PARTIE I
CHAPITRE 2

Lorsqu'Adrien se réveilla, il n'ouvrit pas immédiatement les yeux, se sentant au chaud, en sécurité. Un intense mal de crâne lui tenaillait les tempes, et il mit quelques minutes à rassembler ses esprits.

- Marinette ! se rappela-t-il soudain.

Son rythme cardiaque accéléra. Que s'était-il passé après qu'il soit arrivé aux urgences avec Marinette inconsciente dans ses bras ? Son estomac se tordit douloureusement alors qu'il envisageait le pire. Il secoua énergiquement la tête de droite à gauche pour chasser l'image de Ladybug gisant inanimée auprès de lui dans une mare de sang, mais ce mouvement ne fit qu'accentuer sa migraine.

Non, elle était forcément toujours en vie. Ladybug était l'incarnation-même de la chance. Adrien refusait de croire qu'elle ait pu succomber à ses blessures.

Il fallait qu'il retrouve Marinette. Il fallait qu'il la voie, qu'il constate de ses propres yeux qu'elle allait bien.

Adrien avait l'impression que son crâne était sur le point d'exploser. Il réalisa que son corps entier tremblait de façon incontrôlable ; sa respiration irrégulière et sa vision trouble lui indiquaient que son niveau d'anxiété était bien plus élevé qu'il ne voulait bien l'admettre. Avec un gémissement de douleur, il se redressa tant bien que mal et scanna les alentours du regard : il se trouvait dans une chambre de l'hôpital, vêtu d'une blouse blanche de patient. Autour de lui, plusieurs machines émettaient des « bip » réguliers. Il était seul. Son regard se posa sur son bras blessé et il réalisa qu'il avait été soigné. Il porta sa main jusqu'à sa jambe douloureuse, et il devina des bandages. Où étaient passés ses habits ?

- Plagg ? appela-t-il.

Un son provenant du placard lui indiqua que Plagg l'avait entendu, et fut rassuré de voir le kwami apparaître.

- Ravi de constater que tu es toujours vivant, lui lança Plagg en le regardant de haut en bas.

- Moi de même, répondit Adrien avec une grimace emplie de sarcasme. Il faut qu'on retrouve Ladyb... Marinette ! Je ne sais pas où ils l'ont emmenée ! J'espère qu'elle est toujours dans l'hôpital ! J'espère qu'elle n'est pas...

Un frisson parcourut sa colonne vertébrale. Son visage était très pâle, et la pièce tanguait autour de lui. Mais il ne pouvait pas perdre de temps.

Adrien prit soudain une décision : d'un geste brusque, il arracha la perfusion plantée dans sa main et sauta hors de son lit. Il vacilla lorsque sa jambe blessée prit appui sur le sol mais il se redressa vaillamment. Il récupéra ses vêtements dans le placard et son sang se figea dans ses veines en découvrant les traces plus sombres qui maculaient son T-shirt et sa chemise. Le sang de Marinette. De Ladybug. Le peu de couleur qui restait sur son visage disparut. Son estomac se noua douloureusement, et il eut toutes les peines du monde à retrouver son calme. Tentant de repousser cette image tout au fond de son esprit, il se rhabilla à la hâte, mais ses gestes désordonnés trahissaient sa précipitation et son inquiétude. Plagg le regardait faire en levant les yeux au ciel.

- Calme-toi, lover boy, fit-il d'un air blasé. Ta chère et tendre va bien, elle est à l'étage du dessus. Elle vient de sortir des soins intensifs, elle est toujours dans le coma.

- C'est vrai ? Comment est-ce que tu le sais ? lui demanda Adrien, les yeux écarquillés de surprise.

- Tu es resté un bon moment dans les vapes, j'ai eu le temps d'aller me renseigner. Je ne sais pas exactement dans quelle chambre elle est mais je ressens l'aura de Tikki juste au-dessus de nous*.

Adrien attrapa Plagg à pleines mains et l'attira contre lui ; il lui plaqua un baiser sonore sur le haut de son crâne, ce qui arracha un cri de protestation à son kwami.

- Plagg, tu es génial, merci ! s'écria Adrien avant de sortir en trombe de sa chambre.

Il fonça à l'étage supérieur, tous ses sens en éveil, ignorant l'élancement qui se propageait dans son bras et sa jambe. Son alter ego félin avait décidément une bien meilleure résistance que lui à la douleur.

