Hello!

Bon, mon weekend ayant été moins chargé que prévu (mais quand même passé en famille, ce qui était génial!), je poste ce chapitre à l'heure!

Comme je l'ai dit à Hawkeye59 et LénaFMA, je pense que vous allez me détester à cause de ce qui arrive dans ce chapitre. Ou alors détester Armstrong. Mais sachez que ce chapitre a été l'un des plus difficiles à écrire émotionnellement parlant. Et j'ai vécu la même chose en le traduisant. En plus c'était un contexte particulier, puisque mes parents ont décidé de passer par les petites routes pour aller sur notre lieu de weekend et que le trajet a duré bien plus longtemps que d'ordinaire. Imaginez-moi donc, mon PC sur mes genoux, en train de traduire l'un des passages les plus tristes de cette histoire pendant que la voiture file dans la nuit. J'ai pu traduire 6 pages comme ça!

Ce chapitre n'est pas complètement négatif, et il y a certaines choses qui se mettent en place. On aborde aussi le passage qui parle de discrimination (pas clairement, mais vous comprendrez facilement avec le contexte)

En tout cas, il y a un peu d'espoir tout de même dans ce chapitre! (avant la fin du chapitre, où vous allez encore me détester)

Bonne lecture!


Chapitre 6 - Un temps de séparations


Les deux semaines qui menèrent au gala furent absolument géniales pour Roy et Riza. Le pompier accomplit ses missions avec tout son cœur, guidant ses hommes avec compétence pour gérer les accidents, les disputes qui finissaient en agression, les incendies de maisons. L'absence de Havoc rendait certains jours plus difficiles, et bien sûr, il dut se confronter à son habituelle dose de drame et de larmes, mais Riza était là, et sa présence importait. Il n'avait pas besoin de lui dire ce qu'il s'était passé – ça aurait été trop – mais elle courait tout le chemin entre leurs deux immeubles pour le prendre dans ses bras lorsqu'il l'appelait.

Ils parlèrent beaucoup, se câlinèrent énormément, et coururent ensemble le matin tous les deux jours. Roy put voir les cicatrices dans le bas de son dos. Sa peau avait perdu la douceur qu'elle avait partout ailleurs, se transformant en un étrange patchwork de petites marques rondes et de grandes cicatrices blanches. Roy les embrassa, faisant frissonner Riza sous son contact.

— Elle font partie de ton histoire, mais elles ne te définissent pas, lui dit-il une nuit, couché à côté d'elle. Tu n'oublieras sans doute pas cette douleur, mais la souffrance n'est plus là.

— Beau gosse, qu'ai-je fait pour te mériter ? Demanda Riza d'un ton ensommeillé. Qu'est-ce qui fait que tu restes avec moi et tous mes défauts ?

Roy se redressa sur un coude, sourcils froncés, et caressa sa joue de son autre main.

— Riza, ne sous-estime jamais ton importance à mes yeux. Tu es une femme belle, forte et libre, et pourtant tu as décidé d'être avec moi, de me soutenir quand mon boulot est trop dur. Je ne peux pas te remercier assez pour ça. Je sais que nous venons à peine de nous rencontrer – un mois n'est rien comparé à une vie – mais je veux que ce temps importe pour nous. Ce n'est que le début, et je veux continuer encore longtemps. Je n'ai jamais ressenti le besoin de m'engager avec une femme – sauf peut-être cette fille en CE1 à qui j'offrais des billes et avec qui je jouais à la récré. Riza rit doucement. Jusqu'à maintenant. Tu vaux toutes les taquineries de Hughes, de ton grand-père et de mes collègues. Tu es celle avec qui je veux courir, celle que je veux voir danser parce que c'est ce que tu aimes.

Roy se retrouva soudain dans les bras de Riza, sa tête sur sa poitrine et ses jambes bloquées par les siennes.

— Merci Roy, murmura-t-elle dans son oreille.

Riza n'avait pas voulu lui dire quel rôle elle danserait durant le gala, mais Roy avait sa petite idée. Il espérait qu'il avait raison mais ne dirait pas sa pensée à Riza.

Le week-end du gala arriva, et Roy prit place dans le théâtre du Conservatoire avec Hughes et Gracia pour regarder Elicia, Nina et leurs amies danser. Au cours des cinq minutes qui suivirent, douze fées coururent et sautèrent sur la scène en même temps que la musique. Elles étaient mignonnes, certaines un peu maladroites, et Roy sourit en voyant que l'une d'entre elles était si concentrée qu'elle tirait la langue.

Winry dansa Flore une fois de plus, et ce fut bien mieux de la voir en personne qu'à la télé. Elle fut applaudie par le public, et lorsque quelqu'un cria « Je t'aime Winry ! », Roy vit Edward se lever de son siège et crier encore plus fort « C'est moi que tu aimes, Winry ! ».

Riza ne danserait pas ce jour-là, mais elle présenta ses élèves et les chorégraphies qu'elles avaient préparées sur le thème « Mythes et légendes ». Des farfadets, des fées, des elfes, d'anciennes divinités, des princesses et des chevaliers dansèrent toute la journée, et Roy se demanda combien d'élèves faisaient partie du conservatoire. Il jeta un œil à son programme donné à l'entrée et vit que la majorité des danses du lendemain étaient en contemporain ou des pas de deux. Plus la « Surprise » juste avant le grand final. Roy savait ce que c'était et était impatient de revoir Riza danser.

Le jour suivant, les Hughes décidèrent de passer la journée dehors, et Roy ne put leur en vouloir, puisque le temps de ce début de juin était doux et agréable. Roy prit son temps pour se préparer le matin et acheta un bouquet. Il avait déjà un billet pour les danses de l'après-midi, grâce à Riza. Le théâtre était déjà à moitié rempli lorsqu'il arriva. Mais sa place fut facile à trouver : première rangée, près du milieu de la scène pour qu'il soit au plus proche des danseurs. Les pas de deux furent gracieux, et Roy admira la beauté de la danse et de la musique. Il lança un coup d'œil à sa gauche et vit que sa voisine de siège, une femme blonde au costume à carreaux, les regardait l'air sévère. Roy reporta son attention sur les danseurs, se demandant comment quelqu'un pouvait sembler juger autant deux adolescents qui étaient à peine au lycée. C'était étrange comme cette femme lui paraissait familière.

La scène fut dégagée, et la directrice du Conservatoire monta sur les planches.

