurt interrompit ses pensées en disant:

«Je crois toujours que tu devrais prendre une journée de congé. Même ton père le faisait. Tu m'as dis qu'il allait pêcher plusieurs fois par an.»

«Oui, mais ce n'était pas avec ma mère. Il y allait avec un ami... Jack Je-sais-plus-quoi.» répondit-elle.

Son mari sembla réfléchir avant de dire:

«Peut-être devrais-tu prendre une journée de congé que tu passerais avec tes amies, ta mère, je ne sais pas. Je crois que ça te ferais du bien de te reposer.»

Elle savait qu'il avait raison. Elle céda finalement.

«J'appelerai mon patron tout à l'heure.»

Kurt sourit.

«Bien. Passe une bonne journée. Je dois y aller.»

Il lui donna un baiser sur le front et retourna dans la chambre pour s'habiller.


Une femme aux cheveux bruns et se situant dans la mi-quarantaine sirotait une tasse de thé en regardant la télévision lorsqu'on cogna à la porte. Elle sursauta. Elle se leva et alla ouvrir. Quelle fut sa surprise de voir sa fille aînée dans le cadre de sa porte d'entrée.

«Alma? Que fais-tu là?»

«J'ai pris une journée de congé. Je voulais me reposer. Je te dérange?»

«Non! Pas du tout! Je suis contente que tu sois là. Entre!»

La jeune fille s'éxécuta et s'asseya sur le fauteuil que sa mère lui pointa. Sa mère s'asseya sur le divan à côté.

«Y a-t-il quelque chose qui ne va pas?» demanda Alma, la mère.

«Non. J'avais seulement envie de venir te voir.» répondit Alma, la fille.

La quadragénaire sourit à sa fille.

«Je t'en remercie. Je me sens un peu seule ces derniers temps.»

Un silence remplaça toute parole l'espace de deux ou trois longues minutes. Alma Junior fronça légèrement les sourcils avant de briser ce silence.

«À bien y penser, j'aurais quelque chose à te demander.»

«Quoi donc?»

La jeune fille prit une grande inspiration avant de parler.

«Ce matin, Kurt et moi avons parlé de papa. Je ne sais pas comment je suis venue à penser à cela, mais j'ai repensé à cette fois ou il était venu manger à la maison et qu'on vous avait entendu vous disputer. Il était reparti furieux.»

Elle vit que sa mère se crispait légèrement.

«Oui. Et alors?» demanda celle-ci.

«Je me demandais ce qui avait causé cette dispute.»

Cette fois, sa mère se crispa complètement.

«Ça n'a pas d'importance.» répondit-elle.

«Ça en a pour moi.» insista la jeune fille.

Alma la mère regarda le sol.

«Tu veux quelque chose à boire? Du café, du thé, de l'eau...»

Elle ne put terminer sa phrase car sa fille l'interrompit:

«Non. N'essaie pas de te défiler.»

La femme de quarante ans sut alors que sa fille ne lâcherait pas prise. Elle était si têtue. Par moment, elle ressemblait tant à son père...

«Écoute Alma, je crois qu'il faut que je te parle de quelque chose...»

«Je crois, oui.»

Sa mère prit une grande inspiration avant de reprendre la parole.

«Un jour, lorsque Jenny et toi étiez toutes petites, je suis allée chercher le courrier et une carte postale s'y trouvait. Ça venait d'un certain Jack. Lorsque ton père est revenu, je la lui ai donné. Son visage s'est illuminé d'un coup. Il l'a invité à venir le voir. Ton père m'a dit qu'ils iraient dans un bar et qu'ils reviendraient tard. Lorsque Jack Twist est arrivé, Ennis est tout de suite descendu l'accueillir. J'ai voulu aller le rencontrer à mon tour, mais ce que j'ai vu par la porte grillagée...»

Elle s'arrêta subitement, semblant avoir un flashback. Sa fille la regarda, ne sachant que trop penser. Si elle croyait qu'elle pouvait s'arrêter comme ça, sans lui dire ce qu'elle avait vu!

«Qu'as-tu vu?» demanda Alma Jr. avec une pointe d'impatience.

Sa mère leva les yeux afin de la regarder. Ce souvenir semblait la troubler au plus haut point, mais la jeune fille ne pouvait pas repartir sans en savoir plus.

«Maman! Qu'est-ce que tu as vu?» demanda-t-elle avec beaucoup plus d'insistance.

Alma la mère soupira, voyant bien qu'elle serait bien obligée de finir ce qu'elle avait commencé à raconter.

«J'ai voulu aller l'accueillir, mais lorsque je suis arrivée devant la porte grillagée, j'ai vu...»

«Ah non! Tu ne vas pas recommencer!»

Voyant que sa fille se fâchait, elle continua.

«J'ai vu ce Jack et ton père... en train... de s'embrasser.»