La suiiiiiiiite!
J'ai piqué les phrases de la signature de Kokoro sur le forum, je trouvais ça approprié. (Je n'ai même pas l'autorisation de Marie-chan, d'ailleurs...)
On a donc un Rufus en fugue!
Quinze ans
-Monsieur, monsieur! Vous êtes perdu?
Je me retourne vers la voix qui m'a appelé. C'est un vieil homme, chauve mais barbu, ridé mais droit. Un vrai visage d'ancien marin à la retraite. Son aspect contraste avec celui des vacanciers jeunes et bronzés, mais je ne suis pas très bien placé pour parler. Moi aussi je dois avoir l'air étrange, avec mes lourds vêtements de voyage dont une cape sale et déchirée, mes cheveux en pagaille et mes bottes tachées de boue.
-Non, pas vraiment, je viens juste d'arriver à Costa.
-Vous avez l'air d'un voyageur, pas d'un vacancier, dit-il en pointant les deux gros sacs dans mon dos, sacs qui rassemblent toutes mes possessions.
-C'est juste, mais là je dois me trouver un travail, je n'ai même plus de quoi me payer à manger pour ce soir. Je suppose que je devrai me pêcher un petit quelque chose…
-Tu sais pêcher?
-Oui, j'ai appris il y a un an…
Il me fait signe de le rejoindre, mais je ne bouge pas, pas encore.
-Viens, mon frère cherche des pêcheurs pour son bateau, tu seras bien payé, viens, le jeune homme!
Ça se passe toujours comme ça où que j'aille, à croire que j'ai une bonne tête. On m'a déjà dit que j'avais le visage d'un ange dépenaillé, ça doit être ça…
Je suis le vieil homme dans les ruelles minuscules de Costa del Sol, dans les vrais quartiers, pas ceux des touristes. C'est fou ce que cette ville peut être sale et laide lorsqu'on quitte le bord de la plage…
OoOoO
Les poches et le ventre pleins, je quitte la ville du soleil et du plaisir. J'ai l'impression que l'odeur du sel et des entrailles de poisson ne me quittera plus. Pourtant, je n'y ai passé qu'un mois…
C'est toujours comme ça, depuis deux ans ma vie est la même, où que j'aille. Je travaille, puis, quand j'ai assez d'argent, je pars. J'explore le monde qu'on a tenté de me cacher pendant si longtemps. Je l'étudie de bas en haut, surtout du bas.
J'erre! Pas de regrets car je n'ai rien à perdre, je vivrai ma vie comme je l'ai choisi. Jusqu'à ce que je tombe.
C'est fou ce que le fait d'être loin de mon père et de son autorité me fait du bien. J'ai l'impression que tout ce que j'ai vécu depuis la mort de maman et mon départ n'est qu'un rêve, qu'un jour je devrai bien me réveiller et reprendre ma place à ses côtés, mais… je n'en ai aucune envie.
La route vers le Cosmo Canyon est très belle… le soleil est rouge comme le feu, l'immense boule de chaleur va sombrer derrière les hautes falaises, et je vais devoir trouver un endroit pour dormir, à l'abri… évidemment, quand je m'arrête, il n'y a jamais trace d'un hameau, ni même d'une fermette isolée pour que je ne sois pas obligé de m'allonger sur la terre dure et bosselée… Peu importe, on s'y fait.
J'allume un feu pour me réchauffer et pour éloigner les bêtes sauvages. Au dernier village où je suis passé, un minuscule patelin nommé Gongaga, je me suis acheté de nombreuses cartouches pour mon fusil, mais j'aimerais bien les économiser pour le reste du voyage…
Je sens une ombre rôder autour du cercle de lumière formé par le feu. Je mets instinctivement la main sur mon fusil.
-Évidemment, dès que je me dis que je dois économiser mes munitions, il vient toujours un monstre pour que j'en dépense quelques unes…
Je sens la bête reculer. Ça leur a pris du temps, mais les animaux ont fini par comprendre ce qu'était un fusil et le danger que cela représente pour eux… mais la bête ne s'enfuit pas. C'est quand même surprenant.
-Bon, tu veux me tenir compagnie, on dirait, hum? Et t'es quelle sorte de monstre?