— Mesdames et messieurs, salua-t-elle le public. Le prochain numéro a été ajouté il y a moins de deux semaines au programme. La danseuse qui prendra l'espace ici n'a pas dansé pour un public depuis trois ans. Mais désormais elle est prête à vous montrer qu'elle n'a pas perdu son talent, qu'elle veut vous refaire tomber amoureux de la danse. Accueillez Riza Hawkeye, l'Oiseau de Feu !

Les applaudissements explosèrent dans le public, et Roy les accompagna. Lorsque Riza apparut, bondissant d'un bout à l'autre de la scène, il laissa échapper un soupir admiratif.

— Ah, mon Oiseau de Feu…

Riza dansait comme dans ses souvenirs, libre, heureuse, et Roy se retrouva une fois de plus captivé par la femme qu'il avait vue danser trois ans plus tôt. Il y avait quelque chose de plus dans sa danse qui n'y était pas la première fois. Quelque chose qui la faisait rayonner encore plus, qui la faisait bondir plus haut, qui faisait brûler ses flammes bien plus fort, et ce n'était pas son costume de l'Oiseau de Feu.

— Si belle… murmura-t-il.

Lorsque le prince apparut et captura l'Oiseau de Feu, Roy fut pris par surprise par la voix de la femme à côté de lui.

— Vous la connaissez ?

Réalisant qu'elle lui parlait, Roy répondit avec un sourire.

— Je l'ai vue danser il y a trois ans et je suis tombé sous son charme. Je l'ai vraiment rencontrée il y a quelques mois et nous sortons ensemble depuis. C'est la meilleure femme que j'aie jamais rencontrée, la seule flamme que je n'éteindrai pas. Elle a trop de talent pour être retenue.

Je l'aime.

Bien entendu il ne dirait pas cela à quelqu'un qu'il ne connaissait pas. Il le dirait d'abord à Riza. Il le lui dirait chaque fois qu'il pourrait.

La femme à sa gauche laissa échapper un « Tss » agacé et reporta son attention sur les danseurs. Roy la fixa, abasourdi. Qui était cette femme pour sembler aussi ennuyée par sa relation avec Riza ? Il se concentra sur la danse, soudain jaloux du partenaire de Riza, qui pouvait la tenir par la taille, la hisser en l'air, et simplement danser en harmonie avec elle. Il réalisa qu'ils n'avaient pas dansé ensemble depuis qu'ils se connaissaient et se promit de trouver une occasion de le faire, pour s'entraîner avant le mariage de Rebecca et Jean.

Le numéro se termina et un tonnerre d'applaudissements retentit dans la salle. C'était un retour réussi. Riza était toujours aimée des gens, et Roy savait qu'ils iraient la voir danser comme avant. Riza et son partenaire s'inclinèrent à l'avant de la scène, rayonnants et magnifiques. Le cœur de Roy se remplit de fierté et d'amour lorsqu'il croisa le regard de Riza. Elle lui sourit. Lorsqu'elle vit l'autre femme blonde, une brève surprise apparut dans ses yeux ambre avant que sa joie ne revienne.

Le grand final arriva, et toutes les classes d'élèves se rassemblèrent sur la scène pour saluer. Des fleurs furent offertes, des discours donnés, pour féliciter les talents de l'école pour cette année écoulée.

— Je sais que je vous ai vue quelque part, dit Roy à la femme durant l'un des discours.

Il était plutôt bon pour les visages des gens qu'il voyait en personne, mais puisque le sien ne lui avait pas immédiatement dit quelque chose, c'était qu'il avait dû la voir à la télé.

— Olivia Mira Armstrong, directrice du Ballet National d'Amestris, répondit-elle avant de se détourner.

C'était donc ça. Il l'avait vue durant la finale du Grand Prix de Central. Était-elle là pour parler à Riza ?

Tout le monde fut ensuite invité à prendre un verre ou un morceau dans le grand hall du conservatoire. Roy profita de ce moment pour chercher Riza. Il la trouva dans le couloir des vestiaires, seule. Ses cheveux étaient toujours coiffés en une longue tresse, mais elle avait enlevé son maquillage et avait revêtu un haut sans manches en soie couleur bronze, une chemise blanche – était-ce l'une des siennes ? – et un pantalon noir.

— Félicitations, mademoiselle Oiseau de Feu, vous avez enflammé le public, dit-il avec un immense sourire alors qu'il l'approchait.

— Vraiment ? Eh bien, monsieur le beau pompier, pourquoi ne l'avez-vous pas éteint ? Répliqua-t-elle d'un ton taquin.

— J'étais trop occupé à te regarder, Riza. Tu étais la meilleure, tu mérites tous les compliments.

Son cœur fit un bond dans sa poitrine lorsque Riza rougit. Était-il autorisé de tomber amoureux de quelqu'un aussi rapidement ? De penser que vous étiez prêt à passer votre temps avec ce quelqu'un après si peu de temps ?

Il lui donna les fleurs qu'il avait achetées quelques heures plus tôt.

— Elles ont vu des temps meilleurs, mais avec de bons soins elles seront comme avant.

— Merci Roy. Mais le fait que tu sois là m'importe plus que des fleurs.

Riza laissa les fleurs dans la main de Roy et prit son autre main, entrelaça leur doigts et embrassa ses phalanges.

Les mots qui occupaient son esprit menaçaient de sortir, mais Roy savait que ce n'était pas encore le moment. Il se pencha et lui embrassa le front rond et doux, pendant qu'il entourait sa taille de sa main libre.

— J'ai rencontré quelqu'un que tu connais aujourd'hui, déclara-t-il.

Riza leva les yeux mais ne lâcha pas sa main, attendant qu'il continue.

— Je l'ai trouvée très critique, et je pense qu'elle a des standards très stricts pour les danseurs qu'elle veut dans sa compagnie.

Riza se figea.

— Tu as rencontré Armstrong ?

— Oui. Pourquoi, c'est important ?

— Elle est là pour voir si je peux retourner au BNA. Roy espéra que ça avait marché. Roy, ajouta-t-elle d'une voix tremblante, lui as-tu parlé de nous ?

— De notre relation ?

Riza hocha la tête et ses yeux se remplirent de peur lorsqu'il acquiesça. Son cœur se serra d'appréhension pour les prochaines minutes.

— Oh, Roy.

Elle sanglota et lâcha sa main.

— Oh, Roy, je suis tellement désolée. J'aurais dû te le dire avant. Je… il y a une règle au BNA…

— Une règle que tu as brisée. Puis tu m'as menti.

La voix froide d'Armstrong résonna dans le couloir blanc, et Roy comprit soudain sa contrariété dans la salle un peu plus tôt.

— Et apparemment tu lui as menti à lui aussi. Je te pensais meilleure que ça, Hawkeye.

