Hello!
Je sais, on est mercredi, pas dimanche, mais je voulais poster ce chapitre maintenant, parce que je suis satisfaite de mon rythme de traduction! Si tout va bien, vous aurez le prochain un mercredi aussi! Et toute la suite!
Comme pour le précédent, je suis dans le train pour écrire ce message et poster le chapitre!
Et comme promis, vous allez avoir la masse de Royai ici!
Edit suite à une remarque de Hawkeye59 qui m'a fait réaliser que j'ai oublié cette précision: Sachar Demir est le nom que j'ai donné à Scar dans cette histoire! Comme il n'a pas sa cicatrice, qu'il n'a pas vécu tous les événements de FMA, il a un vrai nom. Sachar est une variante de Zacharie ("Dieu se souvient"), et Demir signifie "fer" en turc.
Petit avertissement tout de même pour mention de maltraitance d'enfant (le passé de Riza n'est pas très joyeux, mais son avenir est bien plus prometteur!)
Le passage où ils parlent d'aubergines (le légume, hein) est inspiré par l'histoire de mes propres parents, mais avec des champignons. Ils mangeaient au restaurant avec des amis, et ma mère a fait remarquer qu'elle n'aimait pas les champignons. Mon père a répondu l'air de rien "alors je ne t'en cuisinerai pas". A l'époque ils commençaient à peine à se fréquenter et ma mère a été complètement surprise, parce qu'elle ne connaissait rien de ses intentions.
Après cette note d'auteur où je parle de ma vie, je vous souhaite une bonne lecture!
Chapitre 4 - Les gens bien méritent de bonnes choses
— Elicia ! Ne cours pas ainsi ! Gracia accéléra le pas pour prendre la main de sa fille. Tu es dans un hôpital, tu dois respecter les patients et les gens qui travaillent ici.
Elicia acquiesça, puis jeta un coup d'œil à Riza, qui l'observait avec un sourire.
— Êtes-vous contente de voir Nina, mademoiselle Riza ?
— Je suis sûre que tu l'es encore plus, Elicia. C'est ton amie, après tout.
— Je suis contente ! S'écria Elicia avec une joie évidente.
— C'est un vrai soulagement que la garde de Nina ait été retirée de son père, déclara Riza à Gracia alors qu'elles se dirigeaient vers la chambre de Nina. Je ne sais pas ce que j'aurais fait si ça n'avait pas été le cas.
— C'est déjà suffisamment dommage que ça ait dû arriver, quand même.
Les mots de Gracia la firent frissonner. Elle ne parvenait pas à imaginer combien de temps cela aurait duré si personne n'avait signalé la situation de Nina.
— Je ne te remercierai jamais assez d'être son enseignante. Tu as fait énormément pour elle.
— J'ai fait ce qui était nécessaire.
Riza souhaita soudain avoir eu un professeur comme Gracia lorsqu'elle était plus jeune. Peut-être que son grand-père aurait pris moins de temps avant de réaliser que quelque chose n'allait pas avec Berthold Hawkeye. Elle balaya cette pensée. Aujourd'hui, ce n'était pas elle qui importait, mais Nina.
La pièce était déjà pleine de monde lorsqu'elles entrèrent. Un homme imposant se tenait près de la fenêtre, un sourire sur le visage. Riza n'eut pas besoin de voir ses yeux pour constater qu'il était ishval. Sa peau foncée et ses cheveux blancs parlaient pour lui. Assise sur une chaise à côté du lit était une adolescente aux longues tresses noires. Elle discutait joyeusement avec Nina, qui semblait reposée et en bien meilleure forme que la dernière fois que Riza l'avait vue. La fillette se tourna vers elle et ses compagnes.
— Elicia ! S'exclama-t-elle en descendant du lit pour enlacer son amie.
Les deux filles rires et Elicia commença à raconter à Nina tout ce qui s'était passé ces trois derniers jours à l'école. Les voir ainsi ensemble faisait chaud au cœur, mais Riza savait que sous la joie se tenait la douleur, et qu'elle ne disparaîtrait pas si facilement. L'homme se tourna vers elle et elle le salua.
— Bonjour, je suis Riza Hawkeye, la professeur de danse de Nina.
Elle tendit la main et il la serra avec assurance et douceur. Il avait le potentiel d'être effrayant avec sa taille et ses larges épaules, mais il avait l'air gentil.
— Sachar Demir, je serai la famille d'accueil de Nina.
Riza le regarda, surprise.
— C'est bon de savoir que les services sociaux ont vite réagi pour lui trouver une bonne famille d'accueil.
— Mon père est le meilleur ! La jeune fille brune se leva de sa chaise. Je suis May Chang, au fait. Je suis une lycéenne qui aime faire connaissance avec ceux qui vont vivre avec nous. Et j'adore Nina, elle est tellement mignonne !
— C'est une bonne fille et une bonne élève. Je pense que vivre avec elle sera facile, déclara Gracia après s'être présentée et présenté Elicia. Et je pense que vous serez bons avec elle aussi.
— Merci, répondit Sachar. Je dirai que je suis plus habitué aux jeunes à problèmes à cause de mon travail, donc avoir quelqu'un de mignon – pour reprendre les mots de May – comme Nina sera bien.
— Qu'est-ce que vous faites dans la vie ? En dehors d'être une famille d'accueil ? Demanda Riza.
— Je suis éducateur spécialisé. Je travaille avec les jeunes des banlieues. J'essaye d'en faire des hommes et femmes bons et de les aider à trouver leur voie dans la société. C'est parfois difficile à cause de la pauvreté et de la violence, et aussi du manque d'éducation, mais ces jeunes méritent d'avoir une chance dans la vie.
Riza fut confortée dans son idée que monsieur Demir était quelqu'un de bien. Nina serait entre de bonnes mains. Une idée lui vint soudain. Et si le conservatoire de danse s'associait à son organisation ? Elle ne put penser davantage à ça à cause de la question de Nina.
— Dites, monsieur Sachar, je pourrais retourner à la danse quand j'irai mieux ?
Tous les adultes se tournèrent vers elle. Nina les regardait, incertaine, et Riza sut quels étaient ses doutes. Elle avait eu les mêmes lorsqu'elle avait quitté son père pour vivre avec son grand-père.
— Tu y retourneras sans aucun doute, parce que tu aimes ça et que Papa est gentil, répondit May. Il a même accepté que j'aille à cette colonie de vacances pour passionnés de science il y a deux ans.
— Bien sûr que tu pourras, répondit monsieur Demir, et son sourire illumina ses yeux.
