Chapitre 10 : incertitude

Kate ferma les yeux, attendant que la douleur l'envahisse. Mais rien. Elle aurait dû se plier en deux, elle devrait déjà être à terre. Mais rien, aucune douleur. Pourtant, il venait tout juste de tirer sur elle, elle en était sûre, ils avaient tous trois entendu le coup de feu partir. Elle sentit le T-shirt qu'elle portait devenir humide. Elle devait saigner, mais elle ne ressentait toujours aucune douleur. Elle leva les yeux vers Gibbs, qui n'avait pas bougé, dépassé et impuissant face à ce qui venait de se passer, espérant trouver une quelconque réponse. Peut être avait-il tiré dans sa colonne vertébrale, sectionnant la moelle épinière et l'empêchant de ressentir la moindre douleur, ou peut être que tout cela n'était qu'un affreux cauchemar et qu'elle se réveillerait bientôt chez elle, en sueur. Seulement, le sang qui collait le T-shirt à sa peau la ramena à la réalité. Elle ne rêvait pas. La panique commença alors à l'envahir, et des dizaines de pensées incohérentes se bousculèrent dans son esprit. Que penserait son frère quand ils iraient lui annoncer qu'elle était morte en mission, en 'servant son pays'. Il l'avait prévenue pourtant, il avait essayé de la dissuader de rejoindre les services secrets. Peut être aurait-elle dû l'écouter. Et que penseraient Abby, Tony, Ducky, McGee, et Gibbs ? Gibbs... Elle n'avait pas été honnête avec lui, par fierté elle lui avait caché des choses qui maintenant allaient lui coûter la vie, et probablement la sienne aussi. Pourquoi fallait-il toujours qu'elle prétende être forte et sans peur quand il était là ? Elle aurait dû lui dire qu'elle était malade, elle aurait dû lui dire qu'elle ne pouvait pas faire cette mission, qu'elle avait besoin de soins, qu'elle n'allait pas bien, elle aurait dû lui dire tant de choses... Ses yeux croisèrent les siens à nouveau. Cette fois-ci, il n'y avait plus de barrières. Elle pouvait enfin lui avouer ce qu'elle avait longtemps refusé d'accepter elle-même, elle l'aimait, et même si elle n'avait pu voir cet amour qu'une poignée de secondes dans ses yeux, il avait existé. Elle continua de le fixer, contemplant une dernière fois son visage. Puis elle sentit la main du lieutenant se crisper autour de sa taille avant que sa prise ne se relâche lentement. Puis tout s'éclaira, et elle sentit soudain la pression des derniers instants disparaître. Elle ne saignait pas, elle n'avait aucune raison d'avoir mal, il n'avait pas eu le temps de tirer. Le sang qu'elle sentait couler sur sa peau appartenait au lieutenant. Elle tourna la tête vers Gibbs, espérant trouver une réponse, mais celui-ci fixait quelque chose derrière elle. Elle se retourna et le corps sans vie du lieutenant tomba à terre. Là, juste devant la porte du bureau, se tenait Jessica, un fusil entre les mains. De violents spasmes la secouaient alors qu'elle fixait en larmes le corps son mari. Kate vit Gibbs reprendre ses esprits et pointer son arme sur la jeune femme. Elle ne pouvait pas le laisser abattre la jeune femme, ils n'avaient rien à craindre d'elle. Un mort suffisait amplement, elle refusait de faire couler plus de sang. Se forçant à rester clame, Kate s'approcha lentement de la jeune femme.
" Jessica, tout va bien, c'est fini maintenant. Pose cette arme, on ne te veut aucun mal. "
" Je... je ne pouvais pas le laisser vous tuer comme ces autres marin's. Je ne voulais pas... mais il... je... il est mort, hein ? Je l'ai tué. J'ai tué le seul homme que j'aie jamais aimé. "
" Je suis désolée Jessica. "
" Ca ne changera pas ce qu'il a fait, ce que je viens de faire. Ca ne me le rendra pas non plus. "
" Je sais. "
Jessica déposa lentement son arme au sol, les yeux toujours rivés sur le corps de son défunt mari. Elle éclata alors en sanglots et se laissa tomber à genoux, les larmes inondant son visage. Kate s'approcha d'elle, tendit le fusil à Gibbs qui se tenait juste derrière elle et prit la jeune femme dans ses bras. Elles restèrent ainsi jusqu'à l'arrivée, quelques minutes plus tard, de Tony et McGee avec plusieurs hommes armés. Leur maison avait été mise sur écoute et ils avaient certainement dû entendre le coup de feu ; après tout, Jessica avait tiré avec un fusil. Gibbs raconta succinctement les événements des dernières heures avant d'emmener Jessica à l'extérieur pour la conduire vers l'ambulance qui venait d'arriver. Seule, assise par terre au milieu de la pièce où bientôt défileraient médecins légistes et officiers de polices, Kate se sentit affreusement vide. Elle avait désespérément besoin d'aide mais Gibbs était parti, sans lui adresser un mot, sans même la regarder. Puis, lentement, elle commença à réaliser ce qui venait de se passer. Elle avait vu la mort de près, trop près. Sa respiration se bloqua au simple souvenir de ces quelques minutes de doute. Elle suffoqua, incapable de contrôler sa respiration, elle voulut appeler à l'aide mais elle était seule. Il n'y avait personne pour s'occuper d'elle. Les larmes inondèrent son visage et elle se laissa aller contre un mur.

