Entrer dans cette pièce volontairement obscurcie lui avait noué l'estomac dès les premières secondes, comme si elle s'était avancée dans l'antre d'un monstre et elle s'était aussitôt sentie piégée.

A présent elle le savait au plus profond d'elle-même : la situation n'aurait pas pu être pire et Sibylle déglutit en apercevant Andreas Ikenokos qui s'avançait dans la salle obscure. En vrai, il était encore plus intimidant qu'en photographie.

Participer à ce débat dans quelques jours était une très mauvaise idée, elle aurait du s'en rendre compte dès le début. Le Président du colloque avait des idées totalement opposées aux siennes et c'était un extrémiste anti-moldus, elle le savait depuis des années

Dans la lumière tamisée de cette salle où se tenait à présent l'ouverture du colloque, l'illustre sorcier grec se tenait debout au milieu des trois participants qu'il devrait arbitrer. Pour l'occasion, il était vêtu à la manière typique des sorciers et devins grecs, d'une tunique longue de couleur blanche accompagnée d'un manteau drapé, ce qui le faisait encore ressortir dans la pénombre et Sibylle devinait que cela était parfaitement calculé.

Quant-à son visage à l'expression aussi tranchante qu'une hache, il était effrayant alors même qu'il n'aurait du avoir aucune raison d'avoir l'air menaçant.

Sibylle ne le connaissait que de nom et de réputation, mais avait toujours détesté autant que redouté cet homme dont elle entendait parler dans les milieux de la divination. En effet, Andreas Ikenokos était le Grand Oracle de Delphes, un poste qu'il occupait depuis pratiquement aussi longtemps qu'elle-même était professeur à Poudlard.

Il avait sensiblement son âge et elle savait qu'il était ressorti major en divination de l'école Durmstrang. C'était pour ainsi dire le voyant le plus réputé au monde, celui qui faisait trembler les dirigeants, effrayés à l'idée qu'il puisse prédire quelque-chose de néfaste contre eux.

Lorsqu'il prit la parole, Sibylle pensa aussitôt à Filius et à ce qu'il soutenait quant-à l'art de la divination :

Les voyants ne prédisaient pas l'avenir, ils le façonnaient.

Et Andreas Ikenokos ne pouvait être que de ceux dont parlait Filius. Au moment où il parla, Sibylle en eut la certitude et la peur s'empara d'elle.

Elle n'aurait jamais du venir ici. A présent que cette salle du GZM s'était assombrie pour laisser place à la Star Internationale, elle réalisait qu'elle n'avait aucun moyen de défendre efficacement son point de vue. Pire, elle risquait vraiment de se discréditer totalement.

« Je suis tombée dans un piège » pensa t-elle avec horreur.

- Sorciers, sorcières ! Démarra Andreas Ikenokos, immédiatement après les salutations d'usage. C'est pour moi une immense fierté de présider ce colloque pour la dixième année consécutive ! Je sais que chacun dans cette salle est véritablement attaché à cet art noble qu'est la divination. Et je sais que nombre d'entre-vous sont également troublés par les récentes affirmations de certains… Praticiens. Je parle de ceux qui affirment que cet art est accessible aux moldus et que ceux-ci sont tout aussi capables de le pratiquer que nous autres !

Il fit une courte pause avant de reprendre, d'une voix dure et tranchante qui laissait clairement transparaître sa colère, sans pour autant réduire le charisme contenu dans sa voix :

- Mais, dit-il. Sommes-nous vraiment semblables aux moldus ? Doit-on nous traiter comme si nous n'avions rien d'extraordinaire ? Comme si l'art que nous pratiquions était vulgaire ?

Face à la salle à présent totalement silencieuse, il se tourna vers Sibylle qui sentit son rythme cardiaque s'accélérer dangereusement. Elle savait déjà exactement ce qu'il allait dire :

- Miss Trelawney, que voici, fait partie de ceux qui défendent ces idées pour le moins… Incongrue. En j'en suis le premier étonné puisqu'elle est elle-même à la source de puissantes prophéties…

Sibylle sentit aussitôt l'ensemble des regards se tourner vers elle et elle déglutit. Elle choisit de rester silencieuse, rester stoïque dans une telle ambiance lui prenait déjà toute sa volonté, d'autant que l'homme se rapprochait d'elle.

- Votre position est troublante Professeur Trelawney, ajouta Andreas Ikenokos d'une voix onctueuse. Elle est d'autant plus étonnante que, dans le passé, vous avez ardemment défendu notre art pour sa spécificité. Je serais curieux de savoir ce qui vous a fait changer d'avis…

- Mon expérience, répliqua Sibylle sur un ton qu'elle essayait de rendre le plus neutre possible, tout en tentant désespérément d'oublier l'impression qu'elle avait d'être découpée en morceaux par le ton et la voix acérés du sorcier grec.

- Votre expérience ? Vraiment ? Répondit celui-ci. Ne serait-ce pas plutôt les circonstances ? Ou les « aléas » de votre don ?

Il y eut un rire étouffé et il ajouta :

- Je connais votre parcours Sibylle. Il est pour le moins troublant… Comment se fait-il donc qu'une voyante qui se targue d'une généalogie illustre ne produise aucune prophétie avant de tomber sous la coupe d'un sorcier puissant ? Et cesse d'en émettre après la mort de celui-ci ?

Sibylle était blême à présent. Andreas Ikenokos appuyait là où cela faisait mal et il appuyait très bien. C'était comme si elle se retrouvait coupée en petits morceaux au milieu de cette salle immense. Le voyant grec venait ni plus ni moins de pulvériser sa crédibilité et sa réputation avec cette phrase assassine.

Mais d'un côté on pouvait difficilement le contredire. Sibylle se sentait à présent totalement humiliée par Andreas Ikonokos qui s'en prenait directement et frontalement à la véracité de ses dons.

Elle savait qu'il avait critiqué, quelques années auparavant, des articles qu'elle avait fait paraître dans la Presse. Mais elle n'avait pas anticipé une si franche hostilité.

« Je n'aurais jamais du venir » pensa t-elle encore une fois. « Pourquoi est-ce que je n'ai pas décliné cette invitation ? »

Mais Andreas Ikonokos poursuivait, à présent nettement provoquant :

- Je suis sûr que notre rencontre dans quelques jours pourrait-elle très enrichissante… Mais à vrai dire, je ne suis même pas sûr qu'elle ait lieu.

- Ah oui ? Répliqua soudain Sibylle, sans comprendre ce qui la poussait soudain à réagir et à tenter de lui tenir tête. Et pourquoi donc ?

Elle avait parlé d'une voix beaucoup plus ferme que ce dont elle se pensait capable mais regretta aussitôt ce sursaut d'orgueil, car le sorcier grec répondit sur un ton menaçant :

- Il y a quelques heures, je pensais que la peur et un sursaut de sagesse pourrait vous dicter de retourner dans ce château qui vous sert de repère sans chercher plus d'histoire… Mais à présent je vois nettement que vous aurez… Disons « un regrettable accident » avant même de vous être présentée à notre rencontre… Si toutefois vous n'êtes pas repartie avant...

La réponse d'Ikenokos avait déclenché un murmure général dans les tribunes et Sibylle devint un peu plus blême en réalisant qu'Andreas Ikenokos venait ni plus ni moins de lui prédire quelque-chose de néfaste. Elle sentit un étau glacé enserrer sa poitrine et sa vision se troubla complètement.

Elle était seule, complètement seule et totalement perdue au milieu d'une foule hostile.