En un instant Hermione fut replongée dans un autre monde, dans une autre vie. L'Avant faisait son retour, il venait de la prendre complètement au dépourvu. La sorcière ne pouvait pas empêcher les images d'affluer dans sa tête. Tout en regardant l'enveloppe, comme hypnotisée par ce vulgaire morceau de papier, elle ne put que chuchoter : « Spero Phoinikos. »

Hermione n'était plus dans cette petite chambre misérable, elle n'était plus une Moins-Que-Rien ; elle était de nouveau Hermione Granger, une jeune sorcière pleine de talent qui avait foi en la vie, en l'avenir. Une sorcière qui n'avait peur de rien et qui était avide de servir une cause qu'elle croyait juste et invincible.

Elle était ailleurs, loin de Londres, en Haute-Ecosse, dans un château qui fut pendant plus de sept ans sa maison. Minerva McGonagall lui apprenait avec patience mais rigueur un mouvement de poignet, la précision du geste, la manière de tenir sa baguette pour mettre en œuvre le si spécial Spero Phoinikos.

« Hermione, il ne s'agit pas d'un simple sort, voyons, vous devez être capable de le faire en toute circonstance ! » La sorcière à l'allure rigide se leva soudainement de son bureau et vint se placer juste derrière la jeune Gryffondor. Elle lui saisit le poignet et la guida avec fermeté. Par-dessus ses lunettes, l'ancien professeur de métamorphose, la regardait droit dans les yeux en esquissant un petit sourire : « On recommence, encore une fois ! ». Et avec une certaine douceur, elle guida de nouveau Hermione. « Parfait, murmura-t-elle, à vous maintenant ». Elle lâcha le poignet de son élève. Elle se recula de quelques pas, et observa, les bras croisés la jeune fille.

Hermione se concentra jusqu'à faire le vide en elle avant de jeter le Spero Phoinikos. Cette fois, une gerbe d'étincelle rouge-orange jaillit de sa longue baguette en bois de saule. Hermione se retourna, souriante, elle aurait presque sauté au cou de la veille femme mais une certaine retenue l'en empêchait encore.

Elle reçut cette fois un franc sourire de la part de la sorcière Ecossaise qui pointa un instant son doigt en direction de la multitude de portraits de l'autre côté de la vaste pièce : « C'est Albus qui m'avait appris le Spero Phoinikos, vous savez. Moi aussi, j'ai eu un peu de mal. C'est un sortilège qui va bien au delà des simples connaissances requises pour les Buses, le professeur Flitwick aurait pu vous le confirmer. Et depuis que S… que ce traître sans nom l'a aussi… Enfin, vous savez ce que je veux dire, il n'est plus possible de recourir au Patronus pour la transmission de messages. Surtout qu'il a pu en changer, et qu'il connaît ceux de tous nos membres, nous ne pouvons pas prendre le risque que de fausses informations nous soient délivrées… » Minerva retira ses lunettes pour se frotter les yeux un instant, elle avait l'air las et fatigué. Elle parut se perdre dans ses pensées, un moment. Hermione l'observait en silence, des années d'école, d'obéissance avaient forgé de forts automatismes qu'il était bien difficile d'oublier. Hermione n'adressait pas encore spontanément la parole à un ancien professeur. Minerva McGonagall remit ses lunettes et sourit de nouveau : « Voila qui est fait, Hermione, vous êtes à présent un membre à part entière de l'Ordre et même plus puisque vous maîtrisez ce sort. Bien sûr, ajouta, avec un clin d'œil, la responsable de l'Ordre du Phénix, je vous laisse bien sûr laisse le soin d'en faire part à Harry et Ron. Vous saurez mieux y faire que moi ! »

Le son particulier des lourdes cloches de Big Ben sortirent Hermione de ses pensées. Elle avait les joues humides, cette maudite enveloppe l'avait replongée sans préavis dans l'Avant, une période de sa vie qu'elle croyait bien enfouie et oubliée à jamais. Hermione s'essuya les joues, il ne fallait plus qu'elle y repense ; elle se leva d'un bond, toute fatigue oubliée, elle ne pouvait pas se permettre d'être en retard. Elle n'avait pas dormi, tout cela à cause de cette bien étrange enveloppe et voilà qu'à présent elle avait aussi perdu la notion du temps.