Je baisse le canon de mon fusil, et au bout d'une minute, la bête avance vers moi, très lentement. C'est une magnifique panthère noire. Je suis impressionné par la brillance soyeuse de son pelage, par l'éclat de ses yeux dorés, sa grâce purement féline… c'est beau, une panthère. Par contre, elle me semble un peu… petite. C'est sûrement une jeune… Ça expliquerait pourquoi elle s'est autant approchée de moi, un humain…
-On dirait bien que tu n'es pas exactement un monstre. Tu veux… manger?
Elle me regarde avec méfiance alors que je sors un bout de viande de mon sac. Lorsque je le tends, par contre, elle a l'air de plus en plus tentée, alléchée par l'odeur, elle s'approche doucement et finit par gober le morceau. J'ai tout juste le temps d'enlever mes doigts avant qu'elle les croque.
-Tu es gourmande, toi!
Elle reste là à me fixer. Étrangement, je me sens mal à l'aise. Je ne crois pas qu'elle me fera de mal, mais son regard doré est si étrange, si… lumineux… et soudain je comprends.
-Mako… tu t'es trop approchée d'un réacteur Mako, c'est ça?
Je suis certain qu'elle comprend ce que je lui dis, car elle hoche doucement la tête et cligne des yeux.
-Tu es toute seule?
Nouveau hochement de tête.
-Moi aussi. C'est pas toujours drôle, mais je me débrouille. Je dois toujours avancer, sinon mon père va me retracer… et ça, c'est ce que je veux éviter à tout prix. Mon père est plutôt méchant… c'est à cause de lui s'il y a des réacteurs de Mako qui ouvrent un peu partout, tu sais? Il s'est rendu compte que l'énergie rapporte plus que la guerre… et mon père aime l'argent. Je suis sûr qu'il a vendu son âme pour quelques Gils. Moi j'aime mieux la guerre. La guerre, la peur… c'est plus facile. Je n'ai rien à foutre de l'argent. Tu vois bien, je n'en ai pas besoin.
La panthère me regarde fixement, bougeant la tête de côté comme si elle comprenait ce que disais, les mots, mais pas tout le sens. Elle m'amuse.
La nuit est tombée sur le Cosmo Canyon, et seules la lune et les étoiles nous éclairent. Le pelage de la panthère semble bleuté, avec des reflets orangés du feu. Même si j'ai dormi souvent, presque trop souvent, à la belle étoile, le spectacle m'enchante toujours, particulièrement ce soir où le ciel est si pur. Cette nation sauvage et abandonnée a ses avantages : moins de pollution pour mieux respirer, paysages à couper le souffle pour le plaisir des yeux… Je me tourne à nouveau vers la bête.
-Est-ce que tu as un nom? On ne dirait pas… alors tu seras Dark Nation, d'accord?
En guise de réponse, elle fait glisser sa tête sur mon genou, puis se frotte le corps contre mon mollet. Je suppose qu'elle m'aime bien…
-Hé, Dark Nation? Tu veux vraiment me tenir compagnie?
Elle se frotte à nouveau contre moi. Je suppose que ça veut dire oui…
OoOoO
Je me relève, encore tout ensommeillé, les paupières collées par la rosée. Le feu allumé la veille n'est plus que cendres fumantes. À côté de moi, Dark Nation monte la garde, comme d'habitude. Depuis que nous menons une vie commune, je m'étonne à chaque jour de ses capacités. Elle n'a pas besoin de dormir, nous communiquons facilement, et elle me défend non seulement avec ses griffes, mais aussi avec des sorts. Elle a été exposée à la Mako encore plus que je l'imaginais au début…
-Alors, il s'est passé quelque chose cette nuit? Tu as fait des trouvailles intéressantes?
Elle me pointe deux corps de lapins. Apparemment, elle a été chasser.
-Parfait, ça nous fera un excellent déjeuner! J'en prends un et je te laisse l'autre, d'accord?
Évidemment, elle est d'accord. Je l'adore. C'est la première fois que j'ai ce genre de relation avec une personne… une relation d'amitié… il n'y avait qu'avec maman que…
-Je t'ai déjà parlé de maman, Darken?
Elle relève la tête, le sang du lapin dégoulinant de sa gueule.
-Ma maman est morte il y a deux ans. C'est mon père qui l'a tuée, et moi j'ai dû abréger ses souffrances. C'est affreux, non? Parce que je l'aimais tellement, ma maman…
Dark Nation s'approche de moi. Je lui flatte machinalement la tête.
-Si tu savais à quel point elle me manque… heureusement que tu es là…
Il fallait bien qu'ils se rencontrent, ces deux-là... même si ça fait un peu trop Disney >