Oui, il serait bon pour Nina, pensa Riza. Soudain les mots de May lui rappelèrent une discussion de l'année passée, après le gala annuel du conservatoire. Alphonse avait parlé d'une May qu'il avait rencontrée durant un camp sur la science. Il aurait voulu qu'elle puisse venir, mais il n'avait pas voulu insister parce que son père pouvait parfois être effrayant.
— May ? La jeune fille se tourna vers Riza. Puis-je te demander si tu connais un Alphonse Elric ?
May rougit immédiatement et elle écarquilla les yeux. Riza n'eut pas besoin d'entendre son discret « oui » pour savoir qu'elle le connaissait en effet. A sa question silencieuse, Riza répondit qu'elle connaissait Winry, et donc par extension Edward et Alphonse.
— Dans une semaine il y a le Grand Prix de Central, et j'emmènerai Winry et d'autres excellents étudiants. J'ai de grands espoirs pour elle.
— Alphonse m'a dit qu'elle était une danseuse géniale, mais je ne l'ai pas encore vue danser. J'espère qu'elle atteindra la finale, comme ça je pourrai la regarder en direct.
May semblait soulagée que la conversation ait tourné sur un autre sujet qu'Alphonse.
— J'espère aussi. Elle le mérite, et son niveau est suffisant pour vaincre même les étudiants les plus talentueux de Drachma.
— Est-ce que ça veut dire qu'elle pourra danser avec les plus grandes compagnies de ballet ?
Leur conversation continua sur la danse, pendant que Gracia et Sachar parlaient de l'école et de la manière dont Nina vivrait dans sa nouvelle famille. La question que Riza craignait ne vint pas, mais elle se la posa à elle-même. Quand danserait-elle de nouveau pour une compagnie de danse ? Elle n'avait jamais trouvé de bonne réponse à cette question, et ignorait ce qui la retenait de danser de nouveau avec d'autres. Avait-elle peur de la scène ? Du public ? De la compagnie elle-même ? Pendant deux ans, Riza avait évité de trop penser à ce problème, et le ne savait pas quand elle en prendrait le temps.
Elle jeta un œil à son téléphone et remarqua l'heure.
— C'était très sympa de vous rencontrer, monsieur Demir, May. Je dois y aller maintenant. Et au fait, les cours de danse sont le mardi, mais je ne serait pas là la dernière semaine de mai, donc il n'y aura pas de cours ce mardi-là.
— C'est noté, mademoiselle Hawkeye, répondit monsieur Demir.
— Mademoiselle Riza ! Riza se tourna vers Nina, qui tenait un ours en peluche en uniforme de pompier. Si vous voyez l'homme qui est venu chercher Elicia, vous pourrez lui dire que je vais bientôt aller bien ?
Riza observa la fillette, le cœur battant soudain plus vite. Il n'avait pas été nommé, mais la simple pensée de Roy était suffisante pour faire bondir son cœur. Il n'avait fait que son travail, mais il protégeait ainsi les gens que Riza aimait. D'abord Edward, maintenant Nina – et elle ne se comptait pas dans le lot. C'était un homme bien, et elle était reconnaissante d'avoir pu faire sa connaissance. Elle sourit à Nina.
— Bien entendu, je lui dirai quand je le verrai. Au-revoir Nina, j'espère que tu reviendras bientôt !
Elle avait trois heures devant elle pour s'entraîner et se préparer pour sa soirée, calcula Riza en sortant de l'hôpital. Dire qu'elle était impatiente d'être à ce soir était proche de la vérité, mais pas aussi fort. Elle avait dit à Roy que Rebecca et Jean sortaient ce soir-là, et que sa meilleure amie ne rentrerait pas chez elles avant le lendemain assez tard, donc ils pouvaient se voir comme ils le voulaient. La réponse de Roy avait été un simple
Habille-toi joliment et attends-moi à 19h30
Suivi par
Au fait, tu peux me donner ton adresse ? Je passe te prendre
Il lui avait proposé de sortir dès qu'elle lui avait dit qu'elle était libre, et elle aimait sa spontanéité. Cependant, cela ne lui laissait pas beaucoup de temps pour penser à ce qu'elle allait porter ce soir.
— Tu es sûre que tu ne veux pas sortir ce soir ? Demanda Rebecca lorsqu'elles rentrèrent toutes deux à la maison.
— J'en suis sûre, Reb. Je vais rester ici et lire le livre que je veux lire depuis une semaine, répondit Riza en fermant la fermeture éclair de la robe de son amie. Est-ce que cette robe ne sera pas un peu compliquée à enlever ? Ajouta-t-elle en plaisantant.
— Pas du tout ! Jean sait y faire avec ses mains, il se débrouillera, je te le garantis, dit-elle avec un grand sourire. Merci pour la fermeture éclair !
Elle quitta le salon et réapparut quinze minutes plus tard, maquillée et coiffée, ses cheveux maintenus hors de son visage par un petit chignon à l'arrière de sa tête.
— De quoi j'ai l'air ?
Riza leva la tête de son livre. Elle devait maintenir les apparences, puisque son amie ne savait pas encore qu'elle sortait avec Roy.
— Tu es magnifique ! Si rien ne se passe ce soir, je dirai que Jean est un idiot. Mais je le connais, et je sais qu'il s'occupera bien de toi. Amuse-toi bien !
— Je vais m'amuser, je n'en attends pas moins de cette soirée !
Rebecca lui souhaita une bonne soirée et partit. Riza attendit cinq minutes avant de commencer à se préparer. Elle n'avait pas beaucoup de temps, mais savait qu'elle serait prête à l'heure. Et elle le fut. Elle put même lire quelques pages en plus avant que la sonnette ne retentisse.
Après l'intervention chez les Tucker, Roy voulait plus que tout penser à autre chose. Sur un coup de tête, il demanda à Riza si elle était libre. Une demi-heure plus tard, il avait planifié un rendez-vous avec elle et paniquait. Elle lui manquait. Ils avaient discuté au téléphone, avaient échangé des messages, mais la voir et l'écouter lui manquait. Une femme qui n'était pas sa mère ou ses sœurs lui manquait à lui, Roy Mustang. C'était la première fois. Toutes les filles qu'il avait eues dans sa vies n'y étaient jamais restées plus de quelques semaines, parce qu'elles voulaient toujours être avec lui, avant de s'apercevoir que son travail serait toujours dans le chemin. Et il n'avait jamais ressenti le besoin ou souhaité se confier à elles sur ce qu'il vivait durant ses interventions.
Mais Riza était différente. Elle avait une présence apaisante, elle était ancrée dans la réalité, et pourtant elle riait à ses blagues nulles et plaisantait avec les gens qu'elle aimait. Les taquineries entre Edward et elle la semaine précédente en avaient été la première preuve. Riza Hawkeye était bien plus qu'une jolie femme, et Roy se jura qu'il découvrirait tous ses côtés, ses manies, ce qu'elle aimait, ce qu'elle craignait, et qu'il construirait de belles choses avec elle.