De la fenêtre aux carreaux sales, Hermione observa la Tour de l'Horloge dont le cadran illuminé indiquait qu'il était un tout petit peu plus de cinq heures. Si Hermione laissa échapper un soupir de soulagement, elle n'en fut pas moins attristée, elle avait perdu de précieuses heures de sommeil. Il lui fallait désormais se préparer pour aller chez les Youlde, une bien longue journée l'attendait.

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La Lune dissimulée derrière de gros nuages éclairait à peine les rues de Londres qui étaient envahies par le brouillard matinal, si typique à cette époque de l'année.

Pourtant Hermione avançait d'un pas ferme. Dans sa poche, dans le creux de sa main se trouvait un morceau de papier. Une fois chez les Youlde, dès qu'elle en aurait l'occasion, elle ouvrirait l'enveloppe mais il lui faudrait un endroit tranquille. Hermione sourit, elle utiliserait les toilettes pour lire, personne ne viendrait la déranger là-bas. Au diable les conséquences ou les dangers ! Elle devait savoir, elle ne pouvait plus résister, elle avait été submergée par une vague d'espoir, un sentiment qu'elle avait appris à oublier, à refouler. Elle savait que le monde dans lequel elle vivait était terrible, froid et sans pitié pour les gens de son espèce. Elle n'avait aucun avenir, aucune vie. Si seulement cette enveloppe n'était pas une erreur, un piège ou juste un canular, et bien elle pourrait savoir qu'il y avait quelqu'un comme elle, dans ce monde gouverné par Voldemort qui vivait et ressentait chaque jour ce qu'elle traversait. Elle aurait un compagnon dans l'adversité : quelqu'un, qui comme elle, s'était battu Avant pour un monde juste. Cette seule pensée lui réchauffait le cœur, un peu, trop peut-être.

Hermione arriva enfin à Westminster Bridge après une longue marche. Au même instant, Big Ben sonna la demie. Elle n'était pas en retard. De l'autre côté du pont se trouvait un point de contrôle, après tout, elle entrait dans la zone la plus protégée de Londres. Les Youdle étaient une ancienne et puissante famille sorcière, pourtant au plus grand soulagement d'Hermione, ses patrons, ou du moins leurs aïeux avaient entaché leur blason. Voyez-vous depuis que Cyprian avait été bêtement tué en arbitrant un match de Quidditch, les Youdle avaient obtenu, en réparation, auprès de la Fédération Britannique de Quidditch, le monopole de l'arbitrage… ce qui était considéré comme un affront à leur nom et à leur statut par les autres Sang-Purs qui ne les visitaient donc pas comme l'usage l'aurait voulu. Mais comme partout, peu importe les époques ou les dirigeants, l'argent achetait tout et les Youdle possédait une maison au cœur des quartiers chics de Londres, au cœur du pouvoir.

Hermione s'arrêta un instant. Elle ne voyait rien, même pas l'autre côté du pont, le brouillard l'en empêchait. Tout à coup, une longue silhouette apparut au loin sous les lampadaires. Hermione serra fortement son poing dans sa poche, ses doigts crispés se refermèrent autour de la précieuse enveloppe. Elle baissa la tête, ralentit le pas et se mit à respirer doucement. Elle ne devait pas montrer sa peur. Qui pouvait bien marcher de si bonne heure sur ce pont ? Cette personne ne portait pas la cape rouge vermillon des milices du Grand Seigneur, cela n'était pas normal. Elle ne voyait jamais personne d'habitude sur ce pont, en fait personne qui ne soit pas un Moins-Que-Rien… Mais, que se passait-il ?