Lorsqu'elle reprit conscience du monde qui l'entourait, Kate se tenait au milieu de son appartement, plongée dans le noir. Elle s'assit sur le canapé et regarda d'un air absent les lumières de la ville. Elle ne savait pas exactement comment elle était arrivée là. Tony l'avait trouvée en pleurs dans le salon des Finchs et, après avoir tenté en vain de la calmer, il lui avait proposé de la ramener chez elle. Et maintenant, elle était là, perdue, seule à nouveau, avec comme unique repère l'heure qui semblait s'être figée. 03:47. Le soleil se lèverait dans une poignée d'heures et une nouvelle journée fade et sans intérêt commencerait. Elle ne dormirait pas, elle n'essayerait même pas, elle avait trop peur de vivre à nouveau en rêve les événements des dernières heures. Kate se leva péniblement et se dirigea sans conviction vers la cuisine. Elle sortit une tasse et comme un automate, mit la machine à café en marche. Elle n'avait pas vraiment conscience de ce qu'elle faisait, elle était dans un état second, incapable de passer outre cette sensation d'impuissance qui l'avait envahie au moment où elle avait entendu la détonation. Elle avait besoin de paix, de calme, pour faire le point sur ses sentiments, prendre une décision, mais elle ne cessait de revivre cette scène, d'entendre encore et toujours le bruit sec de l'arme. Ce son la hantait, refusait de quitter son esprit, lui imposait de rejouer la scène, de ressentir la peur à nouveau. Elle attrapa sa tasse et but une gorgée du précieux liquide. Elle avait mal à la tête, toute cette pression, ce stress allaient la rendre folle. Elle se sentait prise au piège, incapable d'apaiser son esprit. Elle n'arrivait plus à pleurer, cela ne lui servirait rien, ça ne l'aiderait pas à aller mieux. Puis elle sentit ce mal être se muer lentement en douleur, une douleur familière et insupportable. Elle n'en pouvait plus, elle était épuisée. Tout allait trop vite, il fallait gérer trop de chose à la fois. La panique l'envahit et sa respiration devint pénible et saccadée. La tasse lui échappa des mains et se brisa au sol, alors qu'un voile noir se posait devant ses yeux. Kate prit sa tête entre ses mains alors que des larmes aussi bien de douleur que d'impuissance coulaient sur ses joues. Elle se balançait d'avant en arrière, espérant ainsi atténuer la douleur, mais en vain.
Tout cela la dépassait, elle perdait tout contrôle, elle n'arrivait pas à se reprendre, à rationaliser comme elle savait si bien le faire. Elle agrippa un bout de la tasse qu'elle serra aussi fort que possible. Elle sentit la porcelaine transpercer sa peau et le sang couler le long de ses doigts. Mais la douleur lancinante ne s'arrêta pas pour autant. La pièce semblait tourner et elle se sentait doucement déconnecter avec la réalité. La douleur était tellement intense qu'elle ne n'arrivait plus à ressentir quoi que ce soit d'autre, elle plongea dans un état second, incapable du moindre mouvement avant de tomber inconsciente sur le sol.