Lorsque Riza lui envoya son adresse, il lut les mots encore et encore durant une longue minute, abasourdi. Ils vivaient à deux rues l'un de l'autre et ne s'étaient jamais croisés en deux ans. Pas une seule fois. Il se rappela soudain Havoc disant qu'il vivait dans le même quartier que sa copine, mais il n'y avait pas vraiment prêté attention, même lorsque Riza lui avait dit que Rebecca Catalina était sa coloc. Eh bien, au moins il n'aurait pas besoin de chercher un restaurant à l'autre bout de la ville.
Lorsqu'il appuya sur le bouton de l'interphone deux jours plus tard, il se sentait comme s'il avait couru tout le chemin jusque chez elle. Ses mains étaient moites et son cœur battait comme les percussions d'une musique rock.
— Oui ? Roy oublia tout en entendant la voix de Riza dans son oreille. Roy, c'est toi ? Demanda-t-elle lorsqu'il ne répondit pas.
— Oh… oui, c'est moi. Salut Riza.
Bon sang, il avait la même voix qu'un ado qui rencontrait les parents de son coup de cœur chez elle pour la première fois.
— Salut Roy, répondit-elle. Cinquième étage, première porte à gauche. Je t'attends.
Roy affermit sa prise sur le bouquet qu'il avait acheté et ouvrit la porte au « bip ». Il trouva facilement son chemin jusqu'à son appartement. C'était un bel immeuble, aussi vieux que le sien, mais récemment rénové. Il frappa à la porte marquée « Catalina - Hawkeye ». Une odeur agréable l'accueillit lorsqu'elle s'ouvrit, mais la vue lui coupa le souffle.
Riza se tenait dans l'encadrure de la porte, devant lui, dans une robe qui lui allait parfaitement. Le col en V dévoilait sa poitrine élégamment et une ceinture noire du même tissu qui apparaissait sous le tulle soulignait sa taille fine. Réalisant qu'il baissait un peu trop les yeux durant son observation, Roy les releva pour rencontrer son regard d'ambre, entouré et ombré de manière à le mettre en avant. Riza sourit et Roy sentit qu'il pourrait mourir d'admiration. Comment une femme qu'il connaissait depuis moins d'un mois pouvait-elle avoir un tel effet sur lui ? Il espéra que cela arriverait encore. Il espéra que cela arriverait à chaque fois. Il espéra que cela arriverait durant des années.
— Tu es magnifique, parvint-il à souffler, retrouvant un peu de contenance. C'est pour toi.
Il lui tendit les fleurs, des roses pompon de Bourgogne – pour la beauté inconsciente, comme il l'avait deviné –, qu'elle prit avec un sourire.
— Merci, répondit-elle en rougissant.
Elle jeta un coup d'œil à sa tenue, un pantalon noir, une chemise blanche dont il avait roulé les manches jusqu'à ses coudes, et une cravate bleu clair. Sa veste était posée sur son bras, prête à servir lorsque la température descendrait. Il espérait que ce serait sur ses épaules à elle.
— Tu es très beau aussi. Tu peux rentrer, je vais mettre les fleurs dans un vase.
Roy entra et s'assit sur le canapé, l'observant pendant qu'elle remplissait un vase d'eau et plaçait les roses dedans. Elle bougeait si gracieusement, comme si elle dansait sans musique, et il souhaita pouvoir la regarder encore longtemps. Il ne détacha son regard d'elle que lorsqu'elle disparut dans ce qu'il supposa être sa chambre pour y placer le vase. Ses yeux errèrent dans le salon, notant les petits détails qui pouvaient avoir été apportés par Riza ou Rebecca, se demandant laquelle avait acheté le canapé, la table basse… Il prit le livre posé sur cette table et jeta un œil au résumé. C'était l'histoire d'une princesse xinoise et d'un eunuque durant une révolution. Ça avait l'air d'être un bon roman, plein d'intrigue de cour et de danger. Riza avait de bons goûts en matière de lecture. Il reposa le livre à sa place lorsque Riza retourna dans la pièce cette fois portant un boléro de cuir rouge foncé et une petite sacoche noire dans ses mains.
— Je suis prête. Où allons-nous ?
Roy réalisa qu'ils n'avaient pas discuté tout le temps qu'ils avaient passé dans son appartement. Et elle savait qu'il l'avait regardée, il en était certain. Il se leva du canapé et sourit.
— J'ai trouvé un resto sympa pas très loin d'ici. Peut-être que tu le connais, mais ça vaut le coup, puisque les commentaires étaient élogieux sur la nourriture et le service. Et sur le chemin je dois te raconter une histoire drôle.
Lorsqu'ils sortirent de l'immeuble, il lui offrit son bras et elle le prit en souriant. Sa main dans le creux de son coude était fraîche et douce.
— Alors, quelle est l'histoire ? Demanda-t-elle, l'impatience se sentant dans sa voix.
— Connais-tu la rue Jacques le Grand ?
— C'est sur ma route pour aller au conservatoire, pourquoi ?
— Eh bien, c'est encore plus surprenant que nous ne nous soyons pas croisés tout ce temps, parce que c'est ma rue.
Riza s'arrêta d'un coup et le dévisagea, perplexe.
— Avons-nous vraiment vécu aussi proche l'un de l'autre sans jamais se rencontrer ? La vie est vraiment étrange, dit-elle d'un ton songeur en reprenant leur marche. Nous nous sommes rencontrés, enfin, tu m'as rencontrée par accident – Elle ne retint pas un petit rire – et nous avons passé trois ans à vivre chacun notre vie, séparés mais proches, jusqu'à ce qu'on se rencontre de nouveau, correctement cette fois, mais aussi à cause d'un accident.
Roy acquiesça lentement. La vie était étrange, en effet.
— Penses-tu que notre relation aurait été différente si nous nous étions rencontrés avant l'accident d'Edward ?
Riza resta silencieuse et il se morigéna. Sa question était imprudente, il ne savait pas encore comment qualifier leur relation, et il faisait déjà des suppositions.
— Elle aurait été différente, et je peux penser à plusieurs occasions où nous aurions pu nous rencontrer, grâce à Rebecca et Jean, s'ils t'invitent généralement à ce genre d'événements. Je pense qu'il m'aurait fallu plus de temps pour te voir comme je te vois maintenant. Mais je pense que c'est un temps que j'aurais apprécié prendre.
