Bonjour tous!

Il arrive peut-être un peu plus tard que les autres, car j'ai eu deux semaines chargées. Néanmoins, le voilà!

Bonne lecture, et n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, du chapitre ou de l'histoire en général!

Tarzane

Partie 4 – Soirée

Après le souper –des hamburgers–, le sergent Anderson nous rassembla tous dans la salle d'entraînement. Il déposa au sol une caisse remplie de ceintures avec des fusils, puis nous invita à venir en prendre une chacun notre tour. J'attachai la ceinture à ma taille, avant de prendre le fusil dans mes mains. Je l'examinai ; ce n'était pas un vrai fusil, quoique la ressemblance fût très forte.

- Ils ne sont chargés que d'air comprimé, expliqua le sergent instructeur. Nous ne voulons pas blesser nos acteurs. La tâche de ce soir est très simple : nous voulons voir comment vous réagiriez dans certaines situations que vous aurez très probablement à affronter lorsque vous serez policier. Vous serez en équipe de deux, mais vous ferez des points autant sur le travail d'équipe que sur vos réactions personnelles. Voici les équipes, qui ne changeront pas durant tout le trimestre.

Je fus mise en équipe avec Carl. Zeke était quant à lui jumeler avec Dexter, un garçon brun dont le visage était constellé de taches de rousseur. Ça lui donnait un air de garçon tannant. En espérant que ça ne soit pas le cas, car leur équipe allait rapidement déraper.

Je vis Zeke froncer les sourcils en me regardant, et je lui fis un clin d'œil pour l'encourager. Il me répondit par un sourire qui s'effaça lorsque Carl me rejoignit. Je lui fis un regard interrogateur, mais Zeke se contenta de rapporter son attention sur son partenaire. Je fis donc de même.

Chaque équipe était appelée l'une après l'autre. En attendant, je discutai avec Carl, bien que sa timidité rendît l'exercice ardu. J'appris que c'était vraiment la couleur de ses yeux, le violet, et qu'il tenait ça de son père, qui le tenait de son père, qui le tenait de…

Bon, clairement, c'était une caractéristique de père en fils.

Il venait du Montana, d'une famille d'agriculteur. Il était le premier depuis longtemps à tenter un nouveau domaine d'emploi, son frère aîné devant prendre la relève de la ferme. Et, enfin, ce fut à notre tour d'être appelés. Zeke me donna une bine sur l'épaule lorsque je passai à côté de lui, et je lui fis à nouveau un clin d'œil.

Anderson nous emmena au deuxième étage de l'aile est. Après avoir longé un corridor et tourné vers la gauche, il nous arrêta devant une porte en fer, où une petite lumière Dell éteinte trônait en plein milieu, à hauteur d'yeux.

- Bien. Derrière cette porte, vous arriverez sur le lieu d'intervention. Il n'y a pas d'objectif en tant que tel ; il s'agit de réagir au mieux de la situation. La tâche sera terminée lorsque votre intervention sera achevée, à moins que vous ne vous retrouviez dans une impasse et que l'on doive venir vous aider. Vous n'avez qu'une seule chance pour chaque situation. Lorsque la lumière rouge s'allumera, vous pourrez entrer. Bon succès.

Et il nous planta là. Je regardais la porte, un peu nerveuse. Je ne pus m'empêcher de penser que si j'avais été mise en équipe avec Zeke, ça aurait été beaucoup plus facile, tout ça. Je le connaissais, lui, au moins. Tandis que Carl…

- Tu verras, on fera une bonne équipe…, dis-je pour le rassurer.

Je le vis du coin de l'œil déglutir. Bon, ça promettait. Et juste comme je commençais à être anxieuse, la lumière rouge s'alluma, j'ouvris la porte avec énergie et l'adrénaline embarqua.

X x X

En entrant, je vis tout de suite un monsieur âgé par terre. Il avait un téléphone près de lui et des béquilles étaient sur le sol un peu plus loin. Je compris tout de suit qu'il avait fait une chute. Mon adrénaline tomba ; il suffisait d'être fine psychologue, pas bonne bagarreuse. Mon champ d'expertise.

- Bonjour monsieur? C'est la police, annonçai-je en marchant vers lui.