Riza s'éloigna de Roy, évitant son regard.

— Je ne suis pas encore au BNA, donc je n'ai pas encore brisé la règle. Et je ne vous ai pas menti. Vous m'avez seulement demandé si je me rappelais la règle. Et j'ai dis que je me rappelais. Elle planta son regard dans les yeux bleu glacials d'Armstrong. Dites ce que vous voulez, je sais ce que j'ai dit.

L'aînée des blondes croisa les bras, et Roy sentit que le débat était clos.

— Je t'ai vue danser, Hawkeye. Tu peux venir et danser avec nous. Mais tu dois le laisser derrière. Laisse-le faire partie de ton passé et commence une nouvelle vie avec nous. Tu devras respecter cette règle, comme tout le monde.

Le silence tomba entre eux. Riza regarda Roy, puis Armstrong. Elle inspira profondément.

— Roy, je suis tellement désolée. J'aurais dû t'en parler, on aurait réfléchi ensemble à une solution… Au lieu de ça, je suis égoïste et je vais là où tu ne peux pas me suivre. J'ai aimé chaque moment que j'ai passé avec toi, et je ne regretterai jamais ce que nous avons vécu ensemble.

Roy serra les dents. C'était dur. Dur d'entendre ces mots, dur de réaliser qu'il ne voulait pas les entendre. Mais il était un adulte, il avait trente-et-un ans, putain ! Il pouvait l'accepter, il pouvait supporter la douleur de perdre la femme qu'il aimait Il aimait Riza, et c'était pour cette raison qu'il la laissait partir. Il avait dit qu'il ne pouvait pas l'empêcher de faire ce qu'elle aimait, alors il accepterait qu'elle le quitte. Il inspira profondément et sourit doucement.

— Fais ce qu'il y a de mieux, Riza. Je soutiendrai ta décision, même si c'est la chose la plus difficile pour moi. Mais souviens-toi que je t'ai aidée à prendre cette décision. Je ne t'oublierai pas. Je ne peux pas oublier une femme telle que toi. Tu as du talent, et du dois le montrer au monde. Oiseau de Feu, vole de tes propres ailes.

Chaque mot était plus dur à dire que le précédent. Son cœur se brisa lorsque Riza commença à pleurer. Tout ce qu'il voulait faire était l'enlacer, embrasser ses larmes pour les arrêter et ne plus jamais entendre parler d'Armstrong. Mais c'était le choix de Riza.

— Pourquoi dois-tu rendre ça si difficile, Roy ? Hurle, crie, supplie-moi, mais ne reste pas si stoïque alors que tu me laisses partir…

Sa voix était un filet ténu, et ses mains enlacées ensemble tremblaient.

— Je suis un pompier, tu sais ? Je dois rester fort même dans les situations les plus dramatiques.

Roy tenta de garder son sourire, mais il disparut lorsqu'il rencontra ses yeux remplis de larmes.

Peut-être était-ce égoïste, mais c'était tout ce qu'il pouvait faire. En quelques pas il se retrouva devant elle. Il prit avec toute la tendresse qu'il avait sa mâchoire dans le creux de sa main, et embrassa son front.

— Au revoir, Riza.

Il s'éloigna, son cœur en miettes, sa marche raide. En passant à côté d'Armstrong, qui n'avait pas prononcé un mot, il murmura froidement.

— Vous êtes cruelle.

C'était aussi égoïste, mais il en avait besoin. C'était le seul moyen qu'il avait d'exprimer sa colère.

Ce fut seulement dehors, sous le soleil éclatant, qu'il s'aperçut qu'il avait toujours les fleurs dans sa main. Il les fixa du regard, choisit une fleur en bouton et laissa tomber le reste sur un banc.

Puis il pleura. Il fut soudain reconnaissant envers sa mère qui lui avait dit que pleurer n'était pas un signe de faiblesse. Il pleura tout le temps que lui prit le trajet vers chez lui, pleura lorsqu'il vit le message enthousiaste de Hughes.

On a su que Riza avait tout déchiré pendant le gala !
Tu dois être tellement content pour elle !

Roy lut le message, et resta apathique pour un long moment.

Ne me demande pas d'aller chercher ta fille à son cours de danse mardi prochain.

Hughes essaya de l'appeler quatre fois ce soir-là. Roy ne répondit pas. Pour le moment, il voulait seulement être seul.


Lorsque Roy quitta le couloir, Riza essaya d'arrêter de pleurer et y parvint en quelque sorte. Elle promit à Olivia qu'elle ne reverrait plus Roy et commencerait à travailler pour le prochain ballet de la compagnie dès que possible.

— Tu devras passer une semaine entière à Central pour t'entraîner avec les autres. Nous serons à la demeure des Armstrong, donc pas besoin de chercher un hôtel.

Riza hocha la tête d'un air absent. Elle plaqua un faux sourire sur son visage en sortant dans le grand hall pour prendre un verre et discuter avec les gens, surtout des parents, mais aussi quelques professeurs, et une poignée de journalistes. Ils étaient tous ravis de son recrutement récent par le BNA.

Seule Rebecca vit que quelque chose n'allait pas. Elle lui offrit d'aller porter à la voiture toutes les fleurs et cadeaux qu'elle avait reçus.

— Si tu veux rentrer, dis-le moi, on partira dès que possible.

Riza lui adressa un sourire tordu.

— Essaie de détourner leur attention, je t'attends à la voiture.

Rebecca acquiesça et prit la place de Riza dans les conversations avec certains parents. Riza parvint à éviter les gens qui voulaient lui parler et sortit du conservatoire. Elle inspira, sentit la chaleur du soleil sur sa peau. Puis elle vit les fleurs sur le banc. Et la douleur de son cœur brisé se réveilla. Elle s'assit sur le banc et serra le bouquet sur sa poitrine. Peut-être que c'était la douleur d'un amour perdu ou celle des épines des roses mordant sa peau, mais elle voulait ressentir cette douleur. Pourquoi ne lui avait-elle pas dit ? Pourquoi devait-elle encore une fois faire face aux mauvaises conséquences de ses choix ? Roy était ce qui lui était arrivé de mieux dans sa vie ces derniers mois, et elle avait voulu que cela dure le plus longtemps possible. Mais ça n'arriverait pas. Elle fixa le vide, sans voir le trottoir, les arbres, ou sa meilleure amie qui s'assit à coté d'elle.

— Riza, on doit y aller. Rebecca posa une main sur son épaule, et Riza réalisa qu'elle avait froid. Rentrons à la maison, je m'occuperai de toi.