Le soulagement envahit le cœur de Roy à ses mots. Sa main libre se posa sur la main de Riza sur son bras et il sa serra doucement. Avant qu'il ne puisse la retirer, elle la prit dans son autre main. Ils continuèrent à marcher dans un silence agréable, souriant à l'autre à chaque fois qu'ils remarquaient les regards en coin qu'ils se lançaient.
Le restaurant avait un certain standing, mais il était bien décoré et l'atmosphère était joyeuse. Les clients étaient en majorité des couples ou des petits groupes qui discutaient autour de plats qui semblaient délicieux. Le serveur les emmena à une table à côté de celle d'un couple âgé qui leur sourit gentiment.
Ayant été élevé pour être un gentleman, Roy se comporta comme tel et tint la chaise de Riza alors qu'elle s'asseyait. Elle le remercia d'une voix douce. Pendant qu'ils choisissaient leur dîner sur la carte, ils discutèrent de leurs plats préférés. Riza aimait les fruits de mer et les plats épicés mais détestait les aubergines.
— Tu n'aimes pas les aubergines ?
— C'est si surprenant que ça ?
— Non, je peux comprendre, puisque le goût est fort. Je ne t'en cuisinerai jamais, dans ce cas.
Riza le fixa avec ahurissement.
— Tu cuisines ?
— C'est si surprenant que ça ? Il lui relança sa propre question et se réjouit lorsqu'elle sourit. Elle aimait les taquineries mutuelles. Je cuisine lorsque j'en ai le temps, en fait.
— Qu'est-ce que tu aimes cuisiner ?
Roy commença à lui raconter qu'il aimait regarder les recettes puis aller au marché pour acheter les ingrédients, puis passer du temps à faire un plat qu'il partageait généralement avec les Hughes, ou alors avec Elicia lorsqu'elle venait pour un jour ou une soirée quand ses parents n'étaient pas là.
— Donc tu es sa baby-sitter, déclara-t-elle avec un sourire.
— C'est le genre de boulot auquel tu peux t'attendre en devenant parrain, répondit Roy. Parfois elle est la plus mignonne, mais d'autres fois elle est aussi têtue qu'une mule, et c'est difficile de lui dire de se calmer pour jouer ensemble tranquillement.
Riza rit doucement.
— Je sais aussi comment elle peut être. Elle est un ange la majeure partie du temps durant mes cours, mais parfois je ne peux pas la tenir et elle parle tout le temps.
Roy rit avec elle, et la chaleur emplit son cœur.
— Je suis heureux d'être ici, dit-il sans réfléchir.
Riza parut surprise, puis sourit de nouveau.
— Moi aussi.
Le cœur de Roy s'emballa.
Le serveur arriva pour prendre leur commande, et quelques minutes plus tard, son assiette de canard et quelques haricots verts étaient déposée devant Roy, tandis que Riza contemplait l'assiette de saumon et pommes de terre vapeur placée sur la table pour elle. Ils commencèrent à manger en silence, appréciant la nourriture.
— Veux-tu goûter un peu de saumon ?
Roy leva les yeux et rencontra le regard interrogatif de Riza. Son offre était intéressante mais il ne pouvait accepter sans donner quelque chose en retour.
— Veux-tu essayer le canard ? Il fond dans ma bouche, et je ne pense pas avoir mangé une viande comme celle-là.
— C'est pareil pour moi avec ce poisson. Ce restaurant est à quinze minutes de chez moi à pied, mais je ne l'ai jamais vu durant mon footing matinal. Au fait, ton canard a l'air délicieux, donc j'accepte ton offre.
Roy transféra un peu de sa viande dans l'assiette de Riza et y récupéra un bout de saumon.
— Cours-tu régulièrement ? Si c'est le cas, je me demande vraiment pourquoi nous ne nous sommes pas rentrés dedans avant.
Elle courait généralement le lundi, mercredi, vendredi et samedi, et aimait le bord de la rivière. Roy secoua la tête, incrédule. C'était comme si l'univers leur disait « Vous êtes faits l'un pour l'autre, mais vos choix ne cessent de repousser votre première rencontre.
— Est-ce que ça te dérange si je cours avec toi ? Je cours généralement avant mes gardes de 24 heures, mais si tu veux, je peux changer mes habitudes pour correspondre aux tiennes.
Les yeux de Riza brillèrent, et un sourire sincèrement heureux apparut sur ses lèvres, faisant gonfler le cœur de Roy d'espoir.
— Je pense qu'il sera plus simple si c'est moi qui change mes habitudes, puisque mon emploi du temps est plus souple que le tien. Je serai heureuse de courir avec toi.
— Donc mardi à 6h30 devant chez toi ?
— Parfait.
Ils parlèrent de course, de la musique qu'ils écoutaient en courant, puis en général, puis leurs films, livres et séries préférés. Roy apprit que Riza aimait les vieux films autant que la science-fiction et les œuvres historiques.
— D'où le livre que tu lis, sur la Révolution xinoise ?
— C'est un bon livre. Je dois prendre le temps de le finir, surtout quand j'ai dit à Rebecca que je passerai ma soirée à lire.
Ils échangèrent un sourire. Leur secret était toujours entier, et tant qu'ils ne voudraient pas le dire aux autres, ils le garderaient.
Le serveur leur apporta ensuite le dessert – un fudge au chocolat pour lui, une glace au caramel et des poires pour elle. Riza retrouva un air sérieux, inquiétant Roy un instant.
— Je dois te remercier de la part de Nina, commença-t-elle. Elle m'a dit que c'était toi qui l'avait sauvée.
— C'était moi, effectivement, mais elle ne me doit rien. J'ai fait mon travail, et je pense qu'elle mérite et a besoin d'une bonne famille.
— Elle en aura une. J'ai rencontré sa famille d'accueil aujourd'hui. C'est un père célibataire qui semble compétent et attentif. Et c'est très important pour elle.
Roy acquiesça. Ils échangèrent un bout de leurs desserts, puis la danse occupa le sujet de conversation suivant. Elle lui dit qu'elle s'absenterait une semaine à la fin du mois à cause du Grand Prix de Central.
— Je suis sûr que tes élèves auront de bonnes chances de gagner, grâce à toi.
Roy lui lança un clin d'œil et Riza rougit. Puis elle secoua la tête.
— Tu me surestimes, Roy. Je suis juste une enseignante parmi tant d'autres.
— Tous les professeurs n'ont pas dansé au Ballet National, Riza.
— Mais tous les professeurs qui on dansé au Ballet National ont leur ancienne supérieure dans le jury. Olivia Armstrong me connaît, et elle sera plus sévère envers mes élèves que les autres.
C'était compréhensible, mais Roy doutait que ce fût la seule raison de son inquiétude.
— As-tu confiance dans les compétences de tes élèves ?