Il parcourut les couloirs interminables, le cœur battant. Dans quelle chambre pouvait-elle bien être ? Par chance, les couloirs étaient déserts à cette heure tardive. Il glissa un œil derrière une porte entrebâillée mais la chambre était vide. Il inspecta discrètement plusieurs pièces aux portes entrouvertes, sans succès. Les autres chambres étaient fermées, et il n'osait pas déranger les occupants.

- Plagg, murmura-t-il en soulevant un pan de sa chemise. Tu peux m'aider ?

Avec un soupir, Plagg passa à travers la porte fermée devant laquelle ils s'étaient arrêtés et ressortit immédiatement. Adrien avançait dans le couloir, lorsqu'il aperçut une infirmière apparaître au bout de l'allée en face de lui. Sans réfléchir, il plongea derrière un chariot de matériel médical et se plaqua le plus possible au sol entre le mur et le caisson de métal. Il n'avait aucune envie de s'expliquer sur les raisons de sa présence ici, il se doutait que les horaires des visites étaient passées depuis longtemps. Une fois qu'il se fut assuré que l'infirmière était partie, il se redressa et chercha Plagg du regard : il n'avait pas senti le kwami se cacher dans sa poche.

- Plagg ? appela-t-il le plus discrètement possible. Plagg ? Où es-tu enfin ?

Adrien se retourna et vit Plagg sortir d'une pièce, l'air satisfait, un morceau de camembert entre les pattes. Adrien leva les yeux au ciel.

- Plagg ! Ce n'est pas le moment ! Où as-tu volé ça ?

- J'ai trouvé la salle où ils préparent les plateaux repas, se défendit-il, la bouche pleine de fromage.

- Et tu voles la portion de quelqu'un d'autre du coup ? Ah bravo !

Plagg secoua négativement la tête et il fonça devant lui pour couper court au sermon d'Adrien. Vérifiant que personne ne se promenait dans le couloir, Plagg continua le porte à porte, tandis qu'Adrien faisait le guet, la respiration bloquée. Plagg disparut soudain derrière une porte, et, au lieu de réapparaître rapidement, il activa la poignée de l'intérieur. Adrien sentit son cœur bondir : Plagg avait trouvé la chambre de Marinette.

Adrien posa sa main sur la poignée et poussa la porte en prenant une grande inspiration. Il se faufila rapidement à l'intérieur et referma la porte le plus doucement possible.

Tout était calme dans la chambre. La quiétude de la pièce l'enveloppa. Il avança de quelques pas et sentit son cœur se serrer lorsque son regard se posa sur Marinette. Elle semblait minuscule dans sa robe d'hôpital, enfouie sous les couvertures d'un lit immense. Un masque respiratoire lui mangeait la moitié du visage. Sa blouse dévoilait son épaule pansée, et Adrien se doutait que les bandages descendaient au moins jusqu'à sa taille. Elle était encore très pâle mais l'expression de son visage semblait détendue. Adrien s'approcha d'elle et s'assit délicatement sur le bord du lit. Il prit sa main dans la sienne et la serra avec émotion.

- Tiens bon, ma Lady, murmura-t-il, une lueur d'inquiétude dans ses grands yeux verts.

Un violent frisson lui parcourut soudain l'échine. L'angoisse qu'il tentait tant bien que mal de repousser tout au fond de lui depuis qu'il avait retrouvé Ladybug inconsciente à côté de lui le submergea d'un coup, et sa respiration s'accéléra. Il essuya rageusement les larmes qui coulaient librement sur ses joues, sans grand succès.

- Ne me laisse pas, murmura-t-il entre ses dents serrées.

Il resta ainsi un long moment, assis sur le bord du lit, le regard dans le vide.

Marinette était Ladybug.

Il n'avait toujours pas réussi à intégrer cette information. Si elle ne s'était pas détransformée sous ses yeux, jamais il ne l'aurait cru. Et pourtant...

Adrien se mit à réfléchir.

S'il y avait bien une chose pour laquelle Marinette était connue depuis le collège, c'était ses retards et ses absences, sans parler de ses justifications et excuses plus abracadabrantes les unes que les autres. Et pourtant, Adrien ne l'avait jamais vue manquer à l'appel. Elle était toujours présente en classe quand lui y était, alors que son activité de super-héros lui faisait rater tout de même pas mal de cours.

- Mais c'est parce qu'elle rate les cours exactement aux mêmes moments que moi, réalisa-t-il. C'est pour ça que je ne m'en suis jamais rendu compte !

Adrien continuait d'analyser son quotidien d'un œil nouveau. Il nota qu'ils étaient également plusieurs fois tombés l'un sur l'autre sur les lieux où des akumas étaient apparus, et se dit que ce n'était finalement pas une coïncidence.