Riza n'avait rien dit à sa meilleure amie, mais elle avait compris ce qui était arrivé après le gala. Roy était venu et parti seul. Personne ne les avait vus ensemble. Personne à part Armstrong. Elle se leva du banc et suivit Rebecca jusqu'à la voiture. Elle ne parla pas, bougea pas, pleura pas du trajet. Elle enregistra à peine que Rebecca l'aidait à sortir de la voiture et monter les escaliers vers leur appartement, les fleurs toujours serrées contre sa poitrine.

Une fois assise sur le canapé, un plaid sur les épaules, elle réalisa.

— On a rompu, gémit-elle.

Immédiatement, Rebecca fut auprès d'elle et l'enlaça.

— Armstrong nous a vus. J'ai dû prendre une décision. Roy ou le BNA. Je veux tellement danser ! Mais Roy… il m'a laissée partir. Il sait à quel point j'aime danser, et il m'a laissée partir. Il est trop bon pour moi. Et maintenant il n'est plus là. Je ne dois plus le revoir. Je ne sais pas comment je réagirai si je le vois.

Elle fut frappée par une soudaine révélation et écarquilla les yeux.

— Reb, je l'aime. Je l'aime et il n'est pas là et je ne pourrai pas lui dire.

Rebecca lui caressa le dos alors qu'elle s'effondrait. Sa relation avec Roy était la plus belle qu'elle avait vécu jusqu'à maintenant, et elle avait espéré qu'elle durerait plus longtemps que ça. La dernière fois qu'elle avait dû faire ce choix, entre un homme et la danse, ça avait été simple. Elle n'aurait pas été heureuse dans cette relation. Mais avec Roy, elle avait été heureuse. Elle avait été aimée, même s'il ne le lui avait pas dit.

— Tu sais ce que tu vas faire, Riz' ? Elle leva la tête à la voix de Rebecca. Tu vas me donner ton téléphone, et pendant que je m'occupe de tes photos – ne nie pas, je sais que vous en avez de vous deux – tu vas aller prendre une douche, puis tu vas manger quelque chose et aller au lit. Et demain on va courir ensemble, et on va s'entraîner ensemble, et tu donneras tes cours comme d'habitude et tu ne penseras pas à lui. Je t'aiderai.

— Tu es trop bonne pour moi, Rebecca… Mais tu dois aussi prendre soin de Jean. Et tu as ton mariage à préparer !

— Je ne planifierai pas mon mariage avant que Jean ne sorte de l'hôpital et que ma première témoin n'aille mieux. Maintenant, lève-toi et va prendre ta douche.

Riza obéit. Les heures suivantes passèrent dans un brouillard et elle alla au lit avec un téléphone vide de toutes les photos prises avec Roy.

— Je les ai mises dans un dossier protégé. Je suis la seule à connaître le mot de passe, lui dit Rebecca.

Sa meilleure amie fut son meilleur support les jours qui suivirent. Elle gardait son esprit occupé, l'encourageait avant ses cours, et lui rappelait de manger. En même temps qu'elle passait de nombreuses heures à l'hôpital avec Jean pour préparer son retour à la maison.

— Qu'ai-je fait pour mériter une amie telle que toi ? Demanda Riza le soir suivant, lorsque Rebecca plaça une tasse fumante entre ses mains.

— Tu es toi-même, Riza, et c'est tout ce que tu dois savoir. Rebecca prit place à côté d'elle. Je sais qu'Armstrong ne te donne pas le temps de réaliser ce qui t'arrive, et je pense que c'est pour le mieux. Je t'ai vue hier. Si tu arrêtes de bouger tu t'effondres. Trouve quelque chose à faire à côté de ton entraînement lorsque les cours seront terminés.

— J'ai eu une idée lorsque j'ai rencontré monsieur Demir pour la première fois, déclara Riza. Il veut que les jeunes Ishbals s'intègrent mieux à la culture amestrienne, sans oublier leur propre culture. Et je pense que je peux inclure la danse.

Rebecca pointa son doigt vers elle.

— C'est exactement le genre de projet dont tu as besoin. Tu as quelque chose de différent pour occuper ton esprit. Je sais que tu peux le faire. N'attends pas pour lui dire, le dernier cours de Nina est demain.

Riza essaya de sourire. La journée n'avait pas été bonne, mais Rebecca cherchait déjà un moyen de garder son esprit loin de Roy. Elle passa le reste de sa soirée à travailler sur une proposition pour Sachar, puis alla se coucher. Son sommeil fut sans rêve et sans repos.

Le sourire de Gracia fut compatissant lorsqu'elle la vit le lendemain quand elle amena Elicia et Nina.

— Maes m'a dit ce qu'il s'était passé, dit-elle.

Elle pressa doucement le bras de Riza.

— Merci Gracia. Une boule se forma dans la gorge de Riza. J'ai bien peur de ne pas pouvoir me joindre à votre prochaine rencontre des épouses. Je ne suis pas prête à parler de R–lui pour l'instant.

Bien entendu, la première chose dont les filles parlèrent fut leurs pensées sur le dimanche précédent, comme elles avaient trouvé Riza belle et comment elles voulaient danser comme elle.

— Ma maman m'a dit que tu allais danser avec une compagnie l'année prochaine, dit Anouk.

Immédiatement, toutes les filles demandèrent si elle allait quitter l'école ou commencèrent à pleurer.

— Hé, les filles, tout va bien. Même si je pars, vous aurez toujours des cours, vous aurez quand même un professeur, qui sera très bien, je vous le promets.

— Mais elle ne sera pas vous, mademoiselle Riza !

Camilla enlaça sa taille, et plusieurs autres la rejoignirent. Riza se mordit la langue pour empêcher les larmes de s'échapper de ses yeux. Elle s'agenouilla pour accueillir les filles dans ses bras.

— Merci les filles. Vous avez été les meilleures ces dernières années, et si je ne suis pas là l'année prochaine, je veux que vous fassiez pareil. Me le promettez-vous ?

Une de ses jeunes élèves – Janette – la fixa.

— Nous serons les meilleures, mademoiselle Riza !

— Mais on sera encore meilleures avec vous, murmura timidement Éloïse.

Ses élèves lui réchauffaient tant le cœur ! Riza était heureuse de les avoir. Elles lui manqueraient une fois qu'elle aurait déménagé à Central. Elle se figea à cette pensée. Je vais devoir m'installer à Central, loin de mes amis, de ma famille, de… Elle secoua la tête.

— Allez les filles, il est l'heure de votre dernier cours ! Vous étiez fantastiques au gala, et je ne veux pas que vous oubliiez ce que vous avez fait durant l'été !

