Raphael revint un quart d'heure plus tard, les bras encombrés de manuels scolaire.

« Si l'une de vous avait l'amabilité de me filer un coup de main » dit-il d'une voix étouffée.

Thalie se précipita pour le soulager de son fardeau, mais dans sa précipitation, elle renversa la moitié de la pile.

Elle poussa un long gémissement d'exaspération.

Raphael et Elena se mirent à rire de sa maladresse. Furieuse, elle se mit à quatre pattes pour ramasser les livres épars, bientôt rejointe par Raphael et Elena toujours hilares.

Vexée, Thalie prit dix manuels et partit les acheter, laissant ses deux amis à terre. A son retour, elle ne leur adressa pas le moindre mot.

Raphael se mit à la chatouiller, riant de plus belle de la voir jouer les boudeuses.

« Elle fait sa princesse. » reprocha Elena en voyant son amie se tordre dans tous les sens en faisant des grimaces abominables pour s'empêcher de rire.

« Raphael, lâche moi ! » grogna-t-elle, à bout de souffle.

« Un sourire d'abord. » répliqua-t-il impérieusement.

Thalie s'exécuta de mauvaise grâce, mais Raphael secoua la tête.

« Pas comme ça. » rectifia-t-il en sortant sa baguette. « Aux grands maux, les grands moyens. Rictusempra ! »

Thalie fut secouée d'un éclat de rire formidable. Elle se roula bientôt par terre en demandant grâce. Raphael et Elena la contemplèrent suffoquer de rire pendant cinq minutes avant de la délivrer du sortilège. Épuisée, Thalie n'était même pas d'humeur à se venger et se laissa traîner jusqu'à la terrasse d'un nouveau café, « le sorcier galant » . Raphael resta auprès de Thalie pendant qu'Elena passait la commande pour trois giga glaces phénix. Elle revint bientôt en faisant léviter trois énormes coupoles de glaces sculptées en forme de phénix. Thalie avait un oiseau chocolat vanille, Raphael avait opté pour un caramel chocolat et Elena avait préféré un fraise vanille. Ils se mirent à dévorer consciencieusement leurs glaces géantes dans un silence religieux. Thalie en profita pour observer Raphael à la dérobée. Il avait un air légèrement fatigué, mais pas autant qu'il devrait l'être. Les loups-garous étaient constamment épuisés, c'était de notoriété publique.

Mais Raphael était parvenu à contrer sa malédiction en s'appropriant l'animal qui était en lui afin de devenir animagus. Il se transformait à volonté, mais avait toujours du mal à stopper le processus pendant la pleine lune. De plus, il gardait des caractéristiques de loups durant les jours qui précédaient la pleine lune : il devenait plus solitaire, des poils gris apparaissaient derrière sa nuque, son odorat se développait de manière exorbitante, tout comme sa vue et son ouïe. Il lui arrivait de grogner de manière animale et même de montrer les dents.

Mais Thalie s'en moquait éperdument. Depuis sa première année, elle n'avait eu de cesse de chercher une solution à la malédiction de son ami. L'année précédente, enfin, elle était parvenue à mettre au point une méthode plus sûre que le self contrôle. A l'aide du grimoire familial où étaient consignés les sortilèges découvert par la famille Belphégor depuis des générations, elle avait crée une harpe qui apaisait les âmes tourmentées.

A chaque pleine lune, elle se réunissait avec Elena et Raphael, et jouait sous la voûte céleste drapée de son voile noir une longue plainte apaisante. Raphael ne se transformait plus. Il somnolait sur les genoux de Thalie, tel un enfant écoutant sa berceuse. Parfois, elle se mettait à fredonner quelques airs que Droséracée lui avait appris. Et là, Raphael rejetait la tête en arrière et lançait une plainte à la lune, à la manière des loups.

Elena n'assistait pas souvent à ces réunions nocturne, et elle avait avoué à Thalie se sentir de trop face à l'osmose qui régnait entre ses deux amis.

Raphael fut le premier à terminer sa glace. Il leva la coupe vide en l'air.

« Vous me devez un gage. » dit-il d'un air malicieux.

