J'avais trop envie de cette rencontre, même si elle ne veut pas dire grand-chose, à part un déclic. C'est tout sauf un pairing, ça me satisfait beaucoup.
Dix-sept ans
Je suis fatigué… je tourne en rond…
OoOoO
-Là-bas, c'est Nibelheim, Darken. Je vais y passer quelques semaines, peut-être une lune ou deux.
Je prends sa belle tête entre mes mains et j'embrasse son front pour la rassurer. Chaque fois, c'est la même chose, et quand elle me regarde avec ces yeux-là, je me sens coupable de la laisser ainsi.
-Tu sais très bien que je ne t'abandonne pas! Mais j'ai besoin de gagner de l'argent, je n'en ai plus! Je vais revenir, c'est promis.
Elle comprend. Elle est raisonnable. Ce n'est pas la première fois que nous devons nous séparer : je ne peux pas emmener une panthère en ville, et de toute façon, elle ne s'y sentirait pas bien. Elle le sait. Mais elle a quand même de la peine, et je déteste ça. Et moi aussi j'ai de la peine.
Je la serre contre moi, je flatte son brillant pelage noir, puis je me relève, je place le capuchon sur ma tête de façon à cacher mon visage, et je m'engage sur la route qui me mènera à Nibelheim.
OoOoO
Les gens me regardent curieusement. C'est toujours comme ça dans les petites villes : tout le monde se connaît, et moi je suis un étranger, un vagabond qui cache son visage. Un mystère sans nom. Un ange déchu.
Je n'ai plus le choix de me cacher : mon père a envoyé des SOLDIER pour me retracer, ils m'ont déjà repéré plusieurs fois sans jamais m'attraper. Mais même si j'ai toujours pu leur échapper, ils ne lâcheront pas ma trace de sitôt. Pourquoi mon père a-t-il besoin de moi? Je reviendrai vers lui un jour, mais… je ne suis pas encore prêt. Il devrait le savoir…
Justement, j'aperçois un SOLDIER au bout de la rue, merde… J'entre dans un magasin avant qu'il me voie.
-Bonjour monsieur!
Je sursaute. Ce n'est pourtant que la voix de la vendeuse… Que je déteste me sentir traqué, ça me rend nerveux… je me tourne vers elle et je regarde son stock. J'achète une Potion avec les quelques Gils qu'il me reste, pour ne pas sembler louche d'entrer sans rien acheter, puis je feins de m'intéresser au kiosque d'armes au fond du magasin quand la SOLDIER passe près de la vitrine.
-Vous êtes intéressé par les fusils, on dirait…
-Oui, le mien commence à s'user… mais je ne suis pas bien riche, alors…
-Hm.
Le marchand retient un commentaire désobligeant. S'il savait qui je suis…
Je remarque une affichette posée sur le comptoir. Je relève un peu mon capuchon et je pointe l'annonce.
-Vous cherchez un vendeur pour vos armes?
-Intéressé? Il faut s'y connaître…
-Si vous vous fournissez à la Shin-Ra, c'est certain que je m'y connais.
Le marchand teste mes connaissances pendant un bon moment. Je réponds facilement, presque sans réfléchir. Évidemment, comme tout le monde, il se fournit à la Shin-Ra. Je connais les armes de mon père par coeur – j'ai toujours aimé ça. Même si la Compagnie s'est davantage tournée vers la production d'énergie Mako depuis la fin de la guerre de Wutai, on sait toujours comment les faire, et bien les faire…
C'est bien mon père, ça. L'argent, toujours l'argent, peu importe le moyen. Que j'ai hâte à la prochaine guerre… il faut que tout ça bouge pour avancer. Son empire stagne déjà. Quand je vais hériter de tout ça, je…
Non. Ne pas penser à ça. Pas encore. Pas encore…
-T'es fort, gamin. Je t'engage, reviens demain, habillé proprement, d'accord?
-Pas de problème.
OoOoO
Pas de clients. Je m'ennuie, mais au moins je suis au chaud. L'hiver commence, le vent des montagnes est plutôt frisquet. Je m'occupe en nettoyant les épées dans le présentoir, jusqu'à ce qu'elles brillent.
Je sursaute en entendant la clochette de la porte tinter. Une cliente! Jeune et jolie en plus… très « voluptueuse » pour son âge. Je lui fais un large sourire, mais cela n'efface pas la tristesse sur son visage. C'est probablement la fille de madame Lockheart, qui est morte il n'y a pas très longtemps – j'ai vu le cortège sur la place publique… Tifa Lockheart… on ne dirait pas qu'elle sort tout juste du coma. Qu'elle est belle – et triste!
-Bonjour! Comment puis-je vous aider?
-Je voudrais un gant de combat de bonne qualité.
Je lui montre différents modèles. Elle fait des arts martiaux, elle?
-Je vais prendre celui-là, dit-elle en me pointant une des meilleures paires, de couleur rouge.
-C'est un bon choix. Désirez-vous autre chose?
-Non merci.
Je prépare la facture et je tente d'engager la conversation. Je ne veux pas m'attacher – ce n'est qu'une fille – mais elle semble si malheureuse…
-Vous êtes une élève de maître Zangan?
-Oui… il aime beaucoup m'entraîner. Il dit que je suis sa meilleure élève.
-Si vous vous battez bien, vous pourriez tenter de vous inscrire dans le SOLDIER…
-Non.
Elle me jette un regard désespéré. Je sens mon coeur se serrer un peu.
-Pourquoi?
-J'ai un ami qui est parti dans le SOLDIER, hier…
-Alors vous pourriez vous retrouver, non?
-Je ne veux pas… le trahir… il faisait ça pour moi…
Pauvre fille, elle est tellement perdue… on dirait qu'elle a perdu tous ceux qui l'aimaient vraiment, et je ne peux rien faire pour elle. Je lui tends ses gants en lui faisant un sourire compatissant, elle baisse les yeux et me donne le montant exact pour payer. Je lui dis au revoir. Elle ne répond pas et s'en va d'un pas pressé.
OoOoO
Je regarde à la fenêtre de la petite chambre que je loue. Une fine neige tombe, sèche, piquante. J'ai froid; ma chambre est à peine chauffée, et je dois m'enrouler dans mes couvertures pour trouver un peu de confort. Du café me brûle la langue, mais ne me réchauffe pas.
Je ne suis là que depuis deux semaines, j'ai déjà envie de partir. Ma place n'est pas ici – ma place n'est probablement pas en ce monde. Mais dès que mes yeux se posent sur la route, je dois retenir un haut-le-coeur.
Je dois me rendre à l'évidence : j'en ai assez. C'est terminé. Je ne sais pas pleurer sur mon sort et ma solitude comme la fille Lockheart, mais je sais qu'aujourd'hui j'ai touché le fond de quelque chose. Peut-être à cause d'elle, de sa beauté et sa tristesse. Peut-être pas. Au fond je m'en fous.
Tu dois être content, hein, père? Quatre ans.
Tu vas me ravoir. Je vais rechercher Dark Nation, puis je vais me rendre aux SOLDIER qui hantent la ville.
J'en ai assez.