Le cours se passa tranquillement, et lorsque toutes les filles partirent pour se changer dans le vestiaire, certaines revinrent dans le studio avec des cadeaux. Riza reçu un mug « Meilleure danseuse ! », une boîte de chocolats, un joli carnet, une nouvelle orchidée, et même une photo encadrée d'elle avec les filles durant le final du gala. Elicia fut la dernière à lui donner quelque chose. C'était une simple carte. Dedans Elicia avait écrit quelques mots au stylo à paillettes rose « Merci Riza. Je suis triste que tu nous quittes mais j'espère que tu seras heureuse ». Riza sourit doucement, émue par les mots simples.

Lorsque les parents arrivèrent pour emmener leurs filles, elle prit un moment pour discuter avec Sachar. L'homme l'écouta, sérieux. Mais lorsqu'elle eut fini d'exposer son idée, il sourit.

— Ça me semble être une bonne idée. Nous devrions prendre le temps de la développer. Est-ce que vous pourriez venir là où je travaille cette semaine ? Disons jeudi après-midi, dit-il après avoir vérifié son agenda.

Riza acquiesça.

— Je viendrai vers 15h, comme ça nous pourrons préparer une présentation pour la directrice du conservatoire.

Elle tendit la main, et Sachar la prit pour montrer son accord. Elle venait juste de s'ajouter encore plus de travail, mais ce serait quelque chose d'utile pour les autres.

Le jeudi suivant, Riza gara sa voiture au pied d'une tour de banlieue entourée d'autres tours identiques. L'une d'entre elles avait un bâtiment accolé avec le signe Centre d'accueil pour la jeunesse au-dessus de l'entrée. Quelques enfants jouaient au foot devant. Ils s'arrêtèrent de jouer en voyant Riza. La plupart d'entre eux étaient Ishbals et la regardèrent avec méfiance. Bien entendu, elle était une étrangère ici, dans une banlieue d'East City qu'elle ne connaissait pas, avec sa peau claire et ses cheveux blonds.

— Bonjour, je viens rencontrer Sachar Demir, dit-elle en souriant. Savez-vous où je peux le trouver ?

L'un des garçons qui ne jouait pas mais était plutôt en train de dessiner ou d'écrire sauta sur ses pieds.

— Je vais vous montrer le chemin.

Riza et le garçon discutèrent sur le chemin vers le bureau de monsieur Demir. Il s'appelait Jonah, et il aimait le Centre, parce qu'il pouvait y faire plus de choses qu'à l'école, et au moins les gens ne se moquaient pas de lui parce qu'il aimait dessiner. Il lui raconta que Sachar était vraiment gentil avec eux tous et se battait souvent pour leur donner de meilleures conditions de vie.

— Ce n'est pas un endroit très sûr, et beaucoup des gars plus âgés sont dans des bandes ici. Mais Sachar veut nous donner une autre voie pour faire quelque chose de notre vie. Ma sœur a commencé une école pour être professeur grâce à lui, et plusieurs de ses amis sont dans les meilleurs lycées d'East City.

Riza n'avait pas réalisé à quel point cet homme était important pour la plupart des gens ici. Mais parler avec les enfants dont il s'occupait était l'un des meilleurs moyens de voir ses actions pour sa communauté.

— Il est là. Jonah frappa à la porte. Sachar, il y a une dame qui est là pour te voir !

La porte s'ouvrit peu de temps après.

— Merci Jonah. Bonjour mademoiselle Hawkeye. J'espère que vous nous avez trouvés facilement.

Sachar lui serra la main et l'invita dans un bureau encombré de matériel varié et de papiers.

— Désolé pour le bazar, je suis en train de planifier des activités pour cet été.

— Ça ne me dérange pas.

Ils s'assirent et se mirent immédiatement au travail. Riza proposa d'abord d'aider les enfants du quartier qui voulaient apprendre à danser, puis d'ouvrir un nouveau cours au Conservatoire pour tous les enfants qui voulaient apprendre la danse ishbale traditionnelle. Sachar proposa d'inviter des enfants au ballet pour qu'ils puissent voir par eux-mêmes et décider s'ils voulaient apprendre. À la fin de l'heure, ils avaient décidé d'enquêter autour d'eux pour savoir si ce projet serait bien accueilli, du côté de Riza par la directrice du Conservatoire, du côté de Sachar par les enfants et leurs parents.

— Nina pourrait grandement t'aider pour ça, non ? Lui demanda Riza au moment de partir. Je pense que vous vous enrichirez chacun de la présence de l'autre.

— Tu n'as pas tort. Elle est un peu jeune, mais elle parle énormément de la danse à la maison, donc je ne pense pas qu'il y aura un problème si elle est avec moi ou May.

A la mention de May, Riza pensa à Alphonse et aux JSP. Mais son esprit se tourna vers un homme aux cheveux noirs et au doux sourire et son cœur se serra dans sa poitrine. Elle parlerait de cette idée plus tard. Pour le moment c'était trop douloureux.

Elle salua de nouveau les enfants en sortant du centre. Ils lui firent de grands signes et elle croisa le regard rouge de Jonah. Il souriait joyeusement et Riza se douta qu'il les avait écoutés et dit aux autres ce qu'il avait compris.

— Passez une bonne journée mademoiselle ! S'exclamèrent-ils alors qu'elle leur rendait leurs signes de la main.

Cette nuit fut plus calme que les précédentes, remplie de danse et d'yeux rouges à l'éclat joyeux.

Mais même en courant le matin dans des endroits d'East City qu'elle ne connaissait pas encore, en dansant et enseignant toute la journée, en passant ses soirées à l'hôpital ou à planifier sa présentation pour la directrice, énormément de son temps passé seule était triste et elle luttait pour pouvoir plaquer un sourire sur son visage lorsqu'elle rencontrait des gens. Elle n'avait pas accès à ses photos, mais Roy était dans son esprit, apparaissant chaque fois que quelque chose le lui rappelait. Et cela arrivait trop souvent pour sa stabilité émotionnelle.

Le week-end était le pire. Roy lui manquait. Elle trouva une chemise qu'elle lui avait empruntée et jamais rendue et passa une heure allongée dessus, tentant de se rappeler son parfum, sa chaleur, essayant de rallumer les braises de son cœur blessé, même si elle savait parfaitement que c'était une mauvaise idée. Elle ne ferait que souffrir davantage. Elle essaya de ne pas penser à comment il pouvait aller, et ne demandait pas à Rebecca ou Jean lorsqu'elle le voyait à l'hôpital.