Lorsqu'elle ouvrit les yeux à nouveau, le soleil venait à peine d'apparaître à l'horizon. Elle regarda autour d'elle, dans la lumière du petit matin, la pièce avait un côté rassurant et le silence apaisait son cœur. Elle aimait l'aube, le monde paraissait plus beau, plus innocent. Elle sourit, elle se sentait bien, le cœur léger, loin de... Son sourire s'effaça lorsqu'elle aperçut à côté d'elle la tasse brisée. Les souvenirs de la veille lui revinrent à l'esprit. Son cœur se serra. Elle revit la maison des Finch, sa crise, le coup... puis le corps. Elle eut soudain un haut le cœur, et courut vers la salle de bain. Son mal de tête revenait, et l'idée même de voir de la nourriture lui retournait l'estomac. Cette histoire la rendait malade, et si elle ne voyait pas un médecin rapidement, le stress des derniers jours et les crises, dont la fréquence augmentait, finiraient par avoir raison d'elle. Ignorant les vertiges qui l'empêchaient de marcher correctement, elle se dirigea vers le salon. Elle attrapa le combiné et composa le numéro de la seule personne qui, d'aussi loin qu'elle se souvienne, avait toujours été là pour elle. Elle avait besoin de soutien, de réconfort, d'un peu de chaleur, ce que Gibbs n'arrivait manifestement pas à lui donner. Elle avait besoin de quelqu'un de cher auprès d'elle. Elle tournait en rond, priant pour que quelqu'un décroche de l'autre côté. Il était à peine 7h, peut être était-elle encore là. Au moment où elle entendit sa voix lui répondre, elle respira à nouveau, sa douleur s'allégea un peu. Même si le ton de la jeune femme à l'autre bout du fil laissait clairement entendre que ce n'était pas le moment, elle se sentit emplie d'une énergie nouvelle.
" Quoi ? "
" Alicia, c'est moi. "
" Mon dieu Kate, ça fait bien un mois que l'on ne s'est pas parlées. Alors dis-moi, quoi de neuf ? "
" J'ai besoin de toi. Il faudrait que tu viennes à Washington le plus vite possible. "
" Que se passe-t-il ? C'est grave ? "
" Je ne sais pas encore mais quoi qu'il arrive j'aurai besoin de ton soutien. Mais... enfin si... si tu ne peux pas, ne t'inquiète pas, ça ira. "
" Je prends la route demain très tôt, je serai là vers midi. Où je te rejoins ? "
" Je... Je ne sais pas. Passe au NCIS, si je suis là, nous irons... je ne sais pas, on improvisera. Si tu ne me vois pas, demande à parler à Gibbs, dis lui qui tu es et demande lui où me trouver. Il saura. "
" Aucun problème. Mais Kate, je t'en prie, ne fait rien de stupide avant que j'arrive, nous verrons cela ensemble, comme d'habitude, d'accord ? "
" Tout ira bien. Merci Alicia. Je te revaudrai ça. "
" J'y compte bien. En attendant à demain. Fais attention à toi. "
" Toi aussi. "
Elle reposa le combiner et le silence qui régnait à nouveau dans l'appartement, toucha quelque chose en elle. La solitude lui pesait. Elle avait toujours imaginé que, arrivée à la trentaine, elle serait mariée et aurait une petite file ou un petit garçon qui courrait sans cesse et apporterait la bonne humeur, ou du moins qu'elle partagerait sa vie avec un homme, le bon. Mais elle n'avait jamais pensé qu'il y aurait ce vide immense dans sa vie, qu'elle aurait le cœur brisé, et que son travail prendrait tellement le pas sur sa vie personnelle. Et aujourd'hui, c'était la seule chose qui lui restait. Elle ressemblait un peu à Gibbs en définitive, à part le fait qu'elle avait baissé les bras beaucoup plus tôt. Elle essuya rageusement l'unique larme qui coulait sur sa joue et attrapa son sac et son manteau. Tout cela avait peu d'importance de toute façon, car si elle ne voyait pas un médecin au plus vite, elle n'aurait certainement plus à s'en faire.
Kate regarda dans son rétroviseur avant de doubler la voiture devant elle. Il était encore trop tôt pour qu'il y ait du monde sur la route, et à ce rythme, elle arriverait dans une dizaine de minutes devant les urgences. Bientôt, tout rentrerait dans l'ordre, sa vie reprendrait un cours normal, elle parlerait à sa sœur puis elle irait parler à Gibbs. Elle se sentait trop fragile pour le faire maintenant, mais elle savait, tout comme lui, que cette discussion viendrait, un jour ou l'autre. Gibbs... Il ne savait pas où elle allait ce matin, il l'attendrait au bureau. Seulement, il se pourrait qu'elle passe des heures à l'hôpital, et si elle ne voulait pas envenimer la situation, elle devait l'appeler, le prévenir. Il n'avait pas besoin de tout savoir, elle devait juste l'informer de façon polie, et si possible sans laisser transparaître le fait qu'il l'avait blessée, qu'elle ne viendrait pas ce matin. Elle n'avait pas de comptes à lui rendre, pas après qu'il l'ait laissée seule quand elle avait vraiment eu besoin de lui après le coup de feu. Elle ne lui donnerait aucune raison, lui ne s'était pas demandé si elle allait bien la nuit dernière, si elle tenait le coup. Il avait été clair, maintenant que la mission était finie, c'était de nouveau chacun pour soi. Le feu devant elle passa au rouge, et elle profita de ces quelques instants pour attraper son téléphone portable dans son sac, et composer le numéro. Elle n'eut pas longtemps à attendre avant d'entendre la voix sèche et cassante de son 'patron'.
" Gibbs "
" C'est Kate. Je ne viendrai pas ce matin et je ne suis pas sûre de pouvoir cet après-midi, je te rappellerai quand j'en saurai plus. "
" Et bien sûr tu as une bonne raison ? "
" Qu'est ce que ça peut bien te faire ? Je ne serai pas là, c'est tout ! "
Le feu passa au vert, et Kate appuya sur l'accélérateur, s'engageant sur le carrefour.
" Je veux une raison maintenant, ou si tu n'es pas au bureau dans une demi-heure, tu es virée. "
" Eh bien vire-moi Gibbs, fais comme tu veux, c'est pas mon plus gros problème là... Qu'est ce qu... "
Kate eut à peine le temps d'apercevoir la voiture qui arrivait droit sur elle et de se replier sur elle-même pour essayer de se protéger, en vain, avant que celle-ci ne la percute à pleine vitesse dans un bruit assourdissant de tôle froissée.

