Le claquement sec de ses bottes sur le parquet mal ciré était assourdissant, il s'agissait du seul bruit qu'elle entendait. Il faisait des allers et retours rapides, il marchait de long en large, probablement devant elle et puis repartait dans l'autre sens. Parfois, il tournait autour d'elle, tel un rapace, une sorte de prédateur. Assise sur sa chaise de paille, ligotée, elle ne voyait rien ; sa tête était trop lourde pour qu'elle puisse la tenir droite. Ses cheveux lui retombaient devant les yeux qu'elle avait fermés parce que c'était plus facile comme cela, elle n'avait plus la force de se tenir droite et encore moins de le regarder. La tête dodelinant sur sa poitrine, elle n'entendait que ce bruit sec, effrayant et tout à la fois rassurant par sa continuité. Il était la seule chose qu'elle entendait « tac, tac, tac, tac ! »
Et puis brusquement, le silence se fit, un silence plus assourdissant et plus terrifiant que jamais.
Que se passait-il ?
Tous ses sens se mirent en alerte. Instinctivement, la peur lui rongeait les entrailles. Elle n'eut pas le temps de réfléchir bien longtemps. Une poigne de fer lui saisit le menton, la meurtrissant un peu plus, l'obligeant à relever la tête. Elle ne résistait pas, c'était au-delà de ses forces, elle ne ressentait même plus la douleur.
Sa voix froide était dénuée de toute émotion : « Il ne faut pas me quitter, petite demoiselle, la partie ne fait que commencer !» et d'un geste vif et saccadé, il lui lança un Ennervatum !
Et brusquement, la douleur revint, elle avait les nerfs à fleur de peau, ses yeux se mirent à pleurer ; le salaud l'avait ranimée alors qu'elle n'était pas le moins du monde stupéfixiée. Il l'avait ranimée pour le seul plaisir sadique de la voir souffrir un peu plus. Sa voix hostile se fit suave presque douce « Ah, voila qui est mieux, n'est-ce pas Hermione ? » Elle ne tiqua même pas à l'emploi, si inattendu, de son prénom. Sa longue main fine lui caressait doucement la joue, son pouce essuyant délicatement les larmes qui coulaient ; elle vit un léger sourire se dessiner sur ses lèvres, révélant des dents jaunâtres, on aurait presque dit le geste attentif d'un amant. Elle se détendit, son corps la trahissait malgré elle. Ce geste tendre, cette voix presque amicale eurent raison de son esprit fatigué. Son corps se relâchait, de même que ses barrières mentales. Il le sentit et son sourire s'élargit. Elle ne regardait pas ses yeux, elle ne fixait que cet étrange sourire. Presque gentiment, il lui demanda ce qu'elle savait et ce qu'elle en avait fait. Son esprit, bien que gourd par la douleur et la fatigue, ne savait pas ce qu'il voulait. Elle ne comprenait pas, que voulait-il ? Elle ne savait rien, elle n'était qu'une Impure, une Moins-Que-Rien, elle faisait bien son travail, ses maîtres, les Youdle, ne lui avaient jamais rien reproché.