La pire nouvelle de sa première semaine sans Roy fut l'annonce de l'installation de Rebecca dans l'appartement de Jean lorsqu'il sortirait de l'hôpital au milieu de la semaine suivante. Puisque ses cours de danse étaient terminés pour la majeure partie de ses élèves, Riza avait plus de temps libre pour aider sa meilleure amie à emballer ses affaires. Mais chaque carton fermé lui rappelait cruellement sa situation. Elle était seule, et après mercredi elle le serait davantage, même lorsque Rebecca lui promis de revenir pour voir comment elle allait. Quand elle s'effondra en larmes encore une fois et trouva un peu de réconfort dans l'étreinte chaleureuse de son amie, elle sut qu'elle n'irait pas bien pendant encore longtemps.

La semaine suivante fut comme prévu solitaire, malgré son entraînement avec d'autres danseurs, ses rendez-vous avec Sachar, et la présentation de son projet à la directrice du Conservatoire.

— N'allez-vous pas nous quitter pour Central et le BNA dans quelques mois ? Demanda la femme. Avez-vous une solution pour après votre départ ?

— Rebecca Catalina est volontaire pour aider avec le cours de contemporain, et elle est enthousiaste à l'idée de prendre le relais sur ce projet une fois que je serai partie.

— Très bien, je pense que c'est une bonne idée, mais vous devez convaincre le maire Hakuro de vous donner l'aide financière dont vous aurez besoin.

Riza et Sachar grimacèrent, mais celle de ce dernier fut emplie de colère. Ils savaient tous deux que le maire Hakuro n'aimait pas les Ishbals. Sa politique au cours des neuf dernières années n'avait jamais été en leur faveur, ni en celles d'autres minorités d'East City. Ils appelèrent tout de même son secrétariat, et obtinrent un rendez-vous pour la semaine suivante. Sachar serait seul pour assurer la défense de leur projet devant Hakuro et ses adjoints. Riza espéra que tout irait bien pendant son séjour à Central.

Son voyage jusqu'à Central et la demeure des Armstrong fut long et solitaire. Mais lorsqu'elle trouva de vieux collègues du BNA l'attendant et la saluant avec d'immenses sourires, elle oublia une partie de sa douleur. Ou au moins la mit-elle de côté quelques temps. Elle reçut des nouvelles de ceux qui étaient partis au cours des trois dernières années. Deux avaient quitté la compagnie pour se marier, quatre avaient pris leur retraite, et une avait arrêté après un grave accident survenu dans sa famille. Les nouveaux danseurs semblaient talentueux et amicaux. Durant les deux premiers jours de sa semaine ils s'entraînèrent tant que Riza n'avait pas le temps de penser. Elle s'endormait dès que sa tête touchait son oreiller, et son lit était si confortable qu'elle peinait à le quitter le matin. Mais le mercredi son inquiétude revint. C'était le jour où Sachar présentait le projet au maire. Ce jour-là elle n'arrêta pas de faire des erreurs dans son rôle pour le ballet suivant et Armstrong la corrigea souvent.

Lorsque le message arriva, Riza ne fut pas surprise par son contenu. Elle avait espéré quelque chose d'autre, mais connaissant la politique d'Hakuro, cela aurait été bien optimiste.

Hakuro a dit non. Pas assez de budget pour nous. Bien entendu, il a tout utilisé pour construire ce stade gigantesque où aucun d'entre nous n'ira à moins de devenir un joueur de foot célèbre ou un musicien.
Désolé d'être si amer, mais ça avait besoin de sortir.

T'inquiète
Ces gars ne savent pas où sont leurs priorités, c'est tout.
On trouvera une autre moyen de financer notre projet
Les enfants danseront, je te le promets

Merci
Et comme si on en avait besoin, un des gamins dont je m'occupe a été arrêté pour un faux motif
Il y aura une manif devant le palais de justice samedi.

En effet, c'est trop.
Tu as tout mon soutien !
Tu te bats de ton mieux pour ces jeunes, j'espère que votre plainte sera entendue.

C'était presque l'heure du dîner, mais Riza n'avait pas faim. Elle voulait s'aérer l'esprit, oublier ce temps d'échecs et de déceptions et de séparations qui pavaient son chemin ces dernières semaines. Elle mit sa tenue de sport et après avoir annoncé à quelques personnes qu'elle sortait, elle partit courir hors du domaine, dans le centre de Central.


Les pas de Riza retrouvèrent rapidement d'anciens chemins qu'elle avait empruntés en courant durant cinq ans. Elle courut le long du fleuve, passa devant l'opéra, avant d'entrer dans le vieux centre, où avait été son ancien appartement. Lorsque l'horloge au-dessus de la fontaine de la place de la Liberté sonna huit coups, elle réalisa qu'il était tard. Elle s'assit un moment sur un banc au bout de la rue pour reprendre son souffle. Revenir plus loin dans le passé lui avait un peu apaisé l'esprit, et il était maintenant temps de retourner chez les Armstrong. Mais quelque chose en elle lui disait qu'elle n'avait pas fini ici. Elle s'éloigna de la place en suivant la rue, dans un labyrinthe de ruelles encore plus étroites. Le soleil serait encore dans le ciel pour une heure, mais elle savait que la nuit certains passages n'étaient pas aussi accueillants qu'ils semblaient.

Ses pas la conduisirent à un bar, sans terrasse à l'extérieur, avec une simple enseigne. Madame Christmas. Lorsqu'elle ouvrit la porte des regards se tournèrent vers elle. Elle n'était pas le genre de client qu'on pouvait s'attendre à voir dans un tel établissement. Une jeune femme en tenue de sport, alors que les autres personnes étaient plutôt des hommes en costume. En dépit de cela, elle prit place au comptoir.

Une jeune femme aux cheveux châtains rassemblés en une queue de cheval s'approcha.

— Je suis Madeline, que puis-je vous servir ?

Son nom semblait familier…

— Je prendrai de l'eau, s'il vous plaît. Je viens de finir mon jogging et j'ai plutôt soif. Mais j'aurai besoin de quelque chose de plus fort après ça.

La femme sourit. Elle lui apporta un grand verre d'eau, et Riza n'attendit pas pour le boire. La température était parfaite pour sa gorge sèche. Elle avala la moitié en quelques gorgées. Lorsqu'elle posa le verre, elle vit la serveuse la regarder étrangement. Avant que Riza ne puisse y penser, elle s'approcha de nouveau.

— Boirez-vous autre chose ? Demanda-t-elle avec une étincelle dans le regard.

— Vous avez du vin blanc ?