— Oui, répondit-elle immédiatement. Et je sais qu'ils peuvent tous se démarquer parmi tous les compétiteurs.
— Dans ce cas tu n'as pas besoin de t'inquiéter. Si Armstrong est juste, elle ne descendra pas tes élèves.
Le sourire de Riza retourna sur ses lèvres, et Roy cacha son soulagement avec une gorgée d'eau. Il savoura sa dernière bouchée de fudge, la laissant fondre sur sa langue avec délice.
Lorsque le serveur revint pour leur demander s'ils voulaient un café, Riza secoua la tête.
— Nous en prendrons à la maison, répondit-elle avec une lueur dans les yeux.
Roy se raidit en voyant cette lueur. Allaient-ils déjà aussi loin?
Après avoir débattu à propos de la note, Roy voulant payer pour eux deux et Riza lui disant qu'elle pouvait payer sa part elle-même, ils se mirent d'accord pour que Roy paye leurs boissons en plus de sa part à lui et Riza donna un pourboire au serveur.
Elle le rassura alors qu'ils retournaient à son appartement.
— Seulement du café et une longue conversation, Roy. Rien d'autre.
Sa main glissa dans la sienne et le cœur de Roy rugit.
Riza soupira alors qu'elle tentait de cacher son embarras. Plaçant deux mugs et quelques biscuits sur un plateau, elle se rejoua les mots qu'elle avait prononcés au restaurant. « Nous prendrons le café à la maison ». C'était une phrase tellement domestique, tellement tournée vers l'avenir ! Elle n'arrivait toujours pas à croire qu'elle avait pu dire ça. Elle pensait trop rapidement, mais elle sentait qu'elle aimait l'idée d'être domestique avec Roy. Elle lui jeta un coup d'œil. Il triait les magazines sur la table basse avant de les replacer en une pile nette. Elle remarqua qu'il avait enlevé sa cravate et déboutonné le haut de sa chemise. Il était magnifique. Elle secoua la tête pour chasser la rougeur de ses joues.
La sensation que son ventre se retournait l'avait frappée durant le dîner, lorsqu'il lui avait proposé de courir avec elle. Elle l'appréciait énormément. Pas un seul des gars qu'elle avait fréquentés auparavant ne lui avait demandé s'ils pouvaient la rejoindre lorsqu'elle faisait quelque chose qu'elle aimait, pour se trouver un nouveau point commun. Soit ils s'étaient ramenés sans aucune gêne – même lorsqu'elle leur avait dit de se barrer de sa vie –, ou ils ne s'étaient pas intéressés à ses passes-temps. Mais Roy… non seulement il lui avait demandé ce qu'elle aimait faire, mais il lui avait aussi proposé de partager les siens et demandé son accord. Et cela signifiait beaucoup pour elle.
Elle était amoureuse de lui.
Les mots flottèrent dans son esprit, inatteignables. Elle ne pouvait pas les en enlever, mais ce n'était pas une mauvaise pensée. Plutôt le contraire en fait, pensa-t-elle avec un sourire en versant l'eau chaude dans les mugs. Peu après, l'odeur du café se répandit dans l'air.
— Je suis désolée, je n'ai que du café en poudre, j'espère que ça ira, dit-elle en posant le plateau sur la table.
Elle s'assit à côté de Roy et lui tendit une tasse. Il la prit en souriant.
— Le café en poudre de temps en temps ne me dérange pas. Je suis sûr que c'est meilleur que ce que je bois parfois à la caserne.
Riza prit une gorgée de son propre café et grimaça au goût amer. Elle avait oublié le sucre. Elle commençait à se lever lorsque Roy attrapa son poignet.
— Je vais y aller. Dis-moi simplement où je peux trouver le sucre.
Riza le fixa, abasourdie. Il l'avait vue grimacer et avait deviné pourquoi.
— Dans le placard au-dessus de la bouilloire, dit-elle en se rasseyant sur le canapé. Il y a tout ce qu'il faut pour le petit-déjeuner là.
Lorsqu'il revint, il avait même trouvé une cuillère.
— Un ou plus ?
— Deux, s'il te plaît.
Un agréable silence s'installa entre eux alors qu'ils sirotaient leur café, et Riza se sentit à l'aise, la présence chaleureuse de Roy rayonnant à son côté. Elle plaça une main à côté d'elle, entre eux. La main de Roy la trouva et il entrelaça leurs doigts. Le cœur de Riza tambourinait. Elle était une adolescente avec le garçon qu'elle aimait.
— C'est dingue, murmura-t-elle. Comment deux personnes – deux étrangers – peuvent se rencontrer et être aussi à l'aise ensemble un mois plus tard ?
— Ça s'appelle la vie, Riza, dit Roy. Certaines personnes passent des années comme amis avant de réaliser qu'ils éprouvent quelque chose l'un pour l'autre, et d'autre savent le jour où ils se rencontrent qu'ils sont liés pour toujours.
— Le savais-tu le jour où tu m'as vue danser ?
Roy nia.
— J'espérais pouvoir te revoir, et je t'ai revue. Mais pas comme je m'y attendais. Puis j'ai voulu aller te visiter à l'hôpital, mais les journalistes avaient envahit l'endroit. Je ne les aime pas trop, mais je les gère pour le boulot. Mais ici c'était une affaire personnelle, et je ne voulais pas vraiment qu'ils se mêlent de ma vie privée.
— Je peux comprendre, soupira Riza. Ils ont été affreux avec moi à ce moment-là. Heureusement le centre de rééducation que mon grand-père a trouvé était sécurisé, donc je n'ai pas été embêtée.
— Tu avais suffisamment à gérer à ce moment-là.
Roy pressa sa main, et Riza acquiesça. Elle prit une dernière gorgée de café et reposa sa tasse sur la table, avant de s'appuyer contre Roy, posant sa tête contre son épaule. Il se figea un instant, puis sa main glissa dans son dos et se posa sur sa taille. C'était une sensation si familière et irréelle à la fois, et Riza décida d'apprécier l'instant.
— J'ai pensé à quelque chose d'un peu idiot il y a quelques temps, murmura Roy pour garder le calme du moment. Que penses-tu des chiens ?
— N'est-ce pas un peu tôt pour penser à adopter un chien ? Le taquina Riza.
Roy souffla un léger rire.
— Il n'est jamais trop tôt pour savoir si quelqu'un aime les chiens ou les chats. Je faisais ça avec mes amis. C'est un bon moyen de savoir si quelqu'un aime sortir ou pas.
— Tu vas me trouver bizarre alors. J'aime les chiens, mais je ne sors jamais juste pour sortir et passer ma soirée perdue dans une foule d'étrangers. Mais quand j'étais petite, je voulais un chien pour ne pas me sentir seule et avoir un ami avec qui jouer. Mais ça n'est jamais arrivé.