Et puis, comme si de rien était, il recula de trois pas pour mieux la toiser. Et aussi soudainement qu'il avait été attentif, tendre ; sa main droite s'éleva dans les airs avant de s'abattre avec force sur son joue gauche, son cou craquant, sa tête roulant vers la droite sous la force sur choc. Elle en fut presque sonnée, le gout métallique du sang lui emplissait la bouche. Elle avait envie de vomir, elle se sentait partir. Il allait la tuer, là comme ça. Elle espérait pourtant qu'il utiliserait un Avada Kedavra. Elle ne se rendit compte qu'elle avait parlé à haute voix que lorsqu'elle entendit sa réponse cruelle : « tss-tss ! Petite garce, si tu crois qu'un Demi-Sang, le Prince de Sang-Mêlé, teintera sa magie d'impureté, tu te fourvoies.» Et avec cela, il la gifla une nouvelle fois si fortement qu'elle sentit une de ses dents se déchausser, son nez craquer et un nouvel afflux de sang lui emplir la bouche. Elle allait mourir comme un chien, pour quelque chose qu'elle ne savait pas. Une seule pensée lui traversait désormais l'esprit « Oh mon dieu, venez-moi en aide ! »
Hermione se réveilla en sursaut, en sueur, assise dans son lit, le souffle court. Elle porta sa main à sa bouche, à son visage. Il n'y avait rien. Dehors la tempête faisait rage. Un éclair zébra le ciel, éclairant la petite d'une lumière blanchâtre. Hermione cligna des yeux, mais elle eut le temps de voir qu'il n'y avait rien ni personne. Elle ne possédait aucune armoire derrière laquelle on pouvait se cacher. Ses possessions terrestres étaient désormais bien maigres. Fébrile, la gorge sèche, il lui fallut plusieurs minutes (et par chance la lumière plus que bienvenue de plusieurs éclairs) pour se rassurer. Tremblante, elle se pencha sur sa gauche ; sa main tâtonna, elle toucha maladroitement sa bougie, qu'elle manqua de faire tomber mais qu'elle saisit avec fermeté, comme si elle s'accrochait à une bouée de sauvetage. Comme à regret, elle la posa sur ses genoux, sa main repartant à l'aventure dans le noir le plus profond. Avec succès, ses doigts se refermèrent sur sa petite boite d'allumettes qu'elle ouvrit avec difficulté tellement elle tremblait. Elle parvint tout de même à craquer une allumette, afin d'allumer sa bougie. La petite flamme jaune chassa l'obscurité et les ombres d'une bonne partie de la pièce. Cette petite flamme jaune lui réchauffa le cœur et chassa toutes les peurs et angoisses que cet horrible cauchemar avait insufflées en elle.
Toujours assise dans son lit, les genoux repliés contre sa poitrine, elle tenait la bougie dans les mains et ne quittait pas la flamme des yeux. Son esprit d'une logique incroyable s'était remis en branle. Pourquoi avait-elle rêvé ? Et qui plus est pourquoi avait-elle eu un cauchemar ? Elle croyait que la potion que l'on donnait aux gens de son espèce annihilait tout en eux, y compris le rêve. Elle n'avait pas rêvé et encore moins cauchemardé depuis près de trois ans, depuis que le sort avait fait d'elle une Moins-Que-Rien. Et pourquoi avait-elle rêvé de Snape ? Certes il était chef de la milice, mais jamais il ne s'abaisserait à interroger, ou plutôt torturer une Impure. D'ailleurs, jamais il ne l'avait interrogée personnellement. Privée de tout pouvoir, bien qu'ancien membre de l'Ordre du Phénix et amie d'Harry Potter, elle n'était rien. Elle ne représentait aucun danger et n'était une menace pour personne. Elle n'était qu'un numéro parmi tant d'autres. Hermione secoua la tête de dépit. Elle décida, pour éviter tout problème, tout cauchemar et surtout pour retrouver le sommeil avec facilité qu'elle dormirait avec de la lumière, tout comme lorsque petite, sa mère laissait une veilleuse près de son lit pour chasser tous les monstres imaginaires qui peuplaient son âme d'enfant. Elle sourit un instant à ce souvenir avant de poser de poser la bougie sur la table. C'est alors qu'elle aperçut, sur le sol, l'étrange enveloppe qu'elle avait reçue le soir même. Elle ne s'en était même pas rappelée. Elle avait du tomber lorsqu'elle avait cherché à attraper bougie et allumettes. Elle ne l'avait pas ouverte. Elle ne savait trop pourquoi. Peut-être que la devise de Maugrey Fol Œil « Vigilance Constante » l'habitait toujours ? Ou bien, peut-être qu'elle avait été trop fatiguée pour l'ouvrir. Epuisée par une longue journée de travail, transie jusqu'aux os, elle n'avait pas vraiment eu la tête à cela. Il lui aurait fallu vérifier la présence d'éventuels maléfices et autre Portoloin cachés. Son besoin de sommeil et de repos l'avaient emporté sur une absence de curiosité patente.