« Ah non ! »s'exclama Elena en posant violemment sa cuillère dans sa propre coupelle qu'elle venait tout juste de vider. « Moi aussi j'ai terminé ! » et elle poussa un rot triomphant pour confirmer ses propos.

Thalie poussa un soupir à fendre l'âme en repoussant sa coupe de glace à moitié pleine.

« Je vais encore me coltiner le gage… » geignit-elle.

Raphael éclata d'un rire sadique. Elena l'imita.

« Tout juste. Tu vas devoir…. » il fit mine de réfléchir. « Aller dans l'allée des Embrumes et nous rapporter quelque chose de bien glauque. »

« Quoi ? » s'étrangla Thalie. « C'est hors de question ! »

« Qui a dit que tu avais le choix ? » demanda-t-il d'un air innocent en sortant une baguette menaçante

« Tu crois me faire peur ? » répliqua Thalie sur le même ton, brandissant à son tour sa baguette.

Elena les regardait en riant et prit place en tant qu'arbitre.

« Thalie VS Raphael. Un partout. » dit-elle avec le plus grand sérieux.

« Fais attention, je vais te mordre… » menaça-t-il en dévoilant ses canines d'une blancheur éblouissante (et d'une longueur inquiétante).

« Oh ! Joli coups ! » s'exclama Elena en frappant dans ses mains. « Thalie VS Raphael, un à deux! »

Thalie, prudente, décida de capituler.

« Très bien… » soupira-t-elle. « Ce sera votre faute si je ne reviens pas de l'Allée des Embrumes. »

Sur ce, elle détala sans leur laisser le temps de réagir. Elle savait parfaitement que ses amis ne voulaient pas qu'elle se rende dans l'avenue maudite, que tout n'était que taquineries. Mais elle était bien décidée à leur jouer un tour.

Elle s'engouffra dans l'allée, et sentit aussitôt un frisson glacé lui parcourir l'échine. L'endroit empestait la magie noire. Elle avança prudemment, la main crispée sur sa baguette, se forçant à ignorer les personnes qui lui agrippaient le bras et lui chuchotaient des choses incompréhensibles à l'oreille.

Thalie atteignit bientôt la tristement célèbre enseigne de Barjo et Beurk. Elle entra en tentant de garder la tête froide et d'adopter l'attitude des sorciers à l'ego surdimensionné passionnés de magie noire. L'homme qui se tenait derrière le comptoir, un vieillard ratatiné, lui jeta un regard soupçonneux.

« Qu'est-ce que tu veux ? » demanda-t-il d'un ton aigre.

Thalie ne répondit pas mais lui décocha un regard de pur mépris. Le propriétaire sembla se ratatiner d'avantage et la contempla alors avec respect.

« Excusez moi mademoiselle. Je connais sûrement votre père ? »

« Certainement. Et votre meilleur client serait très triste d'apprendre la manière dont on m'accueille ici. » répondit-elle d'un ton glacial.

Le vieil homme s'inclina profondément

« Vous devez être la fille de Monsieur Malefoy. » couina-t-il.

Thalie eut un rire méprisant. Le vendeur cherchait à la tester. Les Malefoy s'étaient désintéressés de la magie noire depuis que Drago Malefoy avait rejoint le clan de Harry Potter lors de la Grande Guerre.

« Insolent ! Je suis Bérénice Faust . » grinça-t-elle de la manière la plus hautaine qu'elle put. « Je m'en vais, vous avez des manières exécrables. »

Thalie fit mine de tourner les talons, mais avant qu'elle n'ait pu faire un pas, le vendeur était à terre et la suppliait de le pardonner. Wolfgang Faust était un amateur reconnu de magie noire et avait été le premier à rejoindre Crucifel.

Thalie laissa le vieil homme, totalement affolé, lui montrer une gamme d'objets plus effrayants les uns que les autres. Elle arrêta le vendeur lorsqu'il lui montra une fiole de cristal finement sculptée contenant un liquide transparent et scintillant.

« Qu'est-ce que c'est ? »demanda-t-elle d'un ton impérieux.

« Il s'agit de larmes démon. L'un des poisons les plus dangereux au monde. »

Les yeux de Thalie brillèrent de colère, mais le boutiquier dû le confondre avec de l'intérêt car il se mit à lui parler des conditions de recueillement de ces larmes, très rares et précieuses.