Le bras de Roy l'enlaça davantage, l'amenant plus près de lui.
— Je voulais aussi avoir un chien, dit-il doucement. Je voulais me vanter auprès de mes amis, leur raconter les aventures qu'on aurait avec mon chien. J'étais un idiot à l'époque, je n'avais même pas réalisé qu'il faudrait que je m'occupe de lui.
— Il y a beaucoup de choses qu'on ne sait pas quand on est jeune.
Roy approuva d'un discret son.
— Tu as raison.
— Je pense que si j'en avais l'occasion, j'aimerais rencontrer Alexander, le chien de Nina, expliqua Riza. Elle m'a montré plein de photos un jour, et il avait l'air adorable.
— Je suis certain qu'il l'est.
Une tension s'installa dans le ventre de Riza. Parler de Nina lui avait rappelé des souvenirs désagréables et des pensées qu'elle repoussait habituellement et essayait d'oublier jusqu'à la prochaine fois, quinze jours plus tard. Mais cette fois, elle sentait qu'elle devait affronter le problème de ses mains.
— Roy, je sens que je suis en sécurité avec toi.
— Vraiment ?
Roy semblait surpris. Riza hocha la tête contre son épaule.
— La situation de Nina m'a rappelé mon enfance. Je crois que je vais plomber l'ambiance, mais je veux te raconter ça, parce que je me sens bien avec toi.
Roy se pencha en avant et posa son mug sur la table basse avant de reprendre sa position. Il lui sourit, encourageant.
— Vas-y, dis-moi ce que tu peux, je t'écoute.
Une bouffée d'émotion saisit le cœur de Riza. Elle tombait encore un peu plus amoureuse de lui, mais elle ignorait comment il réagirait à son histoire. Elle poussa un soupir, pesant ses mots.
— Tu sais que je suis proche de mon grand-père. Il acquiesça. C'est parce que j'ai vécu avec lui durant des années, du collège jusqu'au jour où je suis partie pour danser à Central. Avant ça, je vivais avec mon père. J'ai perdu ma mère quand j'avais cinq ans, donc je ne me souviens pas beaucoup d'elle. Mon père s'est bien occupé de moi les premières années, il m'emmenait à la danse, on faisait du vélo ou on allait au cinéma ensemble, il venait à mes galas, il prenait des photos de moi… j'étais heureuse à l'époque.
— Mais ça a changé quand je suis rentrée en sixième. Soudain nous ne sortions plus, il « oubliait » de me donner mon argent de poche, et c'était Grandpa qui venait me chercher après les cours de danse. J'ai appris plus tard qu'il avait changé son emploi du temps et ses gardes pour être libre les jours de cours.
— Mon père était – est – un scientifique. Il enseignait à la fac et comme il faisait beaucoup d'expériences à la maison, l'accès à son labo m'était interdit. Quand il a commencé à y rester de longues heures, j'ai dû m'occuper de la maison, de la cuisine, du linge, du jardin… J'ai réalisé des mois plus tard qu'il n'allait plus donner ses cours lorsqu'une lettre de la fac est arrivée. Mon père était sans emploi, et il n'avait pas l'air de s'en soucier. Il semblait plus étrange chaque jour qui passait, et j'ai commencé à l'éviter quand il était hors de son labo.
— Un jour un homme a sonné à la porte. Il n'était pas très vieux, je ne crois pas qu'il avait plus de vingt-cinq ans, en fait. Il a dit qu'il était un ancien élève de mon père et voulait discuter avec lui. Ils sont restés quatre heures dans son bureau, et quand l'homme est parti, ils semblaient tous les deux satisfaits. Je me souviens que l'homme m'a tapoté la tête et murmuré « bonne fille ». C'était effrayant. Et à partir de ce jour, les expériences ont commencé.
Riza sentit Roy se raidir.
— Tu veux dire… commença-t-il.
Il était intelligent, et elle savait qu'il avait compris.
— Il m'a utilisée comme cobaye, oui. Il recevait des échantillons de produit et les testait sur moi… sur le bas de mon dos, là où personne ne pouvait voir quand je dansais. Certains produits étaient sans effet, d'autres me faisaient affreusement mal. Je devais toujours décrire précisément ce que je ressentais pendant qu'il notait tous les effets sur ma peau.
La voix de Riza se brisa. C'était plus dur qu'elle le voulait.
— Merde, gronda Roy.
Riza leva les yeux et rencontra son regard furieux. La peur la saisit et elle se raidit à son contact. Mais lorsqu'il se tourna pour lui faire face, il s'adoucit.
— Je ne suis pas furieux contre toi, Riza. Je suis furieux parce que tu as dû vivre tout cela toi aussi, comme bien trop d'enfants que je vois durant mon travail. Il l'enlaça soudain. Ça me va si tu veux arrêter là.
Riza n'osa pas le regarder et des larmes perlèrent sous ses paupières.
— Arrêter quoi ? Souffla-t-elle.
La main de Roy effectua des cercles rassurants dans son dos, et l'autre caressa ses cheveux.
— Arrêter de parler de ça. Si c'est trop difficile pour toi, ne te force pas. Je peux attendre que tu soies de nouveau prête.
Riza tenta de retenir son sanglot, mais il sortit tout de même, incontrôlable, de sa gorge. Elle enfouit son visage dans son torse et lui rendit son étreinte, ses mains s'accrochant à sa chemise.
— Merci Roy. Ça me touche énormément.
Il était chaud, apaisant, il était là. Et cela suffisait pour Riza. Elle resta entre ses bras jusqu'à ce qu'elle ait pleuré tout son soûl. Puis elle recula un peu et il prit ses mains dans les siennes. Il semblait inquiet, mais il lui rendit le sourire qu'elle parvint à lui adresser.
— Désolée.
— Ne le sois pas, dit Roy en fronçant les sourcils.
Il posa sa main sur sa joue et elle se perdit dans sa paume. Il rougit soudain.
— Est-ce que je vais trop vite ?
Riza secoua la tête.
— Je ne t'aurais pas parlé de mon passé si je n'avais pas pensé que nous allons au bon rythme. J'avais un peu peur au début, mais maintenant je sais que c'est bien. J'aime comment ça se passe entre nous.
Roy déglutit et Riza observa sa pomme d'Adam avec intérêt avant de relever les yeux.
— Je veux te raconter un peu plus ce qu'il s'est passé.
— Tu es sûre ?
Riza hocha la tête. Au moins il saurait son passé et comment il avait modelé sa vie.
— Je vais te dire comment ça s'est arrêté.