Hermione regarda longuement ce morceau de papier qui paraissait tellement ordinaire que c'en était désespérant ; l'enveloppe, de la taille de celles que l'on utilisait d'habitude pour un faire-part, semblait bien inoffensive.
La jeune sorcière se leva, elle grimaça un instant lorsque ses pieds nus touchèrent le sol froid et un peu humide de sa petite chambre, elle n'osait pas parler de studio. Presque sur la pointe des pieds, Hermione contourna la mystérieuse missive et se dirigea vers le fond de la pièce. Elle posa sa bougie sur le sol, s'agenouilla et ouvrit son petit de coffre de bois qui grinça. Il contenait tout ce qu'elle possédait, c'est-à-dire pas grand-chose. Elle en sortit une assiette en fer blanc ainsi que deux fourchettes. Reprenant sa bougie, elle se dirigea de nouveau en direction de la mystérieuse enveloppe.
Elle posa de nouveau la bougie sur le sol, l'assiette tout près de l'enveloppe de papier et réfléchit un instant, se mordillant légèrement les lèvres alors qu'elle s'asseyait par terre, en tailleur. Un léger sourire éclaira son visage, lui rendant presque sa jeunesse perdue. Hermione ne tenait pas du tout à toucher le papier, s'il s'agissait d'un Portoloin, il ne fallait surtout pas qu'elle le touche de ses mains nues. Cela pouvait être un piège et elle ne voulait pas terminer sa vie torturée et peut-être même violée par on ne savait quel Mangemort complètement fou. Elle frissonna lorsque les images encore vivides de son cauchemar lui revinrent rapidement en mémoire. Elle était et resterait toujours une Gryffondor, elle ne voulait pas mourir, elle tenait trop à la vie, même dans ces conditions. Ou à tout le moins, elle ne voulait pas mourir dans d'horribles souffrances pour rien.
Hermione enserra l'enveloppe entre ses couverts et la posa sur l'assiette. Cela n'était pas facile tant le papier était mince, à croire que l'enveloppe était vide. La sorcière, en cet instant, regretta plus que d'habitude son absence de baguette. De simples sorts auraient permis en un rien de temps de s'assurer de la non-dangerosité de l'objet.
Et parce qu'elle n'était pas censée recevoir du courrier, du moins un courrier qu'elle n'aurait pas ouvert -- au moindre contrôle surprise d'un des sbires de Snape, elle pourrait avoir des problèmes -- Hermione enflamma l'enveloppe. Elle regarda le papier se consumer, des volutes de fumée noires confirmèrent qu'il n'y avait eu aucun maléfice de jeté sur l'enveloppe. Il s'agissait sans doute d'une erreur alors ; on avait certainement confondu sa porte avec celle de quelqu'un d'autre. Hermione n'avait en effet aucune relation, personne à qui écrire ou qui pouvait lui écrire en retour.
Quelle ne fut pas sa surprise, lorsqu'à peine consumée, l'enveloppe réapparut aussitôt, intacte et toujours aussi fine. Cela se pouvait-il que… ?
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Notes d'auteur
1. Merci à tous pour vos commentaires, je ne m'attendais pas à en recevoir pour tout vous avouer. Parce qu'ils m'ont fait très plaisir, j'ai donc décidé de publier un peu plus vite que prévu ce deuxième chapitre.
2. Youdle est le nom d'un arbitre tué lors d'un match de Quidditch en 1357 (source EHP)
3. Le titre du Tome 6, le Prince de Sang-Mêlé ne me plait pas, je préfère celui de Demi-Sang (référence à l'Ancien Régime en France et à ses princes de Sang et de Demi-Sang). Vous me pardonnerez cet écart avec le texte originel mais je n'aime pas tellement la traduction de J-F Ménard. J'emploierai donc plus Demi-Sang que Sang-Mêlé, sauf pour parler du Prince de Sang-Mêlé.
4. J'ai oublié de le préciser dans le premier chapitre, mais j'emploie le terme de Snape et non de Rogue, parce que je trouve que Snape est le seul nom que Rogue puisse avoir. (me demande si je ne frise pas la folie mentale en cet instant :)