Carl me suivit. Je m'accroupis près du monsieur.

- Je suis l'agente Shauna Miller, en compagnie du sergent Carl Baker. Comment vous appelez-vous? Que s'est-il passé?

Le vieil homme tenta de bouger.

- Ne bougez pas, dis-je. Nous allons vous aider. Que s'est-il passé?

- Je… Jake Hamilton. J'ai voulu aller répondre au téléphone lorsque j'ai glissé avec ma marchette.

La marchette en question était un peu plus loin, tombée sur le côté. Carl semblait un peu figé, ne savait pas trop quoi faire. Je lui fis signe de s'accroupir de l'autre côté de notre victime.

- Avez-vous mal quelque part? demanda-t-il enfin.

- Un peu au genou, mais sinon je pense que c'est surtout de la peur. C'est bête, je suis incapable de me relever seul, j'ai une faiblesse dans les poignets.

Je fis avec lui l'historique plus ou moins récent de sa santé. Il n'y avait rien de particulièrement spécial, hormis une opération récente dans la jambe gauche, d'où sa marchette. Je lui demandai s'il voulait qu'on appelle quelqu'un pour lui, un parent ou un ami, mais il répondit qu'il ne voulait ennuyer personne avec une simple chute.

- Bon, pas de problème monsieur Hamilton. Nous allons vous aider à vous relever. Où voulez-vous que l'on vous porte?

- Mon sofa, là-bas. S'il vous plaît.

Je fis signe à Carl de lui expliquer comment nous allions le relever. Timidement, il l'expliqua, et je me retins d'intervenir. Il fallait vraiment qu'il se dégêne, sinon il n'allait jamais réussir à graduer.

Nous nous occupâmes chacun d'un côté, et une fois debout il se plaignit d'être étourdit. Je le rassurai ; c'était normal, il venait de passer un long moment étendu sur le sol. Nous l'aidâmes ensuite à installer monsieur Hamilton dans son sofa. J'allai chercher le téléphone et le lui posa sur la petite table près de lui.

- Vous êtes certain que vous ne voulez pas que l'on appelle quelqu'un pour vous? m'enquis-je à nouveau.

- Non, je vais m'en occuper, me répondit-il.

Carl vint porter la marchette à proximité du sofa. Enfin une bonne initiative.

Nous nous assurâmes ensuite qu'il n'avait plus besoin de nous. Enfin, je me rappelai à la dernière minute de prendre ses coordonnées. C'était toujours des points bonis, ça, dans les examens.

- Pourquoi prenez-vous mes informations? demanda-t-il soudain, suspicieux.

- C'est pour nous, pour pouvoir faire notre rapport. Écrire qu'on est venu, qu'est-ce qui s'est passé et que tout est beau.

J'écrivis ses informations dans mon calepin puis le rangeai. Enfin, puisque la situation était redevenue normale, nous fîmes les au revoir puis nous sortîmes. Il n'y avait personne dans le couloir.

- Bon, eh bien, ça s'est plutôt bien passé, non? fis-je en me dirigeant vers les escaliers.

- Parle pour toi, dit Carl. J'ai complètement figé. Une chance que tu m'as forcé à bouger.

- T'en fais pas, ce n'était que la première fois. Tu feras mieux à la prochaine situation.

Je crus l'entendre marmonner un j'espère. C'était une situation facile, et il n'avait pas été très bon. J'avais un peu peur de voir demain. Nous retournâmes dans le dortoir, et en attendant le retour de Zeke, je pris mon cellulaire. Je devais bien prendre des nouvelles de la maison.

« Comment ça va? écrivais-je à Lynn, ma petite sœur. Tu t'occupes bien d'Hector? Tu as assez d'argent pour l'épicerie et tout? »

Je dus attendre quelques minutes avant d'avoir une réponse.

« Tu peux arrêter de t'inquiéter pour nous et focaliser sur tes notes? Ça fait juste trois jours, on ne manque de rien. Réécris-moi quand t'auras gagné.»

Je souris. C'était du Lynn tout craché. Néanmoins, j'étais maintenant responsable d'eux, et ça ne pouvait pas me sortir de la tête comme elle le voulait.