Elle s'installa dans le canapé, reposant sa tête sur l'épaule de Roy. Leurs mains étaient enlacées.
— Mon père m'a fait promettre de ne rien dire à personne parce qu'il ne pourrait plus « prendre soin de moi ». Elle marqua les guillemets de ses doigts. J'étais si effrayée, je n'ai pas pu lui dire non. Mais un jour pendant un cours de danse, l'une de mes blessures s'est rouverte, et les filles criaient parce que je saignais. J'ai été amenée à l'hôpital, et là j'ai réalisé que j'étais en sécurité. Les médecins et infirmières s'occupaient vraiment de moi, et c'était la première fois depuis des années que je me sentais à un endroit sûr.
— Je leur ai dit d'appeler Grandpa au lieu de mon père, et je lui ai tout raconté. Tout ce que je sais de la suite, c'est que toutes mes affaires étaient déménagées de la maison de mon père et j'avais une chambre permanente dans la maison de Grandpa. C'est devenu ma maison, et je n'ai vu mon père que deux fois depuis, et seulement au tribunal, lorsque ses droits parentaux lui ont été retirés. Ça fait seize ans que je ne l'ai pas vu, et je n'ai pas envie de savoir ce qu'il est devenu.
Elle ne dirait pas maintenant à Roy que son père était le seul impliqué qu'elle n'avait pas vu depuis plus de dix ans. Peut-être qu'elle lui dirait plus tard ce qu'elle savait de l'autre homme. Celui qui avait acheté la santé mentale de son père. Et qui avait voulu faire pareil avec elle plus tard. Mais à ce moment-là, elle n'était plus la fille sans défense qu'elle avait été. Elle espérait juste que les yeux perçants et le rictus de cet homme ne reviendraient pas hanter ses rêves. Riza le repoussa le plus loin possible. Peut-être plus tard. Peut-être.
— La situation de Nina m'a rappelé la mienne, et je me sens mal de ne pas m'être rendu compte à quelle vitesse son père avait changé à cause de l'accident du labo. J'aurais déjà dû savoir que quelque chose n'allait pas quand il n'est pas venu la chercher deux fois à la fin du cours.
— Je peux te comprendre sur ce sujet, dit Roy, et son bras trouva sa place autour de ses épaules. Je veux que tu saches que rien de ce que tu as dit n'a dégradé mon image de toi. Tu es une femme fantastique, une professeur fantastique, et une danseuse fantastique, même si personne ne t'a vue danser depuis des années. Je suis heureux que tu aies pu partager ton histoire aussi tôt après notre rencontre.
Riza analysa ses mots. Voulait-il la voir danser de nouveau ? Ou lui rappelait-il simplement qu'elle avait longtemps dansé devant un public ? Ce serait un problème pour plus tard, décida-t-elle.
— Rebecca est la seule qui connaît cette histoire avec Grandpa et ma psy. Comment est-ce que je peux être sûre de pouvoir te faire confiance ?
Roy embrassa son front.
— Tu peux me faire confiance. Je connais plus de secrets que tu ne peux l'imaginer, et personne n'en a entendu parler, à part ceux qui me les ont confiés. La majeure partie d'entre eux sont des secrets de mes sœurs, et ça fait des années que je les garde.
— Est-ce que tu me raconteras ton enfance ?
Riza sentit soudain le sommeil planer sur elle. Son café n'avait pas été très efficace pour combattre la fatigue qu'elle ressentait après son récit.
— Maintenant ? Demanda Roy.
Riza remua la tête.
— J'ai sommeil, je pense que je vais juste rester ici, là où je me sens bien.
Elle se blottit contre Roy et sentit son autre bras se glisser autour de sa taille pour la tenir contre lui.
— Tu ne veux pas aller au lit ? Tu dormiras mieux.
Ses mots furent les derniers qu'elle entendit avant de s'endormir.
Lorsqu'elle se réveilla le dimanche matin, Riza se trouvait dans son lit, portant encore la robe de son rendez-vous. Quand elle réalisa que Roy l'avait portée alors qu'elle dormait, elle rougit et enfouit sa tête dans son oreiller.
Ressaisis-toi, Riza ! Tu es une adulte, pas une ado amoureuse ! Souviens-toi que la seule chose que tu voulais à l'époque c'était danser, et que les seuls garçons qui pouvaient te toucher étaient tes partenaires de danse !
Riza grommela dans le tissu doux.
— J'imagine que je ne connaissais rien de l'amour à l'époque…
Elle n'avait eu qu'un seul vrai petit copain, avant de travailler avant le Ballet National, et elle l'aimait bien. Mais lorsqu'elle avait eu une bonne opportunité avec la danse, il avait essayé de l'arrêter, de réduire ses chances de faire ce qu'elle aimait. Il l'avait fait choisir entre la danse et lui. C'est peu de le dire, la minute d'après elle quittait son appartement et courait vers le sien pour appeler Olivia Armstrong et accepter son offre.
Roy était différent. Il l'admirait et semblait sincèrement triste qu'elle ne danse plus. Elle souhaita soudain pouvoir lui parler de ça. Rebecca avait souvent essayé de l'encourager, mais son opinion lui avait semblé biaisé parce que son amie en savait trop sur la danse. L'avis de Roy pourrait être biaisé aussi, mais pas pour la même raison. Elle lui demanderait en tant que personne qui aime regarder la danse parce que c'est beau, pas comme l'homme qui l'admire.
Riza jeta un œil à son réveil. Déjà 9h ? Elle soupira, pensant à tout ce qu'elle devait faire avant que Rebecca ne rentre. Elle sortit du lit et prit une douche rapide. Lorsqu'elle sortit de la salle de bain, ses cheveux encore humides, elle découvrit que Roy n'avait pas fait que la porter au lit. Il avait nettoyé les mugs qu'ils avaient utilisé la veille, et préparé ce qu'il fallait pour le petit-déjeuner. Il y avait un bol avec un sachet de son thé préféré posé à côté, et la bouilloire était remplie d'eau, pour qu'elle n'ait plus qu'à appuyer sur le bouton.
A côté du pain se trouvait un post-it.
Bonjour Riza,
J'espère que tu as bien dormi
Mange bien et passe une bonne journée ! :-)
Merci pour hier
Je t'appelle plus tard
Tendrement,
Roy
Rougissante, Riza plia soigneusement le papier jaune et le mit dans sa poche. Elle lui envoya un message. Merci pour hier aussi. Je t'appelle quand je peux.
Mais durant tout le petit-déjeuner, pendant qu'elle pliait le linge et sortait les poubelles, elle ne put penser qu'à la note de Roy et à ses mots. Tendrement, avait-il écrit. Tendrement, tendrement… c'était étrange comme ce mot avait le même rythme que la cuillère en bois qu'elle tournait dans la poêle pour remuer les légumes.