Après mûre réflexion, Adrien secoua la tête : non, ce n'était pas vraiment une preuve. Alya se retrouvait elle aussi toujours au beau milieu de l'action pour obtenir des scoops pour le Ladyblog. Marinette aurait très bien pu être sur place elle aussi parce qu'elle l'accompagnait, tout simplement. Malgré tout, il savait que Marinette n'approuvait pas les prises de risque d'Alya et la mettait régulièrement en garde ou bien lui interdisait tout de go d'y aller. Et Ladybug faisait de même, n'hésitant pas à risquer sa vie pour mettre Alya à l'abri en cas de besoin.

Adrien eut un sourire tendre en repensant à toutes les fois où Ladybug l'avait lui-même protégé : certes, ils s'épaulaient naturellement l'un et l'autre pendant leurs bagarres, mais Ladybug avait également toujours veillé sur lui alors qu'il n'était qu'Adrien. De savoir que c'était Marinette qui se cachait sous le masque, il ne put s'empêcher de serrer légèrement sa main à cette pensée, infiniment reconnaissant pour tout ce qu'elle avait fait pour lui alors qu'elle n'avait aucune idée de qui il était pour elle.

Il se mit à rire doucement en se rappelant soudain qu'il avait un jour surnommé Marinette leur « Ladybug du quotidien ». S'il avait su à l'époque à quel point il avait visé juste sans le vouloir... Elle avait dû bien se moquer de lui intérieurement.

Adrien poussa un long soupir et sentit soudain la fatigue tomber comme un poids sur ses épaules ; il était vraiment épuisé, et son inquiétude pour sa partenaire ne faisait qu'accentuer ce sentiment.

Plagg virevoltait dans la pièce et Adrien ne le vit pas regarder avec insistance le sac entrouvert de Marinette posé sur la table de nuit à côté de son lit. Plagg se posa sur le meuble, et Tikki apparut, considérant la présence du kwami comme une invitation à se montrer également. Elle semblait épuisée.

- Bonjour Plagg, bonjour Adrien, fit-elle d'une petite voix haut perchée.

- Tikki ! fit Plagg en bondissant dans les airs. Ça faisait longtemps.

Malgré son regard fatigué, Tikki eut un sourire chaleureux et fixait Plagg de ses grands yeux pétillants : les deux kwamis étaient visiblement ravis de se revoir.

- Tiens, fit Plagg, faisant apparaître un cookie de nulle part. Ça va te requinquer.

- Oh merci ! s'écria Tikki en croquant un morceau.

Adrien lui lança un regard mi-exaspéré mi-amusé : Plagg avait certainement volé le cookie en même temps que son bout de camembert. Mais d'un autre côté, il ne pouvait pas lui en vouloir, les deux kwamis avaient bien besoin de reprendre des forces eux aussi.

Adrien se tourna vers Tikki.

- Tikki, demanda-t-il la gorge nouée. Tu crois que Marinette va s'en sortir ?

Tikki acquiesça sans hésitation.

- Elle est forte, ce n'est qu'une question de repos mais tout devrait revenir bientôt dans l'ordre. Je sens son énergie qui se restaure peu à peu.

Adrien ne répondit rien ; l'adrénaline qui le faisait tenir jusqu'à présent était en train de s'estomper et il se sentait fiévreux.

- Sucrette a raison Adrien, renchérit Plagg pour le rassurer. Elle est sortie d'affaire, le plus dur est passé.

- Hey ! s'écria Tikki en fronçant les sourcils. Je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler Sucrette !

Adrien laissa échapper un petit rire malgré lui et reporta son attention sur Marinette, un peu plus détendu. Il était toujours inquiet pour elle mais il essayait de se raisonner et de se dire que tout allait s'arranger.

oOo

- Ses parents ! s'exclama soudain Adrien en se redressant vivement, faisant sursauter les deux kwamis. Personne n'est au courant que Marinette est ici, ils doivent être inquiets !

Il sortit son téléphone et lança une recherche pour trouver le numéro de la boulangerie Dupain-Cheng : malgré l'heure tardive, il se doutait que les parents de Marinette devaient toujours être dans leur boutique, très certainement anxieux que leur fille ne soit pas rentrée du lycée. Il serra son téléphone dans sa main en composant le numéro et le porta à son oreille.

C'est la mère de Marinette qui décrocha. Adrien se présenta et leur annonça avec le plus de tact possible que leur fille était à l'hôpital. Il leur expliqua sommairement la situation dans laquelle ils s'étaient tous les deux retrouvés en omettant volontairement leurs identités de super-héros, et s'empressa de les rassurer et de leur donner l'adresse et le numéro de la chambre.