« Si jamais vous avez des ennuis, je viendrai! Et si c'est trop pressant, va voir les Pedrad, d'accord? Et s'il te plaît, donne-moi des nouvelles, genre au moins une fois semaine. Juste que je sache que vous êtes toujours en vie.»

« OK. »

« Je t'aime, petite sœur » écrivis-je juste pour l'ennuyer.

« gtg » fut ma seule réponse. Je ris. Cette fille avait un vrai problème avec ses émotions.

- Quelle est la blague? entendis-je près de moi avant de recevoir tout un poids sur mon estomac.

Je protestai, et Zeke se releva de mon ventre pour mieux me pousser afin de se faire une place. Je le laissai faire, et je m'accotai la tête contre son épaule.

- Alors, qu'est-ce qui est si drôle? s'enquit-il.

- Lynn.

Il sourit.

- Tu crois qu'elle finira par avouer qu'elle est lesbienne?

- Franchement, tu tiens ça d'où? M'exclamai-je alors qu'il se mit à rire. Et puis, même si c'était le cas, ça ne changerait rien du tout!

- Elle serait peut-être un rayon de soleil…

Je le frappai, pas trop fort, juste assez pour défendre ma sœur et lui arracher un «aïe». Il se frotta le ventre. Un silence s'installa entre nous, confortable. Si seulement je pouvais me serrer davantage contre lui, ça aurait été merveilleux. Il dégageait une telle chaleur, ça me réchauffait jusqu'au cœur, et il ne le savait même pas. Sa présence, son rire… je savais bien que je n'étais qu'une amie, peut-être sa meilleure, mais parfois, c'était irritant, de ne pas pouvoir être plus. J'écoutai sa respiration, ça me calma. J'avais au moins ça, pour l'instant. J'étais sur le point de m'endormir lorsque j'entendis sa voix chuchoter :

- Alors, c'était comment, être partenaire avec Carl?

- Hum. C'était… comme être première de classe, j'imagine, répondis-je tout en gardant les yeux fermés. Et toi, avec euh…

- Dexter. C'était bien. On s'en est très bien sorti, je dirais. Bien sûr, ce n'est pas notre équipe du tonnerre, mais ça pourrait s'en rapprocher, à force d'exercice.

- Si tu penses que tu peux me remplacer aussi facilement, tu te trompes, répliquai-je en souriant.

Enfin, c'était vrai pour le travail, mais aussi pour ma place dans sa vie. À l'école, adolescent, il avait eu une nuée de petites amies, avec lesquelles il ne restait pas très longtemps avec (je crois que son record est de deux mois, juste pour dire), et aucune n'avait réussi à me tasser. Je craignais le jour où il rencontrerait celle qui réussirait. Parce qu'à ce moment-là, je perdrais mon meilleur ami, duquel j'étais amoureuse depuis des années et des années sans réciproque.

- Même si j'essayais, tu ne me laisserais pas faire. Je suis beaucoup trop important pour toi pour que je ne sois plus dans ta vie chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque sec…

- Oh! « Une sale laideur, mise en face d'une pure beauté, ferait vomir le désir.»* m'exclamai-je théâtralement.

Il éclata de rire.

- Mais d'où ça sort ça! Et merci, je ne suis pas une sale laideur!

- Shakespeare. Et c'est toi qui t'es identifié à la sale laideur, moi je n'ai que dit une citation!

- Je choisis d'être la pure beauté.

- Un gentleman me laisserait l'être.

- Dans tous les cas, ce qui est important, c'est que le désir vomit.

- Il vomirait quoi, tu penses?

- Du vomi, mais avec des arcs-en-ciel, des papillons et des petits cœurs. Et peut-être deux trois chiots, parce qu'ils sont si mignons!

Je lui jetai un regard dégoûté, avant de me trahir en souriant.

- Bon, allez, j'ai besoin de mon dormir si je veux rester une pure beauté.

- Va, belle au bois dormant.

- Bonne nuit, sale laideur.

Je levai les yeux au ciel, avant de me laissai aller au sommeil. Je me demandai, néanmoins, s'il pourrait un jour me considérer comme la pure beauté, plutôt que comme la sale laideur qui fait vomir le désir.

...

* de Shakespeare, Cymbeline (1609)