« Ce poison est étonnant. Il agit insidieusement, lentement. Les victimes commencent par subir des hallucinations et finissent par s'automutiler. D'ailleurs, ce n'est jamais le poison lui-même qui les achève, mais leur propre énergie à se détruire. »

Thalie réprima avec difficulté un frisson de dégoût et s'efforça d'arborer un rictus de plaisir.

« Voilà qui pourrait m'être utile » jeta-t-elle négligemment au vendeur. Son petit visage ridé se fendit en un sourire si large qu'on eu cru qu'elle venait de lui annoncer qu'il avait gagner à la loterie.

« Excellent choix ! Je ne pouvais pas m'attendre à moins de la part de la fille de Mr Faust ! ».

« C'est combien ? » demanda-t-elle d'un ton imperturbable.

« Oh, cher… mais pour vous… nous pourrions nous arranger. Je vous le fait à 2000 gallions. »

Thalie retint une exclamation outré. Le prix était exorbitant.

« Vous devez plaisanter. » dit-elle d'un ton glacé. « Je n'avancerais pas plus de 200 gallions. »

Le vendeur eu la tête de quelqu'un qui venait de se recevoir une bouse de dragon en pleine tête.

« Mais… vous...vous voudriez diviser le prix par dix ! » balbutia-t-il, suffoqué. Thalie se contenta de le fixer sans ciller avec le stoïcisme d'une statue de marbre. Le vieillard sembla ébranlé par son attitude imperturbable.

« Miss… vous ne réalisez pas le sacrifice que vous me demandez. »

« Ne me prenez pas pour une idiote. Mon père m'a signalé votre tendance à systématiquement doubler les prix de la marchandise. » cracha-t-elle.

Le vieil homme secoua la tête en marmonnant dans sa barbe.

« Père serait très déçu si je lui racontais comment je suis traitée ici. » soupira-t-elle d'un air ennuyé.

Le vendeur leva la tête, épouvanté.

« 200 gallions… mais pour une Faust… je… bien… »

Il empaqueta la fiole translucide dans un tissu en velours grenat et glissa le toute dans une boîte en bois.

Thalie régla la note en se disant qu'elle faisait une folie, que cet argent serait cent fois plus utile investi dans un cadeau pour un ami ou dans une nouvelle tenue.

« Ce sera tout ? » demanda-t-il avec un sourire forcé.

« Je vais faire un petit tour dans la boutique. J'aime être seule lorsque je contemple des objets intéressants… » répondit elle avec un air si pervers que le vendeur frissonna. Elle se dirigea vers le fond de la salle, là où se dressait une cheminée noire de suie. D'ici, le vieillard ne pouvait pas la voir et elle put enfin abandonner le masque de hauteur qu'elle avait gardé durant l'échange. Elle se dit que ce qu'elle venait de faire était totalement stupide, mais en imaginant la tête abasourdie de Raphael et d'Elena, elle ne put s'empêcher de sourire.

Un son de clochette retentit, suivit d'un bruit de cavalcade. Le vieil homme accueillait un nouveau client. Thalie l'écouta distraitement se répandre en formule de politesse, tout en parcourant du regard des étagères couvertes d'objets plus glauques les uns que les autres. Elle s'arrêta devant une étrange horloge ornée de têtes de morts dont les aiguilles tournaient à l'envers.

« Bonjour Rodolphus. » fit une voix au timbre suave.

« Monseigneur ! Oh, quel honneur !» s'écria le vendeur.

Ce devait être un hôte de marque. Thalie imaginait d'ici le vieux vendeur se traîner par terre en chantant des éloges hypocrites au nouveau venu.

Par curiosité, Thalie se pencha sur le côté pour jeter un œil à l'homme qui venait d'entrer. Elle sentit son corps se pétrifier, ses os geler. Un cri de stupeur mourut sur ses lèvres devant l'homme qui se dressait devant elle.

Il avait les cheveux d'un gris presque blanc, mais on ne lui donnait pas plus de vingt-cinq ans. Lorsque son visage s'inclina de profil, elle put percevoir la beauté surnaturelle qui en émanait. Crucifel. Crucifel Wilkes était face à elle.