La serveuse acquiesça et Riza en demanda un verre. La femme disparut derrière un rideau qui devait séparer le bar du cellier et des autres parties du bâtiment. Riza termina son verre d'eau et vérifia son téléphone. Rien de la part de personne. Elle chercha l'affaire dont Sachar lui avait parlé dans ses messages. Il y avait eu une descente de police dans le quartier, et un gang de dealers avait été arrêté. Les journaux parlaient de leur plus jeune membre, un adolescent de 15 ans qui devait sans doute faire le guet pour eux, et de beaucoup de gens qui avaient clamé que son arrestation était une erreur. Une manifestation était en effet prévue pour samedi devant le palais de justice, pas très loin du restaurant où elle déjeunait habituellement avec son grand-père.

Un verre de vin fut placé devant elle, et Riza posa son téléphone pour remercier la serveuse. Mais à la place elle rencontra deux yeux noirs qui la fixaient un peu surpris, et des lèvres maquillées de rouge tordues en un sourire. La femme devant elle portait une robe rouge et un manteau noir au col de fourrure.

— Bienvenue à mon bar, Riza. Je suis Chris Mustang.

Riza faillit tomber de son tabouret. Merde ! C'était la mère de Roy ? Comment pouvait-elle la rencontrer par hasard à un si mauvais moment ? Elle commença à prendre son téléphone et à faire mine de partir.

— Arrête-toi là, jeune femme, déclara fermement Chris Mustang.

Riza obéit, craignant déjà la conversation qui allait suivre.

— Pourquoi n'irions-nous pas à un endroit plus privé ?

Son aînée indiqua le rideau, et Riza la suivit jusqu'à un salon confortable. Elle fut soudain prise dans une étreinte chaleureuse. Elle se figea, compressée contre la large poitrine de Chris.

— Pourquoi ce câlin ? Parvint-elle à prononcer lorsqu'elle reprit son souffle.

— Je pense que tu en as besoin. Tu en as besoin autant que Roy, mais il n'est pas là pour recevoir son câlin de réconfort.

La gorge de Riza s'assécha et ses yeux se remplirent de larmes.

— Je ne le mérite pas. C'est moi qui ait quitté votre fils.

— Tu le mérites. Tu souffres aussi.

La voix de Chris était douce et grave. Riza s'agrippa à son manteau, les larmes jaillissant de ses yeux. Elle désirait le contact humain, et la seule qui lui en avait donné avait été Rebecca avant qu'elle ne s'installe avec Jean.

— Ne me détestez-vous pas à cause de ce que j'ai fait à Roy ?

Elle avait passé presque trois semaines sans prononcer son nom, et il sonnait différemment maintenant, parce qu'elle ne l'appelait pas.

Chris recula et s'assit, invitant Riza à faire de même. Le siège de Riza était confortable. Elle s'appuya au dossier et essuya ses larmes. Le regard de Chris sur elle était affectueux et sérieux.

— Il ne te hait pas, Riza. Et il m'a demandé de ne pas te détester. Il m'a envoyé une photo de vous deux il y a un mois en me disant qu'il avait trouvé son Oiseau de Feu. Il voulait t'emmener ici, mais il ne pouvait pas prendre un jour de congé en même temps que toi. Et puis soudain il a arrêté d'envoyer des nouvelles de toi. J'ai vu aux actualités que tu allais revenir sur scène, mais rien d'autre. Je connais mon fils, et il n'appelle pas tant qu'il ne le veut pas. Donc j'ai attendu son coup de fil. Il m'a dit que tu voulais de nouveau danser, qu'il t'avait encouragée. Il m'a dit à quel point il avait été heureux quand tu lui as dit que tu danserais au gala. Il a dit qu'il avait aimé te revoir en Oiseau de Feu encore une fois. Il m'a dit à propos d'Armstrong, du BNA et de ses règles. Il aurait voulu que tu lui dise pour que vous puissiez trouver une solution ensemble, mais il a accepté ta décision. Ce gamin tient à toi, Riza, je veux juste que tu le saches.

Les pleurs de Riza avaient repris.

— Je tiens à lui aussi, dit-elle d'une voix étouffée. Il me manque tellement, et j'aimerais tant qu'on ne se soit pas séparé comme ça. Mais je veux tellement danser, et il était si… si ouvert à ma décision de danser avec le BNA !

Pour la première fois en plusieurs semaines, elle put parler de ce qui s'était passé après le gala. Elle parla de la réaction de Roy, à quel point il avait été gentil et compréhensif.

— Il est le premier homme que je connaisse qui ne veut pas me garder pour lui seul. Il est le premier qui m'encourage à faire ce que je veux, même si ça lui coûte.

— Riza, déclara sérieusement Chris, et Riza se retrouva de nouveau plongée dans ses yeux sombres. Penses-tu réellement que Roy te retiendrait si vous êtes ensemble ?

Riza secoua la tête. Bien sûr que non. Bien évidemment qu'elle savait qu'il ne ferait pas cela. Mais cette règle…

— Oublie cette putain de règle. Maintenant, je veux savoir si tu le retiendrais, ralentirais son évolution dans les rangs, l'empêcherais de devenir capitaine.

— Bien sûr que non ! S'exclama Riza. Pourquoi ferais-je ça ? Il est bon à ce qu'il fait, et il devrait avoir plus de responsabilités. S'il y a une chose que je dois faire, c'est l'encourager dans cette voie.

Chris sourit.

— Alors que faites-vous si loin l'un de l'autre ? C'est la base commune que vous devez avoir dans votre relation. C'est ce dont vous devez discuter le plus tôt possible. Vous devez réfléchir ensemble à ce que vous allez faire.

— Je ne sais même pas comment il réagira si je me pointe sans prévenir chez lui, murmura Riza.

Elle fut soudain effrayée. Cet élan d'espoir dans son cœur était un sentiment inconnu. Elle n'avait jamais espéré une seconde chance dans une relation. Son père en était la preuve.

— Va et vois, dans ce cas, répondit Chris. Tu ne sais pas ce qu'apportera demain, et tu dois faire ton possible pour qu'il soit le meilleur. Je suis certaine que tu trouveras un moyen. Je vous fais confiance à tous les deux. Et ce garçon mérite d'être heureux avec son Oiseau de Feu. Tu ne sais pas à quel point il était heureux lorsqu'il t'a revue à l'hôpital ce jour-là. Il ne pouvait plus s'arrêter de parler, et pendant un moment j'étais retournée vingt ans en arrière, quand il parlait de ses héros préférés et qu'il disait qu'il voulait aider les gens quand il serait plus grand.

