Cet os est écrit pour un jeu du FoF, il fallait le rédiger sur le thème "Eden" en une heure. Pour plus de précisions vous pouvez m'envoyer un mp.


Lorsqu'il arriva dans la maison familiale des Rogue - une façon très pompeuse de parler de la ruine que son ivrogne de père lui avait laissé en héritage - Severus sentit immédiatement que quelqu'un était venu.
Rien ne semblait avoir été dérangé pourtant, mais il savait que son intimité avait été profanée.

Il se passa rapidement la main sur le visage, laissant transparaître une fraction de seconde la fatigue provoquée par la guerre et son statut d'espion. Il y avait des moments où il rêvait juste de disparaître loin de tout ça, de se trouver une île déserte où personne - ni la Lumière, ni les Ténèbres - ne viendrait le déranger.

Il avait conscience de n'être qu'un pion corvéable à loisir. Utilisé aussi bien par le monstre qu'il nommait Maître que par le grand Albus Dumbledore. Les deux ne se souciaient pas de sa vie privée - aurait-il fallu qu'il en ait une - ou de son besoin de solitude.

Rapidement cependant, il masqua son expression, reprenant ce visage lisse de toute émotion, un brin revêche qu'il montrait en permanence. Inutile d'exposer ses faiblesses, quelque soit l'allégeance de son visiteur.

L'intérieur de la maison était comme il l'avait laissée. Poussiéreuse et sombre, toujours pleine de mauvais souvenirs. De son enfance, comme si ses souffrances passées servaient à lui rappeler pourquoi il en été réduit à risquer sa vie au quotidien alors qu'il ne croyait plus en rien. Ni en la lumière, et encore moins en les ténèbres.

Sa baguette d'ébène fermement serrée dans son poing, il parcourut les pièces, se contentant d'un bref coup d'œil circulaire pour s'assurer qu'il n'y avait aucun intrus. L'inspection terminée - sans qu'il ne trouve personne - Severus sortit de la bâtisse pour rejoindre le jardin.
C'était son Eden. Son sanctuaire.

Au début, lorsqu'il avait hérité de la maison, il l'avait gardée parce qu'il n'avait pas d'autre lieu où aller. Pourtant, il avait eu terriblement envie de la démolir, pierre après pierre.
Il venait de prendre la marque à l'époque, et il brûlait d'un feu ardent de se venger de son enfance. Son géniteur mort, il voulait éradiquer jusqu'à la dernière preuve de l'existence du monstre qui avait fait de ses premières années un enfer.

Puis, Lily était morte.
Et lui, il était mort avec elle, en partie. Il n'avait plus aucun sentiment, plus aucune envie. Il n'était devenu qu'une coquille vide, étouffant ses rêves et désirs, noyé sous la culpabilité. Il avait gardé la maison de son enfance en l'état, comme pour se torturer un peu plus. Se souvenir des coups de son père, de ses pleurs, des soirées où l'homme ivre frappait sa mère jusqu'à la laisser inconsciente sur le sol.

Cependant, au milieu de toute cette noirceur, Severus n'avait pas résisté à s'aménager son petit paradis. Son jardin d'Eden.
Il avait commencé à s'occuper du jardin laissé en friche depuis des années - son ivrogne de père n'était pas exactement homme à s'occuper de garder en état le jardin, mot bien pompeux pour une étendue de mauvaises herbes - et Severus avait commencé à y planter des ingrédients de potion. C'était une insulte directe à son géniteur qui détestait tant la magie…

L'homme s'était pris au jeu. Jardiner lui offrait un répit bienvenu dans sa vie misérable, lui donnait quelques heures pendant lesquelles il ne pensait à rien, hormis aux végétaux dont il s'occupait.
De quelques plantes ici et là, il en était arrivé à un jardin luxuriant, coloré et magnifique. Inconsciemment, il avait réussi à ordonner chaque espèce végétale pour obtenir une harmonie plaisante, et il ne se lassait jamais de le contempler.

Lorsqu'il revenait Impasse du Tisseur, il s'y précipitait, comme si son jardin d'Eden était sa bouffée d'oxygène dans son monde de noirceur.

Cette fois cependant, quelqu'un était présent dans son sanctuaire. Une femme.
Elle était là, au milieu des fleurs, regardant autour d'elle en lui tournant le dos. Elle n'avait rien saccagé, semblant juste se gorger de toute cette beauté.

En la reconnaissant, il se crispa. Entre tous, il fallait que ce soit elle qui soit venue, et qui ait percé son petit secret. Il se composa un visage indifférent et il s'approcha jusqu'à se placer à ses côtés. Comme elle restait silencieuse, il soupira.
- Bellatrix.

Elle lui jeta un coup d'œil rapide, et repoussa la masse emmêlée de ses boucles sombres dans son dos.
Puis, elle soupira et se pencha, pour effleurer du doigts une fleur écarlate.
- Je suis folle.

Sans un parfait entraînement à ne jamais montrer d'émotions, quoi qu'il puisse voir ou entendre, Severus se serait probablement étouffé de surprise. Au lieu de quoi, il haussa un sourcil perplexe, et il attendit la suite, toujours aussi tendu. La folie de Bellatrix était imprévisible, ce qui la rendait d'autant plus dangereuse.

La femme laissa échapper un ricanement moqueur et ferma les yeux, avant de répéter.
- Je suis folle. Totalement et irrémédiablement.
- Est-ce ce que tu es venue m'annoncer Bella ?

Elle gloussa - un de ses rires étranges qui donnait froid dans le dos, et elle esquissa un pas de danse, sans pour autant s'éloigner.
- Je ne sais plus pourquoi je suis venue. Puis j'ai vu ton jardin. Il est si beau…
Severus resta silencieux, mais son regard parcourut l'étendue végétale et la fierté gonfla son coeur. Il avait réellement fait du bon travail.
Bellatrix le tira de ses pensées en reprenant.
- Je le savais déjà bien sûr. Que j'étais folle. Azkaban ne m'a pas vraiment aidée… Mais là… Dans ton jardin j'ai l'impression d'avoir l'esprit un peu plus clair.

Ils échangèrent un long regard, et ce fut comme s'ils se comprenaient. Elle inclina la tête sur le côté, ses yeux gris pétillant d'amusement.
- Tu es si secret, Severus Rogue. Et toujours si surprenant. Je pourrais revenir voir ton jardin ?

Severus plissa les yeux, incertain. Une partie de lui brûlait d'attaquer la femme et de lui faire payer son intrusion dans son Eden, mais il la réprima bien vite, répugnant à faire couler le sang dans ce lieu.
Finalement, il ferma les yeux et hocha la tête. Bellatrix avait l'air apaisée en cet instant. Et il pensa que quels que soient ses crimes, elle avait probablement droit elle aussi à un bref répit dans le cauchemar sans fin dans lequel ils s'étaient plongés volontairement en prenant la marque des Ténèbres.

Elle gloussa une fois encore et s'agrippa à lui pour déposer un léger baiser sur sa joue, reconnaissante. Et ils partagèrent un moment de paix.