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Reviews :

Admonentia Lune-Argent : bon ben voilà la suite mais j'ai bien peur que cette fin de chapitre ne vaille pas mieux que la dernière lol. Mais le prochaine chapitre devrait avoir une fin beaucoup plus gentille lol promi .

Béa : Merci beaucoup pour le compliment. Ca me fait plaisir d' avoir votre avis sur chacun des chapitres. Voilà le suivant et je travaille vraiment sur le prochain ça ne devrait pas être trop long lol. Biz

Luna : Oui j'ai en effet vu le dernier épisode de la saison deux et j'était révolté c'est pas juste… Enfet je ne suis pas bien mieux parce que je n'ai pas pu m'empêcher de recommencer dans ce chapitre lol.

Laura : J'ai en effet poster la suite depuis un bon moment sur un autre site car c'est là que à l'origine j'avais poster cette fic. Le problème c'est que je travaille sur le prochain chapitre depuis près de quatre mois ( gros blanc ) et j'ai pensé que ce serait moins cruel pour vous que je poste les chapitres les uns après les autres plutôt que tous à la fois. Maintenant que je m'y suis remise, j'aurais bientôt fini le chapitre suivant et vous aurez moins à attendre. Je suis désolé je voulais juste les étaler dans le temps mais maintenant que les deux sites sont au même point je posterait les chapitres en même temps.