Hermione s'arrêta net puis se rapprocha doucement de la rambarde près d'un lampadaire dont la lumière pale, dans le brouillard, n'éclairait pas grand-chose. La sorcière sentait que quelque chose n'allait pas du tout.

Hermione scruta le pont, rien ne semblait anormal pourtant. La silhouette se rapprocha un peu plus. Le sorcier, ou la sorcière, portait une cape très sombre, noire peut-être. Les pas n'étaient pas précis, la personne semblait tituber. La jeune femme recula dans l'ombre espérant que le brouillard la dissimulerait complètement cette fois. Pour la deuxième fois de la nuit, Hermione regretta sa belle baguette en saule, elle aurait tant souhaité pouvoir jeter un sortilège de Désillusion et disparaître pour de bon, hélas, elle espérait que le brouillard suffirait. Hermione savait qu'elle ne devait absolument pas se faire voir. L'homme ou la femme dont elle ne voyait que la silhouette, n'était qu'une proie, la manière dont elle marchait, dont elle regardait furtivement en arrière. Tout trahissait une certaine anxiété. Pas de doute, il s'agissait bien d'une proie et quiconque serait vu tout près, subirait le même sort ; surtout lorsqu'on appartenait à la catégorie des Moins-Que-Rien, autant dire que votre vie ne valait guère plus qu'une poignée de Noises.

Bientôt, Hermione entendit des bruits de pas, des voix qui criaient : « Par ici, par ici. Sur Westminster Bridge, vite ! » Hermione recula encore un peu jusqu'à ce que ses pieds heurtent le parapet, elle se mordit la lèvre, elle ne devait pas émettre le moindre de son. Elle ne voyait plus rien, il faisait encore nuit et la Lune venait de disparaître derrière un lourd nuage, la chance était avec elle. La sorcière ne se fiait qu'à ce qu'elle entendait, les minutes semblèrent être des heures mais finalement la proie, les Mangemorts, tous passèrent sans la remarquer et tout fut calme à nouveau. Hermione laissa échapper un soupir de soulagement ; la chance semblait réellement l'accompagner ce soir. Peut-être un signe qu'elle avait le droit d'espérer de nouveau. Bien que tremblant légèrement, la sorcière se servit du parapet comme d'un guide et se mit à avancer, il ne fallait pas qu'elle soit en retard, elle ne pouvait pas traîner. A peine eut-elle fait quelques pas, qu'elle entendit derrière elle quelqu'un murmurer : « Stupéfix. »

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1. Spero Phoinikos. Il n'est pas facile d'inventer des sorts. Il s'agit d'un mélange entre Spero Spatronum et de Phoinikos, forme déclinée de Phoinix en grec. Prononcer « Foillenikosss » hehehe. Ai trouvé les informations sur la page discussion du Phénix de Wikipedia.

2. baguette en bois de saule parce qu'idéale pour les charmes et enchantements. Source EHP

3. Je ne sais plus si les membres de l'Ordre se transmettent des messages par Patronus ou non. Je n'ai pas le temps de relire les livres, j'ai été incapable de trouver l'info dans le EHP/HPL. Il se peut donc bien que je ai lu ça dans une quelconque fic. En tout cas, cette idée n'est pas de moi.

4. Je ne connais pas très bien Londres, vous me pardonnerez une géographie hasardeuse, bien que je me sois aidée des plans que fournit Wikipédia (version anglaise)

5. Désolée pour la mise à jour un peu tardive, mais j'aime à avoir un chapitre écrit en avance pour ne pas être influencée par les commentaires éventuels. Le chapitre suivant étant bien avancé, j'ai décidé de publier ce jour ! Par contre, je ne suis pas très rapide, outre la vraie vie, ce n'est pas facile d'écrire quelque chose de sombre ; quoique tout ne sera pas toujours sombre, je vous le garantis. Attention, je ne parle pas de la fin, on en est loin !