Durant toutes ces années, il lui était parfois arrivé de repenser à son enfance.

Il se souvenait de leurs moments d'innocence, percé par les bruits de la rivière qui séparait leurs deux univers en guerre. Des sourires échangés. Des rires. Des regards.

Il se souvenait également de cet étrange sentiment qui l'envahissait à chaque fois qu'il posait ses yeux sur lui. Un sentiment de culpabilité qui semblait être en étreinte presque perpétuelle avec un autre plus chaleureux. Des années passèrent, où il continuait à le recroiser avec des regrets inavouables, avant qu'il ne puisse comprendre de quoi il s'agissait.

Il lui avait fallu tomber pour se l'avouer.

Madara avait aimé autant qu'il avait rêvé de l'impossible.

Et puis, l'impossible s'était réalisé.

Un cadeau provenant de celui qui parcourait chacun de ses songes depuis leur première rencontre. Celui qui lui donnait la force de ne pas fermer les yeux sur la multitude de possibilités qui s'offraient à lui. Celui qui était sa lumière. Son rêve le plus cher.

Il lui avait offert un nom en retour, murmuré du bout des lèvres. Comme une preuve de son soutien indéfectible. Une déclaration.

Ils avaient été heureux à cette époque. Insoucieux comme quand ils avaient été enfant.

Ils l'auraient probablement été plus si le devin n'avait pas été aussi cruel envers eux.

Avec le temps, Madara n'avait pu qu'observer, avec une colère sombre, son univers avancer sans lui. À l'époque, il avait eu l'impression de se retrouver sur cette rive, mais cette fois-ci, il était seul à rêver à l'impossible. Et personne ne semblait vouloir le rejoindre. Même pas celui qu'il considérait tant.

Le dernier clou sur le coffin de ses sentiments avait été ces mots. Ils n'avaient pas été une surprise. Ce n'était pas pour autant qu'ils n'avaient pas été douloureux à entendre venant de sa bouche.

Il avait été encore plus douloureux d'apprendre sa mort quelques années plus tard et voir leur rêve s'écrouler peu à peu au fil des années, malgré les efforts vains de Tobirama pour le maintenir à flot de son vivant.

À son retour, il avait été presque étonné de voir que son seul nom avait été assez pour provoquer un semblant de paix entre les différentes nations. Ils se battaient tous contre lui sans se soucier une seule seconde de la personne qui se trouvait à leurs côtés.

Il avait rêvé de cette paix. Ils avaient rêvé de cette paix.

Il aurait aimé qu'il soit à ses côtés pour voir tout ça. Il aurait probablement souri.

La seule surprise qu'il eut, fut quand son invocateur rompit soudainement l'Endo Tensei. Pour la première fois dans sa misérable vie, il fut heureux que l'autre Senju eût été quelqu'un qui concevait toujours des portes de sortie pour n'importe lesquelles des situations.

Sous les regards horrifiés des Kages, la faille le rendit libre. Inarrêtable.

Il pouvait enfin réaliser la moindre de ses pensées. Aucun d'entre eux n'était assez puissant pour lui tenir tête.

Ce fut à cet instant-là qu'il ressentit la terre lui répondre comme pour l'avertir.

Une puissance divine qu'il ne connaissait que trop bien venait de rentrer à son tour dans la partie.

Et elle était éblouissante.


Obito se souvenait des promesses dites du bout des lèvres. Il en avait tellement appris énormément grâce à elles.

Comme le fait que ce monde était damné à n'être qu'un cauchemar sans fin. Ils étaient tous damnés à répéter inlassablement les mêmes histoires. Les mêmes erreurs.

Les guerres continueront tant que les anciens s'ennuient dans leurs demeures construites sur les sacrifices des autres. Elles continueront tant que les enfants continueront à oublier leur innocence au nom de rêves ne leur appartenant pas.

Il avait horreur de ce monde.

Il avait horreur de ce rêve conçu par deux amis qui s'étaient entretués en son nom.

Et Obito avait encore plus en horreur l'homme qui se tenait face à lui.

Cet homme, pour lequel il s'était sacrifié, pouvait, sous les yeux de tous, parcourir la terre qu'il avait souillée par des promesses non tenues. Libre.

Elle était morte pour le sauver. Pour sauver ce foutu village qui n'avait même pas cherché à la protéger.

Elle avait préféré payer les conséquences des choix de ceux plus âgés. Comme si elle leur était redevable. Comme si sa vie ne valait rien et que seule la survie du village comptait.

Cette nuit-là, il s'était fait une promesse.

Il serait le berger des rêves les plus fous.

Personne ne pourra l'arrêter. Même pas celui qui marchait parmi les fantômes et ceux, même sur le front du champ de bataille.

Cependant, quand il posa de nouveau les yeux sur Naruto, pendant un court instant, il n'en était plus si sûr.


Depuis toutes ces années, Kakashi avait joué sans sourciller le rôle d'éclaireur pour le village. Il avait ouvert la voie pour il ne savait pas combien de batailles jouées dans l'ombre entre les villages.

Il avait été leur première flèche.

Et aujourd'hui encore, il était là.

Pourtant, il n'avait qu'une seule envie : s'effondrer et rejoindre les fantômes qui lui tendaient leurs mains comme pour l'inviter à les rejoindre, un sourire sur leurs lèvres. Pour la première fois, ils ne couraient pas vers lui et étaient silencieux.

À ses côtés, il aperçut Naruto l'observer, le visage tendu. Pendant quelques secondes, il se demanda si ce dernier voyait également le monde qu'il l'entourait.

Naruto avait toujours été quelqu'un de perspicace. Tout comme ses parents avaient pu l'être. Ces dernières étaient également là, mais ils étaient les rares à ne pas lui apporter la moindre attention. Ils regardaient, tous les deux, l'adulte qu'ils avaient un jour connu enfant. Reconnaissaient-ils Obito ? Kakashi n'en avait pas la moindre idée.

Il voudrait tellement pouvoir fermer les yeux et oublier.


Naruto ressentit l'implosion au moment même où il détourna le regard de Kakashi. Cette implosion était emplie d'un espoir sans nom.

À l'intérieur de lui, il aperçut avec stupéfaction Kurama sourire. Un sourire heureux qui lui semblait presque étrange. Comme s'il était au courant de quelque chose dont eux n'avait pas la moindre idée. Mais le plus étrange était le fait qu'il restait silencieux.

L'Uzumaki n'eut pas le temps de lui demander ce qu'il lui arrivait.