— Merde, Riza Hawkeye, tu n'iras pas loin si tu rêvasses ! Gronda-t-elle.
— Quel est le problème, Riza ?
Riza sursauta à l'arrivée soudaine de sa meilleure amie.
— Rebecca ! Tu es déjà là ? Ta nuit avec Jean s'est bien terminée, j'espère ! S'exclama-t-elle dans une tentative de détourner la conversation.
— En fait, c'était génial ! Jean m'a rendue tellement heureuse ! Rebecca rayonnait, et Riza ne douta pas que sa nuit avait été fantastique. Mais je ne voulais pas te laisser seule. Riza lui lança un regard impassible. Je plaisante, Jean a été appelé par le boulot et on a dû se séparer plus tôt que prévu. Mais dis-moi plutôt, Riza. Pourquoi jurais-tu ?
Merde. Elle n'allait pas abandonner, évidemment.
— Je faisais quelque chose d'autre et j'ai failli oublier les légumes sur le feu, c'est tout, mentit-elle aisément.
— OK. Rebecca sembla accepter son excuse. Et ta soirée ? Elle était bien ?
— Pas aussi mouvementée que la tienne, mais bonne.
Riza n'expliqua pas en quoi elle avait été bonne, puisque Rebecca finirait de toute manière par le savoir.
Elles mangèrent ensemble puis partirent pour leur entraînement quotidien au Conservatoire. Elles s'échauffèrent avec d'autres danseurs, puis dansèrent ce qu'elles voulaient avec leurs écouteurs dans les oreilles. C'était plutôt utile pour s'entraîner sans déranger les autres, et c'était l'un des meilleurs moyens que Riza avait trouvés pour danser sans se soucier du regard des autres.
Comme d'habitude, lorsqu'elle s'arrêta, elle était seule au milieu de la pièce et les autres la regardaient. Rebecca s'avança.
— Riza, comment se fait-il que tu ne sois pas de retour sur la scène ? Comment peux-tu rester ici avec tes élèves et ne pas montrer au monde que tu es toujours la même danseuse qu'il y a trois ans ?
Riza avait déjà eu cette conversation avec elle. Elle enleva ses écouteurs et soupira.
— Rebecca, j'aime enseigner, et je sais que je suis douée pour ça. Ces élèves seront les meilleurs danseurs de leur génération et je ne veux pas les arrêter en revenant.
Rebecca fronça les sourcils.
— Qu'est-il arrivé à ta motivation ? À ton désir de danser ? Tu ne peux pas rester ici quand tu es capable de grandes choses ! Secoue-toi un peu et danse, Riza ! Et tu inspireras encore plus ces étudiants ! Je suis certaine qu'il y en a qui sont là uniquement parce qu'ils t'admirent !
Riza ne répondit pas. Elle ne voulait pas admettre devant Rebecca et ses collègues qu'elle avait raison. Elle ne progresserait pas comme professeur alors qu'elle était capable de faire bien plus. Elle saisit son pull, son téléphone, et quitta la pièce en toute hâte. Elle avait besoin d'air. Elle avait besoin de réconfort. Elle avait besoin d'une voix qu'elle aimait.
Elle s'installa sur le toit du bâtiment, sur un banc qui était là depuis des décennies. Ça avait été le banc sur lequel Rebecca et elle mangeaient durant leurs années lycée.
Roy décrocha à la seconde sonnerie.
— Riza, enfin ! Elle put entendre le sourire dans sa voix et ses épaules se détendirent contre le mur de pierre. Je suis resté à côté de mon téléphone toute la journée, j'attendais ton coup de fil. Comment vas-tu ?
— J'ai une question, commença Riza, sans se soucier de le saluer correctement. Mais sa salutation avait été bienvenue. Me dirais-tu, étant quelqu'un qui aime regarder les ballets, de danser de nouveau dans une compagnie de danse ?
— Riza ? Qu'est-ce qui s'est passé ? S'inquiéta Roy.
Riza ne pouvait pas attendre.
— Réponds simplement à ma question, Roy. S'il-te-plaît.
Elle mordit sa lèvre inférieure et ferma les yeux.
— Je te dirai de le faire, Riza. Si tu es guérie et que ton niveau est le même qu'avant ton accident, je te dirais d'aller plus loin, de faire ce que tu es capable de faire, et de donner de nouveau aux gens l'occasion de rêver. Je sais que tu peux le faire, Riza. Je… je veux te voir danser de nouveau.
Riza laissa l'expiration qu'elle retenait sortir de ses poumons et trouva la force de sourire.
— Merci Roy. Je pense que je me rends compte maintenant que je voulais entendre ça. Merci du fond du cœur.
— Je suis heureux de pouvoir t'aider, Riza. Mais est-ce que je peux demander…
— Je te dirai tout mardi, je te le promets. Je préfère parler des choses importantes en personne. Le téléphone les rend moins sérieuses.
Parler face à face donnait un réel impact aux discussions.
— Très bien alors, je te verrais mardi. Mais laisse-moi te dire que je ne regrette rien d'hier soir. Et j'ai hâte de te revoir.
— Je ne regrette pas de t'avoir raconté mon passé. Et je veux te voir, Roy.
Son cœur avait parlé pour elle.
— C'était agréable de t'entendre, Riza.
Riza tenta de réprimer son sourire, mais ne put le combattre.
— J'aime ta voix, Roy. Eh bien, ça c'était direct au moins. Merci encore, et à mardi.
— Quand tu veux, Oiseau de Feu.
Roy raccrocha.
Oiseau de Feu ? Oiseau de Feu ? Était-il déjà au stade des petits noms ? Et merde, elle était en train de tomber, de tomber de plus en plus dans ses bras, et elle ne pouvait pas se battre. Elle était un oiseau mais ne pouvait pas voler loin de cet homme. Elle se demanda brièvement s'il essayerait de la mettre en cage, mais balaya l'idée promptement. Roy n'est pas comme ça.
Riza inspira profondément et ouvrit son appli de messages.
Bonjour Armstrong,
J'espère que vous allez bien.
Je veux prendre un moment pour discuter avec vous durant la compétition. Serez-vous disponible ? Ce n'est pas à propos de mes élèves.
Bonne semaine, je vous verrai à Central.
Riza Hawkeye
Riza se leva et quitta le toit. Rebecca l'attendait au pied des escalier. Elle semblait inquiète et Riza ne la laissa pas parler. Elle enlaça sa meilleure amie.
— Je vais danser de nouveau, Reb. Je suis désolée de t'avoir embêtée avec ça.
Rebecca lui rendit son étreinte.