- Merci Adrien, répondit Sabine d'une voix troublée.

Adrien sentait au son de sa voix qu'elle tentait de ne pas paniquer, mais il pouvait entendre qu'elle était au bord des larmes. Sabine respira un grand coup, essayant tant bien que mal de se maîtriser.

- Nous étions tellement inquiets, reprit-elle avec agitation. Il y a eu ces explosions près de la Tour Eiffel et Marinette était introuvable... Alya n'avait aucune nouvelle non plus, je ne savais plus quoi faire. Je suis si heureuse de savoir qu'elle est hors de danger. Tom est en train d'essayer de joindre l'hôpital pour voir si nous pouvons passer vous voir. Et toi, tout va bien ? Tu n'as rien ?

- Non, ça va, ce n'est pas grand chose, j'ai été soigné, répondit-il rapidement, peu désireux de s'attarder sur son cas.

Sabine entendit son mari raccrocher avec l'hôpital.

- Alors ?

Adrien les écoutait discuter de façon lointaine à l'autre bout du fil sans parvenir à saisir une phrase. Au bout d'un moment, il entendit Sabine revenir et reprendre la conversation.

- Adrien, l'hôpital n'accepte plus les visites à cette heure-ci, mais nous serons là demain matin à la première heure. Ça va aller ? Tu es tout seul ?

Adrien acquiesça fermement, bien que la mère de Marinette ne puisse le voir faire au téléphone.

- Oui, ça va aller. Je vais rester avec Marinette, je vous préviendrai si jamais j'ai du nouveau.

- Vraiment merci Adrien de rester auprès d'elle. N'hésite pas à nous appeler à n'importe quelle heure, je vais te laisser mon numéro de portable. N'hésite pas surtout. Et dis-nous si tu as besoin qu'on te rapporte quelque chose demain.

Adrien sentit ses yeux piquer. C'était donc ça d'avoir de vrais parents ?

- C'est très gentil, je n'ai besoin de rien, s'entendit-il répondre poliment. Promis, je n'hésiterai pas. Bonne soirée madame, et à demain.

Il raccrocha, une boule dans la gorge. Plagg vint se poser sur son épaule.

- Et toi ? demanda-t-il. Tu vas prévenir ton père ? Il va se demander où tu es passé non ?

Adrien laissa échapper un soupir désabusé.

- Mon père ne se doute pas que je ne suis pas à la maison, tu sais bien qu'il est à Milan pour la fashion week avec Nathalie. Il m'a laissé seul avec mon garde du corps, et étant donné que je n'ai pas encore eu d'appel, il doit certainement penser que je suis dans ma chambre au calme. Ça ne sert à rien que je le prévienne. Et puis je n'ai pas grand chose, je serai vite sur pieds.

Adrien se redressa et étouffa un bâillement. Plagg voletait sous son nez et le regardait avec insistance, comme s'il essayait de lire son âme.

- Je te sens bien affaibli, dit le kwami. Tu devrais retourner te reposer dans ta chambre.

Adrien secoua négativement la tête.

- Ça va, je t'assure. Je préfère rester avec Marinette.

- Je te l'avais bien dit Sucrette, fit Plagg en croisant ses pattes sur sa poitrine. C'est une tête de mule.

Adrien ignora la remarque de son kwami et avisa un grand fauteuil pliant rangé dans un coin de la chambre. Il l'installa tout près du lit et l'inclina en position semi allongée.

- Ça fera l'affaire, se dit-il.

Il s'y lova le plus confortablement possible pour ne pas réveiller ses blessures et posa sa main sur celle de Marinette en fermant les yeux ; la journée avait été longue. Plagg se roula en boule sous sa chemise, tandis que Tikki se posait sur le lit à côté de Marinette et se blottit tout contre elle sous la couverture en fermant les yeux.


* Petit détail technique : Dans la série, les kwamis ne peuvent visiblement pas sentir la présence d'autres kwamis (sinon la série se serait arrêtée à la fin du premier épisode de la saison 1 étant donné que Plagg habite avec Nooroo et Duusu sans le savoir), mais j'ai pris cette liberté dans ma fic :)

Promis, "Le battement d'ailes du Papillon" avance, mais patience !

En tout cas, mille mercis de suivre les aventures rocambolesques que je leur fais vivre et n'hésitez pas à me dire en commentaires ce que vous en pensez. Et merci pour vos petits mots déjà laissés, ça fait chaud au cœur ^^

Bug out !