Chris se leva et tendit la main.

— Va et vois. Rien de mauvais n'en sortira. Ais foi en mon petit Roy, ma fille.

Le nom affectueux émut Riza. Elle n'avait pas trouvé de figure parentale depuis Grandpa, et elle n'avait jamais imaginé qu'elle pouvait le faire. Elle prit la main de Chris.

— Je vais devoir d'abord avoir foi en moi, mais je vous promets que j'irai.

Chris l'étreignit une nouvelle fois. Malgré les protestations de Riza, elle lui donna quelque chose à manger et insista pour payer son taxi. Une demi-heure plus tard, Riza était de retour dans la demeure des Armstrong. Elle alla directement dans la chambre qu'elle partageait avec deux autres danseuses. Elle s'allongea sur son lit quelques minutes, perdue dans ses pensées. Peut-être était-il temps d'arrêter de cacher ses sentiments et de leur faire face, même si c'était effrayant. Elle prit son téléphone et envoya un message à Grandpa.

Je suis prête à parler de Roy
Je te vois samedi
Je t'embrasse, Riza

Et un autre à Rebecca.

Peux-tu me donner le mot de passe de ce dossier ?
J'ai besoin de soutien pour une conversation importante et nécessaire

01seau2Feu
J'espère que tout ira bien
Tu as le droit de prendre tes propres décisions, sans être sous pression
Je peux le dire à Jean ?

Merci !
Et oublie pour Jean


— Donc tu voulais me parler de Mustang, commença Grandpa, alors qu'ils s'étaient à peine assis à la terrasse du restaurant.

— Oui, répondit Riza.

Elle prit le menu, mais c'était uniquement pour se donner un peu de contenance. Elle connaissait les plats par cœur et savait déjà ce qu'elle mangerait.

— Comment va-t-il ?

C'était la première fois qu'elle s'informait de ce qu'il devenait. Non pas qu'elle ne s'était jamais interrogée. C'était sa première pensée le matin, la dernière le soir, et la seule lorsqu'elle était seule. Mais c'était la première fois qu'elle l'exprimait tout haut en trois semaines.

— Il se brûle au travail. Il prend toutes les gardes qu'il peut dans la limite légale, il s'entraîne énormément, et s'enterre sous la paperasse – une première pour lui. Je ne pense pas qu'il aille bien, Riza. Il fait tout pour éviter de penser à toi.

Riza soupira. Il faisait pareil qu'elle. Était-ce utile dans son cas ? Parvenait-il à ne pas l'avoir dans la tête ?

— Tu sais, je me demandais quand tu l'inviterais pour déjeuner avec moi un samedi. Je commençais à espérer que tu avais enfin trouvé quelqu'un de digne de toi. Quelqu'un qui t'élèverait, qui te rendrait heureuse, et qui te ferait rougir lorsque les gens vous diraient que vous allez bien ensemble. Mais la nouvelle de votre rupture… Grumman soupira. C'était la nouvelle la plus triste que j'ai entendue depuis ton accident.

Il prit sa main, et Riza hoqueta doucement lorsqu'elle vit la sollicitude dans ses yeux.

— Je suis désolée, Grandpa.

— Tu n'as pas à être désolée, ma chérie. Tu es importante pour moi, et je pensais qu'il était l'homme que tu méritais et dont tu avais besoin.

— Il l'est. J'ai rencontré sa mère par hasard quand j'étais à Central, et elle m'a dit que nous avions besoin l'un de l'autre. Mais cette foutue règle est trop…

— Tu m'as dit la semaine dernière que tu avais reçu des lettres d'autres compagnies de danse qui te voulaient. Il y en a quand même une qui te convient, j'en suis sûr. La façon dont tu parles d'Armstrong me fait penser qu'elle n'est pas la directrice dont tu as besoin maintenant. Elle l'était lorsque tu étais plus jeune, mais maintenant tu est plus mature. Je sais que tu peux faire ce métier que tu aimes et fréquenter un homme comme Mustang. Sa vie est bien remplie, parfois dangereuse, mais vous pouvez faire avancer cette relation. Vous pouvez prendre vos propres décisions, et je suis certain que la danse et l'amour ne sont pas incompatibles. Ton Mustang est un bon gars, et le voir si peu heureux ces dernières semaines me faisait de la peine. Tu peux prendre ton temps pour réfléchir, pour décider par toi-même, Riza.

Le serveur arriva pour prendre leurs commandes.

— Je ne pense pas que je dois prendre cette décision seule, Grandpa, déclara Riza lorsque le serveur partit. Je dois la prendre avec Roy. Sais-tu s'il travaille aujourd'hui ?

— Oui, il a pris un jour de garde. Il finit vers 18h, mais le connaissant, il partira de la caserne vers 20h.

Alors il s'enterrait vraiment sous le boulot, comme elle. Cette situation avait duré trop longtemps, et attendre que Roy rentre chez lui lui semblerait l'attente la plus longue de sa vie. Son estomac se contracta avec anticipation et appréhension. C'était la décision la plus téméraire qu'elle ait prise de sa vie. Ce soir elle irait voir Roy et lui parlerait. Ce soir ils connaîtraient leur futur.

Riza remercia son grand-père. Quand le serveur leur apporta leurs salades, la conversation s'orienta sur son projet avec Sachar et leurs ennuis pour trouver du financement. Puis elle osa parler de son autre idée pour les enfants dont s'occupait son nouvel ami. Les JSP pourraient être une bonne opportunité pour apprendre à interagir avec les autres, à accomplir les gestes de premiers secours, à entretenir leur forme physique. Avec la danse le challenge était d'attirer les garçons, avec les pompiers, ce serait de dire aux filles qu'elles avaient aussi le droit d'essayer. Grumman approuva.

Riza vérifia l'heure alors que son plat principal était à moitié mangé. La manifestation n'avait pas commencé depuis très longtemps. Elle n'était pas loin du restaurant, mais les bâtiments entre la place et la rue où Riza et son grand-père était ne laissaient pas passer beaucoup de bruit de leur côté, même si elle entendait un peu les gens scander.

Ils discutèrent du mariage de Rebecca et Jean, de la rééducation de ce dernier. Jean devait attendre onze semaines avant de pouvoir commencer le sport, donc le couple avait décidé…

Le bruit fut incroyablement assourdissant. Les cris de panique qui suivirent furent terribles. Une vague de stupeur envahit les clients à la terrasse du restaurant.

Riza leva les yeux et vit la fumée. Elle pâlit, et ses genoux cédèrent sous elle.

— La manif, souffla-t-elle.